ANNEXE 5 : CONTRIBUTION DE M. CLAUDE BIWER, MEMBRE DU GROUPE DE L'UNION CENTRISTE
Le groupe UC représenté par Claude Biwer soutient fortement et globalement la filière du fret ferroviaire :
Pour des raisons environnementales, de sécurité routière (fluidité du trafic), d'efficacité d'acheminement des marchandises industrielles, chimiques, agricoles et sylvicoles, le groupe de l'Union Centriste accueille très favorablement la tenue d'un débat relatif à une filière malheureusement en crise : celle du fret ferroviaire.
Le groupe de l'Union Centriste déplore la crise que connait le fret ferroviaire, et considère que cette filière ne pourra se développer que si le fret est considéré globalement , c'est-à-dire au regard des choix de la politique des transports (fluviaux, maritimes, terrestres, ferroviaire), la politique industrielle, la politique d'aménagement du territoire, et de la politique commerciale (notamment concernant les exportations dans les pays frontaliers).
En effet, le développement du fret ferroviaire ne se fera pas sans un développement des ports de marchandises français. Mais réciproquement, développer le fret depuis les ports de marchandises est un levier essentiel de leur développement... Le développement du fret ferroviaire peut donc entrainer un cercle vertueux à différents niveaux.
A défaut, la filière ne pourra pas se développer à long terme, ni servir le développement d'autres filières.
Le cadre du réseau de fret, et les investissements prioritaires :
Le groupe estime que le fret n'a un avenir commercial qu'à partir d'une certaine distance, et dans les conditions d'un tracé permettant d'être relié à différents « noeuds de transports intermodaux ».
Dès lors, la priorité des investissements sur l'infrastructure du fret se joue sur :
- les liaisons transeuropéennes (Espagne, Italie, Benelux, Allemagne, Royaume-Uni), en coordination avec les schémas tracés dans les pays frontaliers ;
- ces liaisons desservant par ailleurs des points stratégiques sur des axes français, et notamment :
- les grands ports de marchandises : Rouen, le Havre, Marseille, Dunkerque, Saint Nazaire, La Rochelle, Bordeaux ;
- les aéroports : Roissy Charles de Gaulle, Lyon Saint-Exupéry ;
- les métropoles françaises : Région parisienne, Lyon, Marseille, Bordeaux, Nantes, Rennes, Lille... Les pôles industriels sont par ailleurs un élément déterminant de structuration du réseau.
Il ne faut cependant pas délaisser le fret diffus (wagon isolé), et les embranchements directs depuis certains sites utilisateurs de fret (industriels, agricoles, forestier), car ils représentent un intérêt local fort, qui font de ce mode de fret un véritable service public.
Le problème de disponibilité des sillons pour le fret ferroviaire
Sur la difficulté que connaissent les opérateurs en terme de disponibilité des sillons, on peut s'interroger sur la possibilité de généraliser la circulation du fret ferroviaire sur des voies de transport de voyageurs, mais à des heures nocturnes où la circulation des trains de voyageur est marginale, voire inexistante. Ceci permettrait, outre l'avantage de l'électrification de ces voies, notamment de tester les autoroutes du fret, sur les lignes à grande vitesse existant en France.
Cette solution doit avant tout être de court terme, le temps de rénover les infrastructures dédiées au transport de marchandises, et libérer des sillons.
Le nécessaire investissement dans les plateformes multimodales :
Au niveau de chaque métropole , il faudrait que les infrastructures multimodales et de stockage permettent de passer du fret à la route pour le transport de proximité (derniers kilomètres), et le chargement des marchandises arrivées par camion, en vue d'être acheminées par fret sur une longue distance.
Les infrastructures de transbordement sont un point clé du développement du système de fret ; bien entendu, tout le territoire ne pourra pas être maillé à court et moyen terme.
Il faut donc cibler les priorités de développement des infrastructures de transbordement et les investissements dans les systèmes de sécurité et les systèmes d'infrastructures notamment les axes transnationaux, et les axes de « port à port », pour compléter progressivement le maillage du territoire.
La solution consistant à maintenir les camions comme modes de transport de proximité est indiscutable, à condition de prévoir des infrastructures à proximité des métropoles permettant l'intermodalité du mode de transport, route-rail, et rail-route. Cette proposition ne doit cependant pas empêcher le maintien des embranchements « sur site » permettant de maintenir un service public de fret par wagon isolé, au niveau régional (jusqu'à l'acheminement vers un grand axe stratégique).
Cette politique plus régionale ne peut se développer qu'à partir du moment où les opérateurs français se seront implantés solidement sur les axes stratégiques longue distance.
Que nous apprend le système allemand ?
Une note de veille du Centre d'analyse stratégique fait le bilan, en 2008, sur le fret ferroviaire en Allemagne, dont les fruits sont aujourd'hui mûrs : le marché ferroviaire allemand de fret connaît un fort développement, passant de 95,4 milliards de tonnes-kilomètres (tk) en 2005 à 114 milliards en 2007. Il représente 17 % de parts de marché dans le transport de marchandises, contre 12 % en France. Le modèle allemand de fret ferroviaire a reposé sur une politique publique forte, qui fait d'elle un leader européen incontestable en la matière :
Les premières mesures effectuées par DB Cargo (ancienne activité fret de la DB) pour restructurer son réseau « fret » sont les suivantes :
- un plus grand nombre de liaisons directes (moins de wagons isolés), afin de diminuer les transbordements de marchandises et les temps d'attente improductifs ;
- une concentration du trafic fret là où les clients sont importants (4,5 % des clients représentent 85 % du trafic), et où la distance parcourue est supérieure à 150 kilomètres ;
- la constitution de la filiale fret en holding, afin de permettre l'intégration verticale d'opérateurs logistiques (rachat de Stinnes en 2002) et de proposer une offre globale (transport et logistique).
Ces mesures ont conduit à un nombre important de fermetures de gares : leur nombre a diminué de 32 % entre 2002 et 2008, contre une diminution de 24 % en France sur la même période. En revanche, les fermetures ne sont pas définitives.
Si l'on observe le ratio du nombre de gares par rapport à la superficie du pays, l'Allemagne dispose de quatre gares pour 1 000 km 2 , tandis que la France n'en compte que deux.
Au niveau social , les réformes ont engendré une flexibilisation accrue du temps de travail , une modération salariale et la convergence avec le régime du secteur privé. La convention collective disposant que la DB renonce aux licenciements pour motifs économiques a été prolongée, moyennant une certaine souplesse dans la gestion des ressources humaines accordée à la direction, en fonction du volume d'activité.
De 1999 à 2005, Railion a réalisé des gains de productivité importants en diminuant ses effectifs de 49 % , tout en augmentant son trafic de 7,4 % en tk. Ainsi, le ratio tonnes-kilomètre par agent a plus que doublé sur la période.