COMPTE RENDU DE LA TABLE RONDE DU 9 MARS 2011
La commission de l'économie, du développement durable et de l'aménagement du Sénat et le groupe d'études de l'énergie ont organisé, le mercredi 9 mars 2011 au Sénat, une table ronde sur l'avenir de la filière photovoltaïque française. Les intervenants invités à s'exprimer dans le cadre de la table ronde étaient les suivants : - M. Pierre-Marie Abadie, directeur de l'énergie à la direction générale de l'énergie et du climat (DGEC) ; - M. Arnaud Mine, président de la commission solaire du Syndicat des énergies renouvelables ; - M. Didier Marsacq, directeur du Laboratoire d'innovation pour les technologies des énergies nouvelles et les nanomatériaux (LITEN) ; - M. Richard Loyen, délégué général d'Enerplan ; - Mme Fatima Berral (Tenesol) ; - M. Thierry Lepercq (Solaire Direct) ; - M. Paul Grizel de la Fédération française du bâtiment. La parole a été également donnée au public assistant à la table ronde. |
M. Jean-Paul Emorine, président . - La commission de l'économie, du développement durable et de l'aménagement du territoire a souhaité, avec le groupe d'études de l'énergie présidé par M. Ladislas Poniatowski, organiser cette table ronde sur l'avenir de la filière photovoltaïque française. Je vous remercie d'avoir tous répondu à cette invitation.
Le développement de la filière photovoltaïque est dans la droite ligne des objectifs du Grenelle de l'environnement, approuvés par notre assemblée et qui fixaient une cible de puissance installée d'électricité photovoltaïque de 5 400 MW en 2020. Suite à la concertation qui a réuni l'ensemble des acteurs de la filière depuis le mois de décembre, le Gouvernement vient de fixer un nouveau cadre réglementaire qui correspond aux objectifs du Grenelle, avec une cible annuelle d'environ 500 MW pour l'électricité bénéficiant du tarif d'achat. Nous avons souhaité vous réunir au cours de cette table ronde ouverte à la presse et au public, afin de tracer les enjeux du développement de la filière, dans ce nouveau cadre réglementaire.
Avant de laisser la parole à M. Ladislas Poniatowski, je souhaiterais vous faire part de deux interrogations. Quel régime de transition sera-t-il réservé aux projets restés en attente lors de la suspension du tarif d'achat en décembre dernier ? Je pense à de nombreux projets en attente dans le monde agricole, qui participent à l'équilibre économique de certaines exploitations. Dans quelle mesure le nouveau cadre réglementaire prend-il en compte les contraintes spécifiques à l'outre-mer ? http://www.senat.fr/senfic/poniatowski_ladislas98050t.html
M. Ladislas Poniatowski, président du groupe d'études sur l'énergie . - Je remercie M. le président Emorine d'avoir organisé cette table ronde, qui tombe à un moment stratégique pour la filière photovoltaïque. La puissance d'électricité photovoltaïque raccordée au réseau était de 1 025 MW au 31 décembre 2010, mais les projets déposés représentaient plus de 6 000 MW : tout est dit. Le Gouvernement a sagement décidé de suspendre les tarifs d'achat, afin de donner au développement du secteur des bases plus saines tout en permettant d'atteindre les objectifs du Grenelle, et nous l'avons soutenu.
L'enjeu est économique. Dans quelle mesure le développement des installations sur le sol français va-t-il profiter à des entreprises françaises ? Si la phase de l'installation crée des emplois en France, les composants - panneaux, modules, cellules - peuvent être commandés dans d'autres pays : la Chine est aujourd'hui le premier producteur de composants photovoltaïques, alors qu'elle compte peu d'installations sur son territoire ! L'exemple des entreprises chinoises montre que la construction de « champions nationaux » ne dépend pas seulement de la constitution d'un marché national : l'export est essentiel. Quel est le positionnement des entreprises françaises à cet égard ?
Je propose aux intervenants d'aborder plus particulièrement trois points. Tout d'abord, comment la filière doit-elle se structurer ? Son succès viendra-t-il d'un tissu de PME performantes réparties sur le territoire ? Faut-il soutenir la constitution de « champions nationaux », s'appuyant par exemple sur les grandes entreprises du secteur ? Ensuite, quels mécanismes de soutien à la filière doivent-ils être mis à place ? Je pense à la constitution d'un fonds de garantie, au soutien à l'autoconsommation, aux labels de qualité, à la définition des critères d'intégration au bâti, etc. Enfin, quelles technologies doivent être privilégiées ? Faut-il, à ce stade, continuer à explorer plusieurs pistes qui présentent chacune des avantages et des inconvénients - silicium monocristallin, silicium polycristallin, couches minces, etc. ?
Je vais présenter rapidement les intervenants. M. Pierre-Marie Abadie, directeur de l'énergie, tient un rôle difficile puisqu'il prépare les décisions prises par le ministère. On lui reproche de n'avoir pas assez pris en compte les attentes des uns et des autres... S'agissant des organisations professionnelles, M. Arnaud Mine représente le Syndicat des énergies renouvelables (SER) et plus particulièrement la commission solaire de ce syndicat. M. Richard Loyen est le délégué général d'Enerplan, association professionnelle de l'énergie solaire thermique et photovoltaïque. M. Didier Marsacq dirige, pour sa part, le Laboratoire d'innovation pour les technologies des énergies nouvelles et les nanomatériaux (Liten), rattaché au Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA). Il est aussi utile d'écouter des représentants d'entreprises du secteur, même s'il est impossible de recevoir tout le monde : Mme Fatima Berral représente le groupe Tenesol, filiale d'EDF et de Total, et M. Thierry Lepercq préside la société Solaire Direct. Enfin, M. Paul Grizel représentera la Fédération française du bâtiment.
Monsieur Abadie, je souhaite en particulier vous entendre sur la période intérimaire et l'amendement que notre collègue M. Merceron a fait voter au Conseil supérieur de l'énergie.
M. Pierre-Marie Abadie (Directeur de l'énergie) . - Je suis directeur de l'énergie depuis quatre ans : c'est un sujet très délicat. Avant toute chose, je tiens à dire que je suis conscient des difficultés rencontrées par les PME qui ont commencé à se développer et se trouvent à présent freinées dans leur croissance. Mais il faut tenir compte d'enjeux macroéconomiques : c'est le consommateur qui, in fine , paie le soutien aux énergies renouvelables. Le Premier ministre a rendu ses arbitrages.
Le photovoltaïque occupe une place à part parmi les énergies renouvelables. C'est une énergie chère, et si nous l'avons soutenue, c'est d'abord en raison d'enjeux industriels, de développement et d'innovation : car on s'accorde à dire qu'elle a un grand avenir au niveau mondial, dans les pays où l'énergie est chère, le réseau peu développé et où il y a beaucoup de soleil, c'est-à-dire pas d'abord en France ! Tout en nous appuyant sur un marché intérieur, notre objectif doit donc être de nous projeter sur le marché mondial.
L'aide publique a trois objectifs. En matière de production énergétique, l'objectif est largement dépassé. Dans le domaine de la recherche, nous avons créé beaucoup d'outils et sommes en train de mettre au point des appels à projets. Mais dans le domaine industriel, les résultats sont décevants, en raison du recours massif aux importations et du développement très partiel de la chaîne de valeur.
Le photovoltaïque est, de loin, l'énergie renouvelable la plus chère. L'électricité de marché coûte 50 euros par MWh, l'éolien 70 euros, la biomasse 130 à 170 euros, tandis que le photovoltaïque coûtait entre 280 et 580 euros par MWh avant la baisse tarifaire. Certes, les gains de productivité sont rapides. Mais c'est le consommateur qui paie, alors qu'il est très sollicité : d'importants investissements sont nécessaires en matière de transport et de distribution ; les autres énergies renouvelables produisent aussi des surcoûts ; à cela s'ajoutent le coût de la péréquation avec l'outre-mer et, surtout, celui de la maintenance de l'outil nucléaire.
Le photovoltaïque n'est pas l'alpha et l'oméga des énergies renouvelables : n'oublions pas l'hydroélectrique, dont la part reste à peu près stable ; l'éolien terrestre, qu'il nous faudra développer en priorité ; l'éolien off shore , pour lequel le Gouvernement a pris des décisions structurantes ; et la biomasse, qui représentent ensemble l'essentiel de l'augmentation de la production d'électricité renouvelable en France. S'y ajoutent la chaleur renouvelable et les biocarburants.
