III. LA FEUILLE DE ROUTE
A. DES PISTES DE RÉFLEXION À MOYEN ET LONG TERMES
1. A moyen terme : renforcer les contrôles
Il importe d'adapter les méthodes du contrôle fiscal au développement de l'Internet. En ce domaine, considéré comme une « zone à risque fiscal » en raison de l'internationalisation et de la dématérialisation croissantes des flux, trois catégories de difficultés sont identifiées par l'administration du contrôle fiscal :
- le commerce occulte en ligne, même s'il ne constitue pas un problème significatif, rend nécessaire le développement de nouveaux outils de contrôle ;
- le paiement effectif de la TVA par les sociétés implantées dans un pays de l'Union européenne dépend de la qualité de la coopération entre Etats membres ;
- le commerce électronique pratiqué à destination des consommateurs français par les sociétés ne relevant pas d'un Etat membre pose également le problème de la poursuite des investigations dans les pays tiers.
Un renforcement de « l'agilité » des contrôleurs et une amélioration des délais d'investigation nécessitent une meilleure coopération communautaire au moyen d'Eurofisc, la mise en oeuvre de contrôles multilatéraux et l'obligation pour l'Etat d'implantation de la structure se livrant au e-commerce de diligenter les contrôles demandés par les partenaires.
2. A plus long terme : modifier les règles internationales de taxation des revenus
La piste de la taxation du chiffre d'affaires, plutôt que celle des bénéfices, relève autant sinon plus de la négociation internationale que de la législation interne. Il pourrait être envisagé d'instaurer un recouvrement de la taxe directement sur l'acheteur et non sur le vendeur.
Un tel objectif appellerait une réflexion sur la modification des règles de l'OCDE et de l'Union européenne pour assurer des recettes fiscales aux Etats où naissent les chiffres d'affaires et non à ceux où sont domiciliés les groupes. Car sans modification de ces règles, toute initiative tendant à relocaliser en France des revenus déclarés dans un autre Etat se heurterait aux conventions fiscales signées par la France, dont la renégociation serait difficile.
B. DES PROPOSITIONS À VERSER AU DÉBAT
1. Sur la TVA
Ainsi que cela a été exposé précédemment, le défi soulevé par la collecte de la TVA repose davantage sur des problématiques de contrôle aux frontières que d'harmonisation européenne.
Néanmoins, le régime de la TVA applicable aux services électroniques pourrait évoluer en fonction des suites qui seront données à la mise en demeure adressée à la France le 18 mars 2010 par la Commission européenne qui estime que l'application d'un taux réduit de TVA sur 50 % du prix des offres composites des fournisseurs d'accès à Internet (FAI) comprenant des services électroniques et télévisuels représente une infraction à la directive TVA, aux motifs que l'application de ce taux réduit :
- ne prend pas en compte le nombre et l'importance des autres services associés (Internet et téléphonie) ;
- ne tient pas compte de l'effectivité de la prestation, notamment lorsque le client n'est pas matériellement susceptible de bénéficier du service de télévision inclus dans l'abonnement (impossibilité technique du réseau téléphonique, absence de mise à disposition du décodeur spécifique par l'opérateur)13(*).
Il convient de ne pas préjuger de l'issue de ce dossier. Toutefois, si le taux normal de TVA devait être appliqué aux offres composites, il serait utile, pour minimiser l'effet de cet ajustement sur les opérateurs, d'envisager une remise à plat des multiples redevances versées par les FAI en faveur de la culture en contrepartie de l'avantage dont ils bénéficient actuellement.
La perte de recettes résultant pour l'Etat de ce régime préférentiel est estimée à 450 millions d'euros.
2. Sur les droits d'auteurs
Le financement de la culture, au sens large, fait, en effet, peser sur les acteurs du commerce électronique un nombre important de prélèvements non fiscaux.
