Rapport d'information n° 666 (2010-2011) de M. Dominique de LEGGE , fait au nom de la Mission commune d'information RGPP , déposé le 22 juin 2011
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LES 49 PROPOSITIONS DE LA MISSION COMMUNE
D'INFORMATION
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INTRODUCTION
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PREMIÈRE PARTIE - LES CONSÉQUENCES
POUR LES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES DE LA RÉVISION
GÉNÉRALE DES POLITIQUES PUBLIQUES
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CHAPITRE I - LE CADRE GÉNÉRAL DE LA
RÉVISION GÉNÉRALE DES POLITIQUES PUBLIQUES
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I. DES OBJECTIFS AMBITIEUX
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A. UNE ADAPTATION DES MISSIONS, DE L'ORGANISATION
ET DU FORMAT DE L'ETAT
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B. LE RÉTABLISSEMENT DES COMPTES
PUBLICS
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1. Le contexte budgétaire et les objectifs
fixés
-
2. Les voies retenues pour atteindre cet
objectif
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3. Un bilan financier en demi teinte pour
l'instant
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a) Une économie de 7 milliards d'euros selon
le Gouvernement
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(1) L'effet cumulé de plusieurs
mesures
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(2) Les économies de personnel
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(3) Les économies de fonctionnement
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(4) Les économies d'intervention
-
b) Une évaluation défaillante
rendant nécessaire une démarche plus rigoureuse dans
l'appréciation des gains réalisés
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(1) L'urgence d'un chiffrage plus
transparent
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(2) Une moindre économie nette dans le cas
des dépenses de personnel
-
(3) Les demandes de la mission restées
jusque là sans véritable réponse de la part du
Gouvernement
-
a) Une économie de 7 milliards d'euros selon
le Gouvernement
-
1. Le contexte budgétaire et les objectifs
fixés
-
A. UNE ADAPTATION DES MISSIONS, DE L'ORGANISATION
ET DU FORMAT DE L'ETAT
-
II. L'ABSENCE D'UNE VÉRITABLE CONCERTATION
AVEC LES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES
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A. UNE PROCÉDURE CENTRALISÉE
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B. DES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES MISES
DEVANT LE FAIT ACCOMPLI
-
A. UNE PROCÉDURE CENTRALISÉE
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I. DES OBJECTIFS AMBITIEUX
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CHAPITRE II - DES COLLECTIVITÉS
CONFRONTÉES AUX EFFETS DE LA RÉORGANISATION DE
L'ÉTAT
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I. LA RÉFORME DE L'ÉTAT ET SES
IMPLICATIONS
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A. LA RÉORGANISATION DE L'ADMINISTRATION
TERRITORIALE DE L'ETAT AU PROFIT DE LA RÉGION
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1. La régionalisation du cadre d'action de
l'Etat territorial
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a) La prééminence du préfet
de région
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(1) L'avènement du préfet de
région : une construction progressive
-
(2) Le nouveau schéma
préfectoral
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b) La volonté de conforter l'unité
territoriale de l'Etat
-
(1) La consolidation de l'autorité
préfectorale
-
c) Le renforcement de la mutualisation
interministérielle des moyens de l'Etat
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d) Un complément indispensable du pouvoir
de gestion du préfet de région
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a) La prééminence du préfet
de région
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2. Le maintien du réseau des
sous-préfectures : des adaptations nécessaires ?
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3. Quel avenir pour les
préfectures ?
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4. Une réorganisation des services
déconcentrés au bénéfice de l'échelon
régional
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a) Une organisation déconcentrée de
l'État autour d'un nombre réduit de nouvelles directions
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b) La spécificité de l'organisation
de l'Etat Outre-mer
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c) Un bilan en demi-teinte à nuancer
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(1) Un sentiment d'abandon lié à un
bousculement des habitudes
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(2) Un renforcement des contrôles non
lié à la RGPP
-
(3) L'identification progressive des nouveaux
interlocuteurs
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a) Une organisation déconcentrée de
l'État autour d'un nombre réduit de nouvelles directions
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5. Les procédures de gestion des
crédits et des ressources humaines : une logique inaboutie
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a) Les difficultés provenant d'une
multiplicité d'interlocuteurs
-
b) La complexité des modes de gestion dans
le domaine des ressources humaines
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c) Une autonomie réduite pour les
gestionnaires au niveau déconcentré
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d) Une faible prise en compte de la performance
dans la gestion budgétaire
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e) CHORUS : un boulet au pied des
gestionnaires en services déconcentrés ?
-
f) Les progrès accomplis dans le dialogue
de gestion
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a) Les difficultés provenant d'une
multiplicité d'interlocuteurs
-
1. La régionalisation du cadre d'action de
l'Etat territorial
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B. UNE FUSION DES SERVICES FINANCIERS : LA
NOUVELLE DIRECTION GÉNÉRALE DES FINANCES PUBLIQUES (DGFiP)
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1. La recherche d'une plus grande cohérence
entre les services « d'assiette » et de
« recouvrement » de l'impôt local
-
2. Une simplification des procédures pour
les usagers et les collectivités locales : le « guichet
fiscal unique »
-
3. Des conséquences pratiques faisant
toutefois l'objet d'une appréciation assez partagée
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1. La recherche d'une plus grande cohérence
entre les services « d'assiette » et de
« recouvrement » de l'impôt local
-
A. LA RÉORGANISATION DE L'ADMINISTRATION
TERRITORIALE DE L'ETAT AU PROFIT DE LA RÉGION
-
II. LES COLLECTIVITÉS ET LA NOUVELLE
APPROCHE DU CONTRÔLE DE LÉGALITÉ
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A. UN CONTRÔLE DE LÉGALITÉ
RECENTRÉ EN PRÉFECTURE ET PLUS SÉLECTIF
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1. Une réorganisation en
préfecture
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a) Un traitement centralisé, des
aménagements possibles
-
(1) La réorganisation du contrôle en
vue d'une plus grande expertise
-
(2) Des assouplissements locaux
-
b) Les moyens humains du contrôle : des
effectifs en baisse dans les préfectures, une assistance
mutualisée au niveau national
-
c) Une centralisation portée par les
nouvelles technologies
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d) Des ajustements à opérer
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a) Un traitement centralisé, des
aménagements possibles
-
2. Un contrôle plus sélectif :
priorisation et déconcentration
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1. Une réorganisation en
préfecture
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B. DES COLLECTIVITÉS À LA RECHERCHE
D'UNE RÉELLE SÉCURITÉ JURIDIQUE
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A. UN CONTRÔLE DE LÉGALITÉ
RECENTRÉ EN PRÉFECTURE ET PLUS SÉLECTIF
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I. LA RÉFORME DE L'ÉTAT ET SES
IMPLICATIONS
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DEUXIÈME PARTIE
LE SERVICE PUBLIC FACE À
LA RÉVISION GÉNÉRALE DES POLITIQUES PUBLIQUES
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I. LES NOUVELLES CARTES DES SERVICES
PUBLICS : UN EFFET CUMULÉ POUR CERTAINS TERRITOIRES
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A. DES RÉFORMES SOUFFRANT D'UN MANQUE DE
VISION D'ENSEMBLE : LA LOGIQUE DES SILOS
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1. La nouvelle carte militaire : des
conséquences territoriales douloureuses
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a) Un processus de modernisation de la
défense engagé dès 2008
-
b) Les restructurations territoriales liées
à la nouvelle carte militaire
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(1) Une nouvelle carte de l'attractivité
des territoires
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(2) La mise en place de divers outils
d'accompagnement de l'État rendu nécessaire par la hauteur des
enjeux socio-économiques
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a) Un processus de modernisation de la
défense engagé dès 2008
-
2. Les restructurations
hospitalières
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3. La RGPP dans les services territoriaux du
ministère de la justice
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a) La réorganisation des juridictions et
ses implications locales
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b) La restructuration des services
déconcentrés
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(1) La mutualisation des fonctions-support
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(2) La réforme des services territoriaux de
la protection judiciaire de la jeunesse
-
c) Les modifications affectant le parc
pénitentiaire
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d) La réorganisation du réseau des
établissements de la protection judiciaire de la jeunesse
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a) La réorganisation des juridictions et
ses implications locales
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4. La sécurité des personnes
à l'épreuve de la RGPP et ses prolongements locaux
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1. La nouvelle carte militaire : des
conséquences territoriales douloureuses
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B. DES COLLECTIVITÉS
PARTICULIÈREMENT EXPOSÉES
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1. La RGPP, un désaménagement du
territoire ?
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2. Une prise en compte insuffisante des
différences territoriales
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a) La reconnaissance unanime de la
nécessité de raisonner en fonction des spécificités
de chaque territoire
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b) Les zones rurales et les zones urbaines
requièrent une approche différenciée
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c) Pour les petites collectivités : un
sentiment d'abandon de la part de l'Etat
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d) Le cas des communes de montagne
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a) La reconnaissance unanime de la
nécessité de raisonner en fonction des spécificités
de chaque territoire
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3. Des territoires parfois durement
impactés
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1. La RGPP, un désaménagement du
territoire ?
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A. DES RÉFORMES SOUFFRANT D'UN MANQUE DE
VISION D'ENSEMBLE : LA LOGIQUE DES SILOS
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II. L'INGÉNIERIE TERRITORIALE : LES
COLLECTIVITÉS EN PREMIÈRE LIGNE
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A. LE RETRAIT PROGRESSIF DE L'ÉTAT DE
L'INGENIERIE PUBLIQUE : UN PROCESSUS ANCIEN CONFIRMÉ PAR LA
RGPP
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1. Une ingénierie publique ancienne,
favorable aux petites collectivités territoriales
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2. Une réduction des prestations
d'ingénierie publique inspirée du droit communautaire de la
concurrence
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3. Les nouveaux contours de l'ingénierie
publique avec l'application de la RGPP
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4. Les conséquences de la RGPP
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1. Une ingénierie publique ancienne,
favorable aux petites collectivités territoriales
-
B. QUELLES ALTERNATIVES POUR LES COLLECTIVITES
TERRITORIALES EN MATIÈRE D'INGÉNIERIE PUBLIQUE ?
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1. L'ingénierie publique : symbole de
la responsabilisation ou de l'infantilisation des collectivités
vis-à-vis de l'État ?
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2. Les nouveaux outils d'ingénierie
publique des collectivités territoriales
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a) Une offre privée onéreuse et
parfois inexistante
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b) Le département : échelon
pertinent d'une nouvelle ingénierie publique ?
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c) L'intercommunalité comme nouvel acteur
territorial de l'ingénierie
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d) L'ouverture du réseau scientifique et
technique de l'État aux collectivités territoriales :
l'exemple de l'IDDRIM
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e) Le cas particulier de l'ingénierie
Outre-mer
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a) Une offre privée onéreuse et
parfois inexistante
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1. L'ingénierie publique : symbole de
la responsabilisation ou de l'infantilisation des collectivités
vis-à-vis de l'État ?
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A. LE RETRAIT PROGRESSIF DE L'ÉTAT DE
L'INGENIERIE PUBLIQUE : UN PROCESSUS ANCIEN CONFIRMÉ PAR LA
RGPP
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I. LES NOUVELLES CARTES DES SERVICES
PUBLICS : UN EFFET CUMULÉ POUR CERTAINS TERRITOIRES
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CHAPITRE II
LE RECOURS ACCRU AUX NTIC
DANS LE FONCTIONNEMENT DES SERVICES PUBLICS : QUEL IMPACT POUR LES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES ET LES USAGERS ?
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I. DE NOUVELLES PROCÉDURES : À
LA RECHERCHE D'UNE PLUS GRANDE EFFICACITÉ
-
A. DES MESURES DE SIMPLIFICATION NOMBREUSES
-
1. Un recours croissant aux procédures
dématérialisées en faveur des collectivités
territoriales
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2. La recherche de mesures de simplification
à destination des usagers
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a) La simplification des démarches
administratives pour les usagers
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b) A la recherche d'un interlocuteur unique
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(1) La création du site
« mon.service-public.fr » : la recherche de la
cohérence entre les différentes démarches
administratives
-
(2) Le guichet unique de l'emploi : la mise
en place de Pôle Emploi
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a) La simplification des démarches
administratives pour les usagers
-
3. Les contraintes liées au recours aux
nouvelles technologies de l'information
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a) Des gains difficiles à
apprécier
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b) Le coût de la
dématérialisation pour les collectivités territoriales
-
c) Le risque d'une administration
« déshumanisée »
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(1) Les conséquences de la réduction
des effectifs
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(2) Le risque de déshumanisation lié
à l'utilisation des NTIC
-
(3) Le nécessaire accompagnement des
usagers des services publics : le développement encadré de
la polyvalence
-
a) Des gains difficiles à
apprécier
-
1. Un recours croissant aux procédures
dématérialisées en faveur des collectivités
territoriales
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B. DES TITRES D'IDENTITÉ
SÉCURISÉS
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1. Une profonde modernisation au service d'une
sécurité renforcée et d'une plus grande simplicité
pour l'usager
-
a) La lutte contre la falsification et la
contrefaçon
-
b) L'objectif recherché d'une lutte encore
plus efficace contre la fraude
-
c) Le bénéfice induit en
matière de simplification administrative
-
d) La perspective de l'émergence de
nouveaux e-services
-
(1) La télétransmission des
données d'état civil
-
(2) L'ouverture de nouveaux horizons en
matière de services sur Internet
-
a) La lutte contre la falsification et la
contrefaçon
-
2. Un processus de changement qui ne va pas sans
heurts
-
a) La difficile entrée en application du
passeport biométrique
-
(1) Une nouvelle répartition des
tâches entre les préfectures et les mairies
-
(2) Une phase de lancement
caractérisée par une dégradation des délais de
délivrance du passeport
-
(3) Une conséquence inverse à
l'objectif recherché : l'allongement du temps passé sur
chaque dossier
-
b) Le chemin chaotique du nouveau système
d'immatriculation des véhicules (SIV)
-
(1) L'objectif de simplification des
démarches de l'usager et des professionnels
-
(2) Le nouveau circuit de délivrance du
certificat d'immatriculation
-
(3) Le flux de demandeurs en préfecture est
loin d'avoir disparu
-
(4) La détérioration du délai
de traitement d'un dossier d'immatriculation au guichet de la
préfecture, lors de la phase de lancement du SIV
-
(5) Vers un service d'immatriculation à
plusieurs vitesses ?
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a) La difficile entrée en application du
passeport biométrique
-
1. Une profonde modernisation au service d'une
sécurité renforcée et d'une plus grande simplicité
pour l'usager
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A. DES MESURES DE SIMPLIFICATION NOMBREUSES
-
II. DES QUESTIONS EN SUSPENS
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A. DES COLLECTIVITÉS CONFRONTÉES AU
DOUBLE DÉFI DES COMPÉTENCES ET DES CHARGES NON
COMPENSÉES
-
1. Des transferts de charges contraints mais non
compensés
-
2. Le financement de la nouvelle ingénierie
publique
-
3. Le recalibrage nécessaire de
l'indemnisation des communes participant à la délivrance des
titres sécurisés
-
a) Les limites de l'indemnisation actuelle des
communes accueillant les stations d'enregistrement pour le passeport
biométrique
-
(1) Un enjeu concernant 2.091 communes
-
(2) Le dispositif prévu par la loi de
finances pour 2009
-
b) L'indispensable révision du mode de
calcul de la dotation aux communes
-
(1) Une indemnisation qui reste actuellement
partielle
-
(2) Une mission d'audit dont les conclusions ont
été rendues en 2010
-
(3) Vers une meilleure prise en compte des
spécificités des communes ?