L'effet de levier du tarif d'achat est très faible : si on observe la chaîne de valeur, on constate que l'essentiel des emplois créés en France se concentre sur les 20 à 30 % en aval. Autrement dit, pour 100 euros dépensés, 30 sont consommés en France, et 70 ont de grandes chances de nourrir les importations. Celles-ci ont explosé en 2010 - 1,5 milliard d'euros et un triplement en volume depuis 2008 - pour des raisons structurelles, puisque d'immenses usines de productions de panneaux se sont implantées en Asie du Sud-Est.
On a beaucoup reproché au Gouvernement sa politique de stop and go . Il est vrai que, depuis dix-huit mois, il a fallu prendre des mesures allant jusqu'au moratoire, puis aux récents arrêtés. Mais nous avons toujours poursuivi le même objectif : maîtriser le soutien public au secteur et assurer le développement soutenable de ce dernier, en luttant contre l'explosion des coûts, en tablant sur un marché intérieur raisonnable et en supprimant les niches d'extrême rentabilité, le tout en parfaite cohérence avec les objectifs du Grenelle. En décembre 2009, le tarif a été restructuré pour supprimer des niches liées au détournement de l'intégré au bâti. Puis en août 2010, il a été globalement baissé pour le rapprocher des coûts, dans un contexte où les gains de productivité s'élevaient à 10 ou 15 % par an. Chaque fois, nous avons eu affaire à une bulle : 4 000 MW en janvier 2010, puis entre 1 000 et 1 500 MW en août. Il est de notre responsabilité d'éviter la formation d'une nouvelle bulle.
Le photovoltaïque a pour particularités que les coûts y évoluent extrêmement vite et qu'un marketing de masse se déploie, puisqu'il s'agit d'une production très éparpillée et difficile à piloter. Un champ d'éoliennes ou une centrale à la biomasse, au contraire, se caractérisent par une certaine inertie de fonctionnement.
Tous les pays ont été confrontés aux mêmes problèmes de régulation. L'Espagne a plafonné les projets en volume, en instituant un quota de 500 MW par an pour toutes les catégories, rationné les octrois d'autorisations et revu les conditions de rémunération des contrats existants. En République tchèque, on a créé une taxe de 26 % sur le chiffre d'affaires pour récupérer la sur-rémunération estimée, et mis en place un système très corseté. Le Royaume-Uni refond aussi son dispositif de soutien en raison du nombre trop élevé de dossiers.
L'Allemagne est souvent citée en exemple pour la continuité et la lisibilité de sa politique. Cela n'a pas empêché des évolutions non anticipées : le Gouvernement allemand accélère en ce moment la baisse du tarif, qui pourrait atteindre 15 % au 1 er juillet. En outre, le système allemand est très coûteux, et correspond à un choix politique : l'équivalent allemand de la Contribution au service public de l'électricité (CSPE) représente 35 euros par kWh, pour les seules énergies renouvelables ! En France, elle est passée de 3,5 à 7,5 euros, et couvre aussi la péréquation, la cogénération et les tarifs sociaux. Les Allemands dépensent environ 10 milliards d'euros pour les énergies renouvelables, les Français 1,5 milliard.
Les décisions prises par le Premier ministre visent à maintenir un flux important mais maîtrisé. Les dossiers en attente n'ont, pour la moitié d'entre eux, pas été suspendus : ils représentent 3 000 MW et, même en prenant en compte le taux de non réalisation, deux ans de travail pour les installateurs. Les particuliers n'ont pas été touchés par la suspension. Une cible de 500 MW par an a été fixée, et répartie en deux parts égales : les petites toitures sans contingentement de volume - tous les dossiers déposés sont acceptés dans le cadre d'un tarif auto-ajustable - et un secteur constitué par les grandes toitures et les centrales au sol, qu'il est important d'encadrer par des appels d'offres, car il s'agit de très gros projets, dont l'effet de levier industriel doit être amélioré et les effets sur l'environnement surveillés - usage des sols, produits employés sur les toitures, etc. En outre, nous continuons à soutenir la recherche - développement, car soutenir l'aval sans l'amont ne sert qu'à nourrir les importations. A ce propos, j'ai eu connaissance d'un télégramme diplomatique de Séoul, où il apparaît que les Sud-Coréens, tout en fixant une trajectoire nationale de 170 MW, exportent pour 3 milliards de panneaux et de composants...
Plus précisément, nous avons défini trois segments : l'installation sur bâtiment de puissance inférieure à 100 kW - ce qui représente tout de même 1000 m 2 - située sur des habitations ou des bâtiments d'enseignement et de santé, l'installation sur bâtiment de puissance supérieure à 100 kW et l'installation au sol, ces deux derniers segments étant soumis à appels d'offres. Pour les centrales au sol et les très grandes toitures, nous lancerons des appels d'offres classiques et multicritères : il s'agira d'identifier les technologies nécessitant des démonstrateurs et des pré-séries, d'autres lots étant consacrés aux grandes séries pour encourager le développement d'unités industrielles en France. La pluralité de critères vise aussi à prendre en compte les enjeux environnementaux, en évitant par exemple que les centrales soient installées sur des terres agricoles et en ciblant les terrains prioritaires - sols pollués, etc. M. Merceron a justement soulevé la question de l'articulation de ces appels d'offres avec les partenariats public-privé lancés par certaines collectivités territoriales. Pour les autres projets, nous travaillons avec la Commission de régulation de l'énergie à la mise au point d'appels d'offres plus automatisés et plus rapides, qui consisteraient en adjudications par lots sur la base du seul critère de prix et d'exigences environnementales, d'intégration au bâti et d'avancement des projets.
Le Gouvernement a été clair : il n'y aura aucun repêchage supplémentaire parmi les dossiers suspendus, d'abord parce que la moitié ne l'ont pas été, ensuite pour ne pas compromettre la sécurité juridique du décret, enfin parce qu'il ne servirait à rien de repêcher quelques dossiers, et qu'il serait trop coûteux d'en repêcher beaucoup : 1 000 MW représentent une augmentation de 1,2 % de la facture du consommateur.
Beaucoup reste à faire pour structurer la filière française, assurer un retour industriel national et mieux prendre en compte les enjeux environnementaux. Nous voulons analyser le cycle de vie du carbone qui entre dans la composition des panneaux. Les appels d'offres devront comprendre des critères aptes à favoriser le développement d'une filière industrielle, comme on a su le faire pour l'éolien off shore . Il faut aussi renforcer progressivement les exigences d'intégration au bâti, en favorisant des produits à plus grande valeur ajoutée, ce qui est bon pour l'industrie française. Nous réfléchissons à une certification et à une labellisation, et pour soutenir nos exportations nous pourrions mettre en place des fonds de garantie. Les problèmes de sécurité doivent être réglés si l'on veut que le développement du secteur soit soutenable : je songe à la sécurité incendie, dont parlait ici même M. Besson. Enfin, nous voulons rendre obligatoire dès 2012 le recyclage des panneaux installés. http://www.senat.fr/senfic/poniatowski_ladislas98050t.html
M. Ladislas Poniatowski, président du groupe d'études . - J'aimerais entendre M. Marsacq sur les technologies nouvelles et leur rôle dans la construction d'une filière industrielle française.
M. Didier Marsacq (Laboratoire d'innovation pour les technologies des énergies nouvelles et des nanomatériaux - Liten) . - C'est l'Institut national de l'énergie solaire que je représente ici avant tout. Pour évaluer les technologies les plus prometteuses, je ne me fonde pas sur les rendements annoncés au hasard des informations glanées sur Google, mais sur plusieurs critères. Le premier est l'adéquation au marché principal qu'est le marché de l'énergie - car le solaire peut aussi servir à l'électronique nomade ou à la publicité autonome en énergie. Le coût importe au plus haut point, car l'objectif doit être de parvenir à la parité réseau : elle est atteinte en Italie, où il ne coûte pas plus cher d'installer un panneau solaire sur son toit que d'acheter de l'électricité sur le réseau. L'inconvénient, en France, c'est que le nucléaire fournit une électricité très bon marché...
