B. DEUX PROJETS AUJOURD'HUI SORTIS DE TERRE
Six ans après ces affirmations, force est de constater que l'avancement des deux projets d'usine de nickel ne s'est pas déroulé dans les conditions prévues .
1. La construction de l'usine de Koniambo progresse de manière satisfaisante
a) La levée des incertitudes relatives à la réalisation du protocole de Bercy
Les discussions sur le montage par Falconbridge du financement de l'usine du Nord se sont poursuivies jusqu'à la décision de son conseil d'administration du 6 décembre 2005 de lancer la réalisation du projet , suivie des engagements fermes de commandes prévues à l'accord de Bercy et de la décision de la société Koniambo Nickel SAS (KNS) , détenue à 51 % par la SMSP et à 49 % par Falconbridge, de construire l'usine du Nord .
Entre-temps, un recours avait été déposé par la société Eramet au tribunal de grande instance de Paris demandant le gel de l'échange de gisements, dans l'attente d'un engagement ferme des partenaires, conforme aux termes de l'accord de Bercy. Le tribunal a jugé en référé et la Cour d'appel de Paris a ensuite confirmé la validité de l'engagement de Falconbridge et de la SMSP. C'est ainsi que l'échange de gisements a pu être effectué, le 30 décembre 2005 : la SMSP a apporté le gisement de Koniambo à la société KNS, achevant ainsi la mise en oeuvre des étapes prévues à l'accord de Bercy . Pour obtenir cet échange de gisements, l'Etat a versé à Eramet une soulte de 1 milliard de francs, soit environ 152 millions d'euros, représentant le manque à gagner dû à la différence de réserves exploitables entre les deux gisements, seul celui de Koniambo permettant l'investissement dans une usine avec vingt-cinq ans d'exploitation assurée.
L'ensemble des hypothèques pesant sur la réalisation de l'usine de Koniambo étaient ainsi levées à la fin de l'année 2005 .
b) Des retards dus à une révision des coûts de l'usine
Malgré la levée de cette incertitude, le projet de l'usine de Koniambo a pris du retard par rapport au calendrier qui avait initialement été fixé, en raison principalement de modifications de l'actionnariat .
La société Falconbridge, pilier privé du projet de l'usine Koniambo, se trouvait à la fin de l'année 2005 sous le coup d'une offre publique d'achat du groupe Inco, engagé, comme on l'a vu, sur le projet de Goro, au Sud. Après plusieurs mois d'incertitudes dues en particulier aux procédures devant les autorités de la concurrence tant en Europe qu'outre-Atlantique, la candidature du groupe Xstrata l'a finalement emporté . Le 14 août 2006, cette entreprise suisse prenait ainsi le contrôle de Falconbridge .
Durant cette période d'incertitude, le projet n'a pu avancer conformément aux prévisions. En outre, le changement d'actionnaires a donné lieu à une révision des coûts commencée dès le mois de juillet 2006. A la suite des études d'ingénierie détaillées, le nouveau partenaire privé, tout en réaffirmant son engagement ferme de poursuivre le projet, décidait de revoir profondément son mode de financement, sans toutefois remettre en cause le niveau des aides publiques précédemment accordées.
Cela explique que la réalisation des travaux sur le terrain ait pris plus d'un an supplémentaire de retard. Au début de l'année 2007, seuls les aménagements à l'entrée du site et le début de l'installation des bureaux avaient été engagés.
Parallèlement, une demande de prolongation des permis accordés, en particulier pour la protection de l'environnement, était devenue nécessaire pour couvrir les délais de réalisation de l'usine du Nord avant leur expiration. Après des discussions juridiques avec les autorités locales, cette prolongation a été rendue possible, puis accordée par des textes pris par la province Nord en retardant encore le début des travaux lourds (dragage du chenal, terrassements, commandes des équipements et des modules assemblés en Chine).
c) Un projet qui pourrait être opérationnel dès 2012
Actuellement, le projet se déroule donc selon un calendrier et un budget prévus à la fin de l'année 2007.
Votre rapporteur spécial relève que les retards pris par le projet ne sont pas exceptionnels s'agissant de réalisations de particulièrement grande ampleur financière. Ainsi, l'usine du Nord représente un coût de 3,8 milliards de dollars américains, soit environ 2,6 milliards d'euros .
Lors de la visite du site par votre rapporteur spécial, le chenal d'accès et le port attenant à l'usine étaient achevés, afin de recevoir les premiers modules de production construits en Chine. Ces modules ont effectivement été mis en place en août 2010. D'après les dernières estimations, le projet pourrait être opérationnel dans le courant de l'année 2012 .
Les bureaux de KNS regroupent sur le site la plupart des équipes de direction et d'ingénierie pour la conduite de la construction. Une base-vie fonctionne depuis plus d'un an et s'agrandit pour loger les travailleurs qui mettront en oeuvre l'assemblage des modules de l'usine.
