Audition de M. Jean-Philippe
d'Issernio,
conseiller technique au cabinet du ministre,
M. Vincent
Moreau, sous-directeur,
et Mme Maud Phélizot, chef du bureau de
l'enseignement scolaire
à la 3e sous-direction du budget,
ministère du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de
la réforme de l'État
(8 février 2011)
M. Serge Lagauche , président. - La Cour des comptes a souligné à plusieurs reprises l'incapacité du ministère de l'éducation nationale à évaluer le coût des dispositifs dont les modalités pratiques de mise en place sont définies par rapport à l'euro éducatif, c'est-à-dire en heures-emploi. Partagez-vous ce constat ? La connaissance du coût réel des politiques éducatives constitue-t-elle un enjeu pour la direction du budget ? Le raisonnement par l'euro éducatif ne constitue-t-il pas un frein au pilotage efficace du système ?
M. Jean-Philippe d'Issernio, conseiller technique au cabinet du ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'État. - La notion d'euro éducatif, que l'on retrouve dans le rapport de la Cour des comptes et dont le ministère de l'éducation nationale fait usage, est fondée sur un ratio moyen nombre d'élèves par nombre d'enseignants, qui ne prend pas en compte les disparités de rémunération. Cette approche moyenne n'est pas le meilleur outil de pilotage financier : elle postule pour une uniformité du système qui n'est que théorique. On le voit très clairement dans les zones d'éducation prioritaire (ZEP), où l'on observe une concentration beaucoup plus forte qu'ailleurs d'enseignants très jeunes.
Connaître le coût réel des politiques éducatives est un enjeu pour la direction du budget. En matière d'éducation, les initiatives sont d'abord organisationnelles et relèvent à ce titre du ministre de l'éducation nationale, qui assure le pilotage du système. Le ministère du budget s'efforce quant à lui de réguler les moyens.
M. Serge Lagauche, président . - Si la taille du ministère de l'éducation nationale lui permet de lancer des expérimentations sans expertise financière préalable, ne serait-il pas plus opportun de disposer en amont d'éléments chiffrés précis, afin de calibrer l'expérimentation en tenant compte de sa possible généralisation ?
M. Jean-Philippe d'Issernio. - Le chiffrage des expérimentations dépend de leur ampleur et de leur nature. Il est bien évident que la sensibilité aux chiffres n'est pas la même selon que l'on envisage le démarrage ou la généralisation. L'enjeu des lois de finances tient bien dans l'analyse de la performance et la mise en place d'une comptabilité analytique des coûts. Même si les choses ne sont pas encore parfaites, nous avons beaucoup progressé avec l'éducation nationale : les documents budgétaires apportent désormais d'utiles enseignements. Reste qu'il n'est pas possible, dans le cadre de ces documents, de procéder à une évaluation chiffrée des expérimentations en tant que telles.
Mme Françoise Cartron. - Vous nous dites que l'approche, en matière d'éducation, n'est pas budgétaire, mais c'est bien le non-remplacement d'un départ en retraite sur deux qui est exigé depuis trois ans, dans le cadre de la révision générale des politiques publiques (RGPP). Et on ne va pas chercher si le poste est en surnombre ou s'il est utile. On demande à l'éducation nationale, comme aux autres ministères, de participer à la résorption du déficit. Le pilotage est donc bien budgétaire avant d'être éducatif.
Les expérimentations ne sont pas chiffrées, dites-vous. Importante information. Car on les vante comme des réussites, elles font rêver à un monde meilleur, qui n'adviendra cependant pas si l'on est incapable, faute de savoir dès le départ quel en serait le coût, de les généraliser. Car à quoi bon conduire une expérimentation si ce n'est avec l'objectif, en cas de succès, de l'étendre ?
Mme Maryvonne Blondin . - Je rejoins ces propos. Les contraintes budgétaires sont premières. Et les suppressions de postes se font à l'aveugle. Nous étions hier au rectorat de Créteil. J'ai demandé au recteur quels étaient ses critères. Il n'y a rien qui puisse être clairement énoncé. Nous avons également évoqué la possibilité d'estimer, dans le cadre des conseils d'administration des établissements, les coûts salariaux respectifs des personnels de l'État et de ceux des collectivités territoriales : on nous a rétorqué que c'était très difficile, que cela demanderait énormément d'efforts. Étonnant ! Se pose véritablement la question de la transparence. On sait pourtant d'un professeur qu'il est à tel échelon, qu'il a telle ancienneté. Il suffit de faire la multiplication. Les collectivités locales le font. Comment expliquer que l'État ne soit pas capable de le faire ?