Autre critère : le bilan carbone. Car il ne sert à rien d'installer des panneaux qui ne compenseront jamais le carbone émis pour leur fabrication et leur transport ! Il faut aussi tenir compte des réserves en matières premières : First Solar a développé une technologie à base de tellurure de cadmium, qui coûte moins d'un euro au kW, mais les réserves de tellurure sont insuffisantes à long terme. La performance intrinsèque est essentielle, si l'on veut minimiser l'usage des surfaces. Enfin nous nous préoccupons de l'adéquation au tissu industriel.
Tout compte fait, les techniques à base de silicium - en massif ou en couche mince - semblent les plus prometteuses, car c'est une matière que l'on obtient à base de quartz, donc de sable, qui est extrêmement répandue et n'est pas dangereuse.
Il existe déjà des filières d'avenir : je pense au CIGS développé par Saint-Gobain, performant et peu coûteux, mais qui se heurte aux limites des réserves en indium, ou encore au CdTe. Peu importe que l'on emploie des matériaux dangereux, du moment qu'on les trace : ce type de technologie est adapté aux grands sites et ne doit pas être utilisée sur tous les toits !
Il existe aussi des technologies destinées exclusivement à l'export, comme le photovoltaïque concentré qui nécessite une luminosité telle qu'on en trouve en Afrique ou en Australie, pas en France. Il faut pour cela des compétences optiques, thermiques et électroniques que nous avons : des entreprises comme Soitec ou Heliotrop doivent être soutenues.
Il ne faut d'ailleurs pas s'intéresser seulement aux cellules et aux modules, car d'autres produits servent à la construction de panneaux. Ainsi, la société Arkema produit des matières plastiques à partir de dérivés fluorés ; son chiffre d'affaires dans le photovoltaïque s'établit à 250 millions d'euros, et devrait être d'un milliard d'euros dans deux ans ! De même, Mersen construit des creusets en graphite, qui servent à produire des lingots de silicium.
Sachons aussi stimuler de petites entreprises comme Vincent Industrie à Lyon, ou ECM en Isère qui, après avoir développé un four de cristallisation en dix-huit mois, en a vendu cinq en Chine ! Les Allemands, toujours cités en modèle, importent 80 % de leurs modules, mais ceux-ci sont produits en Chine avec les machines allemandes : ils s'y retrouvent donc. Il faut encourager nos équipementiers.
Le CEA a récemment été sollicité pour aider à la vente d'une ligne de panneaux solaires au Kazakhstan, face aux entreprises allemandes emmenées par Siemens : il n'est pas normal que l'on doive se tourner vers nous plutôt que vers une grande entreprise française ! Si nous voulons réussir à l'export, il faut apprendre à chasser en meute !
Une technologie comme le CPV est adaptée à des pays comme le Maroc, la Tunisie ou l'Algérie, où les industriels français sont encore trop rares, alors que l'on pourrait faire des affaires dans la région.
Tout bien considéré, le silicium devrait rester prédominant. Il représente encore 80 % de la production cette année. http://www.senat.fr/senfic/poniatowski_ladislas98050t.html
M. Ladislas Poniatowski, président du groupe d'études . - Je passe la parole à M. Arnaud Mine, dont le syndicat a été très actif ces derniers temps.
M. Arnaud Mine (Syndicat des énergies renouvelables) . - Exposer notre point de vue en si peu de temps, alors que nous avons eu l'impression de n'être pas entendus au cours des trois derniers mois, est une véritable gageure... http://www.senat.fr/senfic/emorine_jean_paul95030b.html
M. Jean-Paul Emorine, président . - Tout dépend de l'oreille qu'on vous prête !
M. Arnaud Mine . - Nous ne sommes même pas d'accord avec le Gouvernement sur les enjeux, ce qui est inquiétant. Le Grenelle fixe l'objectif de 5400 MW d'électricité photovoltaïque en 2020. Mais depuis vingt-sept ans que je travaille dans ce secteur, j'ai vu bien des experts se tromper dans leurs pronostics, malgré toute leur intelligence : il n'y a pas si longtemps, on n'osait prévoir une production supérieure à 100 MW en 2015 ! Les chercheurs d'EDF considéraient que la France pourrait être championne de l' off grid - c'est-à-dire des installations non reliées au réseau - mais qu'il était hors de question d'y produire de l'électricité photovoltaïque reliée au réseau... Un patron de la recherche de l'ancienne Agence française pour la maîtrise de l'énergie a été mis au rancart parce qu'il pensait le contraire ! ( M M. Martial Bourquin et Marc Daunis le confirment) Nul ne peut dire où en sera le photovoltaïque dans cinq ans, mais il y a fort à parier qu'il aura beaucoup progressé.
Les industriels ont été vivement déçus par les annonces gouvernementales. La vie de dizaines d'entreprises est mise en péril. Surtout, il nous semble que le Gouvernement passe à côté des enjeux. Il faut distinguer entre le photovoltaïque sur les bâtiments et le photovoltaïque-énergie, notamment les centrales au sol. Sur le premier volet, nous avons pris des engagements : nous devons diviser par quatre nos émissions de gaz à effet de serre d'ici 2020, et la seule solution est d'installer des panneaux photovoltaïques sur les toitures à très grande échelle. Or la parité réseau sera atteinte dans cinq à huit ans : le prix du kWh photovoltaïque sera équivalent à celui de l'électricité vendue au détail sur le réseau.
Quant au photovoltaïque relié au réseau, il ne faut pas le concevoir comme remplaçant telle ou telle autre source d'énergie : on a trop tendance à comparer des choux et des carottes, la base, la semi-base, la pointe... Dans dix ans tout au plus, on aura atteint là aussi la parité du réseau, c'est-à-dire l'égalité entre le prix du photovoltaïque et le prix de gros de l'électricité en réseau, en internalisant des coûts environnementaux et des valeurs liées au photovoltaïque, qui est une électricité distribuée, correspondant à la pointe ou à la demi-pointe.
Le secteur a souffert du stop and go caractérisant la politique gouvernementale. Il a pourtant créé 25 000 emplois en trois ans : quel autre secteur d'activité en a fait autant ? Il comprend aujourd'hui une centaine d'entreprises, dont une douzaine de dimension industrielle. Mais entre le tiers et la moitié des emplois sont en péril, les plans sociaux se profilent. Quant au fait que certains projets déposés n'ont finalement pas été retenus à cause des retards d'ERDF, cela pose des problèmes juridiques.
Finalement, les professionnels que nous sommes n'avaient pas une vision structurée de la filière au début de la concertation. Un travail sérieux a été mené depuis lors.
La filière doit se développer et la contrainte budgétaire rester à un niveau acceptable. On nous a dit que ce serait autour de 5 400 MW à l'horizon 2010, soit 500 MW par an. Mais comme le taux de mortalité des projets sera de 65 %, on se trompe quand on évalue la file d'attente : on sera plutôt à 1200 MW. Il y a lieu de se pencher sur le coût que cela représente.
Des dispositions particulières doivent être mises en place pour rendre acceptable la baisse des tarifs. La CSPE paye le constructeur, le propriétaire du foncier, l'investisseur en fonds propres et la banque. Nous visons la parité avec une moindre dépense. Plusieurs pistes sont à envisager, à commencer par le taux d'intérêt : une banque prête à 5,5 % pour le solaire, soit un point de plus que pour les maisons ; on a parlé de fonds de caution et, en effet, un fonds de garantie est une clef de la baisse des coûts. S'agissant de l'intérêt du propriétaire de la maison ou du foncier, il est important de réfléchir à l'écart entre la rémunération du travail ordinaire des agriculteurs et le revenu que le solaire assure à ceux d'entre eux qui se lancent dans le photovoltaïque. Avec la règlementation, les bâtiments répondront aux normes environnementales et intégreront le solaire ; il y a là tout un travail à faire.
Nous ne demandons pas un chèque en blanc. L'enjeu est énorme, le marché considérable ; pendant six ans, nous avons développé une industrialisation et nous avons des solutions pour optimiser les ressources grâce à un travail sérieux. http://www.senat.fr/senfic/poniatowski_ladislas98050t.html
M. Ladislas Poniatowski, président du groupe d'études . - Ne confondons pas l'effort budgétaire et la CSPE, acquittée par les consommateurs. Si l'on n'avait rien fait, le photovoltaïque aurait représenté un milliard sur la CSPE : arrêter était responsable. Les parlementaires représentent tous les Français, les consommateurs comme les professionnels.