-
c) L'opportunité offerte par la perspective
de la nouvelle carte nationale d'identité électronique
-
(1) Le prolongement
« naturel » du passeport biométrique
-
(2) Une remise à plat souhaitable de
l'indemnisation des communes
-
a) Les limites de l'indemnisation actuelle des
communes accueillant les stations d'enregistrement pour le passeport
biométrique
-
1. Des transferts de charges contraints mais non
compensés
-
B. DES USAGERS FACE À DES SERVICES PLUS
CONCENTRÉS SUR LE TERRITOIRE
-
A. DES COLLECTIVITÉS CONFRONTÉES AU
DOUBLE DÉFI DES COMPÉTENCES ET DES CHARGES NON
COMPENSÉES
-
I. DE NOUVELLES PROCÉDURES : À
LA RECHERCHE D'UNE PLUS GRANDE EFFICACITÉ
-
CONCLUSION
-
EXAMEN DU RAPPORT DE LA MISSION
-
CONTRIBUTION DU GROUPE COMMUNISTE
RÉPUBLICAIN, CITOYEN ET DES SÉNATEURS
DU PARTI DE GAUCHE
-
CONTRIBUTION DU GROUPE SOCIALISTE
-
ANNEXE
LISTE DES PERSONNES
ENTENDUES PAR LA MISSION
N° 666
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 2010-2011
Enregistré à la Présidence du Sénat le 22 juin 2011 |
RAPPORT D'INFORMATION
FAIT
au nom de la mission commune d'information sur les conséquences de la révision générale des politiques publiques pour les collectivités territoriales et les services publics locaux (1),
Par M. Dominique de LEGGE,
Sénateur.
Tome I : Rapport
(1) Cette mission commune d'information est composée de : M. François Patriat, président ; MM. Gérard Bailly, Raymond Couderc, Jean-Luc Fichet, Didier Guillaume et Mme Jacqueline Gourault , vice-présidents ; Mmes Michèle André, Marie-France Beaufils, Catherine Deroche, MM. Adrien Gouteyron et Jacques Mézard, secrétaires ; M. Dominique de Legge, rapporteur ; MM. Michel Bécot, Pierre-Yves Collombat, Mme Christiane Demontès, MM. Éric Doligé, Alain Houpert, Mme Valérie Létard, MM. Roland du Luart, Rachel Mazuir, Gérard Miquel, Georges Patient, Charles Revet, Alex Türk, Bernard Vera et Jean-Pierre Vial. |
LES 49 PROPOSITIONS DE LA MISSION COMMUNE D'INFORMATIONPartie 1 Chapitre 1 Le cadre général de la RGPP Proposition n° 1 Etablir dans la suite de la RGPP une définition claire des missions de l'Etat, veiller à l'adéquation des moyens à ces missions et régler, le cas échéant, les doublons et compétences partagées. Proposition n° 2 Permettre dans certaines régions déterminées par leurs spécificités géographiques (superficie, relief, nombre des départements la composant) un assouplissement de l'organigramme des services déconcentrés pour mieux assurer la proximité des services de l'Etat. Proposition n° 3 Favoriser l'accomplissement d'une mobilité pour les fonctionnaires d'Etat, territoriaux et hospitaliers relevant des corps et cadres d'emplois de catégorie A sur un poste d'une autre fonction publique que sa fonction publique d'origine. Propositions n° 4 et 5 - Recenser les opérations de mutualisation et chiffrer leurs résultats dans les rapports d'étape du CMPP. - Faire apparaître clairement ces résultats dans les documents budgétaires annexés au projet de loi de finances initiale. Propositions n° 6 et 7 - Compléter les rapports d'étape du CMPP par un chiffrage précis des résultats budgétaires obtenus pour chaque mesure prise. Une annexe à ces rapports pourra utilement faciliter le calcul du montant total en présentant un tableau consolidé des économies réalisées dans le cadre de la RGPP. - Faire apparaître également clairement ces résultats dans les documents budgétaires annexés au projet de loi de finances initiale. Proposition n° 8 Mettre en place une véritable concertation avec les collectivités territoriales, tant au niveau national que local, pour les développements à venir de la RGPP et de la RéATE. Proposition n° 9 Associer plus étroitement les élus locaux aux travaux du CMPP, à travers la Conférence nationale des exécutifs. Proposition n° 10 Réaffirmer les principes de la charte sur l'organisation de l'offre des services publics et au public en milieu rural pour promouvoir une véritable concertation sur la gestion des effectifs de l'Education nationale dans les territoires à faible densité démographique.
Chapitre 2
Proposition n° 11 Affirmer le rôle du sous-préfet comme représentant interministériel, interlocuteur de proximité, conseil en ingénierie des collectivités territoriales et coordinateur dans l'arrondissement des unités territoriales des services déconcentrés de l'Etat. Proposition n° 12 Evaluer le réseau des 240 sous-préfectures au regard des spécificités des territoires et du niveau de présence de l'Etat requis localement. Proposition n° 13 Etablir l'état des effectifs, dans chaque préfecture, catégorie par catégorie, ainsi que la lite des missions qui leur sont confiées. Proposition n° 14 Fusionner les unités territoriales avec leurs directions régionales dans les départements chefs-lieux de région. Proposition n° 15 Accompagner l'autonomie accrue des DOM par un renforcement des fonctions d'expertise et de contrôle de l'administration déconcentrée. Proposition n° 16 Mettre en place une véritable formation des agents de l'administration de l'État, avant leur affectation dans les DOM, sur les spécificités juridiques et opérationnelles de ces territoires. Proposition n° 17 Renforcer l'échelon départemental des DREAL en élargissant les missions des unités territoriales à l'ensemble des missions de ces dernières, et laisser au niveau régional les fonctions-support. Proposition n° 18 Affirmer, conformément aux dispositions réglementaires en vigueur, l'autorité hiérarchique du préfet de région sur les DREAL. Proposition n° 19 Donner plus de marges de manoeuvre aux préfets de région dans le domaine de la gestion des ressources humaines à travers un statut unifié d'agents d'administration territoriale. Proposition n° 20 Mettre fin au « fléchage » des crédits qui interdit l'optimisation des moyens budgétaires au niveau régional. Proposition n° 21 Créer un programme budgétaire territorial, décliné en un BOP par région, afin de rendre plus effective la gestion interministérielle des crédits au niveau déconcentré. Proposition n° 22 Mieux intégrer les résultats collectifs découlant de la RGPP en matière d'amélioration de la performance dans le système d'évaluation et de rémunération des agents. Proposition n° 23 Conforter le rôle du comité de l'administration régionale (CAR) en tant qu'instance d'animation au coeur du processus de prise de décision au niveau déconcentré. Proposition n° 24 Préserver la capacité d'accompagnement des collectivités territoriales par les services déconcentrés de la DGFiP en maintenant suffisamment d'agents de cadre A en poste. Proposition n° 25 Créer une nouvelle fonctionnalité de l'application ACTES pour préciser dans l'accusé de réception de la transmission de l'acte, le délai de retour de la préfecture. Proposition n° 26 Réaffirmer la mission de conseil aux collectivités territoriales des sous-préfets et leur permettre de mobiliser un effectif qualifié nécessaire à l'accomplissement de cette mission. Proposition n° 27 Généraliser les bonnes pratiques permettant un dialogue effectif entre les élus locaux et les ARS, notamment par la mise en place de commissions départementales. Proposition n° 28 Évaluer dans les prochains mois les outils mis en place par les ARS pour gérer une crise sanitaire d'urgence. Proposition n° 29 Préciser les missions des préfets de département et des ARS en matière de gestion de crise sanitaire d'urgence. Proposition n° 30 Renforcer la capacité d'initiative des délégations départementales des ARS afin de les conforter dans leur rôle d'interlocuteur de proximité en matière de sécurité sanitaire et de santé. Partie 2
Chapitre 1
Proposition n° 31 Promouvoir une gestion différenciée adaptée à la diversité des situations dans les territoires pour la réorganisation des services publics et pour l'application de la règle du non remplacement d'un fonctionnaire sur deux partant à la retraite. Proposition n° 32 Renforcer le rôle de coordination de la Datar en l'associant aux travaux du CMPP, afin de garantir une meilleure prise en compte de l'impact de la RGPP sur les territoires. Proposition n° 33 Etablir une Charte fixant un niveau de service public minimal sur les territoires. Proposition n° 34 Présenter aux élus locaux les plans de redéploiement des capacités d'ingénierie publique afin de les informer des nouvelles modalités d'intervention de l'État dans ce domaine. Proposition n° 35 Encourager, dans le respect du principe constitutionnel de non-tutelle d'une collectivité territoriale sur une autre, les initiatives départementales et intercommunales en matière d'ingénierie publique, afin : - d'apporter la sécurité juridique nécessaire aux initiatives départementales visant à créer des dispositifs d'ingénierie publique ; - d'élargir le soutien des départements, sur le fondement des dispositions de l'article L. 3232-1-1 du CGCT, à d'autres compétences communales telles que la gestion des déchets ou la mise en accessibilité des bâtiments municipaux ; - de permettre aux conseils généraux qui le souhaiteraient de prendre en charge, de façon expérimentale, l'ATESAT, selon des conditions définies par une convention avec l'État ; - de promouvoir la prise en charge de l'ingénierie territoriale au niveau intercommunal ; - d'encourager le regroupement en inter-intercommunalités, réseau d'ingénierie publique locale, leur permettant de mutualiser leurs moyens humains et financiers et de partager leurs bonnes pratiques ; - d'assouplir les seuils d'éligibilité de l'ATESAT pour les établissements publics de coopération intercommunale. Proposition n° 36 Approfondir l'association des collectivités territoriales au réseau scientifique et technique de l'État, en élargissant les premières démarches centrées sur les compétences routières aux autres compétences des collectivités. Proposition n° 37 Mettre en place une stratégie de communication afin de favoriser la mobilité des ingénieurs de l'État vers la fonction publique territoriale.
Chapitre 2
Propositions n° 38 et 39 - Créer, à l'initiative de l'Etat, des groupements de commande pour la fourniture aux collectivités territoriales des équipements nécessaires au raccordement à l'application ACTES. - Prévoir l'organisation par l'Etat en préfecture des formations correspondantes. Proposition n° 40 Réaliser une étude d'impact évaluant l'ensemble des coûts et des avantages du recours à la dématérialisation dans les administrations publiques. Proposition n° 41 Développer, au bénéfice des secrétaires de mairie, des modules de formation aux outils informatiques de partage d'informations avec les administrations d'État. Proposition n° 42 Accompagner la polyvalence des agents par des formations, notamment en matière d'accueil, de conseil et d'orientation des usagers afin de ne pas réduire la polyvalence à une simple fonction de guichet. Proposition n° 43 Mettre l'objectif de simplification administrative au coeur de la politique de développement des titres sécurisés. Proposition n° 44 Financer le transfert de l'ATESAT aux départements assurant cette compétence à titre expérimental et prévoir une majoration de la dotation globale de fonctionnement (DGF) pour les EPCI prenant en charge l'ingénierie territoriale de leurs communes membres. Proposition n° 45 Mieux tenir compte des spécificités des communes dans le calcul de la dotation relative à l'enregistrement des demandes et à la remise des titres sécurisés. Proposition n° 46 Mettre à profit le passage à la carte nationale d'identité électronique pour revoir l'indemnisation des communes délivrant les nouveaux titres sécurisés. Proposition n° 47 Favoriser le télétravail afin de prévenir les effets des réorganisations sur les personnels et sur les économies locales dans les territoires à faible densité de population. Proposition n° 48 Encourager la conclusion de conventions entre diverses administrations publiques (services de l'État, sécurité sociale, opérateurs de l'État, collectivités territoriales) qui partagent des locaux communs (maisons territoriales des départements ou maisons des services publics), avec des clauses précisant les conditions de participation financière de ces services à la gestion des lieux. Proposition n° 49 Mener à bien une stratégie volontariste dans le domaine du très haut débit et de la téléphonie mobile afin de permettre à l'ensemble du territoire et de la population de bénéficier des atouts du très haut débit et de la 2 G. |
INTRODUCTION
AVANT-PROPOS
Mesdames, Messieurs,
A l'initiative du groupe Socialiste, le Sénat a décidé, le 11 janvier 2011, de constituer une mission commune d'information sur les conséquences de la révision générale des politiques publiques (RGPP) pour les collectivités territoriales et les services publics locaux.
Le souci d'adapter l'organisation des services de l'Etat n'est pas nouveau. Au fil du temps, l'Etat a cherché, à différentes reprises, à mettre son organisation en adéquation avec de nouveaux enjeux ou des contraintes qu'il n'avait pu intégrer jusque-là. Qu'elle ait pris la forme de la rationalisation des choix budgétaires (RCB), lancée en janvier 1968, ou du renouveau du service public (RSP), en février 1989, cette politique a eu pour finalité de traiter les questions d'organisation, de coût et de financement de l'administration de l'Etat. Plus récemment, l'adoption en 2001 de la loi organique relative aux lois de finances, la LOLF, a témoigné du souci du législateur de promouvoir une gestion publique, tout à la fois plus efficace, plus transparente et plus démocratique. On retrouve aussi cette démarche dans d'autres États occidentaux (le Canada par exemple). Elle répond à une exigence d'efficacité de l'action publique.
La décentralisation est elle-même un processus qui participe de la réforme de l'Etat. Elle tend à rendre l'action publique plus efficace et plus proche du citoyen par un nouveau mode d'organisation qui fait une plus grande place à une gestion de proximité.
*
La révision générale des politiques publiques (RGPP), lancée en juillet 2007, s'inscrit dans ce mouvement de modernisation de l'action publique. Elle s'appuie sur des constats qui peuvent être partagés : le fait que l'intervention de l'Etat est souvent perçue comme multiforme et parfois peu lisible ; le degré de complexité excessive de l'action de l'Etat ; l'accroissement considérable de ses effectifs depuis trente ans alors même qu'il a transféré des compétences toujours plus nombreuses aux collectivités territoriales et aux opérateurs publics.
Face à ces constats, la RGPP tend à concrétiser trois engagements : améliorer la qualité du service rendu aux usagers ; moderniser la fonction publique et valoriser les initiatives des agents ; réduire les dépenses publiques : le non remplacement d'un fonctionnaire sur deux partant à la retraite ainsi que l'effort de rationalisation et de mutualisation des fonctions support participent de cet objectif.
Cette réorganisation des services de l'Etat ne peut s'appliquer sans avoir des conséquences pour nos collectivités territoriales et nos services publics locaux.
La réforme de l'État est aussi une conséquence inéluctable de la décentralisation, que le Sénat a appelée de ses voeux à plusieurs reprises dans ses travaux d'information et de contrôle.
