2. Les importants investissements de l'industrie pharmaceutique pour se préparer à une pandémie de grippe H5N1
L'investissement de l'industrie pharmaceutique sur la « pandémie annoncée » a également été important.
Les entreprises du médicament sont en effet principalement confrontées, dans leur préparation et dans la lutte contre une crise sanitaire, à trois problématiques. Elles doivent, tout à la fois, assurer la production du vaccin, la production et le stockage des médicaments antiviraux et la continuité dans l'approvisionnement en médicaments destinés au traitement des pathologies aiguës ou chroniques . Il s'agit là d'une problématique relativement complexe car la production de ces médicaments est une production internationale qui dépend de fournisseurs de matières premières, de fabricants et de sous-traitants localisés à travers le monde.
Les producteurs de vaccins ont, comme les Etats, été mis en alerte par le SRAS - syndrome respiratoire aigu sévère - et la « grippe aviaire ». Suivant les recommandations de l'OMS dans son plan d'action précité pour augmenter l'approvisionnement en vaccins de 2006, leur préparation s'est principalement orientée :
- sur le plan industriel, vers l'adaptation, le renforcement et le développement des outils de production et des systèmes d'approvisionnement et de distribution pour faire face à la demande potentielle des Etats ;
- sur le plan du développement, vers l'amélioration de la productivité des souches virales, la diminution des quantités d'antigène nécessaires à la production d'un vaccin, la mise au point de vaccins prépandémiques H5N1 et/ou l'élaboration de dossiers « mock-up » pour le vaccin pandémique .
La plupart ont enfin mis en place des « plans de continuité » pour assurer, même en situation de pandémie, la poursuite de la production du vaccin contre la grippe pandémique et de tous les autres vaccins. En France, le syndicat des entreprises du médicament, le LEEM, a joué en ce domaine un rôle de coordinateur et de soutien :
- en publiant, en 2006, un guide pratique pour aider ses entreprises adhérentes à constituer leur plan de continuité ;
- en participant, en 2008, avec l'AFSSAPS, à l'identification des médicaments dont l'approvisionnement doit être maintenu en cas de pandémie ;
- en sensibilisant les entreprises du médicament à la nécessité d'organiser des exercices de simulation de pandémie : le LEEM a notamment participé aux exercices nationaux, Pandémie 07 (au mois de janvier 2008) et Pandémie 09 (au mois de janvier 2009) ;
- en établissant, enfin, en septembre 2009, à la demande des autorités nationales, un état des stocks et des capacités de production des médicaments antipyrétiques et des antibiotiques.
Au total, les représentants des laboratoires entendus par votre commission d'enquête 29 ( * ) ont fait état d' investissements compris entre 1,5 et 2,5 milliards d'euros , par laboratoire, ces dernières années au titre de leur préparation à une éventuelle pandémie. Les représentants du laboratoire Roche 30 ( * ) ont indiqué, quant à eux, que la capacité de production mondiale de Tamiflu a été multipliée par vingt ces dernières années .
Ce fort investissement à tous les niveaux, aussi bien politique que scientifique, explique sans doute en partie que tous les acteurs intervenant dans la gestion des crises sanitaires attendaient cette menace et que dès l'annonce de l'apparition des premiers cas de grippe A (H1N1)v, il était difficile d'imaginer autre chose que l'émergence d'une pandémie.
Cependant, force est de constater que les prédictions scientifiques sur l'émergence d'une pandémie de type H5N1 ne se sont pas réalisées - la « grippe aviaire » demeure à ce stade une zoonose régionale ( cf . encadré) - et que c'est un virus d'une tout autre nature, le virus A (H1N1)v qui est finalement apparu .
« Les flambées de grippe aviaire à virus H5N1 hautement pathogène qui ont commencé en Asie du Sud-Est à la mi-2003 et se sont désormais propagées à quelques régions d'Europe, sont les plus graves et les plus importantes que l'on ait jamais observées. A ce jour, neuf pays asiatiques en ont signalées (par ordre de notification) : République de Corée, Viet-Nam, Japon, Thaïlande, Cambodge, République démocratique populaire, Indonésie, Chine et Malaisie. Le Japon, la République de Corée et la Malaisie ont endigué leurs flambées et l'on considère que la maladie a disparu dans ces pays. Ailleurs en Asie, le virus est devenu endémique dans plusieurs des pays affectés à l'origine . « Fin juillet 2005, le virus s'est propagé en dehors de son foyer initial en Asie et a affecté les volailles et les oiseaux sauvages en Fédération de Russie et dans les régions adjacentes du Kazakhstan. Presque simultanément, la Mongolie a signalé avoir détecté le virus hautement pathogène chez des oiseaux sauvages. En octobre 2005, il a été signalé en Turquie, en Roumanie et en Croatie. Début décembre 2005, l'Ukraine a signalé son premier foyer chez des oiseaux domestiques. La plupart de ces nouvelles flambées ont été détectées et notifiées rapidement. On s'attend néanmoins à ce que le virus poursuive sa propagation le long des voies de migration des oiseaux aquatiques. « Pour l'instant, la grippe aviaire H5N1 reste avant tout une maladie des oiseaux et la barrière d'espèce reste un obstacle important : le virus ne la franchit pas facilement pour infecter l'homme. Malgré l'infection de dizaines de millions de volailles sur de vastes zones géographiques depuis la mi-2003, on a confirmé moins de 200 cas humains en laboratoire . « Des études approfondies des cas humains ont établi que des contacts directs avec les volailles malades étaient à l'origine des infections . Les études menées sur les membres des familles et les contacts sociaux des patients, les soignants qui se sont occupés d'eux et les personnes chargées de l'abattage des volailles n'ont mis en évidence qu'une propagation interhumaine extrêmement limitée, voire nulle . »
Source : Organisation mondiale de la santé
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* 29 Auditions des 30 mars et 6 avril 2010.
* 30 Audition du 6 avril 2010.