M. Arnaud Mine. - Nous en sommes conscients. Aussi bien ne s'agissait-il que de 2 milliards pour le photovoltaïque. http://www.senat.fr/senfic/poniatowski_ladislas98050t.html
M. Ladislas Poniatowski, président du groupe d'études . - Nous défendons toutes les filières .
M. Richard Loyen (Enerplan) . - Je complèterai le propos d'Arnaud Mine. Le photovoltaïque, c'était 330 MW au niveau mondial en 2000, 16 000 en 2010, dont la moitié en Allemagne, entre 70 000 et 120 000 en 2020. Le marché allemand aura alors perdu de son importance relative, mais les Allemands ont fait le choix stratégique d'occuper de 12 à 15 % du marché mondial, soit une capacité industrielle produisant plus de 8 000 MW par an en 2020. Les États-Unis ont fixé pour leur part des objectifs de marché national ambitieux, de manière à passer de moins de 850 MW installés en 2010 à 10 GW en 2015 afin de donner de la visibilité de marché à leur industrie, tout en investissant en même temps dans la recherche et développement avec le programme SunShot.
Nos PME et PMI, qui structurent notre offre industrielle, ont été malmenées. L'État ayant mal assuré la régulation, nous avons accepté le moratoire, mais nous n'avons pas plus été écoutés que les collectivités territoriales, les ONG ou les parlementaires. Le tarif d'achat a été contenu aux installations de moins de 100 kW et on nous pousse à baisser de 40 % nos coûts, alors que les coûts ne peuvent baisser autant. Le prix du module photovoltaïque, orienté à la baisse, ne représente que 30 à 40 % du coût de l'installation finale et les câbles sont en cuivre alors que leur prix augmente. La réglementation administrative demeure très complexe. Nous sommes ainsi condamnés à de petits volumes tandis que l'on favorise le low cost , c'est-à-dire les importations extracommunautaires pour gratter sur les prix. La volumétrie est d'ailleurs insuffisante : avec 200 MW en tarif d'achat, auxquels s'ajoutent les appels d'offres simplifiés au moins disant, il reste pour favoriser notre industrie 180 MW en appel d'offres multicritères, soit une semaine à quinze jours de marché allemand.
Nous ne jetons pas l'éponge. Nous nous rappelons que l'on a su reconstruire la filière du solaire thermique après une traversée du désert dans les années 1980, mais il a fallu dix ans. Nous avons 14 mois pour sortir le secteur de la sinistrose organisée par l'État et ses services. Nous avons manqué tous les trains des énergies renouvelables, veillons à ne pas rater celui-ci car c'est le dernier, même si le chef de gare a dit que nous devions attendre.
Les appels d'offres des collectivités peuvent jouer un rôle d'amortisseur tout en valorisant les mieux-disant parmi nos entreprises que les clients ont désertées. http://www.senat.fr/senfic/poniatowski_ladislas98050t.html
M. Ladislas Poniatowski, président du groupe d'études . - Voilà qui n'est guère optimiste. Beaucoup de régions interviennent déjà pour subventionner les panneaux photovoltaïques des particuliers, qui sont conformes au Grenelle.
Mme Fatima Berral (Tenesol) . - Filiale de Total et d'EDF, le groupe Tenesol emploie 2 000 personnes tant sur le marché français que dans les DOM et à la grande exportation - et cela sans attendre la nouvelle règlementation. C'est un ensemblier photovoltaïque, nous proposons du clef en main, mais nous fabriquons aussi dans nos usines de Toulouse et du Cap, en Afrique du Sud.
Responsable de l'activité en France, je partage l'analyse de MM. Mine et Loyen. Comment aider la filière ? Le décret annoncé va nous demander d'être plus compétitifs, partant de rogner sur tous les coûts. L'aspect administratif n'est pas négligeable de ce point de vue, parce que les cycles administratifs sont trop longs. Il faudrait optimiser les marchés administratifs afin de gagner du temps. En effet, on peut difficilement aller voir un banquier si on n'a pas un tarif à lui soumettre.
Je relaierai également une demande qui s'exprime dans les DOM, où l'on est en attente de nouvelles règles, mais la commission Baroin, qui est relativement lointaine, semble se limiter à la fiscalité.
On a besoin de visibilité et de projets d'un volume autorisant les économies d'échelle, ce qui suppose de nous associer à la définition des appels à projets. http://www.senat.fr/senfic/poniatowski_ladislas98050t.html
M. Ladislas Poniatowski, président du groupe d'études . - Oui, les DOM attendent des décisions.
Mme Fatima Berral . - ... sur l'aspect fiscal, mais aussi tarifaire.
M. Thierry Lepercq (Solairedirect) . - Je mesure toute l'asymétrie de l'information entre les acteurs ! Solaire Direct, qui produit de l'énergie solaire, s'apprête à lancer de gros contrats en France, au Chili, en Inde, au Maroc et en Afrique du Sud. Nous sommes un opérateur qui travaille avec la Caisse des dépôts et emploie quelque 300 personnes, dont le tiers dans l'industrie.
Nous avons aujourd'hui une opportunité. Oui, le développement est possible et, oui, la filière va se structurer. Ce que fait le gouvernement est salutaire : l'intérêt général commande la vigilance sur l'emploi des fonds publics. Nous étions sur une trajectoire absurde. Si elle nous a servis, on voit qu'elle a conduit l'Italie, avec 8 GW, à une facture tragique de 50 milliards d'euros : d'où les sortira-t-elle ? Quoique sévère, voire brutale, la décision intervenue a préservé l'avenir du photovoltaïque. Il était indispensable de mettre le cap sur la compétitivité et nous allons prouver en 2011 que c'est possible : nous signons en France un contrat de vente d'électricité à des compagnies et nous allons à l'appui de cela développer un outil industriel intégré, du lingot au module. Nous produirons une électricité compétitive et raccordée au réseau fin 2012 ou en 2013.
Le bâtiment intégré requiert une démarche spécifique. Le photovoltaïque à grande échelle, on y est. J'invite avec solennité tous les décideurs publics à prendre la mesure de l'événement colossal que constitue cette transformation. Samsung a décidé d'investir 3 milliards dans le photovoltaïque. Les Asiatiques avec lesquels nous discutons vont très vite parce qu'ils sont convaincus de sa compétitivité ; de même, l'Afrique du Sud, dont je reviens, va quadrupler sa production. C'est dire que l'opportunité est considérable.
Que faire ? Les dispositifs sont là. Nous devons vivre avec, de manière frugale et déterminée. On a besoin d'une vision à long terme et de confiance. Le défaut de parole de l'État sur le crédit d'impôt a entraîné un vote de défiance, le marché est mort et les entreprises sont en difficulté. Recréer la confiance est indispensable. L'État a pour cela un rôle considérable à jouer. Il s'agit aussi de mettre en place des outils de garantie afin de baisser les coûts.
Le low cost n'est pas un gros mot, dès lors que l'on garantit la sécurité et la fiabilité, partant la bancabilité - nous n'aurions pas levé 400 millions sans cela. S'agissant du coût du capital, il y avait des rentes de situation absurdes, même si nous en avons profité. Il est temps de canaliser l'épargne. J'ai demandé à la Macif, à quelle condition elle investirait une partie de ses 19 milliards dans mon projet ; « quand il y aura des véhicules qui inspirent confiance » m'a-t-elle répondu.
Nous avons la possibilité d'avancer. L'État et les territoires peuvent prendre part à la renaissance du photovoltaïque. Quelle opportunité pour le pays ! Je suis pour ma part très confiant dans l'avenir. http://www.senat.fr/senfic/poniatowski_ladislas98050t.html
M. Ladislas Poniatowski, président du groupe d'études . - Message bien reçu.
M. Paul Grizel (Fédération française du bâtiment) . - Nous sommes gens de méthode, aussi sommes-nous formés et avons-nous les outils et les normes. Nous sommes prêts. Je suis donc heureux quand je lis, page 2 du texte de M. Abadie, que nous allons nous développer, mais je le suis moins quand je vois, page 10, qu'il nous annonce 320 MW, car cela représente 30 ouvriers par département. Autrement dit, nous serons en surcapacité après avoir fait un gros effort de formation.