C'est ainsi qu'en juin 2000, la motion adoptée par la mission commune d'information chargée de dresser le bilan de la décentralisation et de proposer les améliorations de nature à faciliter l'exercice des compétences locales relevait que « le rôle de l'Etat, à la fois contrôleur et acteur de la vie locale, reste ambigu. Il n'a pas encore adapté son organisation à la décentralisation. La déconcentration est toujours en chantier et les élus se plaignent légitimement de ne pas avoir affaire à un interlocuteur unique. » La mission avait préconisé de recentrer l'Etat sur ses missions essentielles : « il appartient avant tout à l'Etat de fixer des règles, d'en assurer le respect, de garantir les grands équilibres économiques et financiers, ainsi que la solidarité nationale, mais sans perdre de vue qu'à la recherche de l'équité, prendre en compte la diversité reste un impératif. » Elle avait appelé à une nouvelle approche de la déconcentration : « la déconcentration renforce la décentralisation lorsqu'elle permet aux élus d'avoir en face d'eux des interlocuteurs compétents et responsables, capables d'engager l'Etat tout entier. Les élus locaux souhaitent un interlocuteur unique, qui ne peut être que le préfet, coordonnateur de l' « interministérialité » » 1 ( * )
Plus récemment, en mars 2009, la mission temporaire sur l'organisation et l'évolution des collectivités territoriales renouvelait le constat que « près de trois décennies après l'acte de naissance de la décentralisation française, le débat sur la place de l'Etat dans cette nouvelle configuration n'est toujours pas clos, celui-ci n'ayant pas engagé cette réflexion. » Les rapporteurs, nos collègues Jacqueline Gourault et Yves Krattinger, observaient que « s'il se dégage de certains domaines, l'Etat reste paradoxalement très présent dans nombre de secteurs décentralisés, soit qu'il y ait conservé quelques compétences, soit que les administrations déconcentrées antérieurement compétentes aient conservé tout ou partie de leurs effectifs. Cette contradiction illustre l'absence de réflexion qui aurait dû être menée parallèlement à la mise en oeuvre de la décentralisation, sur les conséquences en résultant pour l'Etat et la redéfinition de son rôle. » 2 ( * ) .
*
Alors qu'une deuxième phase de la RGPP a été lancée en juin 2010, la mission commune d'information, dont le Sénat a décidé la création, a donc été appelée à évaluer plus précisément les conséquences de cette réforme en cours.
Sur la proposition de son président, notre collègue M. François Patriat, la mission a procédé à un premier échange de vues, le 24 janvier 2011, pour préciser le périmètre de ses investigations. Elle a ainsi décidé que ses travaux devaient s'attacher à évaluer l'impact de la RGPP sur les collectivités territoriales et les services publics locaux au regard des objectifs initialement fixés (amélioration du service rendu aux usagers, simplification, modernisation de la fonction publique et valorisation des initiatives des agents, réalisation d'économies). Ils devaient porter sur la méthode adoptée dans le cadre de cette réforme, sur l'adéquation des moyens engagés pour atteindre les buts arrêtés ainsi que sur les effets produits par cette politique.
Une telle évaluation pourrait apparaître trop précoce car les effets de la RGPP ne seront mesurables que dans un délai beaucoup plus long. C'est probablement vrai. Nous sommes au milieu du gué. Mais les observations et les préconisations de la mission doivent permettre de corriger sans retard ce qui peut poser de vraies difficultés dans les territoires.
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La Mission commune d'information a tenu vingt deux réunions, dont dix neuf consacrées à des auditions, soit un total de 50 h 00 de réunion dont 46 h 00 d'auditions. Elle a entendu ou rencontré 200 personnes. 55 auditions ont eu lieu au Sénat.
La mission a par ailleurs jugé indispensable d'organiser plusieurs déplacements. Elle s'est ainsi rendue dans le Lot (le 11 avril), dans le Loiret (le 17 mai), dans les Bouches-du Rhône (le 23 mai), dans le Nord (le 30 mai) et en Mayenne (le 7 juin). Ces déplacements lui ont permis d'évaluer sur place les conséquences de la RGPP et de rencontrer les acteurs de terrain chargés d'appliquer cette politique, les élus locaux qui en vivent les effets sur leurs collectivités et sur les territoires ainsi que les acteurs économiques et les usagers des services publics. Au total, 135 personnes ont été entendues au cours des cinq déplacements effectués par la mission.
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Pour mener à bien ses réflexions, la mission d'information a pu s'appuyer sur les travaux très complets réalisés par le Sénat qui ont intégré la problématique de la réforme de l'Etat. Sans prétendre à l'exhaustivité, on citera en particulier :
- le rapport d'information de M. Michel Mercier, au nom de la mission commune d'information chargée de dresser le bilan de la décentralisation et de proposer les améliorations de nature à faciliter l'exercice des compétences locales, présidée par M. Jean-Paul Delevoye ;
- le rapport d'information de M. Yves Krattinger et Mme Jacqueline Gourault, au nom de la mission temporaire sur l'organisation et l'évolution des collectivités territoriales présidée par M. Claude Belot ;
- les travaux de la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation, présidée par M. Claude Belot ;
- le rapport d'information de Mme Michèle André sur la révision générale des politiques publiques dans les préfectures. 3 ( * )
La mission a également exploité les réponses que les maires de plusieurs départements ont bien voulu apporter aux questions que le président François Patriat, votre rapporteur et les membres de la mission ont pris l'initiative de leur adresser sur la façon dont ils appréhendent la RGPP.
Elle a par ailleurs souhaité mettre en perspective la réforme actuellement conduite en France avec les politiques menées dans d'autres Etats (Angleterre - Canada - Italie - Pays-Bas) d'un niveau de développement comparable. Même si les mesures de modernisation des administrations sont largement fonction de l'histoire et des caractères propres à chacun de ces pays, il est néanmoins toujours utile d'observer les démarches mises en oeuvre par nos partenaires. Une étude réalisée par la Direction de l'initiative parlementaire et des délégations du Sénat est reproduite en annexe du présent rapport.
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La RGPP répond à des objectifs ambitieux qui peuvent faire consensus. Il faut, en effet, redéfinir les missions de l'État et les travaux de la mission ont montré que ce processus est encore loin d'être achevé. Il faut également adapter l'organisation de l'État à des missions recentrées et veiller à valoriser le travail et le parcours des agents.
Pour parvenir à ces objectifs, la méthode utilisée a été très centralisée. L'absence de concertation est apparue dès les premières auditions réalisées par votre mission d'information. Elle a été confirmée par la suite, particulièrement lors de ses déplacements. Certes, on peut admettre qu'à l'origine du processus de réforme, un certain volontarisme était nécessaire. Des réflexions ont pourtant eu lieu, en décembre 2007, dans le cadre du groupe de travail présidé par notre ancien collègue Alain Lambert sur les relations entre l'État et les collectivités locales.
Il n'empêche que, face aux conséquences très lourdes pour elles de ce processus de réforme, on ne peut accepter que les collectivités territoriales soient mises devant le fait accompli alors même que les spécificités locales n'ont toujours pas été prises en compte. Organiser les conditions de cette concertation pour la suite de cette réforme est une exigence. Enfin, le rétablissement des comptes publics est un impératif pour notre pays. Mais il est clair qu'il ne peut être la seule finalité de la révision des politiques publiques.
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La RGPP s'inscrit dans un ensemble de réformes : celles des collectivités territoriales et de la fiscalité locale, auxquelles s'ajoutent la volonté de maîtriser la dépense publique dans le contexte de la crise financière ou encore l'application de normes européennes. Ce cumul la rend plus difficile à appréhender et à « absorber ». Elle vient aussi dans un contexte de réformes et d'évolutions qui ne touchent pas que l'État. On notera ainsi les évolutions du service postal, de l'électricité ou encore la réorganisation de la SNCF. La pénurie de médecins dans certaines zones, la disparition de commerces de proximité sont vécues comme autant de reculs. Ces mutations créent une confusion dans les analyses, très perceptible lors des auditions comme des déplacements de la mission.
Si la crise ne peut tout expliquer, le triptyque de base qui fondait la RGPP, à savoir une amélioration du service, une rationalisation de celui-ci pour tenir compte des évolutions intervenues et la recherche d'économies, s'est trouvé déséquilibré, et bien souvent la recherche de limitation des dépenses est apparue comme un leitmotiv. Il est vrai que l'urgence budgétaire commandait des mesures volontaristes de maîtrise des dépenses publiques. D'autres pays ont d'ailleurs fait des choix beaucoup plus drastiques que les nôtres : le Royaume Uni, par exemple, a décidé de diminuer les rémunérations de ses fonctionnaires.
Toujours est-il que cet impératif budgétaire a laissé à penser à certains que, à défaut d'adapter les moyens aux missions, on pouvait adapter les missions aux moyens. La diminution du nombre d'agents publics doit s'accompagner d'une redéfinition des missions.
Dès 2009, nos collègues Jacqueline Gourault et Yves Krattinger s'inquiétaient que « la réforme aujourd'hui entamée des services déconcentrés dans le cadre de la révision générale des politiques publiques (RGPP) relève sans doute plus des impératifs budgétaires que d'une articulation réfléchie avec l'organisation territoriale de la « République décentralisée ».
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A l'issue de cinq mois de travaux, votre mission commune d'information a souhaité dresser un constat objectif des effets de la révision générale des politiques publiques sur les collectivités territoriales et les services publics locaux. Elle a cherché à mettre en évidence les aspects positifs de la réforme, quand celle-ci apporte plus d'efficacité dans l'action publique tout en améliorant la qualité du service. Elle a aussi identifié ses dysfonctionnements quand des territoires se trouvent affaiblis après le retrait de l'Etat et quand elle se traduit par une mise en cause préjudiciable de la gestion de proximité, ou par des transferts de charges « rampants » aux collectivités territoriales.
Remédier à ces dysfonctionnements pour que cette importante réforme atteigne tous les objectifs qui lui ont été assignés en répondant aux demandes légitimes des collectivités territoriales et des usagers des services publics, telle est la finalité des propositions que la mission d'information a élaborées.
PREMIÈRE PARTIE - LES CONSÉQUENCES POUR LES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES DE LA RÉVISION GÉNÉRALE DES POLITIQUES PUBLIQUES
A priori , les collectivités territoriales ne pourraient que se féliciter d'un processus qui a notamment produit la refonte des services déconcentrés.
Le Sénat, depuis plus de dix ans, dénonce la résistance de l'Etat jacobin à tirer les conséquences de la décentralisation initiée en 1982.
A l'occasion de la dernière réforme des collectivités territoriales, le rapporteur de la commission des lois, notre collègue, Jean-Patrick Courtois, rappelait que « la décentralisation, conçue dès son origine comme un moyen de rapprocher les décisions des citoyens et de promouvoir une organisation plus efficace des services publics, doit en effet s'accompagner d'un relatif effacement de l'Etat, appelé à se concentrer sur ses missions régaliennes » 4 ( * ) .
Il faut aussi que l'organisation de l'Etat réponde aux besoins de proximité des collectivités territoriales dans leur dialogue mutuel et de sécurité juridique dans la mise en oeuvre de leurs compétences.
La RGPP permet-elle de satisfaire ces impératifs ?
Pour répondre à cette question, il faut à la fois examiner le cadre général dans lequel cette réforme a été conçue et évaluer dans quelle mesure sa mise en oeuvre peut avoir des répercussions sur le fonctionnement des collectivités territoriales et l'accomplissement de leurs missions.
CHAPITRE I - LE CADRE GÉNÉRAL DE LA RÉVISION GÉNÉRALE DES POLITIQUES PUBLIQUES
La RGPP se présente comme une réflexion globale -depuis longtemps attendue- sur la place, les missions et les actions de l'Etat.
Peut-elle néanmoins être conçue sans que soient associés à la démarche les autres acteurs qui concourent également à la mise en oeuvre des politiques publiques, au premier rang desquels s'imposent les collectivités territoriales ?
I. DES OBJECTIFS AMBITIEUX
« Equité, continuité, rigueur, équilibre, voilà les principes au service de cette réforme d'ampleur » déclarait son rapporteur général, M. François Baroin, ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat, lors de son audition par la mission d'information le 16 février 2011.
Lancée le 20 juin 2007, la révision générale des politiques publiques (RGPP) est présentée comme une « démarche radicalement nouvelle » et globale de modernisation de l'Etat.
A. UNE ADAPTATION DES MISSIONS, DE L'ORGANISATION ET DU FORMAT DE L'ETAT
Le projet « Service public 2012 » qui concerne l'ensemble des ministères, passe par six axes de modernisation :
1. adapter les missions de l'Etat aux défis du XXIème siècle ;
2. améliorer les services pour les citoyens et les entreprises -la mise en place de la direction générale des finances publiques (DGFiP) s'inscrit dans cet objectif- ;
3. moderniser et simplifier l'Etat dans son organisation et ses processus (c'est notamment la réforme de l'administration territoriale de l'Etat) ;
4. valoriser le travail et le parcours des agents (par la création d'un droit effectif à la mobilité dans la fonction publique et la révision du contenu des concours) ;
5. responsabiliser par la culture du résultat ;
6. rétablir l'équilibre des comptes publics et garantir le bon usage de chaque euro, axe dans lequel s'inscrit le principe du non-remplacement d'un fonctionnaire sur deux partant à la retraite.
C'est donc dans ce cadre que prend place la RéATE (réforme de l'administration territoriale de l'Etat). Met-elle un terme au débat sur la place nouvelle de l'Etat décentralisé ?
1. Des missions à redéfinir dans le nouveau contexte issu de la décentralisation
La répartition des pouvoirs a profondément évolué avec l'intervention de la décentralisation. Mais l'Etat central en a difficilement tiré les conséquences.
a) Une réforme inaboutie
Si le processus résulte de la loi du 2 mars 1982 relative aux droits et libertés des communes, des départements et des régions, notre Constitution le proclame depuis 2003 : la République française est décentralisée.
Notre collègue René Garrec, rapporteur pour le Sénat de la révision du 28 mars 2003, y voyait l'opportunité « d'engager une véritable réforme de l'Etat » 5 ( * ) . Le Premier ministre, notre collègue Jean-Pierre Raffarin, appelait d'ailleurs, le 29 octobre 2002, en présentant la réforme devant la Haute assemblée, une France « à trois dimensions engagée dans un grand espace européen, avec (...) un Etat républicain qui tient sa place et qui est là où les Français l'attendent, qui ne cherche pas à se disperser mais qui, au contraire, recentré sur des missions fondamentales, assume ses responsabilités, une République de proximité sur les territoires, qui prend des décisions accessibles aux citoyens, et dont l'identité est reconnue » 6 ( * ) .
Si l'on se retourne sur ces 30 dernières années, quels bouleversements considérables a connu notre « vieux » pays jacobin !
Ouvert en 1982, l'acte I de la décentralisation a fondamentalement changé la donne en consacrant le principe de libre administration des collectivités territoriales qui échappaient, de ce fait, à la tutelle de l'Etat incarné localement par les préfets. Autrefois également exécutif local, le représentant de l'Etat est désormais recentré sur sa fonction de dépositaire de l'autorité de l'Etat dans sa circonscription de compétence : aux termes de l'article 72, alinéa 6, de la Constitution du 4 octobre 1958, « Dans les collectivités territoriales de la République, (...) représentant de chacun des membres du Gouvernement, (il) a la charge des intérêts nationaux, du contrôle administratif et du respect des lois ».
