4. Les difficultés spécifiques rencontrées par les femmes dans le sport de haut niveau
Les femmes sont confrontées à un certain nombre de difficultés et d'inégalités dans le sport de haut niveau.
a) Des inégalités de revenus qui renforcent la nécessité, pour les sportives, du « double-projet »
Les rémunérations des sportives de haut niveau se situent, à de très rares exceptions près, très en dessous de celles que peuvent espérer leurs homologues masculins.
Si l'égalité de traitement entre les sexes prévaut dans les primes versées à l'occasion de victoires remportées dans les grandes compétitions, comme par exemple les Jeux olympiques, et dans une moindre mesure dans les aides financières versées par le ministère des sports, de très fortes disparités existent en revanche dans les salaires versés aux sportives et aux sportifs, et dans les dividendes qu'ils peuvent tirer de l'exploitation de leur image.
Primes versées dans le cadre des compétitions olympiques
Les primes versées dans le cadre des compétitions olympiques, aux vainqueurs, quel que soit leur genre sont identiques : 50 000 € pour une médaille d'or, 20 000 € pour une médaille en argent et 13 000 € pour une médaille de bronze. Cette égalité de traitement s'étend au handisport.
Aide financière du ministère des sports
L'État verse une aide financière, « l'aide personnalisée », aux sportifs inscrits sur la liste des sportifs de haut niveau, sur décision des directeurs techniques nationaux, des présidents de fédérations et du Comité national olympique et sportif français.
Selon les chiffres communiqués par le ministère des sports, les femmes sont moins nombreuses à en bénéficier (38,14 % en 2008 et 39,04 % en 2009). Mais cette proportion étant très proche de celle des femmes dans la liste des sportifs de haut niveau (36,5 %), elle ne traduit pas de disparités dans la proportion des bénéficiaires .
Il n'en va pas de même lorsque l'on compare le montant moyen de l'aide attribuée respectivement aux sportives et aux sportifs. En 2008, les femmes ont en moyenne perçu 293,28 € de moins que les hommes, pour atteindre une différence de 460,96 € en 2009 :
Source : Ministère des sports
Selon le ministère, cette différence s'explique par le fait que les femmes sont moins nombreuses que les hommes à percevoir une prime à la performance, qui constitue l'un des volets de cette aide.
Les revenus salariaux et commerciaux des sportifs professionnels : des inégalités criantes
Mme Chantal Jouanno, ministre des sports reconnaît ne disposer que de peu de chiffres sur les salaires moyens des sportifs professionnels. Toutefois, les chiffres qu'elle a cités sont assez parlants et montrent une importante inégalité hommes-femmes : ainsi dans le basketball, les hommes perçoivent en moyenne 9 760 € net par mois alors que les femmes ont un salaire moyen de 3 600 € ; dans le handball, les hommes ont un revenu moyen de 5 200 € et les femmes de 2 300 €.
b) Une reconversion plus difficile et des débouchés moindres
Compte tenu de leur moindre médiatisation, les championnes sont, à quelques très rares exceptions près, également moins bien placées que les champions dans l'exploitation commerciale de leur image qui est susceptible, dans le cas des sportifs les plus emblématiques, de générer des revenus considérables.
Les femmes bénéficient en effet d'un traitement médiatique moindre que les hommes .
Une illustration de la moindre médiatisation des sportives même quand elles gagnent sont les retombées dans la presse des victoires respectives en septembre 2010 de Teddy Riner et de Lucie Decosse : au cours de la même compétition ils ont tous les deux été sacrés champions du monde. Cependant, une recherche rapide sur une base de presse pour tout le mois de septembre fait apparaître 606 articles dans lesquels Teddy Riner est mentionné contre 156 pour Lucie Decosse, soit environ quatre fois moins .
La table-ronde organisée par la délégation à l'INSEP le 28 avril 2011 a confirmé que les débouchés d'après carrière et de reconversion étaient plus difficiles pour les femmes que pour les hommes. Les femmes doivent souvent, surtout pour le sport professionnel, penser plus tôt que les hommes à leur après carrière, même si cela varie beaucoup en fonction de la discipline concernée.
Très peu de sportives et sportifs vivent de leur art, les sportives encore plus difficilement et nul n'est, en outre, à l'abri d'une blessure qui peut ruiner une carrière.
C'est la raison pour laquelle, le ministère en charge des sports, notamment avec l'appui de l'INSEP veille particulièrement à la mise en place du « double-projet », sportif et professionnel .
Il s'agit de garantir au sportif une véritable formation, parallèlement à son entraînement, afin que le sport ne soit pas le seul et unique débouché.