Le développement du photovoltaïque sert-il la France ? Dans le bâtiment, les ouvriers travaillent à 50 kilomètres de chez eux : cela ne sort pas du territoire. On a mis en place un bac pro, une mention photovoltaïque ; nous avons des qualifications Qualibat, Qualifilec. Les outils sont là, même si l'on peut encore les améliorer.
Quels soutiens, nous demandez-vous ? L'autoconsommation, bien sûr. De même que l'énergie la moins chère est celle que l'on ne consomme pas, nous sommes très tentés par l'autoconsommation. C'est aussi l'intégré bâti, encore qu'il faille inventer le véritable intégré.
Nous n'avons pas de technologie privilégiée, sinon celle qui assure le meilleur rendement à chaque instant. La réglementation pour les bâtiments en 2012 est sortie, il faut maintenant travailler avec les industriels pour inventer le bâtiment de 2020. On peut faire deux fois plus que ce que nous faisons maintenant ; cela suppose de réunir l'architecture, la technique... http://www.senat.fr/senfic/raoul_daniel01016m.html
M. Daniel Raoul. - Je remercie la commission d'avoir organisé cette table ronde, même si elle a trois ans de retard. Quel est en effet le bilan depuis le Grenelle I ? Le bilan carbone des panneaux solaires est négatif et il faudrait évoquer le recyclage. On a creusé le déficit de la balance commerciale en créant un effet d'aubaine et une bulle financière. Je m'inquiète de la répartition de la valeur sur la chaîne. On a perdu beaucoup en important.
M. Marsacq a posé la question de la filière. De fait, elle n'existe pas vraiment, faute d'amont. La recherche n'est pas structurée. On n'y a pas mis les moyens alors qu'on aurait pu profiter des pôles de compétitivité. M. Marsacq a évoqué la technique, mais il y a d'autres pistes que le silicium, y compris au CEA, où l'on travaille sur des composites organiques. Quant aux tarifs, il est plus facile de s'aligner quand les prix de l'électricité augmentent à la suite de la loi NOME.
M. Lepercq a évoqué la nécessité d'une vision à long terme et de la confiance. Nous avons le FSE et le FSI, voilà ce qu'il faut activer pour que l'amont fournisse à la production de l'aval. http://www.senat.fr/senfic/bourquin_martial08068f.html
M. Martial Bourquin. - Veut-on vraiment développer les industries renouvelables dans ce pays et peut-on fabriquer des panneaux en France ? Voilà la question des questions. Pour l'instant, ce sont des produits d'importation, nous n'avons pas un seul fabricant et nous restons à l'écart de la révolution verte. L'avenir n'est-il pas de prendre la mesure de la mutation écologique ? S'il fallait corriger les effets d'aubaine - et je pourrais vous en trouver de bien plus coûteux -, on a provoqué un recul dont les effets sont graves. Ce n'est pas un hasard, quelqu'un avait dit : « L'écologie, ça commence à bien faire ! » L'Allemagne avait commencé à développer le photovoltaïque, Saint-Gobain met en place des unités en Corée et en Allemagne. Alors qu'une grande entreprise automobile commençait chez moi à se diversifier dans les capteurs photovoltaïques, le marché se bloque tout d'un coup ! Il est atone disent les TPE et PME qui se développaient en Franche-Comté. On avait pourtant déposé des brevets. Ce recul risque de nous coûter très cher. Les Américains, qui avaient pris un retard catastrophique, sont capables de le rattraper, mais qu'adviendra-t-il de la filière qui commençait à se développer chez nous ? Oui, il fallait réformer les aides, reconsidérer le bilan carbone des capteurs, s'interroger sur le recyclage, et l'intégration était une autre question à aborder, mais fallait-il pour autant rater le train de l'histoire ?
Notre intéressant débat pluraliste doit aussi aborder les questions financières. Le total des aides à l'emploi représentent 22 milliards, soit 27 000 euros par emploi, à comparer aux crédits prévus pour le photovoltaïque. Fallait-il sacrifier un secteur qui a créé 25 000 emplois et pouvait en créer le double ? http://www.senat.fr/senfic/belot_claude89013m.html
M. Claude Belot. - Je remercie nos deux présidents d'avoir organisé ce débat. On s'interroge aujourd'hui sur la capacité des pays arabes à nous fournir en pétrole et l'actualité nous rappelle la situation de 1973, alors même que le thermique à flamme reste une réalité pour environ 8 % de la production électrique française. J'avais soutenu le Grenelle parce que cette démarche intelligente débouchait sur un compromis acceptable pour l'acceptabilité de toutes les sources d'énergie, entre la construction d'EPR et les objectifs de puissance installée d'électricité d'origine photovoltaïque : cet échange avait calmé le jeu.
On a le sentiment qu'EDF est en train de reprendre la main alors que la voiture électrique se développe, les grands industriels s'y mettent et nous recevons des propositions de bornes de ravitaillement.
On est à côté de la plaque pour le photovoltaïque. Voilà 35 à 40 ans que je crois aux énergies renouvelables et que je les développe, de la géothermie à la biomasse en passant par les réseaux de chaleur. C'est en effet une bonne opération pour les personnes, pour la collectivité et pour la France, surtout au moment où le baril de pétrole atteint 112 euros. Il y a une politique ciblée pour la géothermie, et le fonds chaleur, cela marche pour les réseaux de chaleur. Je m'étais engagé avec imprudence sur le photovoltaïque : nous avions repéré des carrières pour installer les panneaux sans gêner l'agriculture, ma collectivité avait assumé des études importantes et sur sept sites repérés, deux sont en construction, les autres sont rejetés. Nous avons acquis des terrains, des entreprises se sont engagées et nous nous retrouvons dans une situation comme je n'en avais jamais vue. Des entreprises vont déposer leur bilan ; une personne qui a investi là-dedans l'héritage de trois générations aurait mieux fait d'aller jouer au casino. Tout cela est imbécile, dangereux, destructeur, gravissime.
Certes, il fallait arrêter les dérives : les prix d'achat étaient excessifs, d'aucuns obtenaient un rendement de 15 %, plus un avantage fiscal, sans parler du réinvestissement en franchise d'ISF. Vous avez essayé à plusieurs reprises d'y remédier mais en vain. Vous avez pris une décision qui touche aussi des équipes jeunes, qui se sont engagées parce qu'elles croient aux énergies vertes. Vous les tuez aujourd'hui et il ne restera plus sur le marché qu'EDF et l'ex-GDF - bref, une solution à la française... Il y aura en Europe l'éolien, le photovoltaïque, le nucléaire et la biomasse. Ne gâchons pas tout. Les responsables professionnels ont appliqué la règle du jeu. Il importe de faire la vérité des prix, d'y voir clair. Quel est le prix du kilowatt solaire en France ? Personne ne le sait, c'est devenu un mystère technologique et économique. J'en appelle solennellement aux responsables de l'État pour que la règle du jeu soit connue, les gens en ont besoin pour s'inscrire sur le marché dans la durée. http://www.senat.fr/senfic/daunis_marc08038y.html
M. Marc Daunis. - Je remercie nos deux présidents de nous donner cette opportunité de débattre. Je m'inscris dans la continuité de ce qu'ont dit MM. Bourquin et Belot. Je suis un élu de la péninsule du Sud-Est et, à Sophia-Antipolis, nous avions dans les années 1980 une avance technologique considérable (c'était le temps de l'AFME). Or les programmes ont été dramatiquement stoppés et nous avons maintenant un retard à récupérer. Voulons-nous du renouvelable, avons-nous une ambition pour le photovoltaïque ?
J'ai alerté le ministre de l'industrie, j'ai saisi le Premier ministre, parce que l'on tue des professionnels. Des PME qui avaient investi licencient maintenant, d'où une perte de savoir-faire et de compétence. Dans le même temps, on met 3 milliards sur la table pour la TVA de la restauration... On ne peut se contenter d'une politique à court terme, les industriels ont besoin d'une visibilité à long terme pour s'adapter.
Certains effets sont cumulatifs : l'État s'est retiré, mais aussi la région Provence-Alpes-Côte-d'Azur et, simultanément, le département des Alpes-Maritimes, d'où une situation dramatique.