M. Yannick Bodin . - J'irai à mon tour dans le même sens. Quand le ministre entame invariablement son propos par ce préambule : « compte tenu des contraintes budgétaires... », il est clair que c'est dans le cadre de ces contraintes budgétaires que sont définies les politiques de l'éducation nationale. On accueille moins d'enfants de moins de trois ans en maternelle, pour de pures raisons budgétaires, et l'on habille après coup cette mesure d'oripeaux pédagogiques. Il serait plus honnête de dire clairement que l'État n'a pas d'argent !
Quant à la manière dont sont lancées les expérimentations, je m'interroge. A Créteil, l'inspecteur d'académie en charge de l'aménagement sport-études nous a dit qu'il ne s'acharnerait pas si cette expérimentation ne fonctionnait pas, mais qu'il n'avait aucune idée, si c'était une réussite, quant à la façon de l'étendre. Pas de quoi être surpris sachant qu'il est incapable de connaître le coût d'un élève dans un collège ou un lycée concerné par l'expérimentation ! Il serait bon de dissiper cet épais brouillard, si l'on veut apprécier le budget de l'éducation nationale.
M. Daniel Dubois . - Je suis membre de la commission des affaires économiques et comprends fort bien que l'on cherche à optimiser le système. Mais il n'est pas normal que l'on ne soit pas capable de valoriser l'expérimentation et de donner des informations territoriales, alors même que les collectivités s'engagent. Nous n'arrivons pas à savoir si ce qu'elles font en partenariat est ou non positif. Nous sommes dans le brouillard absolu. La seule chose certaine, c'est que trop d'enfants ne maîtrisent pas la lecture à la sortie de l'école élémentaire et qu'un étudiant sur deux quitte l'université en cours de première année. Si l'on ne dispose pas d'indicateurs pertinents, on va dans le mur. Les parents sont exigeants, et c'est bien normal : ils veulent des résultats. Je suis choqué que ni le recteur ni l'inspecteur d'académie ne soient en mesure de produire des évaluations tendancielles en CE1 et en CM2 : sans elles, pas de comparaison possible, donc pas de moyen d'évoluer. Sans compter qu'en l'absence d'indicateurs transparents, l'éducation nationale donne l'impression de se replier sur elle-même, ce qui la met en porte à faux vis-à-vis de la société.
M. Serge Lagauche, président. - Il est vrai que si l'on doit savoir ce que coûte un professeur, en fonction de son grade et de son ancienneté, les établissements ne peuvent évaluer les coûts qu' a posteriori , une fois les professeurs affectés. Mais ils peuvent le faire à la rentrée. Dans l'Académie de Créteil, seuls quatre établissements sont concernés par l'expérimentation sur le sport : il doit y avoir moyen de mesurer... J'aimerais savoir si l'éducation nationale est amenée à vous consulter sur les moyens affectés à l'expérimentation, ou si elle fait ce qu'elle veut à l'intérieur du cadre que vous lui donnez. Peut-être disposez-vous aussi d'un fonds de réserve, une poire pour la soif ?
Mme Colette Mélot . - J'estime comme M. Dubois que l'éducation nationale ne peut pas s'exonérer des efforts qu'impose la situation économique. Et je constate que des efforts sont entrepris pour prendre en compte les populations fragilisées, les handicapés : c'est positif. Reste que je souscris à ce qui a été dit sur le défaut de chiffrage, d'évaluation. L'on voudrait connaître le résultat de ses évaluations et ne plus naviguer à vue.
M. Jean-Philippe d'Issernio. - Les orientations générales comme les objectifs de la RGPP sont clairs. A partir de là, un travail important de fond a été mené, avec le maximum d'intelligence et une bonne dose d'innovation, entre l'éducation nationale et Bercy - le ministre de l'éducation nationale y a beaucoup contribué. Chaque fois que possible, nous avons cherché à documenter la manière d'atteindre les objectifs fixés. La mise en place de la masterisation sur les territoires a été un élément important. Nous souscrivons au tournant essentiel qu'a amorcé une mission de l'inspection générale des finances pour décliner les objectifs. Chaque recteur, dans son académie, s'est saisi des leviers dont il disposait - remplacements, surnombres, taille des classes - sur le fondement de l'évaluation qui lui a été fournie du potentiel de chacun. A l'échelle de l'éducation nationale, cela donne des résultats substantiels. Les objectifs ont ainsi été déclinés finement et, c'est une innovation, en tenant compte du contexte, à l'échelle locale plus que nationale. Les économies n'ont pas été imposées sans réflexion, mais au plus près du terrain.
