II. DES DÉLAIS DE TRAITEMENT EXCESSIVEMENT LONGS ET COÛTEUX POUR LES FINANCES PUBLIQUES

A. LA FORTE HAUSSE DES DÉLAIS DE TRAITEMENT DES DOSSIERS PAR LA CNDA

1. Une évolution conduisant à une augmentation du nombre d'affaires en stock
a) Le doublement des délais depuis 2002

Comme l'indique le tableau ci-dessous, les délais de traitement des dossiers par la CNDA connaissent une très forte hausse depuis 2002. Ainsi, entre l'année 2002 et l'année 2008, la durée moyenne de traitement d'un dossier, entre son enregistrement et la décision définitive de la Cour, a plus que doublé , passant de 6 mois et 21 jours à 13 mois et 16 jours. En 2009, le délai moyen s'est élevé à 12 mois et 17 jours.

L'évolution du délai moyen de traitement des dossiers par la CNDA

2000

2001

2002

2003

2004

Procédure collégiale

6 mois et 3 jours

5 mois et 28 jours

7 MOIS ET 1 JOUR

8 MOIS ET 29 JOURS

10 MOIS

PROCÉDURE PAR ORDONNANCES

2 mois et 24 jours

3 mois et 7 jours

4 mois et 21 jours

6 mois et 17 jours

4 mois et 15 jours

Ensemble des procédures

5 mois et 20 jours

5 mois et 17 jours

6 mois et 21 jours

8 mois et 18 jours

9 mois et 19 jours

2005

2006

2007

2008

2009

Procédure collégiale

10 mois et 2 jours

11 mois et 14 jours

13 mois et 7 jours

15 mois et 6 jours

13 mois et 23 jours

Procédure par ordonnances

5 mois

7 mois

6 mois

4 mois et 15 jours

5 mois et 10 jours

Ensemble des procédures

9 mois et 8 jours

10 mois et 12 jours

11 mois et 22 jours

13 mois et 16 jours

12 mois et 17 jours

Source : CNDA

Plusieurs facteurs influent sur les délais de jugement des dossiers :

- d'une part, le nombre de recours enregistrés . En effet, à capacité de jugement égale, l'augmentation du nombre des recours entraînera mécaniquement une augmentation du délai moyen de traitement des dossiers, davantage d'affaires devant rester en stock ;

- d'autre part, la capacité de jugement de la Cour , qui correspond aux moyens, notamment humains, dont elle dispose pour traiter les dossiers ;

- enfin, la composition du stock de dossiers en attente peut avoir un effet sur le délai moyen de jugement : plus les affaires en attente sont anciennes, plus le délai moyen de jugement augmente. A l'inverse, traiter prioritairement les affaires en stock les plus anciennes permet de réduire le délai moyen de traitement. Ainsi, par exemple, l'année 2009 présente la particularité d'avoir été décevante en termes de nombre d'affaires jugées et défavorable sur le plan des affaires enregistrées, mais affiche une amélioration du délai moyen de jugement. Cette amélioration résulte directement, selon les informations recueillies par vos rapporteurs spéciaux auprès de la CNDA, d'une gestion sélective de son stock d'affaires.

La composition du stock des dossiers de la CNDA

Dossiers en stock

Ancienneté cumulée en jours

Ancienneté moyenne par dossier

Ancienneté du dossier

Nombre

Part dans le total des dossiers

Nombre

Part dans l'ancienneté totale

Moins de six mois

4.052

20,0%

525.434

6,8 %

4 mois et 7 jours

De six à moins de neuf mois

3.649

18,0%

818.994

10,5 %

7 mois et 11 jours

De neuf mois à moins d'un an

3.293

16,3%

1.041.453

13,4 %

10 mois et 11 jours

D'un an à moins d'un an et demi

4.842

23,9%

2.183.412

28,1 %

14 mois et 24 jours

D'un an et demi à moins de deux ans

2.872

14,2%

1.799.080

23,2 %

20 mois et 17 jours

Deux ans et au-delà

1.532

7,6%

1.400.599

18 %

30 mois et 1 jour

Total

20.240

100,0%

7.768.972

100 %

12 mois et 18 jours

Source : CNDA

Le tableau ci-dessus montre le poids des dossiers les plus anciens dans le délai moyen de traitement des affaires par la CNDA. En effet, il apparaît que les dossiers dont l'ancienneté est supérieure à deux ans représentent 7,6 % du stock mais contribuent pour 18 % au délai moyen de jugement de l'ensemble du stock .

D'après les informations recueillies par vos rapporteurs spéciaux auprès de la Cour, l'élimination des affaires les plus anciennes est devenue une priorité depuis 2008, afin, d'une part, d'afficher une réduction du délai moyen de jugement et, d'autre part, de remédier aux situations, difficilement justifiables, de dossiers de demandes d'asile en attente de traitement depuis plus de trois ans. La Cour s'était ainsi fixé pour objectif d'avoir jugé en juin 2010 l'ensemble des affaires qui ont été enregistrées durant l'année en 2007 .