Parallèlement, les lois des 7 janvier et 22 juillet 1983 ont opéré les premiers transferts de compétences de l'Etat aux collectivités.
Concrétisant l'acte II de la décentralisation en leur transférant de nouvelles compétences, la loi du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales se présentait, « favorisant sa réorganisation », comme « un levier essentiel de la réforme de l'Etat » : « loin de remettre en cause le rôle de l'Etat, l'approfondissement de la décentralisation lui permettra de mieux exercer ses missions essentielles, non seulement ses missions républicaines mais aussi ses missions qui concourent à la cohésion nationale en veillant à la solidarité entre les citoyens et entre les territoires » 7 ( * ) . Tout était dit !
Cependant, force est malheureusement de constater qu'après le dernier grand transfert opéré dans ce cadre -celui des parcs de l'équipement aux départements 8 ( * ) - certains secteurs étaient toujours en proie à des habitudes centralisatrices de co-gestion Etat-collectivités. Soit, comme le relevait le rapport d'étape de la mission temporaire du Sénat sur l'organisation et l'évolution des collectivités territoriales, que l'Etat « y ait conservé quelques compétences, soit que les administrations déconcentrées antérieurement compétentes aient conservé tout ou partie de leurs effectifs » 9 ( * ) . Le secteur social illustre parfaitement le premier cas avec le fonds d'insertion professionnelle des jeunes créé en 2004 parallèlement au fonds d'aide aux jeunes des départements 10 ( * ) . Un autre exemple, dénoncé par la Cour des comptes 11 ( * ) , concerne la politique de l'apprentissage, compétence régionale depuis 1983, écornée par l'Etat par le biais du fonds national de développement et de modernisation de l'apprentissage qu'il gère en application de la loi du 18 janvier 2005 de programmation pour la cohésion sociale. Le président de l'Association des régions de France (ARF), M. Alain Rousset, a dénoncé, devant votre mission, l'inefficience et le coût de ces pratiques alors que l'Etat « ne dispos(e) pas des moyens matériels et financiers suffisants » 12 ( * ) pour les assumer.
Le processus initié en 2007 devrait logiquement mettre un terme à ces incohérences puisque l'Etat s'est engagé dans un processus d'évaluation de ses missions.
b) « Un Etat concentré sur ses priorités »
Tel se présente « Service public 2012 » dans son axe « missions » qui fixe l'adaptation des priorités et des missions fondamentales de l'Etat « à l'évolution des enjeux et des attentes ».
Cependant, curieusement, il ne se réfère pas primordialement aux bouleversements induits par la décentralisation, actes I et II confondus. Il vise d'abord plus précisément les mutations sociétales. Il suffit, pour le vérifier, de parcourir les actions citées en exemple : création d'un ministère du développement durable, modernisation de la politique du logement, recentrage des activités de police sur les nouvelles formes de délinquance, ... 13 ( * ) .
Résumant le constat initial fondant la RGPP, son rapporteur général, M. François Baroin, ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat, ne déclarait-il pas, lors de son audition le 16 février 2011 : « L'intervention de l'Etat, d'abord, était devenue multiforme et parfois peu lisible. Ses missions s'étaient multipliées et superposées sans que la cohérence d'ensemble ne soit toujours garantie. Des politiques qui ne devaient être que temporaires avaient été pérennisées. Des missions, qui ne relevaient pas du coeur de métier de l'Etat, s'étaient développées ».
A l'origine, lors de son lancement le 10 juillet 2007, la RGPP a été définie comme une « (remise) à plat (de) l'ensemble des missions de l'Etat, sans tabou ni a priori, pour adapter les administrations aux besoins des citoyens. (Elle) vise à identifier les réformes qui permettront de réduire les dépenses de l'Etat, tout en améliorant l'efficacité des politiques publiques » 14 ( * ) .
Ainsi, si elle apparaît motivée prioritairement par des considérations budgétaires, cette réforme ne méconnaît pas la nouvelle donne issue de la décentralisation.
En premier lieu, sous la présidence de l'ancien sénateur Alain Lambert, un groupe de travail sur les relations entre l'Etat et les collectivités territoriales a été constitué notamment pour « examiner la pertinence des domaines actuels de compétences de l'Etat et des différents niveaux de collectivités territoriales dans la perspective d'une réflexion sur leurs périmètres d'intervention respectifs et d'une clarification des missions de chacun ».
En conclusion, à l'époque, le groupe de travail avait distingué plusieurs cas 15 ( * ) :
- les domaines à niveaux de compétences historiques comme l'action sociale, l'insertion et la formation professionnelle. Il avait alors proposé « d'unifier et de conforter les compétences des collectivités » ;
- les secteurs nécessairement partagés entre plusieurs autorités : développement économique, éducation, aménagement du territoire. Il convient alors, pour l'Etat, d'appliquer le principe de subsidiarité.
Parallèlement, le groupe de travail avait proposé un autre système résidant dans la suppression de la clause générale de compétences pour les départements et les régions qui, dès lors, pourraient s'opposer aux interventions de l'Etat dans le périmètre de leurs attributions.
Il avait également fixé les principes qui, pour lui, devraient conduire à la réforme de l'Etat territorial : « identification des services autour d'un seul responsable, déconcentration maximale, séparation claire des fonctions d'arbitrage et de contrôle ».
Le conseil de modernisation des politiques publiques (CMPP), lui-même, est convenu qu'il fallait adapter les administrations déconcentrées mais sa réflexion s'est attachée à l'organisation des implantations territoriales de l'Etat, à la coordination entre les niveaux régional et départemental et non pas aux limites du champ de ses missions. Il est symptomatique de noter qu'à la question : pourquoi changer (l'organisation locale) ?, le premier rapport du CMPP (12 octobre 2007) répond d'abord par l'adaptation continue impérative des missions de l'Etat aux besoins et attentes des usagers désorientés par la complexité des organigrammes. Mais il prend également en compte les collectivités territoriales en soulignant qu'elles requièrent « un interlocuteur efficace, garant de la cohérence de l'action de l'Etat dans les territoires » tout en dénonçant la poursuite de ses interventions dans des domaines transférés.
La réforme des administrations déconcentrées doit, en conséquence, lui permettre d'être « plus efficace, plus cohérent, plus économe et plus concentré sur les missions que les citoyens attendent de lui ».
Le Gouvernement a mis en place plusieurs instances chargées d'examiner les tâches assurées par certains de ses services. Ainsi un groupe de travail présidé par le préfet Riffaut inventorie les missions des préfectures pour lister celles qui pourraient être abandonnées ou modernisées : secrétariat du conseil d'évaluation des prisons ; organisation des élections aux organismes consulaires ; arrêtés de notification des dotations au nombre de 30 à 40.000 par an ; agrément des agences immobilières dès lors qu'existe une commission départementale de déontologie ...
Votre mission considère qu'il est essentiel de mener à bien ce travail de définition des missions de l'Etat.
Proposition n° 1 : Etablir dans la suite de la RGPP une définition claire des missions de l'Etat, veiller à l'adéquation des moyens à ces missions et régler, le cas échéant, les doublons et compétences partagées. |
2. Une nouvelle organisation adaptée à des missions recentrées
Si la RéATE est incontournable, est-elle suffisamment adaptée aux territoires et garante de la cohésion de l'Etat ?
a) Des missions recentrées, des services concentrés
L'ensemble des politiques publiques -y compris les missions régaliennes- a été examiné sous l'angle de leur objectif dans le cadre général d'un recentrage de l'Etat sur ses priorités lequel doit lui permettre d'améliorer l'efficacité de son action à un moindre coût.
C'est ainsi que l'ingénierie publique concurrentielle a été abandonnée au profit du développement durable ou les gardes statiques réduites pour affecter plus de policiers et de gendarmes aux missions de sécurité. Cet exercice est aussi à l'origine de la mutualisation de certaines fonctions support, tels l'immobilier et les achats, ainsi que du développement de l'externalisation de ce qui ne relève pas du coeur de métier de l'Etat.
La nouvelle architecture de l'administration locale a également été bâtie sur la base des audits des interventions de l'Etat sans méconnaître l'objectif général de la RGPP : « faire mieux avec moins ». Cet impératif contraint par un contexte budgétaire difficile n'est naturellement pas critiquable en soi : réaliste, il vise la performance.
Cet exercice de détermination du coeur de métier au regard des priorités affichées s'accompagne de la volonté de simplifier l'organisation et de clarifier le rôle de l'Etat, qui s'est brouillé par le double effet de la multiplication des structures (notamment par la création d'opérateurs) et de la confusion de ses responsabilités avec celles des collectivités locales.
Il en résulte des fusions de structures comme celles de la direction des impôts et de la direction générale de la comptabilité publique, un resserrement des directions centrales pour mieux définir des politiques « plus intégrées » et des services de niveau régional pour offrir aux usagers-citoyens, entreprises et collectivités locales, des interlocuteurs mieux identifiés, la rationalisation des opérateurs.
Enfin, dans ce cadre, intervient la réorganisation de l'administration territoriale de l'Etat, la RéATE, arrêtée par le 3 ème CMPP réuni le 11 juin 2008 qui, notons-le, inscrit alors la décentralisation au premier rang des évolutions qui l'ont bousculée : « Depuis les lois de décentralisation, l'Etat a très peu adapté la forme de sa présence dans les territoires ».
La « modernisation » de l'organisation locale répond à cette nouvelle donne mais elle résulte également des facultés offertes par les nouvelles technologies de communication et d'information, « et surtout des attentes des citoyens, de l'évolution de leurs besoins et de leur mode de vie ». L'impératif budgétaire en est également une des composantes. Le rapport du CMPP souligne que les structures locales de l'Etat « sont aujourd'hui trop nombreuses et donc trop coûteuses ».
Le nouveau schéma des services déconcentrés, construit autour du préfet, « garant de la cohérence de l'action de l'Etat dans les territoires », doit se conformer aux missions redéfinies dans une structuration pyramidale :
- un niveau de droit commun de la mise en oeuvre des politiques publiques : la région , avec la création d'un nombre réduit de directions correspondant globalement aux périmètres des ministères. Ainsi sont mises en place huit directions régionales dont cinq placées sous l'autorité du préfet, le rectorat, l'agence régionale de santé (ARS) et la nouvelle direction des finances publiques lui échappant ;
- un échelon de proximité : le département dans lequel l'Etat se réorganise « en fonction des besoins des citoyens sur le territoire », plus précisément pour leur permettre de mieux se diriger dans le « maquis des bureaux. »
Le droit au logement, cité en exemple, illustre en effet à merveille la complexité de l'administration départementale pré-RGPP puisque y concouraient la DDE, la DDASS et le service logement des préfectures. Leur réunion en une seule entité est le modèle emblématique de ce triple exercice de simplification, de clarification et de fusion administratives.
Ainsi sont nées les deux directions départementales interministérielles (DDI), territoires et protection des populations.
Mais ce principe de rationalisation n'a-t-il pas été appliqué avec trop de dogmatisme ?
b) Une régionalisation trop systématique ?
La RéATE soulève plusieurs questions.
La notion de proximité , tout d'abord, a-t-elle été pleinement prise en compte ? Certes, c'est une antienne des documents de la RGPP. Mais n'a-t-elle pas été comprise trop étroitement ?
La réorganisation de l'administration locale n'a-t-elle pas attrait au niveau régional des services qui auraient dû demeurer au niveau départemental ? Pour le président de l'ANEM (Association nationale des élus de la montagne), M. Vincent Descoeur, « l'excessive régionalisation des services publics entraîne l'éloignement des centres de décisions et des compétences » 16 ( * ) .
La localisation des DREAL mérite d'être posée. Plusieurs interlocuteurs de votre mission -usagers-collectivités locales mais aussi agents de l'Etat- en ont regretté les conséquences au quotidien : insuffisante connaissance du terrain, perte de temps, allongement des procédures (cf. infra ).
L'administration locale réformée tient-elle suffisamment compte de la diversité des territoires ? Certes, M. Philippe Richert, ministre chargé des collectivités territoriales, a souligné, devant votre mission le 9 février 2011, que la modularité était au coeur de la réforme. En effet, dans les départements les plus peuplés, la direction de la protection des populations perd son volet « cohésion sociale » constitué en direction autonome. Mais le critère démographique est-il suffisant ? Ne convient-il pas de tenir également compte des spécificités et des caractéristiques locales ?
Le rapprochement de structures concourant à une même action administrative était une nécessité et la simplification de l'organigramme départemental est indéniablement une source de plus grande accessibilité de l'administration dès lors que les nouveaux interlocuteurs sont bien identifiés. Mais les nouvelles directions ne doivent pas se transformer en « monstres bureaucratiques ».
Proposition n° 2 : Permettre dans certaines régions déterminées par leurs spécificités géographiques (superficie, relief, nombre des départements la composant) un assouplissement de l'organigramme des services déconcentrés pour mieux assurer la proximité des services de l'Etat. |
La nouvelle responsabilité du préfet de région , « patron » des services de l'Etat dans sa circonscription, doit être approuvée ; c'est, en effet, le moyen d'assurer la cohésion de l'action publique. Encore faut-il relever que cette recherche de cohérence autour du préfet de région n'est pas complète, certaines agences comme les ARS relevant directement de leur ministère et échappant à l'autorité préfectorale.
Enfin, la mutualisation, la centralisation des fonctions-support, si elles sont sources d'économies -et ce n'est pas un mince mérite- ne doivent pas devenir des facteurs de blocages ou de lenteurs administratives, ni brouiller l'activité des services. Le nouveau système d'information financière intégré CHORUS n'est-il pas à cet égard trop « global » en impliquant la remontée au niveau national de décisions d'autorisations d'engagement et de mandatement des dépenses de l'Etat ? Le secrétaire général du syndicat national des ingénieurs des travaux publics de l'Etat et des collectivités territoriales (SNITPECT), M. Thierry Latger, a imputé à un excès de mutualisation, selon lui, une altération de la LOLF 17 ( * ) . Pour sa part, le préfet de la Vendée, M. Jean-Jacques Brot, a regretté entre autres la longueur des délais d'autorisation de menus travaux immobiliers 18 ( * ) .
Ces réserves ne remettent nullement en cause la démarche entreprise avec la RGPP, ni la RéATE elle-même devenue une urgente nécessité avec les progrès de la décentralisation. Ils sont les « péchés de jeunesse » certainement inévitables pour une réforme d'ampleur : ils appellent, cependant, à procéder à certains ajustements et aménagements.
3. Une valorisation du travail et des parcours des agents
« Mieux valoriser le travail des fonctionnaires en adaptant la nature de leurs tâches à l'évolution des besoins des citoyens et en payant mieux des fonctionnaires moins nombreux » est l'un des objectifs affichés 19 ( * ) .
Pour les agents, la RéATE doit tout à la fois rehausser l'intérêt des fonctions dans un cadre clarifié et simplifié, et élargir leurs perspectives de carrière par la réduction du nombre de structures ( cf . 2 ème rapport du CMPP - 4 avril 2008).
Cet objectif se concrétise dans le vaste chantier « Service public 2012 » lancé à l'Institut régional d'administration (IRA) de Nantes, le 19 septembre 2007, par le Président de la République qui avait alors souligné la nécessité de refonder la fonction publique par un nouveau pacte avec les fonctionnaires.