Vous dites qu'on a du mal à valoriser les postes. On sait ce que coûte l'éducation nationale, ce que coûte chaque agent de l'État. Ce qui est compliqué avec un million de personnes peut se faire au niveau d'un établissement. Entre l'approche moyenne et celle par département, voire par établissement, sachant qu'il existe d'importantes différences, on doit pouvoir s'orienter, de même que l'on peut savoir la part des conseils généraux - voilà une piste pour nous. S'agissant de ce que l'on appelle le pilotage de la masse salariale, les chiffres impressionnent (60 milliards avec les pensions !) mais il faut savoir que les incertitudes sur le paiement des professionnels dont il a été question en fin d'année ne concernaient que deux jours de paie des enseignants.
Mme Maryvonne Blondin . - Qui, lorsqu'ils se mettent en grève, voient sans délai venir la sanction financière...
M. Serge Lagauche , président. - Ne nous trompons pas d'interlocuteur : la décision est politique.
M. Jean-Philippe d'Issernio. - La loi organique de 2001 est faite pour responsabiliser au mieux les ministères, qui doivent se comporter en gestionnaires sans que le ministère du budget s'en mêle. Nous nous contentons de leur donner un cadre, ce qui n'empêche pas de conserver des contacts très réguliers pour ajuster les choses au regard des prévisions de la loi de finances initiale. Quant à disposer d'une réserve, la loi organique a rendu les choses parfaitement transparentes. Les gels de crédits en début d'année sont connus de chaque ministère et imputés sur ses crédits : il faut pouvoir assurer les aléas de gestion. Ce sont ces lignes qui sont mobilisées pour les ouvertures de crédit de fin d'année.
J'en viens aux expérimentations : le ministère n'est pas consulté sur leur mise en place. Je ne suis pas certain qu'il serait de bonne politique de demander systématiquement leur avis aux budgétaires, qui ont toujours tendance à voir les risques d'une opération plus que ses opportunités : nous sommes des gens prudents. Sans compter qu'il est avisé de laisser à chacun son autonomie de gestion, étant entendu qu'il est utile de nous associer dès le départ, pour mener de concert les évaluations budgétaires et entreprendre des simulations utiles en vue d'une possible généralisation. Car il est vrai qu'aujourd'hui, nous sommes associés un peu tard...
En revanche, nous suivons de près les expérimentations de plus d'ampleur. Nous nous intéressons au programme CLAIR (collèges et lycées pour l'ambition, l'innovation et la réussite), de même qu'à l'expérimentation sur le partage sports-études, laquelle porte aussi sur le temps de travail des élèves, si bien que l'éclairage qu'elle apporte n'est pas forcément budgétaire : on peut admettre que l'expérimentation soit un peu onéreuse, si l'on a bien conscience qu'elle ne saurait être généralisée en l'état - sans compter qu'il faudrait trouver à recruter énormément de professeurs de sport.
Mme Maryvonne Blondin . - A quoi sert donc une expérimentation qui ne peut être généralisée ?
M. Serge Lagauche, président . - Question à poser à l'éducation nationale, pas au ministère du budget.
M. Jean-Philippe d'Issernio. - On parle beaucoup, ces temps-ci, d'autonomie des établissements. Si l'on venait à l'expérimenter, il faudrait y associer de près le ministère du budget. Nous le voyons avec l'autonomie des universités : les acteurs sont peu habitués au maniement de certains concepts...
L'évaluation tendancielle est notre préoccupation permanente. Nous n'avons pas de modélisation fine, qui partirait de la brique élémentaire qu'est l'école. Notre vision est plus macroscopique : elle porte sur des volumes horaires.
M. Daniel Dubois . - La loi organique relative aux lois de finances (LOLF) a été faite pour optimiser la dépense publique. Comment mesurer, au-delà des expérimentations, l'efficacité des deniers consacrés au socle commun ? Des comparaisons internationales, il ressort que nous consacrons plus d'argent public à l'éducation pour moins de résultats. Quels sont nos outils de mesure ? Dispose-t-on d'instruments d'évaluation clairs sur le socle commun à l'école élémentaire ?
M. Serge Lagauche, président . - La nouvelle architecture budgétaire a profondément modifié le décompte des personnels, introduisant deux nouvelles notions, celle d'équivalent temps plein (ETP) et celle d'équivalent temps plein travaillé (ETPT). Compte tenu du chevauchement de l'année scolaire sur l'année civile, les deux décomptes ne se recoupent pas et il n'est pas toujours facile de décrypter les chiffres dans la loi de finances. Quel regard portez-vous sur les pratiques de décompte du ministère ?