Le ministère a développé un système d'aide à la formation et au concours et d'aides à l'insertion professionnelle et aux aménagements d'emploi 54 ( * ) :
- depuis 2000, les sportifs, candidats au baccalauréat bénéficient du « dispositif de conservation des notes » ;
- quand ils ne peuvent être présents en juin pour les épreuves du fait du calendrier sportif, ils peuvent se présenter à la session de septembre ;
- aménagement de la scolarité ;
- dérogations pour se présenter aux concours de la fonction publique ou d'accès aux formations paramédicales ;
- concours spécifique de sélection pour le concours de professeur des écoles ;
- aide à l'orientation et à la recherche d'emploi ;
- et aménagement des emplois dans les entreprises ou dans la fonction publique.
L'INSEP a développé différents outils de formation performants et adaptés à la carrière sportive, tels que le e-learning ou les formations ouvertes et à distance (FOAD). De plus, l'Institut a passé des accords avec des grandes écoles telles que Polytechnique, les Mines, l'École normale supérieure de Cachan, Sciences Po ainsi qu'avec certaines universités.
Les graphiques ci-dessous présentent les différentes formations offertes en 2009-2010 aux sportifs de l'INSEP.
Source : INSEP
La délégation salue la politique menée par l'INSEP en faveur du « double projet » et l'implication de son actuel directeur à faire en sorte que chaque jeune sportive ou sportif puisse avoir un projet personnalisé et adapté.
c) La spécificité de la maternité et de la parentalité chez les sportives, les entraîneures et les arbitres de haut niveau
La maternité de la sportive de haut niveau est spécifique. Elle se caractérise
par une interruption plus longue : alors qu'en moyenne en France, le congé maternité dure 16 semaines, la sportive de haut niveau doit souvent interrompre son activité pendant environ un an ;
la non garantie de l'ensemble des revenus pendant le congé maternité . La seule disposition relative à la maternité figurant dans le code du sport dispose que « la durée d'inscription sur la liste des sportifs de haut niveau (...) peut être prorogée pour une durée d'un an, après avis motivé du directeur technique national placé auprès de la fédération compétente, lorsque la personne intéressée a dû interrompre sa carrière sportive pour des raisons médicales dûment justifiées par le médecin fédéral ou pour des raisons liées à la maternité » 55 ( * ) . En outre, cette possibilité ne concerne pas l'intégralité des revenus : rien n'est prévu pour les aides, primes des clubs ni pour les contrats avec les sponsors ;
le problème de la garde des enfants : les absences sont irrégulières et nombreuses. Cette difficulté est également rencontrée par les entraîneures.
La Fédération française d'équitation (FFE), sport où les femmes représentent une grande partie du personnel des centres équestres, est consciente des problèmes posés par la maternité. Celle-ci entraîne un problème de remplacement et de rotation des personnels important auquel les responsables de centres équestres doivent être attentifs. En outre, il faut se montrer attentif au fait que certains des produits utilisés pour les soins des chevaux peuvent présenter des risques pour les femmes enceintes.
Mme Nadine Debois, docteur en STAPS et chercheuse à l'INSEP proposait lors d'un atelier consacré à la sportive et sa grossesse quelques recommandations :
M. Jean-Marc Lassus a indiqué lors de son audition que la Fédération française d'équitation (FFE) a créée, avec la Mutualité sociale agricole (MSA) un groupe de travail auquel participent des médecins du sport et des médecins du travail. Ce groupe se penche notamment sur les difficultés rencontrées par les femmes travaillant dans le monde de l'équitation pendant leur maternité. Il réfléchit à des pistes pour faire évoluer les postes de travail, faire connaître la dangerosité de certains produits utilisés pour le foetus et souhaite parvenir à créer un corps de remplaçant pour pallier les problèmes de turn-over .
Une réflexion sur ces questions paraît en effet indispensable.
d) Les inégalités en matière de retraites
Le problème de la retraite se pose pour les sportifs comme pour les sportives : leur première carrière commence tôt mais s'arrête vers 35 ans.
Pour les sportives, cette difficulté est accentuée du fait des moindres revenus qu'elles tirent au cours de cette première carrière .
Lors de ses voeux au monde sportif du 17 janvier 2011, le président de la République a reconnu la réalité de ce problème et a souhaité la mise en place d'un régime de retraite spécifique pour les sportifs de haut niveau avant la fin de l'année.
La délégation espère que les réflexions actuellement menées dans les ministères concernés sur la retraite des sportifs de haut niveau feront l'objet d'un véritable débat devant le Parlement et que ce dispositif prendra en compte les inégalités femmes-hommes en la matière et fera en sorte de les corriger.
* 54 Pour plus de détails sur ces aides : http://www.sports.gouv.fr/index/sport-et-competition/sport-de-haut-niveau/les-dispositifs-d-aides-aux
* 55 Article R221-8.