Cette annonce fut suivie par le lancement par le Premier ministre, le 1 er octobre suivant, d'un débat national sur la fonction publique, lequel s'est conclu par la publication, sous l'autorité de M. Ludovic Silicani, du livre blanc qui trace notamment les contours d'une fonction publique de métiers.
Le volet « ressources humaines » de la RGPP se décline en trois axes interdépendants : faciliter les redéploiements, fluidifier le marché de l'emploi public et valoriser les compétences ainsi que la performance des agents 20 ( * ) .
a) De la prise en compte de l'expérience professionnelle ...
Les réformes correspondantes avaient été ouvertes dès avant l'ouverture de la RGPP, notamment avec l'extension à la fonction publique par la loi de modernisation du 2 février 2007 pour ce qui concerne les agents d'Etat, des dispositifs déjà introduits pour les salariés du secteur privé : le droit à la formation professionnelle tout au long de la vie se décline en un droit individuel à la formation (DIF) et des périodes de professionnalisation.
Une procédure de validation des acquis conduit à les faire reconnaître pour l'obtention d'un diplôme, d'un titre ou d'un certificat de qualification professionnelle. Pour sa part, le bilan de compétences permet de définir un projet professionnel et, le cas échéant, de formation.
La valorisation de l'expérience professionnelle est prise en compte tout à la fois lors du recrutement initial par concours -qu'il soit externe, interne ou de la troisième voie- et, en cours de carrière, pour la promotion interne « au choix » et l'avancement de grade :
- épreuve, obligatoire ou facultative selon le cas, au programme des concours ou examens professionnels, consacrée à la présentation par le candidat des acquis de son expérience professionnelle antérieure ;
- prise en compte de ces acquis pour l'inscription sur une liste d'aptitude ou au tableau annuel.
La mise en oeuvre de ces mesures, engagée en 2008, concourt à la mise en place d'une fonction publique de métiers.
b) ... à la professionnalisation des concours et de la formation
Cette réforme a été prolongée, dans le cadre de la RGPP, par une triple réflexion sur l'organisation et le pilotage des recrutements, le contenu des concours et la formation initiale, respectivement confiée à Mme Marine Dorne-Corraze, Mme Corinne Desforges et M. Raymond-François Le Bris.
La modernisation des concours de l'Etat a conduit, à ce jour, à redéfinir le contenu de plus de 300 concours et examens professionnels, d'une part, en fonction des compétences requises pour l'exercice du métier considéré et, d'autre part, pour mettre en adéquation le programme et le contenu des épreuves avec le niveau de diplôme requis.
D'après les explications données par le ministère de la fonction publique lors de la dernière discussion budgétaire, des épreuves fondées sur des mises en situation et des résolutions de cas pratiques ont été mises en place et plus de 130 voies de recrutement ont intégré la reconnaissance des acquis de l'expérience professionnelle (RAEP), particulièrement dans les concours internes et la troisième voie. Celle-ci permet, à l'oral, d'organiser « un véritable entretien de recrutement ». Il est parallèlement procédé à l'adaptation de la composition des jurys et à la formation de leurs membres.
M. Georges Tron, alors secrétaire d'Etat chargé de la fonction publique, a annoncé à votre mission, le 2 mars 2011, la poursuite de « la mutualisation des concours administratifs avec une optimisation de la formation initiale dans le prolongement du rapport Le Bris, et des indicateurs de performance pour les écoles de service public ». La même démarche est entreprise pour la formation continue. Elle s'inscrit dans une optique de recrutement de généralistes qui pourront plus facilement changer de métier.
C'est évidemment un élément-clé dans la valorisation voulue des parcours professionnels en ouvrant la voie de la promotion à des agents expérimentés qui auraient pu être freinés par un trop grand académisme des épreuves. C'est donc un double enrichissement à la fois du fonctionnaire dont la qualité du travail passé est ainsi reconnue et de l'administration qui profite de l'expérience et du professionnalisme de ses agents. C'est aussi un atout pour faciliter les reconversions.
c) La mobilité comme facteur de diversification des carrières et outil de redéploiement des effectifs
La RGPP, contrainte par les restructurations, aura heureusement incité à s'attaquer aux freins à la mobilité qui, pourtant, si elle permet à l'administration d'adapter plus harmonieusement son format et de faciliter ses recrutements, offre aux agents des carrières plus attractives.
Cette « impérieuse nécessité » a été concrétisée par des assouplissements statutaires et des incitations financières :
1 - la loi n° 2009-972 du 3 août 2009, présentée comme la « boîte à outils » de la RGPP, développe et encourage la mobilité au plan statutaire : levée des restrictions juridiques aux détachements, ouverture de l'intégration dans le corps d'accueil aux bénéficiaires d'un détachement après 5 ans, institution d'une faculté d'intégration directe dans un corps ou cadre d'emplois comparable à son appartenance d'origine, ouverture réciproque des fonctions publiques civile et militaire, droit au départ d'un agent vers une administration publique ou le secteur privé et garantie, en cas de mobilité, du niveau de rémunération.
La loi du 3 août 2009 créé également un dispositif de réorientation professionnelle pour les fonctionnaires de l'Etat confrontés à la suppression de leur emploi par suite d'une restructuration.
2- Le volet financier a été fixé par un ensemble de décrets et d'arrêtés du 17 avril 2008 destinés à faciliter les reconversions des fonctionnaires touchés par les réformes et à encourager au départ définitif de la fonction publique pour ajuster les effectifs :
- indemnité de départ volontaire permettant la réinsertion hors du secteur public comme dans le cas de reprise ou de création d'entreprise ;
- prime de restructuration de service complétée par une allocation à la mobilité du conjoint qui perdrait, de ce fait, son emploi ;
- indemnité temporaire de mobilité sur un emploi présentant une difficulté particulière de recrutement dans des zones peu attractives.
En 2009, 30.158 agents ont perçu la prime de restructuration de service pour un montant global de 17.908.790 euros ; 448 l'indemnité de départ volontaire pour un montant total de 15.513.423 euro.
Sur les huit premiers mois de l'année 2010, ces données s'établissaient à 18.185 agents pour 29.864.477 euros pour la prime et à 703 bénéficiaires pour 22.900.715 euros en ce qui concerne l'indemnité (d'après les renseignements transmis à votre mission par le ministère chargé de la fonction publique, 1.041 agents l'ont perçue sur l'ensemble de l'année 2010, sans précision de montant).
Précisons que ces mesures ne sont pas exclusives d'un accompagnement financier spécifique à chaque ministère.
L'ensemble de ces dispositifs a été complété par des instruments permettant de mieux appliquer et gérer la mobilité : mise en place de conseils en mobilité-carrière, rénovation en 2008 de la bourse interministérielle de l'emploi public (BIEP) sur le site www.biep.gouv.fr et institution d'un réseau de bourses régionales d'emplois.
Toutefois, la loi de 2009 ne semble pas avoir encore provoqué un engouement significatif chez les fonctionnaires. Il lui faut certainement dépasser les blocages culturels évoqués par le directeur général de la fonction publique et de l'administration (DGAFP), M. Jean-François Verdier 21 ( * ) . Nonobstant ces freins, la levée des obstacles juridiques à la mobilité entre les trois versants de la fonction publique -Etat, territoriale et hospitalière- et à l'intérieur de chacun d'entre eux doit s'accompagner, pour les agents intéressés, d'une facilitation des passages correspondants : l'enrichissement des parcours individuels, c'est aussi celui du quotidien des services par la confrontation fructueuse à des cultures administratives différentes ; ce peut être l'occasion d'optimiser, d'amender ou de coordonner les pratiques professionnelles grâce à une meilleure connaissance mutuelle des procédures et des contraintes respectives, et donc d'améliorer le service rendu aux usagers. Il serait opportun de favoriser davantage encore, pour certains cadres, la mobilité entre les trois fonctions publiques. A terme, il faudra s'interroger sur le point de savoir si cette mobilité ne doit pas être rendue obligatoire comme s'y est déclaré favorable le secrétaire d'Etat chargé de la fonction publique 22 ( * ) .
Proposition n° 3 : Favoriser l'accomplissement d'une mobilité obligatoire pour les fonctionnaires d'Etat, territoriaux et hospitaliers relevant des corps et cadres d'emplois de catégorie A sur un poste d'une autre fonction publique que sa fonction publique d'origine. |
d) Vers une plus grande simplification de l'architecture statutaire
L'assouplissement des freins juridiques et financiers à la mobilité s'est accompagné d'une relance nécessaire du décloisonnement de la fonction publique d'Etat : par vagues successives, les fusions de corps ont permis, entre 2005 et 2010, la suppression de 312 d'entre eux. Aujourd'hui, il reste 380 corps actifs qui continuent à recruter et 222 corps en voie d'extinction.
Un nouveau train de fusion a été décidé en 2010 pour parvenir d'ici 5 ans à la suppression supplémentaire de 150 nouveaux corps.
*
* *
Simplification statutaire, professionnalisation des recrutements et de la formation, généralisation des profils, mobilité encouragée ... Ces principes, s'ils ne résultent pas tous de la RGPP -la réflexion sur la modernisation de la fonction publique lui étant antérieure- ont été amplifiés et leur mise en oeuvre accélérée par l'intervention de cette réforme globale de l'action de l'Etat.
Convenons que si, en effet, ils sont les moyens de restructurer les administrations -« la réorganisation passe par un effort gigantesque de formation » 23 ( * ) -, ils doivent bénéficier également aux agents pour la conduite de leur carrière et l'exercice de leurs fonctions.
Il est cependant regrettable que ces réformes, qu'appelait l'évolution de la fonction publique, soient aujourd'hui, pour beaucoup, identifiées aux contraintes de la RGPP et notamment aux réorganisations de services et à la diminution des effectifs. Une enquête réalisée par l'IFOP pour « Acteurs publics » indique que 2 hauts fonctionnaires sur 3 appellent à une modification du processus à partir de 2012 : ce n'est pas le principe lui-même qui est en cause mais sa mise en oeuvre, particulièrement la règle du non-remplacement d'un fonctionnaire sur deux partant à la retraite, massivement rejetée 24 ( * ) .
Pourtant, la réforme ne réussira pas sans les agents. Il importe donc de mieux les associer à la conduite d'un processus déterminant pour l'administration et la cohésion de notre pays.
B. LE RÉTABLISSEMENT DES COMPTES PUBLICS
Au-delà de la nécessité de revoir et d'adapter les missions et l'organisation de l'Etat, la RGPP renvoie également à un impératif budgétaire : le rétablissement des comptes publics. Ainsi, cette politique ne peut pas être déconnectée du contexte de dégradation des finances publiques et de la volonté de dégager des économies dans tous les secteurs d'intervention de l'Etat.
Dimension essentielle de la RGPP, le souci de mieux « tenir » la dépense, voire de la réduire, constitue également l'un des principaux noeuds de débat autour de ce vaste programme de réformes. En effet, si l'objectif de redéfinir les contours des missions de l'Etat et de les adapter à de nouveaux enjeux fait l'objet d'un consensus assez large, il n'en va pas de même des décisions prises en vue de la recherche de nouvelles économies. On peut même dire que la logique budgétaire et comptable de la RGPP a eu tendance à concentrer les critiques à l'égard de cette politique, dont les résultats en la matière restent par ailleurs à ce jour plutôt en demi-teinte. A titre d'exemple, M. Denis Lefèbvre, représentant la CFTC, a-t-il regretté devant votre mission que « la logique de la RGPP pour la fonction publique d'Etat [soit] comptable. Il n'y a pas eu d'audit préalable sur les missions de l'Etat, il fallait seulement limiter le déficit, donc les effectifs de fonctionnaires, mais cette politique trouve forcément ses limites » 25 ( * ) .
1. Le contexte budgétaire et les objectifs fixés
a) La nécessité de respecter les engagements européens pris par la France et de regagner des marges de manoeuvre
Dans son éditorial ouvrant le cinquième rapport d'étape du Conseil de modernisation des politiques publiques (CMPP) en mars 2011, M. François Baroin, ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat, souligne le contexte budgétaire particulièrement tendu dans lequel s'inscrit la RGPP : « nous sommes, est-il nécessaire de le rappeler, dans un contexte de contrainte budgétaire tel que nous ne l'avons probablement jamais connu » .
En 2008 , première année de mise en oeuvre de la RGPP, la France est en effet confrontée à une situation économique et budgétaire extrêmement délicate.
Le projet de loi de finances pour 2008 prévoyait un déficit budgétaire de 41,7 milliards d'euros , en diminution de 300 millions d'euros par rapport à la loi de finances initiale pour 2007 (qui s'appuyait sur un déficit de 42 milliards d'euros), mais en augmentation par rapport aux prévisions révisées pour 2007 (38,3 milliards d'euros). Le tableau ci-dessous retrace les grandes lignes de ce budget.
Les grands équilibres du projet de loi de finances 2008
(en milliards d'euros)
LFI 2007 |
2007 révisé en cours d'exercice |
PLF 2008 |
|
Total des dépenses du budget général (1) |
266,9 |
266,9 |
271,8 |
Prélèvement au profit des collectivités territoriales (2) |
49,5 |
49,4 |
51,2 |
Prélèvement au profit de l'Union européenne (3) |
18,7 |
16,8 |
18,4 |
Total des prélèvements sur recettes (4) = (2)+(3) |
68,1 |
66,2 |
69,6 |
Total des dépenses (A) = (1)+(4) |
335 |
333,1 |
341,4 |
Total des recettes fiscales nettes (5) |
265,7 |
267,9 |
272,1 |
Total des recettes non fiscales (6) |
27 |
26,7 |
28,1 |
Recettes totales nettes (B) = (5)+(6) |
292,7 |
294,7 |
300,2 |
Solde du budget général (BG) = (B) - (A) |
-42,3 |
-38,4 |
-41,2 |
Solde des budgets annexes (BA) |
- |
- |
- |
Solde des comptes spéciaux (CS) |
0,3 |
0,1 |
-0,5 |
Solde général (BG) + (BA) + (CS) |
-42 |
-38,3 |
-41,7 |
Source : projet de loi de finances pour 2008
Afin de parvenir à juguler le déficit public , le budget 2008 était construit selon une nouvelle règle de croissance des dépenses : la règle « zéro volume 26 ( * ) élargie » aux prélèvements sur recettes et aux affectations de recettes à des opérateurs de l'Etat. Il convient en effet de rappeler que, de la loi de finances initiale 2004 à la loi de finances initiale 2006, la règle avait été celle du « zéro volume », mais appliquée aux seules dépenses budgétaires. La loi de finances initiale 2007 appliquait, quant à elle, une norme plus ambitieuse, celle du « - 1 volume », toujours dans les mêmes limites.
L'objectif poursuivi par le Gouvernement prévoyait de ramener le déficit public à 2,3 points de PIB en 2008, soit une diminution de 0,1 point de PIB par rapport à 2007.
Cet objectif correspondait à la nécessité de remplir les engagements européens de la France lui imposant, notamment, un déficit public inférieur à 3 % du PIB . Le pacte de stabilité et de croissance, prévu par le traité de Maastricht et mis en oeuvre par le Conseil européen d'Amsterdam le 17 juin 1997, impose en effet cette règle aux Etats signataires ainsi qu'une dette publique contenue à un niveau inférieur à 60 % du PIB.