M. Jean-Philippe d'Issernio. - La qualité des débats lors de la dernière loi de finances est un sujet de satisfaction pour le budgétaire que je suis. Pour la première fois, la discussion a été menée au fond sur la question des effectifs, déterminant principal de la dépense à l'éducation nationale.
Les deux notions nouvelles auxquelles vous faites référence sont certes un peu technocratiques, mais se complètent utilement. La notion d'ETP est utilisée dans les schémas d'emploi : on fait sortir tout le monde au 31 décembre, on compte, et on les rentre au 1 er janvier. Il est vrai que ce décompte pourrait se faire en septembre, mais on sait que les ajustements de rentrée sont souvent difficiles : la date du 1 er janvier est plus fiable.
Ce premier décompte n'est cependant pas suffisant : il ne permet pas de savoir ce qu'il se passe le reste de l'année. Échappent à ce décompte les heures supplémentaires, les contrats courts... Le rapport publié en mars par la Cour des comptes a mis en évidence le fait que les schémas d'emploi ne sont pas aussi utiles que prévu, à cause du phénomène des remplacements. D'où l'utilité du décompte en ETPT, qui prend en compte le nombre de jours travaillés, y compris les heures supplémentaires. Quand auparavant, on ne prenait pas en compte les effectifs en deçà de 200 heures, on compte aujourd'hui à la première heure. Se posait aussi le problème des stagiaires, notamment les étudiants de master, dont le nombre doit augmenter : il fallait en rendre compte. S'ajoutent à cela un certain nombre d'emplois de l'enseignement privé, oubliés depuis plusieurs années dans les décomptes.
Aujourd'hui, nous disposons d'une base saine et le chiffre de 965 000 ETPT est fiable : tout est compté.
M. Vincent Moreau. - Le décompte en ETPT, imposé par la LOLF, est identique dans tous les ministères, grâce à un outil de décompte issu des fiches de paie. Le plafond d'emplois est fixé en ETPT mais, pour les documents d'information, on utilise souvent les ETP, plus lisibles.
Le décalage s'explique très naturellement par les dates d'entrée et de sortie. Lorsque l'on vote, dans le budget, le non-remplacement de 16 000 départs à la retraite, la mesure ne prend effet qu'à la rentrée scolaire, pas en année civile pleine. D'où le décalage entre le plafond d'emplois, en ETPT, et le schéma d'emplois, en ETP.
Mme Maryvonne Blondin . - Les assistants d'éducation sont-ils décomptés dans ce cadre ? Ce sont des emplois essentiels, pourvus par le chef d'établissement et recrutés par le ministère. Sur quel budget ?
M. Jean-Philippe d'Issernio. - Les assistants d'éducation sont sous contrat avec les établissements, comme les gestionnaires de vie scolaire et les contrats aidés. Leur rémunération représente entre 1,3 et 1,4 milliard. Ils ne figurent pas dans les plafonds d'ETPT : c'est l'établissement qui passe le contrat, sur crédits délégués du titre VI, pas la personne morale État. Il est difficile, sur un plan théorique, de les inclure dans le même plafond, mais rien n'interdit de les décompter, avec un plafond spécifique.
Mme Françoise Cartron . - On entend beaucoup parler du coût des ZEP, qui seraient grosses consommatrices de crédits. Peut-on connaître le coût d'un élève en ZEP, en intégrant les rémunérations des professeurs, souvent plus jeunes et donc moins onéreux, à comparer, selon les mêmes critères, avec celui d'un élève du lycée Henri IV ? C'est à partir de telles comparaisons que l'on mesurera vraiment l'effort de la nation en faveur de la réduction des inégalités...
M. Jean-Philippe d'Issernio. - On ne sait pas le faire aujourd'hui, mais cela pourrait être demandé dans les documents budgétaires, sachant que seul le ministère de l'éducation nationale a les moyens de réaliser un tel décompte. Cela étant, je ne parierai pas sur les résultats : le nombre d'élèves des classes préparatoires du lycée Henri IV est beaucoup plus élevé que dans beaucoup de lycées.
M. Yannick Bodin . - Une petite expérimentation sur le sujet en Seine-et-Marne serait instructive. Au-dessus de la N 19, au nord, la moyenne d'âge des enseignants est supérieure à 40 ans ; en dessous, au sud, elle est supérieure à quarante ans. Or le nombre de ZEP est deux fois plus important au nord. Et vous avez ainsi la réponse à votre question : le lycée Couperin de Fontainebleau coûte plus cher que celui de Lognes à Marne-la-Vallée.
