B. LA DIFFICILE ÉMERGENCE DE CHAMPIONS INDUSTRIELS FRANÇAIS
La filière photovoltaïque repose sur un grand nombre d'activités : production de silicium, fabrication de cellules et de modules, assemblage, matériel électrique (onduleurs, connectique...), ingénierie et installation...
Ces segments se distinguent par la part qu'ils prennent dans la valeur ajoutée ou dans le nombre d'emplois, par la compétitivité des entreprises françaises, les perspectives de développement à l'export ou le rôle respectif des petites et des grandes entreprises, des acteurs historiques et des « jeunes pousses » innovantes.
1. Des enjeux différents à l'amont et à l'aval
La filière photovoltaïque compte aujourd'hui environ 25 000 emplois directs.
Portée par un très grand nombre de PME et PMI dynamiques, la filière est présente sur l'ensemble de la chaîne : production de cellules, auxiliaires électriques, installation de panneaux...
Or plus des deux tiers des emplois sont concentrés sur l'ingénierie et l'installation , qui ne regroupent que 20 % de valeur ajoutée :
DÉCOMPOSITION EN VALEUR AJOUTÉE ET EN
EMPLOIS
Rapport de la concertation avec les acteurs concernés par le développement de la filière photovoltaïque (rapport Charpin-Trink), 17 février 2011 |
La partie amont de la filière est en effet celle qui est soumise le plus directement à la concurrence internationale, notamment au niveau des prix. Les emplois de l'ingénierie et de l'installation présentent, eux, moins de risques de délocalisation.
La direction de l'énergie 18 ( * ) indique en conséquence que, en raison du faible développement de la partie amont de la filière, la balance commerciale du secteur est négative de 1,5 milliard d'euros en 2010, les importations ayant triplé de volume depuis 2008.
2. Une filière peu structurée
À la différence de certaines filières industrielles telles que l'automobile ou l'aéronautique, l'industrie aéronautique ne connaît pas de « leader » naturel autour duquel s'organiserait un réseau de sous-traitants.
Si les grandes entreprises françaises du secteur de l'énergie sont présentes dans le secteur photovoltaïque, par l'intermédiaire de filiales, le tissu industriel se caractérise par la présence de très nombreuses petites et moyennes entreprises.
Le rapport Charpin de juillet 2010 constate ainsi que « les grands industriels français se sont peu mobilisés pour le photovoltaïque à ce stade, à l'exception d'EDF EN ».
LE CAS EMBLÉMATIQUE DE LA SOCIÉTÉ PHOTOWATT La société Photowatt est l'un des pionniers de l'industrie photovoltaïque en France. Créée en 1979, elle s'est développée considérablement à partir des années 1990 pour devenir l'un des leaders de la fabrication de cellules et de modules photovoltaïques. C'est le seul acteur, en France, qui intervient de manière intégrée sur tout l'amont de la filière du silicium cristallin, de la production de silicium à la fabrication de modules. La croissance de l'entreprise n'a toutefois pas suivi, ces dernières années, celle du marché national. Ainsi, l'entreprise chinoise Suntech, avec qui Photowatt faisait jeu égal au début des années 2000, avait à la fin 2010 une capacité de production de 1 800 MW contre 70 MW pour Photowatt. Plusieurs facteurs ont été avancés pour expliquer une telle différence de parcours : manque d'investissements qui a empêché d'atteindre une taille permettant des économies d'échelle, politique commerciale de l'actionnaire canadien, achat par les clients français de panneaux chinois sur le seul critère du coût... Au total, Photowatt, pourtant soutenu par les pouvoirs publics, apparaît comme un symbole des difficultés de la filière française à s'engager sur un cycle de développement à la mesure du potentiel du marché. Début 2011, l'entreprise a annoncé la suppression de 195 postes et de 136 intérimaires sur un total de 670 employés, une partie de la production étant transférée vers un autre pays. Le succès de la société à l'avenir pourrait dépendre de la réussite des projets de recherche auxquels elle participe, tels que ceux du consortium PV Alliance. |
* 18 La direction de l'énergie est rattachée à la fois au ministère de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement et au ministère de l'économie, des finances et de l'industrie.