Pour ce faire, l'action portait essentiellement sur une meilleure maîtrise de la dépense avec l'espoir de regagner de nouvelles marges de manoeuvre budgétaires.
Dans ce contexte, la grande rigidité de la dépense de l'Etat (du fait des charges d'intérêt, des pensions et des dotations aux régimes sociaux) faisait planer une lourde interrogation sur la capacité à reconquérir ces marges de manoeuvre. Ainsi, malgré une baisse des effectifs supérieure à celle des années précédentes, les dépenses de personnel (titre 2) ne pouvaient pas être maîtrisées de manière satisfaisante : les départs à la retraite augmentaient mécaniquement le nombre de pensionnés et donc, le taux de cotisation de l'Etat.
Pour 2008, le plafond des autorisations d'emplois de l'Etat s'établissait à 2.206.737 équivalents temps plein travaillé (ETPT) , contre 2.270.840 en 2007. En incluant les budgets annexes, le plafond global des autorisations d'emplois de l'Etat s'élevait à 2.219.035 ETPT, contre 2.283.159 ETPT en 2007. Le tableau ci-dessous décrit l'évolution des effectifs de l'Etat entre 1998 et 2008.
Evolution des effectifs de l'Etat entre 1998 et 2008 : un solde négatif en emplois de 8.900, mais une masse salariale inévitablement en hausse
Source : projet de loi de finances pour 2008
Pour autant, la baisse de 1 % des effectifs de l'Etat en 2008 ne permettait pas une diminution de sa masse salariale . En effet, les économies réalisées étaient plus que compensées par l'augmentation des pensions, à hauteur de plus de 2 milliards d'euros.
Titre 2 : dépenses de personnels à structure constante 2008
LFI 2007 |
PLF 2008 |
|
Rémunérations d'activité |
74,2 |
73,5 |
Cotisations pour pensions |
43,1 |
45,1 |
Prestations sociales et allocations diverses |
1,3 |
1,3 |
Total |
118,6 |
119,9 |
Source : projet de loi de finances pour 2008
Par ailleurs, la difficulté de maîtriser la masse salariale de l'Etat était renforcée par la dynamique de l'emploi relevant des opérateurs de l'Etat 27 ( * ) . Ainsi, l'évolution comparée des effectifs des opérateurs et des effectifs de l'Etat sur les années 2006 à 2008 est éclairante. Au cours de cette période, les effectifs de l'Etat sous plafond ont diminué de 102.205 emplois tandis que les effectifs des agences ont augmenté de 16.536 emplois. Même si ces chiffres sont à prendre avec précaution compte tenu des modes de comptabilisation différents et des corrections apportées au recensement des effectifs de l'État après le passage à la LOLF, ils traduisaient néanmoins une tendance préoccupante : celui de l'augmentation des effectifs des agences, alors que l'État diminue ses emplois.
Évolution comparée des effectifs de l'État (- 102.205) et de ses agences (+ 16.536) entre 2006 et 2008
Source : annexe au projet de loi de finances pour 2008 relative aux opérateurs de l'Etat
Au total, il était beaucoup attendu de la RGPP et de ses effets liés notamment à l'une des mesures phares de cette politique : le non-remplacement d'un fonctionnaire sur deux partant à la retraite à compter de 2008.
De ce point de vue, il convient cependant de souligner les limites budgétaires de cet exercice. En effet, ainsi que l'a rappelé devant la mission M. Jean-Marie Bertrand, rapporteur général du comité du rapport public et des programmes de la Cour des comptes 28 ( * ) , « le champ budgétaire couvert par la réforme s'élève à environ 140 milliards d'euros , qui s'avère plus réduit que prévu. La réforme est désormais centrée sur les seules dépenses de fonctionnement de l'Etat, hors interventions et intérêts, soit moins de 15 % de la dépense publique. Malgré tout, le champ sur lequel porte la RGPP représente près de 40 % du budget de l'Etat ».
b) Des finances publiques confrontées par ailleurs à une sévère crise économique internationale
De préoccupante, la situation des finances publiques est devenue alarmante, alors même que la RGPP était en cours de déploiement. Comme tous les autres pays, la France a en effet été confrontée aux retombées de la crise des prêts hypothécaires à risque aux Etats-Unis (les « subprimes »). Se propageant à toutes les économies, cette crise de liquidités a déjoué les prévisions de croissance sur lesquelles reposait la construction du budget, dégradant gravement les comptes publics. Certains Etats, comme le Royaume-Uni, ont adopté des mesures drastiques pour remédier à cette dégradation des comptes publics.
En conséquence, lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2009, le déficit budgétaire de l'Etat pour 2008 était révisé à 49,8 milliards d'euros (soit 2,5 % du PIB) avec une prévision encore plus défavorable de 50,8 milliards d'euros (soit toujours 2,5 % du PIB) pour 2009.
La dette publique passait, quant à elle, à 66,2 % du PIB en 2008 et était estimée à 67,9 % du PIB en 2009. Il convient à cet égard de souligner que les engagements européens de la France en matière de dette publique lui imposaient de maintenir cet agrégat à un niveau inférieur à 60 % du PIB.
Le projet de loi de finances pour 2010 présentait un solde budgétaire encore plus dégradé avec un déficit prévisionnel de 116 milliards d'euros (soit 8,5 % du PIB) , dans un contexte d'effondrement des recettes de l'Etat.
Comme 20 Etats membres de l'Union européenne (UE) sur 27, la France faisait alors l'objet d'une procédure pour déficit excessif . Dans son cas, le déficit excessif de 2008 (3,4 points de PIB) avait été constaté en mars 2009 par la Commission européenne et, le 27 avril 2009, le Conseil avait adopté une décision constatant l'existence d'un déficit excessif ainsi qu'une recommandation de mettre fin à celui-ci en 2012 29 ( * ) .
L'exercice 2011 devrait toutefois connaître une amélioration significative du solde budgétaire, largement imputable à la non-reconduction de dépenses exceptionnelles au titre du plan de relance et des investissements d'avenir, ainsi qu'aux effets différés de la réforme de la taxe professionnelle.
Selon le projet de loi de finances pour 2011, le solde budgétaire passerait ainsi à 92 milliards d'euros , soit une amélioration substantielle par rapport à 2010 (152 milliards d'euros).
Le solde budgétaire : exécution et prévision
(en milliards d'euros)
2010 révisé
PLF 2011
LFI = loi de finances
initiale, LR = loi de règlement, LPFP = loi de programmation des
finances publiques
Source : commission des finances, d'après les documents budgétaires
Ce redressement ne constituerait pour autant que la première étape d'une trajectoire ambitieuse de consolidation budgétaire . En effet, le rapport annexé au projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2011 à 2014 prévoit que le solde du budget de l'Etat passerait à 72,9 milliards d'euros en 2012, à 54,6 milliards d'euros en 2013 et à 44,4 milliards d'euros en 2014.
Pour autant, le projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2011 à 2014 prévoit une augmentation annuelle de plus de 4 milliards d'euros de la charge de la dette entre 2011 et 2012, puis 2012 et 2013 , imputable aux deux tiers à l'augmentation de l'encours de la dette ( Cf . graphique ci-dessous). Cette tendance fait naturellement peser une lourde hypothèque sur l'avenir budgétaire.
L'évolution de la charge de la dette
(en milliards d'euros)
Source : commission
des finances, d'après les documents budgétaires
Dans ce contexte budgétaire largement dégradé, la RGPP représente donc un levier important pour le Gouvernement en vue du rétablissement de la trajectoire de nos finances publiques. L'objectif annoncé à l'origine de la mise en oeuvre de ce programme de réformes et rappelé par M. François Baroin, ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat, dans son éditorial ouvrant le cinquième rapport d'étape du CMPP précité, correspond en effet à un train d'économies de 7 milliards d'euros sur la période 2009-2011 .
Si l'objectif de rétablissement des comptes publics ne correspondait initialement qu'à l'un des buts parmi d'autres de la RGPP, l'alarmante dégradation des finances publiques depuis 2008 a certainement contribué à conférer une place prééminente à la dimension financière de ce vaste programme de réformes. Ce glissement peut se comprendre (du fait de l'épée de Damoclès pesant sur les finances de l'Etat), mais il n'en reste pas moins qu'on peut aussi le regretter . L'ambition de réorganisation des services et d'amélioration du service rendu au public a en effet été progressivement reléguée au second plan, cette évolution ne faisant que cristalliser les critiques à l'encontre de la RGPP.
2. Les voies retenues pour atteindre cet objectif
Afin d'atteindre l'objectif de rétablissement des comptes publics, trois voies ont été retenues par le Gouvernement : la réduction des effectifs, le recours accru aux nouvelles technologies de l'information et de la communication (NTIC), la recherche de mutualisations des moyens.
a) Les réductions d'effectifs
Le cinquième rapport d'étape du CMPP précité met en avant la poursuite de l'application de la règle du non-remplacement d'un fonctionnaire sur deux partant à la retraite .
Lors de son audition devant la mission 30 ( * ) , M. François Baroin, ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat, a toutefois précisé que la RGPP repose sur une analyse approfondie et détaillée des spécificités de chaque ministère. Il a insisté sur le fait que le principe du non-remplacement d'un fonctionnaire sur deux partant en retraite se décline de manière différente dans chacun des ministères . Ce principe fait l'objet d'une analyse approfondie et contradictoire sur chaque mesure afin d'en évaluer le potentiel. Ainsi, la mission « Justice » a-t-elle bénéficié d'emplois supplémentaires sous l'empire de la RGPP, alors que le ministère du budget a fait plus que « le 1 sur 2 ». Il convient à cet égard de préciser que l'accroissement des effectifs de la mission « Justice » a essentiellement bénéficié au programme « Administration pénitentiaire » en conformité avec les programmes d'ouvertures de nouveaux établissements (programme dit « 13.200 » notamment).
Le dernier rapport du CMPP indique que l'application de cette règle a permis de dégager des économies sur les dépenses de masse salariale, puisqu'il est prévu de ne pas remplacer près de 100.000 postes entre 2009 et 2011. Ce non remplacement aurait pour conséquence une économie de 2,7 milliards d'euros .
En 2012, le nombre de fonctionnaires de l'Etat devrait ainsi revenir, selon le CMPP, à son niveau des années 1990, soit 150.000 de moins sur la durée du quinquennat (2007-2012). Ce retour en arrière équivaut à une réduction de 7 % de l'effectif de la fonction publique de l'Etat .
Toutefois, l'Outre-mer fait l'objet d'un traitement spécifique. Comme l'a rappelé devant votre mission Mme Marie-Luce Penchard, ministre chargée de l'Outre-mer, la réduction des effectifs de l'administration territoriale se limite à 0,98%. En effet, bien que soumis à l'application de la règle du « un sur deux », l'Outre-mer bénéficie d'un accompagnement renforcé de l'Etat en raison d'un niveau de vie comparable à celui d'un pays en développement.
b) Le pari de la diffusion des nouvelles technologies de l'information et de la communication (NTIC)
L'une des clefs de réussite de la RGPP se fonde sur le pari de la diffusion des NTIC. Au coeur du programme de réformes, les nouvelles technologies sont en effet pensées comme un levier essentiel de productivité . Par les gains de temps qu'elles permettent, par la disparition des tâches répétitives qu'elles autorisent, par leur capacité à offrir une information plus largement partagée, elles représentent l'un des principaux gages de la réduction des effectifs sans perte de qualité du service public. Telle est bien la philosophie sur laquelle repose la RGPP les concernant.
Les exemples sont nombreux de leur application dans le cadre des « mesures RGPP » prises. L'objectif de la présente mission n'est certes pas d'en faire une présentation exhaustive (cela revient aux rapports d'étape du CMPP), mais plutôt d'en présenter quelques exemples éclairant au regard de la logique en oeuvre et des buts recherchés.
D ans le domaine judiciaire, le développement de la visioconférence vise à permettre de réduire le nombre d'extractions et de transfèrements et, donc, à recentrer les forces de police et de gendarmerie sur leurs missions opérationnelles. Désormais, la totalité des tribunaux de grande instance (TGI) est équipée de modules de visioconférence, de même que les établissements pénitentiaires les plus importants regroupant plus de 90 % de la population carcérale. Au total, plus de 14.000 transferts de détenus ont pu être évités en 2009 et 2010 grâce au recours à la visioconférence, ce qui porte le pourcentage de réduction de ces transferts à près de 10 % depuis 2009.
Lors de son audition devant la mission 31 ( * ) , M. Bruno Le Maire, ministre de l'alimentation, de l'agriculture, de la pêche, de la ruralité et de l'aménagement du territoire, a souligné l'effort particulier engagé en matière de dématérialisation des processus au sein de l'administration dont il a la charge. A la fin de l'année 2010, on estimait que 41 % des demandes d'aides agricoles (contre 32 % à la fin de l'année 2009) se faisaient par télédéclaration . M. Guy Vasseur, président de l'APCA, s'est félicité de la dématérialisation des procédures agricoles qui permet d'alléger la « tracasserie » administrative. Cette modernisation des processus de demandes d'aides agricoles permet en contrepartie aux agents de se recentrer sur leur rôle de conseil.
Le recours aux NTIC conjugue d'ailleurs le souci d'une administration plus efficace et plus resserrée sur ses missions fondamentales avec l'objectif de simplification des démarches des usagers . Par exemple, en cas de perte des papiers, il est désormais possible de demander en une seule fois le renouvellement en ligne de trois titres (carte nationale d'identité, passeport et carte grise) grâce à un téléservice accessible à tous sur mon.service-public.fr . Un tel service prend d'autant plus d'intérêt quand on sait que chaque année près de deux millions de papiers administratifs sont perdus.
Votre rapporteur examine plus précisément les problématiques liées à l'introduction des NTIC dans le fonctionnement de l'administration publique et ses conséquences dans ses relations avec les usagers dans le chapitre II de la IIe partie du présent rapport.
c) Les mutualisations
La mutualisation des moyens constitue la troisième piste empruntée par la RGPP afin de dégager des économies substantielles. Cette mutualisation concerne au premier chef les fonctions-support des administrations.
Selon le CMPP, la réforme du service des achats de l'Etat a déjà permis une économie d'au moins 100 millions d'euros en 2010, notamment via des plans ministériels de réduction du parc automobile. Ces plans ministériels ont été mis en place, afin de contribuer à la réduction du train de vie des fonctionnaires, à la suite de la circulaire du 2 juillet 2010 relative à la rationalisation du parc automobile de l'Etat et de ses opérateurs. L'objectif poursuivi consiste en une réduction du parc de l'Etat à hauteur de 10.000 véhicules d'ici à 2013.
Le CMPP indique également qu'en matière de politique immobilière , les surfaces occupées par l'Etat ont baissé depuis 2007 de l'ordre de 3 %. Cette réduction des surfaces occupées a eu pour effet, à partir de 2010, une économie annuelle d'environ 100 millions d'euros sur les loyers. Par ailleurs, afin de mettre en place une politique de contractualisation avec les occupants, l'objectif de 3.000 conventions d'utilisation (quasi-baux) présentées à la signature a été dépassé, puisqu'à la fin de l'année 2010, 4.327 conventions avaient déjà été élaborées.