M. Jean-Philippe d'Issernio. - La taille des classes compte davantage que le salaire des enseignants. Les indicateurs annuels de performance gagneraient à être mieux exploités. Les parlementaires peuvent poser des questions précises sur les projets annuels de performance : la discussion budgétaire mériterait d'être plus fournie sur le sujet...
Reste que la question de l'âge des enseignants en ZEP relève de la politique de gestion des ressources humaines du ministère de l'éducation nationale, qui a d'ailleurs fait des tentatives pour y répondre, en tentant de fidéliser les professeurs via des contrats d'engagement pluriannuels. Le retour catégoriel a été revalorisé : il représente 200 millions supplémentaires versés aux enseignants. Le choix, ces dernières années, est allé à revaloriser les débuts de carrière. D'autres options sont possibles, comme la revalorisation des postes en ZEP. A nous d'aider le ministère à faire ses choix.
M. Yannick Bodin . - L'implantation géographique des classes préparatoires donne des indications fortes. Elles sont ce qui coûte le plus cher dans un lycée. Voyez leur répartition dans une académie, et vous aurez beaucoup de réponses...
M. Serge Lagauche , président. - Il pourrait cependant y avoir des surprises, eu égard au nombre d'élèves par classe : on y accepte des surcharges pour « dynamiser » le concours.
Pour ce qui est des indicateurs de performance, ils sont parfois mal renseignés, notamment sur la réussite éducative, ou non pertinents, parce qu'ils retiennent des objectifs déjà atteints...
M. Jean-Philippe d'Issernio. - La question est récurrente dans un ministère qui s'occupe de la réforme de l'État. Nous passons beaucoup de temps à essayer de renseigner les indicateurs et à fixer des cibles réalistes. Cependant, ceux de l'éducation nationale ne sont guère d'ordre budgétaire. Comment mesurer et, de surcroît, comment le faire dans le temps ? Nous avons besoin de points fixes, or, dans le primaire, les indicateurs sont difficiles à stabiliser. D'autant que les parents sont souvent réticents à voir mesurer le niveau des élèves... En ce dernier domaine, l'enquête PISA, réalisée tous les trois ans, reste ce dont nous disposons de plus fiable.
M. Claude Bérit-Débat . - Il me semble important de pouvoir évaluer le coût d'une politique éducative, comme celle des ZEP, par rapport à d'autres expériences. On a pour cela besoin d'indicateurs fiables, afin de discuter des moyens et des choix.
M. Daniel Dubois . - Je partage ce point de vue. Nous avons besoin d'une évaluation lisible et constante, pour mesurer en tendance. On ne peut se satisfaire, alors qu'il s'agit du premier budget de l'État, de l'enquête PISA. On nous dit que la croissance dépend de l'éducation et de l'innovation, dont on ignore le coût. On a beau pousser des « cocorico », on sait que les choses se passent beaucoup mieux en Asie.
M. Jean-Philippe d'Issernio. - L'éducation nationale s'efforce de renseigner les indicateurs du socle commun - le ministre s'y est engagé pour 2011. Je rappelle que les premiers projets annuels de performance ne datent que de 2006. Définir des indicateurs et les stabiliser demande du temps et l'on sait d'expérience que le consensus s'effrite quand on descend vers les sujets locaux, plus polémiques. Le ministère du budget est très favorable à un travail sur les indicateurs, qu'il appuiera volontiers.
M. Serge Lagauche, président. - Le problème tient à la rivalité de proximité : on rechigne, en France, à fournir certains renseignements dont on dispose sans difficulté dans des pays comme la Corée ou le Japon.
L'on peut, en partant du rapport de la Cour des comptes, se baser sur les objectifs qu'un établissement se fixe à lui-même. Les a-t-il atteints ? On mesure cela sur un cycle court, de l'ordre de trois ans. On peut s'interroger sur les expérimentations sport-études menées aujourd'hui : les collectivités territoriales manquent d'équipements, il n'y a pas assez d'enseignants... Quant aux programmes sportifs, on nous a simplement expliqué hier que l'on initiait des enfants de milieu défavorisé au golf...
M. Yannick Bodin . - ... ou à l'équitation...
M. Serge Lagauche, président. - Comment juger quand il n'y a pas d'objectifs ?
Je vous remercie de vous être prêtés à ce dialogue, que nous devons interrompre pour rejoindre la séance publique.