2. Les mesures d'économie prévues par la réforme
La réforme qui vient d'être adoptée par le Congrès est principalement consacrée à la réforme de l'assurance maladie. Elle comporte toutefois un ensemble de dispositions qui visent à ralentir la progression des dépenses de santé, notamment en favorisant la prévention et en expérimentant de nouvelles modalités de rémunération des médecins.
a) Renforcer la prévention
Le système de soins américains est surtout orienté vers l'administration de traitements curatifs. Le développement d'actions de prévention permettrait certainement de réaliser des économies substantielles . En effet, la consommation d'alcool et de tabac, l'obésité, le manque d'activités physiques favorisent l'apparition de nombreuses pathologies qui pourraient être évitées si les Américains modifiaient leur mode de vie.
La réforme prévoit ainsi que Medicare et Medicaid prennent désormais en charge intégralement le coût de certaines actions de prévention recommandées par le corps médical. Des programmes locaux de prévention seront encouragés. Une visite de prévention annuelle sera prise en charge par Medicare, ce qui permettra à toutes les personnes suivies de recevoir des conseils personnalisés.
Les entretiens que les membres de la mission ont eus avec différents responsables de la ville de San Francisco leur ont permis de s'informer sur la politique de prévention qui y est conduite. Les autorités locales veillent à encourager l'exercice physique, une nutrition saine ou encore l'utilisation de la bicyclette, en s'appuyant notamment sur le réseau d'écoles et d'établissements de santé de la ville. Elles s'efforcent également de prendre en compte les incidences de la pollution sur la santé, en évitant, par exemple, de construire des logements trop près des grands axes de circulation routière. Un programme dédié aux personnes sans domicile fixe a été institué, pour aider notamment celles qui souffrent d'alcoolisme ou qui consomment de la drogue.
La ville lutte aussi contre la propagation de
l'épidémie de sida en encourageant la prévention et le
dépistage et en rendant des seringues disponibles dans les pharmacies
pour limiter les contaminations par la voie de la consommation de drogues.
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b) Renforcer la place du médecin généraliste et améliorer la coordination des soins
Pour augmenter le revenu des médecins généralistes, et rendre cette carrière plus attractive, la réforme majore de 10 %, mais seulement pendant cinq ans, le montant des remboursements effectués par Medicare.
De nouvelles modalités d'association entre les médecins de ville et les hôpitaux seront expérimentées dans le but d'améliorer la coordination des soins : médecins et hôpitaux pourront se partager une partie des économies que leur meilleure organisation permettra à Medicare de réaliser.
c) Expérimenter de nouvelles méthodes de rémunération des médecins
Des dispositions visent à expérimenter et à évaluer des modalités de rémunération des médecins qui lieraient leur revenu à la qualité des soins délivrés et non plus au volume d'actes accomplis.
Une expérimentation, lancée par Medicare en 2009, qui consiste à rémunérer les médecins de ville ou les hôpitaux sur une base forfaitaire (« bundled payment ») va être étendue. Avec ce système, lorsqu'il assure le suivi d'un patient atteint d'une maladie chronique, le diabète par exemple, le médecin reçoit une somme fixe, et non plus des honoraires pour chaque consultation, ce qui l'encourage à rechercher les modalités de traitement les plus efficaces. De la même façon, l'hôpital perçoit une somme globale pour réaliser une opération donnée, implanter une prothèse de la hanche par exemple, plutôt que des paiements séparés correspondant aux différents services fournis par les professionnels de santé impliqués dans l'opération.
Pour aller plus loin, il est prévu de créer un Centre pour l'innovation dans Medicare et Medicaid, chargé d'expérimenter de nouvelles méthodes d'organisations des soins et de paiement des médecins. Un comité de quinze membres (Independent Payment Advisory Board) sera chargé d'adresser au Congrès des recommandations en vue d'une meilleure maîtrise des dépenses de santé.
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Il a fallu plus d'un an d'efforts, après la prise de fonction du Président Obama, pour faire aboutir la réforme du système de santé.
Ce long délai s'explique, en partie, par des raisons institutionnelles : aux Etats-Unis, le processus législatif est particulièrement lent et complexe et une minorité active peut, au Sénat, empêcher l'adoption d'un texte.
L'hostilité des Républicains au projet reflète cependant les réticences d'un grand nombre d'Américains. Aux Etats-Unis, l'idée selon laquelle il existerait un droit à la santé, que la puissance publique devrait garantir, est loin de faire l'unanimité . Au contraire, beaucoup pensent que chaque citoyen a le devoir d'être autonome et a la responsabilité de se prendre en charge, sans dépendre de la collectivité. Alors que les élections de mi-mandat, qui vont renouveler la totalité de la Chambre des Représentants et un tiers du Sénat, approchent - elles auront lieu en novembre - certains élus démocrates ont hésité à approuver un projet devenu plutôt impopulaire dans l'opinion.
L'adoption de la réforme constitue toutefois un événement historique, qui permet aux Etats-Unis de rejoindre le groupe des pays développés qui assurent tous leurs citoyens contre le risque maladie. Elle devrait donner un nouvel élan à la présidence de Barack Obama, dans l'attente du verdict que rendront les électeurs à la fin de l'année.