De nouvelles mutualisations interministérielles sont en cours : l'exemple de la direction interministérielle des systèmes d'information et de communication (DISIC) L'informatique de l'Etat souffre malheureusement régulièrement de lourdes carences, qui freinent le processus de modernisation dans son ensemble. Les exemples sont nombreux, qui vont de l'informatisation manquée du ministère de la justice dans les années 1990 aux multiples « bugs » de la plateforme d'information financière intégrée CHORUS. Dans le cadre de la RGPP, une nouvelle direction est toutefois en cours de création : la direction interministérielle des systèmes d'information et de communication (DISIC). Son directeur a été nommé le 23 février 2011, au sein des services du Premier ministre, et sa mission est structurée autour de quatre axes : 1) la création d'un cadre stratégique commun pour le développement des systèmes d'information et de communication ; 2) la promotion des logiques de mutualisation d'opérations à caractère transversal ; 3) la mise en place d'un cadre commun de gestion de la performance de la fonction système d'information et de communication (SIC) ; 4) l'optimisation de la conception et la gouvernance des projets importants. La DISIC dispose de leviers d'action pour favoriser ou sécuriser toute opération comportant des enjeux et/ou des risques pour l'Etat. Elle jouit par ailleurs d'une capacité d'alerte, de recommandation et d'investigation . Des instances de gouvernance lui permettent de mener à bien sa mission (Conseil des systèmes d'information et de communication et Comité technique des systèmes d'information et de communication). Source : cinquième rapport d'étape du CMPP |
Si les mutualisations constituent assurément une piste d'avenir en vue de mieux optimiser les moyens de l'Etat, il conviendrait toutefois que les résultats obtenus en la matière soient plus lisibles. En effet, le Parlement souffre aujourd'hui d'un manque d'information sur les réformes engagées dans ce domaine et sur leurs résultats. Ce déficit d'information nuit à la juste appréciation qu'il peut porter sur les actions en cours ou déjà abouties.
Propositions n° 4 et 5 : - Recenser les opérations de mutualisation et chiffrer leurs résultats dans les rapports d'étape du CMPP. - Faire apparaître clairement ces résultats dans les documents budgétaires annexés au projet de loi de finances initiale. |
3. Un bilan financier en demi teinte pour l'instant
a) Une économie de 7 milliards d'euros selon le Gouvernement
Face à l'objectif majeur de la RGPP de contribuer à restaurer les finances de l'Etat, le Gouvernement annonce un gain total de 7 milliards d'euros réalisé sur le premier budget triennal entre 2009 et 2011.
(1) L'effet cumulé de plusieurs mesures
D'après le Gouvernement, la loi de finances pour 2011 intègre, à elle seule, 5,2 milliards d'euros d'économies. Ces gains résultent de la combinaison de trois catégories de mesures.
En premier lieu, le non-remplacement d'un départ à la retraite sur deux dans les services de l'Etat, ainsi qu'au sein des opérateurs de l'Etat, permettrait de dégager environ 1 milliard d'euros en dépenses de personnel (titre 2).
En deuxième lieu, des économies brutes sur les dépenses de fonctionnement (titre 3) aboutiraient à un gain d'environ 0,5 milliard d'euros .
En troisième lieu, un effort visant à réduire le volume des dépenses d'interventions (titre 6) conduirait à dégager une économie d'environ 3,7 milliards d'euros .
A ces économies réalisées en 2011 s'ajoutent celles permises par la RGPP en 2009 et 2010 (sur les emplois, le fonctionnement et certains dispositifs d'intervention) et qui se montent à 1,8 milliard d'euros .
Au total , les économies liées à la RGPP sur le premier budget triennal 2009-2011 s'élèveraient donc à 7 milliards d'euros .
Dans ces conditions, il apparaît intéressant de tenter de détailler aussi précisément que possible ces différents postes d'économies.
(2) Les économies de personnel
En réponse au questionnaire parlementaire adressé par le rapporteur général de la commission des finances en vue de l'examen du projet de loi de finances pour 2011 , le Gouvernement indique en guise de chiffrage des économies de personnel réalisées du fait de la première vague de la RGPP (2009-2011) que :
« Les mesures décidées au cours de la première phase de la RGPP en 2007-2008 contribuent aux économies sous-tendant le PLF 2011 : ainsi, la réalisation du schéma d'emploi du ministère du budget, des comptes publics et de la réforme de l'Etat en 2011 repose en grande partie sur les effets de la fusion DGI-DGCP ; la rationalisation des structures de formation et la mutualisation de fonctions support au sein du ministère de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales engendrent des économies importantes pour le ministère en 2011 ».
On ne peut que s'interroger sur le véritable « flou artistique » de ces éléments de réponse. Alors que la représentation parlementaire attend un chiffrage et une ventilation précise des économies dégagées (par ministère, par nature, par exercice budgétaire...), elle n'obtient en retour qu'une courte information évasive et parcellaire, puisque n'évoquant que deux réformes parmi d'autres impulsées par la RGPP.
(3) Les économies de fonctionnement
En matière d'économies de fonctionnement, la réponse de l'exécutif au rapporteur général de la commission des finances n'est guère plus satisfaisante .
Il est en préambule rappelé que les objectifs d'économies fixés par le Gouvernement sont de 10 % sur trois ans , calculés à partir d'une assiette de crédits de fonctionnement d'environ 10 milliards d'euros pour l'Etat.
La programmation du budget triennal (2011-2013) retient, dès 2011, des gains de productivité de 5 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2010, soit une économie brute de 0,5 milliard d'euros conformément au cadrage fixé par le Premier ministre.
Les gains sur les dépenses de fonctionnement résultent ainsi de trois grandes catégories de mesures RGPP.
Il s'agit, tout d'abord, de grands chantiers interministériels lancés dès 2008 et visant la modernisation de plusieurs fonctions support de manière transversale, comme par exemple la réforme de la politique des achats de l'Etat ou de la gestion immobilière du patrimoine de l'Etat. La deuxième vague de la RGPP propose, d'ailleurs, des pistes de rationalisation supplémentaires, dans les champs plus spécifiques de la logistique, des systèmes d'information ou de l'organisation des concours et des formations.
Plusieurs réformes ministérielles jouent également un rôle dans la réalisation des économies, les réductions d'effectifs devant en particulier se traduire mécaniquement par des économies de dépenses de fonctionnement (diminution des coûts dits « environnés »).
Enfin, les opérateurs devront consentir un effort collectif, analogue à celui de l'Etat, de baisse de 10 % de leurs dépenses de fonctionnement, en commençant par une réduction de 5 % dès 2011. Par ailleurs, la règle de non-remplacement d'un départ à la retraite sur deux leur est appliquée, sous la forme d'un objectif de réduction globale des effectifs de 1,5 % par an. Pour plusieurs opérateurs de taille importante, ces efforts renvoient à des propositions formulées dans le cadre d'audits RGPP qui ont été spécifiquement menés en leur sein : c'est le cas par exemple de l'Agence de services et de paiement, de l'Institut national de la propriété industrielle (INPI) ou du Centre Pompidou.
Ici encore, il faut toutefois déplorer l'absence de précision dans les réponses, qui n'apportent aucun éclairage réel et sérieux sur la manière dont les économies sont obtenues et évaluées.
(4) Les économies d'intervention
Le même grief vaut pour l'analyse des économies dégagées dans le secteur des dépenses d'intervention.
Tout au plus est-il possible, à ce stade, de distinguer quelques grandes catégories de dispositions ayant permis ces économies :
- des réformes ayant fait l'objet de mesures RGPP formalisées et en cours : par exemple, la concentration des aides à l'innovation pour les entreprises, la rénovation de la gouvernance de l'action en faveur du logement et la réorientation de ses crédits, la mutualisation plus importante des ressources des organismes HLM, la révision des contrats aidés ou encore la réorientation des tarifs ferroviaires sur les coûts d'infrastructure de Réseau ferré de France (RFF) ;
- des orientations générales fixées par la RGPP , comme par exemple l'encadrement et la remise en cause de niches fiscales et sociales, engagés depuis 2009 et accentués dans la loi de finances pour 2011 ;
- des travaux d'analyse engagés dès 2008 dans le cadre de la RGPP sur plusieurs grandes politiques d'intervention, qui ont permis de passer en revue plusieurs champs de l'action publique et de constituer un vivier de réformes qui alimente progressivement les économies structurelles.
b) Une évaluation défaillante rendant nécessaire une démarche plus rigoureuse dans l'appréciation des gains réalisés
(1) L'urgence d'un chiffrage plus transparent
L'évaluation des économies réalisées grâce à la RGPP depuis 2009 apparaît particulièrement opaque . Le montant de 7 milliards d'euros avancé par le Gouvernement ne peut en effet être aisément recoupé par les éléments d'information communiqués, tant à la commission des finances du Sénat que par les rapports d'étape produits par le conseil de modernisation des politiques publiques (CMPP).
S'agissant de ces rapports d'étape, on ne peut d'ailleurs qu'être surpris du caractère laconique et partiel du chiffrage des économies dégagées. Ce constat est d'autant plus frappant que ces rapports sont en revanche très détaillés concernant les décisions prises, les mesures en cours d'application et les améliorations qualitatives du point de vue des usagers. Pour mémoire, le rapport de mars 2011 comprend ainsi 199 pages, dont seules quelques unes font référence aux résultats obtenus du point de vue budgétaire. Ainsi, est-il, par exemple, mentionné une économie d'au moins 100 millions d'euros en 2010 du fait de la réforme du service achats de l'Etat, ainsi qu'une économie d'un montant identique résultant de l'optimisation de la politique immobilière de l'Etat et d'une baisse de l'ordre de 3 % des loyers depuis 2007. 32 ( * )
Cet état de fait est hautement préjudiciable pour plusieurs raisons. Tout d'abord, il signifie que la représentation parlementaire ne dispose, à l'heure actuelle, que de peu d'éléments pour apprécier objectivement les gains réalisés grâce à la RGPP .
Par ailleurs, une conduite maîtrisée et efficace du changement doit nécessairement s'accompagner d'un retour en terme d'information au bénéfice des acteurs de la réforme , c'est-à-dire des fonctionnaires mettant en oeuvre cette politique. Or, en l'état, les agents, pas plus que les parlementaires, ne disposent de relevés précis leur permettant de mieux cerner l'impact budgétaire de leurs efforts. Le risque, bien réel, réside ici dans une démobilisation des effectifs, faute d'une vision claire des résultats obtenus.
Enfin, d'une manière plus générale, l'absence d'un chiffrage précis et transparent des économies réalisées tend à laisser la porte ouverte à toutes les interrogations possibles et à alimenter les doutes sur l'efficacité des mesures prises . A cet égard, il apparaît dans l'intérêt même du Gouvernement de mieux expliquer, et même de démontrer, son estimation des 7 milliards d'euros d'économies.
Propositions n° 6 et 7 : - Compléter les rapports d'étape du CMPP par un chiffrage précis des résultats budgétaires obtenus pour chaque mesure prise. Une annexe à ces rapports pourra utilement faciliter le calcul du montant total en présentant un tableau consolidé des économies réalisées dans le cadre de la RGPP. - Faire apparaître clairement ces résultats dans les documents budgétaires annexés au projet de loi de finances initiale. |
(2) Une moindre économie nette dans le cas des dépenses de personnel
Les économies en dépenses de personnel représentent l'un des objectifs essentiels de la RGPP et sont largement mises en avant par le Gouvernement pour justifier son action. Or, en la matière, les hypothèses paraissent optimistes et sont prises en défaut par les mesures d'accompagnement décidées par le Gouvernement dans le cadre du non-remplacement d'un fonctionnaire sur deux partant à la retraite.
Ainsi que l'a rappelé devant la mission M. Jean-Marie Bertrand, rapporteur général du comité du rapport public et des programmes de la Cour des comptes, un récent rapport de la Cour , remis en octobre 2010 à la commission des finances de l'Assemblée nationale 33 ( * ) , permet de mieux saisir les mécanismes à l'oeuvre et les enjeux budgétaires de cette question.
En 2009, l'économie brute engendrée par le non-remplacement d'un départ à la retraite sur deux a été évaluée à 860 millions d'euros .
Toutefois, le Président de la République, à l'occasion de son discours sur la RGPP du 4 avril 2008, a fixé la règle selon laquelle la moitié des économies budgétaires réalisées du fait de la réduction du nombre de postes de fonctionnaire est redistribuée aux agents . Cet engagement présidentiel est depuis lors mis en oeuvre à travers l'affectation des sommes en cause à des mesures dites « catégorielles » (c'est-à-dire bénéficiant à une catégorie d'agents) et à des mesures diverses qu'on peut y assimiler (par opposition à des mesures générales du type revalorisation du point d'indice).
En théorie , la rétrocession de ces gains aurait donc dû atteindre 430 millions d'euros (soit la moitié des 860 millions d'euros d'économies brutes réalisées), via les mesures catégorielles.
Toutefois, le rapport de la Cour des comptes établit que ce « retour » aux agents s'est en réalité élevé à environ 700 millions d'euros .
Ce montant résulte, d'une part, des mesures catégorielles, qui ont représenté une enveloppe totale de 550 millions d'euros . En effet, aux 430 millions d'euros initialement prévus se sont ajoutés 120 millions d'euros au titre de réformes statutaires antérieures à la mise en oeuvre de la règle du non-remplacement d'un départ en retraite sur deux. Il s'agit, par exemple, de la réforme des corps et carrières des personnels actifs de la police nationale ou de la rénovation de la grille des personnels militaires. D'autre part, des mesures liées aux restructurations des services et menées dans le cadre de la RGPP ont occasionné, au total, un versement supplémentaire d'environ 150 millions d'euros (primes de mobilité, indemnités de départ et autres).
Ainsi, il convient de bien distinguer l'économie brute réalisée grâce au non-remplacement d'un départ en retraite sur deux et l'économie nette résultant de l'imputation sur l'économie brute de la rétrocession d'une partie des gains réalisés. Cette économie nette n'est pas de 430 millions d'euros comme le prévoyaient les hypothèses du Gouvernement, mais de seulement 160 millions d'euros . Il faut en effet minorer l'économie brute (860 millions d'euros) de la totalité des « retours » aux agents (700 millions d'euros).
Cette minoration mise en lumière pour 2009 par la Cour des comptes vaut également pour 2010 et 2011 dans des proportions comparables. Le tableau ci-dessous présente ainsi, pour mémoire, l'impact sur ces deux exercices des principales mesures catégorielles décidées.
L'impact des principales mesures catégorielles
Source : direction du budget
L'évaluation des économies réalisées grâce à la « règle du un sur deux » doit donc être assez largement minorée dans une analyse de court terme (c'est-à-dire d'un exercice budgétaire à l'autre).
Toutefois, une autre approche est également mise en avant par le Gouvernement. En effet, si l'on prend en compte l'ensemble des coûts sur une vie professionnelle (c'est-à-dire en tenant compte de l'ensemble de la carrière et de la retraite qui s'ensuit), la suppression de 150.000 emplois au sein de l'administration d'Etat, entre 2007 et 2012, correspondrait, selon M. Georges Tron, alors secrétaire d'Etat chargé de la fonction publique, à 170 milliards d'euros d'économies sur les 40 prochaines années.