D'après les informations recueillies par vos rapporteurs spéciaux, cet objectif n'a pas été entièrement atteint au 30 juin 2010 puisque 119 dossiers enregistrés avant le 1 er janvier 2008 demeurent en attente d'inscription à une audience. « Ces dossiers se répartissent ainsi :

- 38 % correspondent au stock d'affaires d'un seul avocat, qui en totalise environ 1.600. Compte tenu de ce volume, la Cour n'est pas en mesure d'inscrire dans un délai raisonnable les dossiers de cet avocat. A titre d'information, ce stock de 1.600 dossiers représente à lui seul près d'un mois de délai de jugement pour la CNDA ;

- 27 % sont des dossiers de requérants d'outre-mer, en attente de l'organisation d'une mission foraine ;

- 20 % environ sont inscrits à des audiences qui doivent se tenir d'ici la fin de l'année 2010 ;

- le solde correspond, pour l'essentiel, à des retours de cassation du Conseil d'Etat » 12 ( * ) .

b) Une augmentation récente des stocks de dossiers

Comme l'indique le tableau ci-dessous, le nombre de dossiers en stock au 31 décembre de l'année suit une évolution globalement parallèle à celle du délai moyen de jugement des dossiers.

L'évolution du nombre d'affaires en stock à la CNDA

2000

2001

2002

2003

2004

2005

2006

2007

2008

2009

Solde des entrées et des sorties

2.069

4.028

8.287

13.981

12.943

- 22.318

1.786

- 4.577

- 3.391

4.800

Stock au 31/12

10.306

14.334

22.621

36.602

49.545

27.227

29.013

24.436

21.045

25.845

Source : CNDA

Si le nombre d'affaires en stock a connu une forte diminution entre 2004 et 2008, passant de 49.545 à 21.045, l'année 2009 fait de nouveau apparaître une augmentation des stocks de 4.825 dossiers, soit une hausse de + 22,8 % par rapport à l'année 2008 .

D'après les informations recueillies par vos rapporteurs spéciaux, cette évolution s'explique à la fois par une forte hausse des recours et par la baisse du nombre d'affaires jugées par la Cour.

2. La comparaison avec les autres juridictions administratives

Ce délai de jugement des affaires, supérieur à un an, n'est toutefois pas disproportionné par rapport aux délais moyens de traitement des contentieux devant les autres juridictions administratives.

Ainsi, le délai moyen de jugement des recours était, en 2009, de 2 ans, 2 mois et 27 jours pour les affaires ordinaires jugées devant les tribunaux administratifs , c'est-à-dire les affaires jugées essentiellement en formation collégiale, hors référés et ordonnances, et de 1 an, 3 mois et 22 jours pour les cours administratives d'appel .

Par conséquent, le délai moyen de jugement des formations collégiales devant la CNDA est plus bref que devant les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel .

Il apparaît toutefois difficile de tirer des conclusions des comparaisons entre le contentieux devant la CNDA et ceux relevant des autres juridictions administratives . En effet, les différences de procédure sont importantes. Devant une juridiction administrative de droit commun, les procédures sont davantage écrites et la phase contradictoire est plus riche que devant la CNDA. A l'inverse, l'oralité des débats y est en général quasiment inexistante. Par ailleurs, certains des contentieux administratifs de droit commun peuvent être assortis de mesures d'instruction contradictoires, telles des expertises, qui allongent fortement les délais de jugement, dans des proportions que ne connaît pas la CNDA. Il existe, d'autre part, de nombreuses procédures administratives de courte durée ou de décisions prises par un juge unique qui, à l'inverse, permettent de réduire fortement les délais de jugement, ce qui n'est pas possible devant la CNDA.

3. Une durée qui pourrait être réduite de moitié

D'après les estimations fournies par la CNDA, le délai incompressible de jugement d'une affaire en formation collégiale serait aujourd'hui d'environ six mois , « sur la base des règles de procédure en vigueur et en l'absence de tout incident de procédure susceptible d'influer sur ce délai » 13 ( * ) .

Il se décomposerait ainsi :

- un mois pour la mise en état initiale du dossier qui comprend le délai de transmission du dossier de l'OFPRA à la Cour, mais il passe à deux mois si le recours est accompagné d'une demande d'AJ ;

- deux mois pour assurer le respect du principe du contradictoire ;

- cinq semaines pour l'instruction et la tenue de l'audience ;

- quinze jours à trois semaines pour la notification de la décision.

Vos rapporteurs spéciaux constatent donc que la marge de progression de la CNDA est grande et qu'il serait possible de revenir aux délais de traitement des dossiers, plus satisfaisants, de l'année 2002. Près de six mois de délais de traitement des demandes d'asile pourraient donc être gagnés .

4. Le manque d'un outil informatique approprié

Lors de leur contrôle, vos rapporteurs spéciaux ont pu constater que depuis le transfert de la gestion de la CNDA au Conseil d'Etat, celle-ci ne bénéficiait plus du logiciel de suivi statistique de l'OFPRA , qui permettait de disposer des chiffres les plus récents sur les dossiers traités et en cours de traitement par la juridiction.

Le logiciel de gestion « Skipper », en usage dans les juridictions administratives, est progressivement transféré à la CNDA, mais celle-ci ne dispose par pour le moment d'un outil statistique fiable lui permettant de calculer les délais moyens de traitement des recours . Elle indique ainsi que le calcul des délais moyens de traitement résulte, pour le moment, « d'une extraction par la direction des systèmes d'information des données Skipper disponibles ».

Cette situation n'est pas satisfaisante. Il apparaît en effet essentiel que la Cour dispose de ces données comme outil de gestion et de suivi régulier de son activité . Par ailleurs, le Parlement a besoin de disposer de ces informations pour porter un jugement sur l'efficacité de la Cour et, dans une logique de performance, pour ajuster les moyens de la CNDA à sa charge de travail.


* 12 Source : CNDA

* 13 Réponses aux questionnaires adressés par vos rapporteurs spéciaux.

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