Ne faudrait-il pas mieux anticiper dans le domaine des terres rares ? J'ai l'impression que nous évacuons très élégamment le problème en ne nous penchant pas sur la question des réserves foncières à constituer. Ces terres rares sont plutôt réparties inégalement sur la planète. http://www.senat.fr/senfic/vial_jean_pierre95067q.html
M. Jean-Pierre Vial. - Je vous félicite pour cette table ronde.
Quand la mission Charpin a été lancée, j'ai demandé au Sénat de réfléchir sur le photovoltaïque : un rapport ne nous permettrait-il pas de disposer d'éléments de réflexion pour définir une véritable politique dans ce domaine ?
Ce n'est pas une question politicienne : étant membre d'un pôle de compétitivité, j'ai pendant tout le travail de la mission Charpin signé des notes avec ma collègue députée de l'Isère, Geneviève Fioraso ; à l'époque, nous avions fait une conférence de presse. Sans aucun cynisme, je me félicitais de ce qui se passait car nous allions enfin sortir d'une année 2010 qui avait vu quatre modifications législative. Je me suis associé aux inquiétudes des industriels : dès l'origine, nous avons été choqués quand M. Charpin a affirmé qu'il n'y avait pas de filière photovoltaïque en France. Le tour de table de cette après-midi démontre le contraire : la filière française existe et elle est en cours de constitution. Il y a quelques semaines, nous avons reçu Mme Kosciusko-Morizet qui a insisté sur la qualité des équipements. Quand M. Besson est venu devant notre commission, je l'ai interrogé sur la notion de filière industrielle. En 2012, la clause de revoyure prévoit 800 MW pour la filière. Or, j'avais dit que le plancher pour constituer une filière industrielle se situait entre 700 et 900 MW. Dans les orientations, on invoque 1 milliard du grand emprunt pour les énergies renouvelables. Dans le cadre des appels à projets, il y aura donc un accompagnement du gouvernement.
Les parlementaires sont convaincus que la France a un rôle à jouer dans le domaine des énergies renouvelables : de quels indicateurs disposerons-nous pour que, mi-2012, on puisse étudier la situation pour tracer les objectifs à court, moyen et long terme et donner une réelle lisibilité à la filière solaire ?
Enfin, les mégawatts attendus ne seront pas au rendez-vous à cause de la file d'attente. http://www.senat.fr/senfic/botrel_yannick08014q.html
M. Yannick Botrel. - J'en reviens au décret de suspension dont M. Abadie a fait état lors de sa présentation : le couperet est tombé très brutalement, ce qui a eu pour effet d'écarter un certain nombre de dossiers engagés, mais pas complètement aboutis.
Les conséquences ont été graves et injustes. Je pense notamment à tous les projets prévus par des collectivités. Ainsi, la toiture d'un gymnase a été dimensionnée pour recevoir du photovoltaïque, d'où un coût supplémentaire, mais la collectivité ne pourra mener à bien ce projet pourtant bien parti et déjà financé en partie. Même remarque pour les agriculteurs qui ont engagé des frais dans l'élaboration de dossiers et qui doivent abandonner leurs projets.
Le nouveau dispositif entrera en vigueur le 10 mars 2011, soit demain. Les critères ont été brutaux et stupides : n'y a-t-il pas lieu de reprendre un certain nombre de dossiers qui ont connu un début d'exécution et d'envisager que, dans le nouveau dispositif, ils puissent être repêchés ?
M. Pierre-Marie Abadie . - Il faut le rappeler, pour le photovoltaïque, nous sommes au-delà des objectifs du Grenelle ! Sur les énergies renouvelables, nous avons pris des décisions importantes en matière d' off-shore , de méthanisation et d'éolien terrestre. Qu'on ne vienne pas dire que les énergies renouvelables sont passées à la trappe. Pour l'éolien terrestre, nous raccordons 1 000 MW par an : le Grenelle avait prévu 1 200 à 1 400. Nous n'en sommes donc pas loin.
Sur le photovoltaïque, nombre d'entre vous ont dit que nous n'y croyions pas. C'est faux. En revanche, ça ne peut pas être partout et tout de suite. Puisque pendant six ans nous aurons encore des surcoûts très élevés, les impacts macroéconomiques devront être bien évalués. Le rythme d'installation devra donc être maîtrisé. Affirmer que nous avons un système soutenable à 500 MW, demain peut être un peu plus, c'est bien garantir sa durabilité.
Les parlementaires ont prévu la CSPE pour financer le dispositif. Si nous ne maîtrisons pas le système et si nous ne montrons pas que nous sommes capables de le financer, sa viabilité est en cause. Or, depuis décembre, nous avons bien avancé sur cette question.
Dans les mois à venir, nous devrons indiquer ce qui sera fait en ce qui concerne la file d'attente. Nous n'avons aucun indice qu'au-delà de la réalisation dans les 18 mois, il y ait une contrainte extrêmement forte qui fasse tomber les dossiers. http://www.senat.fr/senfic/poniatowski_ladislas98050t.html
M. Ladislas Poniatowski, président du groupe d'études . - Pensez-vous que les nouveaux tarifs vont décourager 1 000 des 3 000 MW ?
M. Pierre-Marie Abadie . - Les 3 000 MW bénéficient des tarifs élevés. http://www.senat.fr/senfic/poniatowski_ladislas98050t.html
M. Ladislas Poniatowski, président du groupe d'études . - Quid pour les 3 400 restants ?
M. Pierre-Marie Abadie . - Je suis incapable de vous répondre. Par rapport à la file d'attente constituée en décembre 2009, les dossiers sont plus solides, car pour entrer dans cette file d'attente, il fallait un permis de construire et avoir déposé un dossier de raccordement. La principale contrainte que nous voyons dans le décret, c'est le délai de 18 mois. Mais c'est tout à fait légitime : qui accepterait que l'on accorde le tarif d'octobre 2010 à des projets réalisés dans deux ans ? En 2013, les panneaux auront peut être baissé de 20 %. Le premier indicateur pour 2012, ce sera de savoir combien de dossiers auront été réalisés dans la file d'attente.
L'administration devra démontrer que les dispositifs d'appel d'offre spécifiques pour le photovoltaïque fonctionnent. Les appels d'offre pour les centrales au sol avec des exigences environnementales et les appels d'offre plus automatiques sur les toitures devront faire preuve de leur efficacité : la charge de la preuve est donc du côté de l'administration.
En revanche, la filière devra démontrer que les perspectives de développement sont robustes et qu'elles permettront d'augmenter la valeur ajoutée en amont de la filière. Les appels à manifestation d'intérêt seront lancés dans le cadre des investissements d'avenir du grand emprunt. Une politique industrielle doit accompagner le développement des énergies renouvelables et c'est pourquoi nous avons nommé un chargé de mission par filière pour identifier les enjeux, les goulots d'étranglement, les formations et les aides financières. Les industriels devront nous montrer que les investissements accordés par les pouvoirs publics permettront de faire du développement en France. En clair, le Premier ministre veut bien payer pour voir à hauteur de 500 MW, mais pas plus.
Dans le domaine de l'offshore, nous nous y sommes pris de façon radicalement différente : nous avons identifié les zones et beaucoup travaillé avec tous les acteurs industriels, depuis les ports et les industriels jusqu'aux équipementiers. Lorsque nous lancerons l'appel d'offre, nous demanderons aux énergéticiens qui candidateront de présenter un plan industriel et nous leur donnerons du temps pour le mettre en oeuvre. Nous voulons faire de cet appel d'offre un levier industriel. http://www.senat.fr/senfic/poniatowski_ladislas98050t.html
M. Ladislas Poniatowski, président du groupe d'études . - Ils aimeraient un peu plus de temps...
M. Pierre-Marie Abadie . - Suivant les acteurs, ils veulent plus de temps, mais pas tous au même moment. http://www.senat.fr/senfic/poniatowski_ladislas98050t.html
M. Ladislas Poniatowski , président du groupe d'études . - Comment allez-vous faire avec les projets engagés par les collectivités ou par les agriculteurs et qui n'ont pas été retenus ? Comment choisir certains et en écarter d'autres ?
M. Pierre-Marie Abadie . - Un dossier qui n'a pas été suspendu est réalisé en fonction du tarif fixé initialement. Un dossier suspendu doit être redéposé : suivant sa taille et sa nature, il entre dans un tarif ajustable ou dans un appel d'offre. La question des repêchages est définitivement close.