Votre rapporteur spécial se réjouit de constater que les doutes qui pouvaient encore peser, il y a six ans, sur la réalisation du grand projet de l'usine du Nord soient désormais levés . Certes, il faut rester prudent en matière de prévisions et il n'est pas impossible que le projet prenne encore du retard pour des raisons diverses mais la perspective d'un rééquilibrage économique en faveur du Nord de la Nouvelle-Calédonie est entrée dans sa phase de concrétisation.
2. De Goro nickel à Vale
En ce qui concerne le projet de Goro nickel, votre rapporteur spécial constate que les prévisions établies par votre commission des finances en 2005 avaient pêché par optimisme. En effet, l'usine n'est à ce jour pas encore en situation de production de nickel .
a) Les raisons de l'important retard de l'usine du Sud
Lorsque votre rapporteur spécial s'est rendu sur le site de l'usine du Sud, aucun gramme de nickel traité n'en était encore sorti.
En effet, le projet a pris beaucoup de retard, pour trois raisons principales :
- d'une part, en octobre 2006, l'entreprise minière à l'origine du projet a été reprise par le groupe brésilien CVRD, devenu « Vale » par la suite . A l'instar de ce qui s'est passé lors de la reprise de Falconbridge par Xstrata dans le Nord, le changement n'a pas modifié les montages juridiques et financiers du projet. Il a toutefois donné lieu à une revue des coûts de ce projet et à la conclusion d'un nouveau pacte d'actionnaires, dont la négociation a pris le temps nécessaire ;
- d'autre part, toujours à l'image de ce qui s'est déroulé pour l'usine de Koniambo, la procédure d'autorisation ICPE (installation classée pour la protection de l'environnement) a dû être renouvelée , sur la base du dossier d'investissement revu, qui avait réduit considérablement la surface de l'usine et modifié le projet pour en limiter les surcoûts. Cette procédure n'a été reprise qu'en 2006, compte tenu du temps nécessaire à la constitution d'un nouveau dossier ;
- enfin, la construction de l'usine s'est heurtée à de vives contestations sur le terrain qui se sont traduites notamment par des blocages de route et des destructions d'installations. Les revendications émanaient des populations locales et portaient à la fois sur l'emploi local, les retombées économiques du projet et la protection de l'environnement. Les négociations avec l'interlocuteur principal, le Comité Rhéébù Nùù, n'ont abouti qu'en 2007, avec la signature d'un « Pacte de Développement Durable du Grand Sud de la Nouvelle-Calédonie ». Cette opposition locale à la réalisation de l'usine a contribué aux retards dans sa construction.
b) La reprise des tests de production
Actuellement, l'usine de nickel de Vale, à Goro, est toutefois entièrement achevée. En effet, après la clôture des événements évoqués ci-dessus, le projet a redémarré de manière satisfaisante et les premiers tests de production ont eu lieu dans le courant de l'année 2009.
Malheureusement, le 1 er avril 2009, une fuite d'acide utilisé pour le traitement du nickel selon la méthode de l'hydrométallurgie s'est produite dans la baie Nord. Si les dégâts ont en pratique été limités, cet incident a toutefois nécessité d'importantes vérifications techniques, le changement de vannes et le test de nombreux joints, retardant encore de plusieurs mois la mise en service effectif de l'usine.
Enfin, quelques jours avant la visite par votre rapporteur spécial du site de Goro, un nouvel incident s'est produit sur le site de l'usine lors de nouveaux tests de production. Une colonne d'extraction contenant 670 mètres cube de solution composée d'acide et de solvants s'est effondrée. Encore une fois, les dégâts ont été limités grâce à la présence des cuves de rétention, qui ont contenu la fuite. Aucune conséquence environnementale n'est donc à déplorer. En revanche, cet incident a à nouveau nécessité la réalisation de tests de solidité et de fiabilité ainsi que le remplacement de plusieurs éléments de l'usine.
Depuis, la mise en production a partiellement repris. L'industriel procède actuellement à la vente de produits intermédiaires, l'usine n'étant pas encore en mesure de mettre en place un cycle de production intégral. C'est donc de la poudre à 40 % de nickel qui sort actuellement de l'usine de Vale, dans l'attente du démarrage effectif de l'ensemble du complexe. Avant la fin de l'année 2011, l'usine du Sud doit lancer le démarrage simultané de l'ensemble de ses installations et mettre ainsi en oeuvre une opération intégrée, impliquant l'ensemble des éléments de l'usine hydrométallurgique, de l'exploitation de la mine de Goro jusqu'au chargement en port.
Le projet de Vale à Goro, d'une ampleur financière encore plus grande que celle de l'usine de Koniambo, au Nord, puisqu'il atteint 4,3 milliards de dollars d'investissements, soit environ 2,9 milliards d'euros , et qui s'étend sur 22 hectares, devrait parvenir, en 2013, à sa production de pleine capacité. Les débuts effectifs de la production de nickel devraient donc avoir lieu en 2011, avec quatre ans de retard par rapport aux prévisions effectuées en 2005 .