Ainsi, la « taxe COSIP », perçue au profit du compte de soutien à l'industrie des programmes audiovisuels, a-t-elle été instaurée par la loi n° 2007-309 du 5 mars 2007 relative à la modernisation de la diffusion audiovisuelle et à la télévision du futur, en échange de l'avantage fiscal constitué par l'application du taux réduit de TVA pour les FAI, afin de financer l'industrie des programmes audiovisuels pour un montant de près de 100 millions d'euros par an14(*).
Par ailleurs, la question du niveau élevé de la rémunération des droits d'auteurs assise sur la vente de supports de copies privées a été soulevée au cours de la table ronde15(*). La redevance sur la commercialisation en France de supports numériques (CD, DVD, disques durs, etc.) est de l'ordre de 35 centimes par CD et de un euro par DVD. La FEVAD estime que le niveau ces redevances est trois fois supérieur à celui constaté en Belgique, et de l'ordre du sextuple du taux fixé en Allemagne : dans ces conditions, une offre de ce produit facturée 10 euros au Luxembourg coûte 70 euros sur un site français.
Un tel niveau de prélèvement entraînerait, selon certains participants à la table ronde, la fuite à l'étranger de près de 40 % du chiffre d'affaires de la rémunération des droits d'auteurs.
3. Sur la création d'une TaSCom applicable aux sites de vente en ligne
Il apparaît légitime, dans une approche de consolidation des recettes fiscale de l'Etat, d'étudier les secteurs économiques en croissance afin de déterminer les bases taxables pérennes et dynamiques. Votre rapporteur général propose de mettre à l'étude la création d'une TaSCoe (taxe sur les sites de commerce électronique), sorte de TaSCom applicable au commerce électronique.
4. Sur la publicité en ligne
Ainsi que le Gouvernement s'y est engagé en février dernier lors de l'examen du projet de loi de finances rectificative pour 2010, votre rapporteur général appelle à poursuivre la réflexion lancée sur la taxation des revenus publicitaires en ligne.
Au cas d'espèce, l'enjeu n'est pas fiscal, car le produit n'excèderait, semble-t-il, pas 20 millions d'euros si on appliquait un taux de 1 % aux transactions réalisées, mais économique. Il s'agit de remédier à des distorsions de concurrence sur le marché de la publicité, qui ne doit pas être biaisé en faveur d'un type de support. La neutralité fiscale est une exigence renforcée dans un secteur aussi sensible que l'information. Or la captation du marché publicitaire constitue une source d'affaiblissement des médias.
Il y a urgence en la matière. Votre rapporteur général se bornera en guise de conclusion à rappeler les propos qu'il a déjà tenus : « il faut aller vite, car, si l'État mettait plus d'un an à répondre à la question posée par le Président de la République lui-même, il ne serait pas, à mon sens, très efficace »16(*). Près de six mois ont passé...
* 13 La Commission européenne rappelle que l'article 98 de la directive TVA prévoit expressément que « les taux réduits ne sont pas applicables aux services fournis par voie électronique ». Elle ajoute que pour que le taux normal ne soit pas applicable, il faudrait démontrer que les services autres que de télévision fournis dans le cadre de l'offre composite (téléphone, internet) n'ont, du point de vue de l'utilisateur, qu'un caractère accessoire.
* 14 En pratique, les distributeurs de services audiovisuels doivent s'acquitter d'une taxe progressive sur le chiffre d'affaires réalisé sur les offres audiovisuelles, de 0,5 % pour la fraction de leurs revenus comprise entre 10 millions et 75 millions d'euros, à 4,5 % pour la fraction supérieure à 530 millions d'euros.
* 15 En 2009, 181 millions d'euros ont été prélevés au titre de la redevance pour copie privée en application des articles L. 311-1 à L. 311-8 du code de la propriété industrielle (Source : Copie France, Sorecop).
* 16 Cf. annexe I - Extrait du compte rendu des débats de la séance publique du 16 février 2010 portant sur le projet de loi de finances rectificative pour 2010.