Le délai de trois mois qu'ERDF est censé appliquer pour traiter les dossiers ne constitue pas un engagement juridique ferme. Le cas de force majeure pourra être invoqué : 600 à 800 MW n'ont pas pu être traités ! Au mois d'août, 1 000 MW sont tombés dans les services d'ERDF à cause de la perspective d'une évolution tarifaire. Les services de traitement sont donc saturés.
Dernière remarque : 800 MW représentent 4,8 milliards. On ne pouvait donc les repêcher pour une simple question de sécurité juridique.
Vous m'avez également interrogé sur le recyclage et le démantèlement : ces sujets ont été abordés dans l'arrêté tarifaire. Le recyclage sera imposé à partir de 2012. Au fur et à mesure des travaux, nous irons plus loin en utilisant les informations qui nous seront transmises.
Nous avons défini et renforcé les critères d'intégré au bâti : nous avons essayé d'être aussi progressifs que possible. Les critères seront souples pendant encore un an, mais ensuite ils seront renforcés car nous voulons des produits bien intégrés aux toitures.
Les procédures ont été simplifiées. Lorsque je suis arrivé en 2007, il y avait cinq guichets. Il n'y en a plus que deux : un guichet « permis de construire » et un guichet « obligation d'achat et raccordement ». Il faut avoir franchi l'étape du permis de construire pour déposer le dossier au raccordement. Le tarif est fixé au dépôt de la demande et nous allons améliorer la transparence de la file d'attente.
M. Didier Marsacq . - Je ne puis laisser dire qu'au niveau du bilan carbone, nous ne sommes pas bons. Si l'on tient compte de l'énergie que produit un panneau solaire par rapport à l'énergie qu'il a nécessité pour sa fabrication, il faut entre deux ans à Nice et trois ans à Paris.
En ce qui concerne le bilan carbone, les choses sont plus complexes : tout dépend du pays qui a fabriqué le module et de l'endroit d'où on a extrait le silicium. Il faut entre trois et cinq ans pour un module photovoltaïque en silicium produit en France pour compenser le CO 2 . En Allemagne, il faut entre 12 et 15 ans et en Chine plus de 20 ans.
Le silicium, ce n'est pas ringard : cela représente 80 % des panneaux et les progrès techniques à venir sont considérables. Vous évoquiez la filière organique : elle a du potentiel mais tous les marchés ne pourront y avoir recours. Ainsi, nous avons des doutes sur les centrales solaires qui sont exposées au soleil pendant des décennies.
Il n'y a pas de terres rares dans le photovoltaïque, mais des composants sensibles dont la France n'est pas dotée. Le BRGM se mobilise sur le sujet pour déterminer les endroits et les matières sensibles afin de passer des accords pour ne pas avoir de soucis dans les années à venir. Pour la filière silicium, le quartz se trouve plutôt en Afrique du Sud et au Kazakhstan. La Chine ne possède pas forcément toutes les matières premières dont nous avons besoin.
M. Arnaud Mine . - Schématiquement, il existe trois business model en la matière : le modèle chinois repose sur des technologies connues, matures, avec des unités de production de très grande taille. Dans ce modèle, le coût de la main d'oeuvre est de moins en moins décisif car ce qui fait le coût du photovoltaïque, c'est la génération des machines utilisées. Si vous possédez celles de la dernière génération, les prix sont plus bas que pour la génération d'avant. Ce qui permet à la Chine de vendre, c'est la facilité de ce pays à monter des unités de production et à rassembler les investissements nécessaires. Deuxième business model , celui de l'Allemagne avec les machines-outils : ce pays a fini par fournir des machines à tous les groupes chinois. Dernier business model , celui des États-Unis basé sur l'innovation technologique en gardant la maîtrise de l'outil industriel et des machines.
J'en viens à la France : nous avons eu un arrêté tarifaire le 10 juillet 2006. Le temps que les vocations émergent, l'année s'est écoulée. En trois ans, une douzaine d'assembleurs de modules se sont constitués, dont Tenesol et Photowatt un peu plus intégré vers l'amont. Il y a des fabricants de lingot et une créativité extraordinaire sur tous les procédés d'intégration aux bâtiments. Il existe d'autres fabrications industrielles, notamment en connectique. Quant on parle d'industrie, il faut bien voir qu'il n'y a pas que le module.
A quoi sert l'argent de la CSPE ? Le module représente 25 à 30 % du prix total. Tout le reste est dû aux services financiers et à la main d'oeuvre.
En trois ans, nous avons donc bien progressé au niveau industriel. L'Allemagne, qui avait dix ans d'avance sur nous, a progressivement développé l'amont. Il n'y a pas de raison structurelle qui ferait que les coûts de main d'oeuvre ou notre incapacité à trouver les technologies nous empêcheraient de mettre en place une filière industrielle. Mais comment voulez-vous que des groupes industriels, des PME ou des investisseurs acceptent de financer des outils industriels, qui ont besoin d'une vision à dix ans, si les règles du jeu ne sont pas claires et durables ?
M. Richard Loyen . - Entre la politique solaire engagée en 2006 et 2010, nous avons multiplié par cinq la capacité de production de modules photovoltaïques en France. L'intégré bâti a été réalisé, ce qui est d'autant plus méritoire que nous sommes les seuls au monde à avoir la loi Spinetta avec la garantie décennale. Certaines de nos entreprises sont exportatrices de solutions, notamment en Italie. Nous avons un projet industriel en matière de cellules solaires et un projet d'usine d'encapsulation novateur en matière d'automatisme avec contact face arrière. Le pilote industriel va être installé à côté de Tunis, mais il s'agit d'ingénierie française. Il y a donc eu une réponse industrielle mais, pour investir, l'industrie a besoin de visibilité et de confiance, or elles font aujourd'hui défaut. Je demande donc à l'État de nous donner des raisons d'espérer et d'investir. http://www.senat.fr/senfic/poniatowski_ladislas98050t.html
M. Ladislas Poniatowski, président du groupe d'études . - Je m'étais engagé à donner la parole à la salle.
M. Paul Bellavoine (Société Héliotrop) . - Nous travaillons avec plusieurs sociétés en France sur le CPV, qui est une technologie qui fonctionne très bien à l'exportation et dans le sud de la France.
Nous faisons partie des entreprises réellement centrées sur l'innovation : il y a des appels à manifestation d'intérêt lancés dans le cadre du grand emprunt orchestré par l'Ademe et le commissariat général à l'investissement (CGI). Ces appels peuvent permettre à des entreprises comme la nôtre de monter des démonstrateurs qui peuvent être compétitifs au niveau mondial. Notre business plan démontre que si nous parvenons à faire des démonstrateurs d'une certaine puissance en 2012, nous ferons partie en 2013 des cinq champions mondiaux sur cette technologie. Pourtant, les manifestations d'intérêt sont bancales : on nous propose un financement pour construire de grands démonstrateurs mais sans tarifs d'achat. Ce problème a un impact énorme : avec un tarif plancher de 12 centimes pour nos démonstrateurs, il n'est pas possible d'obtenir l'engagement de nos partenaires.
Dans les appels d'offre actuels, comment l'innovation va-t-elle être concrètement favorisée ?
Enfin, envisagez-vous des actions concrètes dans le cadre du plan solaire méditerranéen ?
Mme Sophie Leconte (Solar Euromed) . - Je représente la filière thermodynamique à concentration. Peut-on espérer des appels d'offre spécifiques pour la filière thermodynamique ?
