B. DES CHANGEMENTS DONT LA MISE EN oeUVRE NE VA PAS DE SOI
1. Le cas de la GPEC
L'exemple, qui vient d'être évoqué ci-dessus de la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences, montre que l'application des lois sociales récentes n'est pas toujours à la hauteur de leurs ambitions.
Selon une enquête récente 246 ( * ) , les salariés ont ainsi une faible connaissance de ces dispositifs qui se sont avérés décevants concernant les seniors (dont les parcours professionnels n'ont pas été réellement redynamisés), malgré la mise en place d'entretiens de carrière et de bilans de compétences. Alors qu'il s'agissait d'anticiper les mutations de l'emploi, les personnes inquiétées ont estimé que ce nouvel instrument constituait surtout une aide à la mise en oeuvre des plans sociaux. Si la mobilité interne s'en est trouvée facilitée, cette occasion d'améliorer le dialogue social ne semble pas avoir été saisie et il n'y a pas eu de diagnostic partagé par les partenaires sociaux qui permette d'intégrer la GPEC dans la stratégie de l'entreprise.
2. La faible utilisation des possibilités de déroger à un accord de rang hiérarchique supérieur
Les dispositions de la loi du 4 mai 2004 permettent aux accords d'entreprise de déroger aux accords de branche, avec l'autorisation de ces derniers.
En ce qui concerne plus particulièrement la durée et l'aménagement du temps de travail, la loi du 20 août 2008 a même été jusqu'à renverser la hiérarchie des normes en donnant aux accords d'entreprise la primauté sauf avis contraire au niveau de la branche.
Mais, comment ces possibilités de dérogation sont-elles utilisées ?
« La bonne vieille hiérarchie reste dans les faits et dans un premier temps très majoritaire » estime le professeur Jean-Emmanuel Ray dans son manuel sur le droit du travail. « Rien ne semble avoir bougé à aucun niveau » conclut-il.
Les négociateurs de branche, auxquels une marge de manoeuvre importante avait été laissée, ont préféré, en effet, tout d'abord, ne pas déroger aux accords interprofessionnels.
A l'échelon inférieur, ensuite, moins de 20 % seulement des accords d'entreprise peuvent déroger aux accords de branche 247 ( * ) . En outre, très peu le font alors (une soixantaine à peine depuis 2004). Peut-être sera-ce différent lorsqu'ils sont prioritaires, comme en matière de durée et d'aménagement du temps du travail, mais il est encore trop tôt pour en juger, s'agissant d'une loi récente (août 2008).
Comment expliquer, par ailleurs, dans les cas autorisés, la faible utilisation par les entreprises des possibilités qui leur sont offertes ?
Les premières analyses de ce phénomène 248 ( * ) proposent plusieurs explications : défense, par les syndicats, des prérogatives de la branche ; notion de dérogation étrangère à la culture des négociateurs ; sous-information des partenaires sociaux ; complexité des dispositions en cause et manque de compétence juridique pour les manier ; difficulté de déterminer si un accord d'entreprise déroge véritablement à un accord de branche ou en diffère simplement...
* 246 Regards croisés sur la mise en oeuvre de la GPEC. Oasys Consultants. 2010. Enquête auprès de responsables de ressources humaines et de représentants du personnel.
* 247 Soit parce que ces derniers le leur interdisent (15 % des cas), soit parce qu'il s'agit de questions (les salaires, par exemple) qui relèvent, de par la loi, d'un autre niveau de négociation (2/3 des cas).
* 248 Manuel précité de Jean Emmanuel Ray. Évaluation de la loi du 4 mai 2004 (DARES. Document d'études n° 140. Août 2008. Olivier Meriaux).