M. Marc Jedliczka (Association Hespul) . - J'ai été l'un des représentants des ONG dans le cadre du Grenelle. Pendant trois ans, on nous a trompés sur le Grenelle : nous raisonnions sur des planchers et, aujourd'hui, on nous oppose des plafonds. Si l'on fait 5,41 GW, on a l'impression que c'est la catastrophe : à l'époque, les centaines de mégawatts étaient les unités de compte. Aujourd'hui, on parle de gigawatts. Avec cet arrêté tarifaire, on met la France en dehors du train. Cela vient d'une vision de départ erronée : les 5 400 MW ont certes été acceptés mais il n'y avait pas de consensus sur ce chiffre, certains voulaient aller beaucoup plus loin. Aujourd'hui, ce seuil est coulé dans le marbre du plan national d'action qui a été remis à la Commission européenne. Mais pourquoi s'interdire de dépasser ce plafond si on limite la CSPE ? Le vrai sujet, c'est la maîtrise de la CSPE : nous avons fait le constat en 2006 que les tarifs d'achat créaient des bulles : on avait favorisé l'émergence de niches qui ont coûté très cher. Alors que l'industrie photovoltaïque existait depuis 1975 avec l'entreprise Photowatt, qui figurait parmi les quatre premiers mondiaux, nous n'avons aujourd'hui plus d'industrie française à proprement parler car elle joue petit bras avec un facteur de production divisé par dix par rapport à ses concurrents.
La CSPE ne bougera pas tant que les méthodes de calcul de la compensation pour les tarifs d'achat ne seront pas mises sur la table. Le législateur doit se saisir de cette question, d'autant que la CSPE finance à 80 % des énergies fossiles, des gaz à effet de serre au travers de la péréquation tarifaire. Le photovoltaïque est accusé de tous les maux mais il représente peut être un quart des 20 % restants ! La CSPE doit être mise au service du développement d'une énergie renouvelable. Avec 500 MW, le chiffre d'affaires des entreprises va baisser mécaniquement dans les dix ans à venir. Il sera donc impossible de trouver des investisseurs français et étrangers.
Il faudrait peut être aussi interroger les directions qui s'occupent des bâtiments ; j'ai participé aux travaux du plan Grenelle bâtiment l'été dernier. Dans ce domaine, le point de vue de l'État n'est pas du tout celui qui a été exprimé cette après-midi. On nous dit de préparer les bâtiments de demain mais, dans le même temps, on interdit à l'industrie du bâtiment toute courbe d'apprentissage alors que ses temps de réponse sont très lents. Avec les systèmes simplifiés à 100 kilowatts, on ne disposera d'aucune expérience sur les bâtiments qui se construisent dans les éco-quartiers. Même remarque pour les bâtiments existants. Comme l'a dit un sénateur, la France n'achètera plus que du chinois dans dix ans. La représentation nationale doit avoir un débat de fond sur ces questions.
Dernier point : vous êtes les représentants des citoyens français et je voudrais que vous me disiez quel citoyen français est capable de comprendre l'arrêté tarifaire : c'est byzantin ! Il va sans doute falloir 18 circulaires pour expliquer l'arrêté. La technocratie décide pour tout le monde et c'est extrêmement néfaste pour la démocratie. Dans les autres pays, les arrêtés tarifaires sont compréhensibles par tous. http://www.senat.fr/senfic/poniatowski_ladislas98050t.html
M. Ladislas Poniatowski, président du groupe d'études . - C'est une vraie question.
M. David Mulhaupt (Association Touche pas à mon panneau solaire) . - Nous sommes un collectif de 4 000 personnes qui s'est constitué au début de la concertation Charpin.
La simplification des démarches administratives permettrait de réduire les coûts. Nous représentons des PME du photovoltaïque et nous pourrions créer beaucoup d'emplois et de nombreux kilowatts-heure. Contrairement à ce qu'a dit M. Abadie, nous n'avons pas constaté une simplification des démarches administratives. En 2002, les démarches de raccordement duraient à peu près un an pour un projet de 20 à 100 KW. Sept ans plus tard, les délais sont restés identiques. En Allemagne, les délais sont de deux à trois mois : le coût d'installation est donc logiquement beaucoup plus élevé dans notre pays à cause de la durée des projets.
M. Pierre-Marie Abadie . - Sur la question des démonstrateurs, il y a un travail étroit entre les services de la direction générale de l'énergie et du climat (DGEC), notamment ceux qui s'occupent des filières vertes, et Heliotrop. Nous avons proposé de maintenir un tarif démonstrateur pour compléter les plans de financement des démonstrateurs qui sont, par ailleurs, candidats au grand emprunt. Les arbitrages finaux n'ont pas retenu cette proposition et je ne les commente pas. Peut être reviendra-t-on sur cette décision.
Sur les appels d'offre pour les objets au sol, nous avons deux objectifs : un premier pour les séries importantes qui permettront de développer nos capacités de production. Mais nous voulons aussi conserver des lots dédiés à des technologies spécifiques et à fort potentiel afin d'aller sur l'international. Pour les 180 MW de centrales au sol par an, nous allons donner aux lots que nous proposerons une totale visibilité.
Un mot sur le calcul de la CSPE : nous avons tenu un atelier spécifique mais c'est la CRE qui développe les méthodes et qui effectue les calculs. http://www.senat.fr/senfic/poniatowski_ladislas98050t.html
M. Ladislas Poniatowski, président du groupe d'études . - Je reviens sur l'arrêté tarifaire : mon administrateur a heureusement une formation d'ingénieur et il a pu me donner quelques explications, mais je reconnais que ce document est quelque peu... complexe.
M. Pierre-Marie Abadie . - C'est vrai, mais il n'est pas incompréhensible pour les gens qui vont le mettre en oeuvre.
M. Marc Jedliczka . - C'est totalement incompréhensible pour les installateurs ! http://www.senat.fr/senfic/poniatowski_ladislas98050t.html
M. Ladislas Poniatowski, président du groupe d'études . - Cet arrêté ne pourrait pas être présenté de façon simplifiée ?
M. Pierre-Marie Abadie . - Nous ferons des présentations simplifiées.
M. Jean-Pierre Grau (Belectric) . - Avec le seuil de 100 KW, ne risque-t-on pas d'assister au saucissonnage de projets pour se trouver juste en-dessous du seuil fatidique ? Dès le mois de septembre, on risque en effet de se trouver avec un tarif à 20 centimes au lieu des 28 centimes. Qu'avez-vous prévu pour lutter contre cela ?
M. Pierre-Marie Abadie . - L'arrêté comporte une disposition anti-découpage.
M. Jean-Pierre Grau . - A partir du moment où il s'agit du même bâtiment et de la même parcelle, on peut faire autant de projets qu'on veut : un projet de 5 MW peut être découpé en 100 fois 50 KW.
M. Pierre-Marie Abadie . - On ne pourra plus le faire.
Les délais de raccordement d'ERDF restent effectivement importants : au fur et à mesure qu'ERDF a renforcé ses moyens pour répondre à la demande, le nombre de dossiers déposés a augmenté. Nous avons donc du mal à réduire les délais de raccordement, surtout lorsqu'il faut raccorder des toitures de bâtiments agricoles éloignés du réseau. Nous espérons que ces délais vont progressivement se réduire. http://www.senat.fr/senfic/poniatowski_ladislas98050t.html
M. Ladislas Poniatowski, président du groupe d'études . - Merci d'avoir répondu à toutes ces questions.
Compte tenu de la pertinence des questions et de la qualité des réponses, ne serait-il pas possible, monsieur le président Emorine, de présenter à la commission un rapport sur cette table ronde ? http://www.senat.fr/senfic/emorine_jean_paul95030b.html
M. Jean-Paul Emorine, président . - La commission a tout intérêt à faire partager cette audition à tous nos collègues. Je souscris donc à votre proposition.
Je remercie M. Poniatowski de m'avoir suggéré cette table ronde très intéressante. Nous avions besoin d'entendre les uns et les autres car les choses ne se passent pas si bien que cela pour le photovoltaïque. En tant que président de la commission de l'économie, j'ai suivi de près le Grenelle de l'environnement et nous avons essayé de mesurer l'impact économique de toutes les initiatives environnementale. Les 5 400 MW peuvent être atteints à l'horizon 2020, mais la consolidation de la filière reste à faire. J'ai accompagné le Président de la République qui a parlé de la réindustrialisation de notre pays : le renforcement de cette filière répondrait à son aspiration.
Il a été question de complexité : je ne veux pas accabler l'administration qui bien souvent doit mettre en oeuvre les dispositions que nous votons. Mais une simplification est indispensable. Notre souci est de sauvegarder et de créer des emplois : cette filière représente 25 000 emplois et nous devons tout faire pour les conserver. La période transitoire est un peu difficile, mais les parlementaires seront l'aiguillon auprès du ministère pour offrir à cette filière des perspectives à 10 ans.
Merci à toutes et tous d'avoir participé à cette table ronde.