Cette estimation relativise les gains plutôt modestes réalisés sur un seul exercice budgétaire. Elle se fonde sur une approche dynamique de la gestion des ressources humaines de l'Etat mais, une fois encore, aucune précision n'est apportée pour justifier ce chiffrage. Lors de son audition par la mission 34 ( * ) , M. Georges Tron, alors secrétaire d'Etat chargé de la fonction publique, s'est borné à indiquer que « si l'on pense que la carrière d'un agent de la fonction publique c'est 1.300.000 euros, un million en catégorie C et un million et demi en catégorie A+, on comprend que les économies réalisées sur 40 ans sont considérables ».
(3) Les demandes de la mission restées jusque là sans véritable réponse de la part du Gouvernement
Face aux nombreuses et préoccupantes incertitudes quant aux résultats budgétaires obtenus par la RGPP, votre mission a sollicité des éclaircissements de la part du Gouvernement .
Deux courriers ont ainsi été adressés, en date du 22 mars 2011 , d'une part à M. Georges Tron, alors secrétaire d'Etat chargé de la fonction publique, et, d'autre part, à M. Henri-Michel Comet, alors secrétaire général du ministère de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration.
La demande adressée à M. Georges Tron, alors secrétaire d'Etat chargé de la fonction publique, portait sur les points suivants :
- les mandats RGPP de réduction d'effectifs pour chacune des missions accomplies dans les services déconcentrés de l'Etat, ainsi que la déclinaison de ces mandats au niveau de chaque région et de chaque département par mission accomplie. L'unité utilisée sera l'ETPT ;
- au regard de ces objectifs, l'évolution des effectifs, depuis l'entrée en application de la RGPP , pour chaque année, pour chacune des missions accomplies dans les services déconcentrés de l'Etat, dans chaque région et dans chaque département, en détaillant par mission accomplie ;
- l'évolution programmée des effectifs, pour les années à venir , pour chacune des missions accomplies dans les services déconcentrés de l'Etat, dans chaque région et dans chaque département, en détaillant par mission accomplie ;
- les économies dégagées, grâce à ces évolutions d'effectifs , depuis la mise en oeuvre des mandats RGPP, dans les services déconcentrés de l'Etat et celles espérées pour les années à venir ;
- dans quelle mesure les économies d'ores et déjà réalisées ont pu être réaffectées au profit des agents de ces services . Il était ici attendu un détail chiffré des « retours » au bénéfice des agents par grande catégorie de mesures (primes, améliorations des conditions de travail...).
La demande adressée à M. Henri-Michel Comet concernait les mêmes points, dans le cadre plus limité du ministère de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration.
A ce jour, seuls quelques éléments d'information ont été apportés à votre mission par le ministère de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration .
Ces éléments d'information concernent l'évolution des effectifs des préfectures par départements et par régions entre 2009 et 2010. Ils font notamment ressortir que 13 préfectures sur 95 en métropole ont vu leurs effectifs réduits de plus de 5 % entre ces deux exercices . Les départements concernés sont les suivants : Orne (- 5,11 %), Indre (- 6,06 %), Doubs (- 5,59 %), Jura (- 5,24 %), Haute-Saône (- 6,35 %) , Territoire de Belfort (- 5,70 %), Eure (- 5,29 %), Aude (- 6,03 %), Creuse (- 5,94 %), Tarn-et-Garonne (- 5,11 %), Charente (- 5,01 %), Alpes-de-Hautes-Provence (- 5,63 %), Hautes-Alpes (- 5,86 %).
II. L'ABSENCE D'UNE VÉRITABLE CONCERTATION AVEC LES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES
« L'idée générale de la RGPP était d'insuffler une dynamique à l'administration et il va de soi que ce mouvement nécessite d'y associer le plus grand nombre d'intervenants ». Telle est l'ambition affichée devant la mission par M. François Baroin, ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat, lors de son audition du 16 février 2011. Mais, au-delà de la pétition de principe, quelle est la réalité du degré d'association des collectivités territoriales au processus de changement initié par la RGPP ?
A. UNE PROCÉDURE CENTRALISÉE
Dans ses prémices comme dans son déploiement depuis 2008, la RGPP se caractérise par une procédure extrêmement centralisée. Le décalage paraît ainsi frappant entre le discours tenu, y compris rétrospectivement, à propos de cette réforme, et la réalité.
Toute modification de l'organisation de l'Etat ayant des répercussions plus ou moins directes sur les collectivités territoriales, on ne peut naturellement que déplorer cette absence de concertation . Certes, l'Etat est autonome dans ses décisions, mais il ne peut totalement s'abstraire de leurs conséquences sur ses principaux partenaires, en particulier les collectivités.
En réponse à cette critique, une question mérite d'être posée : pouvait-il en être autrement ? C'est-à-dire l'Etat pouvait-il conduire une réforme d'une telle ampleur en prenant le risque qu'une concertation, allant au-delà d'une simple information, puisse déboucher sur des blocages rédhibitoires ? En l'occurrence, la réponse a clairement été de privilégier l'avancement des projets de modernisation au détriment du dialogue avec les collectivités territoriales. En termes de méthode, on a donc préféré la recherche d'efficacité à la négociation.
1. Une méthode d'inspiration centralisatrice
Loin d'être une construction ab initio , la RGPP puise son inspiration dans les audits de modernisation, conduits entre 2005 et 2007, et le rapport sur les relations entre l'Etat et les collectivités territoriales du 7 décembre 2007, dit « rapport Lambert ». De fait, elle relève d' une volonté politique née au niveau central .
a) Les audits de modernisations
Mis en place par la circulaire du Premier ministre du 29 septembre 2005 , le programme d'audits de modernisation a été lancé suite au rapprochement, en juin 2005, du ministère du budget et de celui de la réforme de l'Etat. L'importance de cette démarche a été réaffirmée par le Premier ministre dans sa circulaire du 13 juillet 2006 relative à la conduite des audits de modernisation.
Au terme de son processus, le programme d'audits de modernisation comptait 167 audits , couvrant un périmètre de près de 150 milliards d'euros de dépenses.
Dans l'esprit du Gouvernement, les audits constituaient un instrument permettant aux chantiers de modernisation de la gestion publique, de l'administration électronique, de l'amélioration de la qualité et de la simplification, de donner toute son efficacité à la mise en oeuvre de la loi organique n° 2001-692 du 1 er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF) .
Selon le ministre délégué au budget et à la réforme de l'Etat, il ne s'agissait alors pas « d'établir des constats, mais de trouver des solutions » aux dysfonctionnements, pour améliorer en permanence le service rendu aux usagers et réaliser des gains de productivité.
En effet, la LOLF a introduit une démarche de performance, visant à faire passer l'Etat d'une logique de moyens à une logique de résultats . L'objectif n'est désormais plus de « dépenser plus » mais de « dépenser mieux », d'optimiser l'utilisation des crédits pour atteindre des objectifs fixés pour chaque programme et répondant aux attentes des citoyens (objectifs d'efficacité socio-économique), des usagers (objectifs de qualité de service) et des contribuables (objectifs d'efficience de la gestion).
Les audits sont conçus, du point de vue des ministères, comme un levier d'action pour utiliser plus efficacement l'argent public, en apportant une meilleure qualité de service, au meilleur coût.
b) Le « rapport Lambert » ou « l'arbre qui cache la forêt »
Selon M. François Baroin, ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat, « la concertation a précédé le lancement de la RGPP, à travers le groupe de travail présidé par M. Lambert, consacré aux relations entre l'Etat et les collectivités territoriales » 35 ( * ) .
(1) Les principes fondateurs du groupe de travail
La lettre de mission du Premier ministre, datée du 3 septembre 2007, et instituant ce groupe de travail, précise que « les relations entre l'Etat et les collectivités territoriales sont l'un des axes transversaux qui doivent faire l'objet d'un examen attentif dans le cadre de la révision générale des politiques publiques ». Ainsi, les conclusions du rapport Lambert s'inscrivent effectivement dans le cadre de la RGPP , initiée par le Premier ministre en juillet 2007.
La composition du groupe de travail corrobore également l'affirmation selon laquelle les collectivités territoriales y ont tenu une place significative .
La composition du groupe de travail « Lambert » Le groupe de travail était composé de représentants du ministère de l'intérieur , de l'outre-mer et des collectivités territoriales, du ministère du budget , des comptes publics et de la fonction publique, des trois principales associations nationales d'élus (Association des maires de France, Assemblée des départements de France et Association des régions de France) ainsi que de personnalités qualifiées . Il a par ailleurs procédé à l'organisation d'un certain nombre d'auditions parmi lesquelles on peut citer celles : - de cinq autres associations nationales d'élus : ? l'Association des Communautés Urbaines de France (ACUF) ; ? l'Assemblée des Communautés de France (AdCF) ; ? la Fédération des Maires des Villes Moyennes (FMVM) ; ? l'Association des Petites Villes de France (APVF) ; ? l'Association des Maires des Grandes Villes de France (AMGVF) ; - de personnalités qualifiées également élus locaux ou fonctionnaires territoriaux, parmi lesquelles : ? M. Adrien Zeller, président du conseil régional d'Alsace ; ? M. Eric Doligé, président du conseil général du Loiret ; ? M. Philippe Adnot, président du conseil général de l'Aube ; ? M. Jean Puech, président du conseil général de l'Aveyron ; ? Mme Marylise Lebranchu, vice-présidente du conseil régional de Bretagne ; ? M. André Laignel, secrétaire général de l'AMF ; ? M. André Barbe, directeur général des services du département d'Indre-et-Loire ; ? M. Serge Morvan, directeur général des services du département de Saône-et-Loire. |
Les trois axes examinés par le groupe de travail de M. Lambert étaient les suivants :
• la pertinence des domaines actuels de compétences de l'Etat et des différents niveaux de collectivités territoriales dans la perspective d'une réflexion sur leurs périmètres d'intervention respectifs et d'une clarification des missions de chacun ;
• l' allègement des contraintes, notamment réglementaires , que l'Etat fait peser sur les collectivités territoriales ;
• l' amélioration des relations financières entre l'Etat et les collectivités territoriales .
(2) Une concertation en trompe l'oeil
Peut-on pour autant considérer que le « rapport Lambert » épuise, à lui seul, l'exigence de concertation qui s'imposait au Gouvernement en amont de la mise en place de la RGPP ? Il semble très difficile de répondre par l'affirmative à cette question.
Tout d'abord, il convient de remarquer que le champ d'analyse abordé par le groupe de travail Lambert correspondait à une réflexion globale sur les relations entre l'Etat et les collectivités territoriales, incluant la question des normes et celle des relations financières entre les deux partenaires .
Par ailleurs, la question de l'application de la RGPP et de ses conséquences au niveau local était uniquement abordée dans la première partie du rapport , consacrée à la clarification des compétences et à la réorganisation de l'Etat au niveau local.
Au surplus, l'expression « RGPP » n'apparaissait qu'une seule fois dans le rapport .
Au total, le « rapport Lambert » apparaît plutôt comme une justification a posteriori du souhait du Gouvernement d'associer les collectivités territoriales à la démarche RGPP. Excédant largement la seule réflexion de la réorganisation des services de l'Etat, il ne peut être considéré comme la pierre angulaire de la concertation avec les collectivités. Tout au plus peut-il être lu comme une amorce de cette concertation, mais en aucun cas comme un exercice directement opérationnel.
Etant donné l'ampleur des réorganisations qu'elles induisent en leur sein depuis trois ans, ces réformes ne doivent pas se poursuivre sans qu'une véritable concertation soit organisée avec les collectivités territoriales.
Proposition n° 8 : Mettre en place une véritable concertation avec les collectivités territoriales, tant au niveau national que local, pour les développements à venir de la RGPP et de la RéATE. |
(3) Les suites du « rapport Lambert »
Dans le cadre de ce qui allait devenir la réforme d'ampleur ensuite désignée sous le vocable RGPP, le groupe de travail Lambert estimait que les collectivités territoriales devaient trouver, sur leur territoire, un Etat bien identifié, responsable et stratège .
Il en appelait ainsi aux trois clarifications suivantes :
• l'identification des services déconcentrés de l'Etat autour d'un seul responsable , aussi bien à l'échelon départemental que régional. Le rapport ne remettait pas tant en cause l'existence même de ces services que leur multiplicité, « source de ralentissement voire de contradictions dans l'action publique ». C'est pourquoi le rapport proposait la fusion ou la mutualisation des services déconcentrés de l'Etat , afin d'éviter toute duplication par domaine d'action publique ou par fonction. Le rapport précisait toutefois que « le choix des bonnes échelles [...] appartient [à l'Etat] » ;
• la déconcentration maximale des responsabilités d'exécution des textes nationaux et des directives ministérielles . Il s'agissait, pour les collectivités, de disposer d'un interlocuteur unique qui leur donne les réponses nécessaires dans un délai minimal ;
• la séparation claire , variable entre les politiques publiques, entre ses fonctions d'arbitrage et de contrôle et ses fonctions d'impulsion et d'intervention . Ce troisième constat conduisait le groupe de travail à souhaiter le maintien du contrôle de légalité , « quitte à poursuivre son allègement et sa modernisation d'ores et déjà engagés ». Par ailleurs, il précisait « [qu'] en direction des petites collectivités, l'Etat doit développer ses fonctions de conseil, assurer la pédagogie de la loi nouvelle ».
Le groupe de travail proposait également la suppression des doublons subsistant dans le champ des compétences transférées aux collectivités territoriales, soit en 1982, soit en 2004, afin de redéployer les personnels des services concernés sur les missions de contrôle et d'évaluation nécessaires aux petites collectivités territoriales.
Ce point a notamment été l'occasion, pour l'Association des maires de France (AMF), de réaffirmer son attachement à certains soutiens de l'Etat , notamment celui de l'instruction des permis de construire dans les communes de moins de 10.000 habitants.
Les propositions du groupe de travail ont été à l'origine de certaines décisions du premier CMPP (12 décembre 2007) sur la RéATE, notamment concernant la nouvelle organisation locale de l'Etat et une clarification des missions des services déconcentrés.
2. Le conseil de modernisation des politiques publiques (CMPP) : une instance au coeur de la réforme
Placé sous la présidence du Président de la République, le CMPP réunit l'ensemble du Gouvernement et les membres permanents du comité de suivi. Il constitue l'instance de validation des décisions étudiées préalablement en comité de suivi. Il fixe les grandes orientations et définit les étapes de la réforme. Le ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat en est le rapporteur général.
Depuis le lancement de la RGPP en juillet 2007, le CMPP s'est réuni à cinq reprises : le 12 décembre 2007, le 4 avril et le 12 juin 2008, le 30 juin 2010 et le 5 mars 2011.
Le premier CMPP avait donné lieu à une centaine de décisions. Il s'agissait alors de mesures touchant à la fois à la réorganisation des services de l'Etat, à la simplification et à la modernisation des procédures ou encore à l'amélioration de la gestion dans l'administration.
Le deuxième CMPP a permis d'engager une nouvelle série de réformes portant sur les sujets n'ayant pas encore été instruits en comité de suivi. Au total, près de 150 décisions nouvelles ont été prises en avril 2008.
En juin 2008, le troisième CMPP est venu compléter les trains de mesures engagés précédemment. Au total, 374 mesures ont été adoptées, qui sont venues constituer le socle du budget pluriannuel 2009-2011 .
Le quatrième CMPP (30 juin 2010) annonçait une nouvelle phase pour la RGPP, avec un premier bilan sur les mesures définitivement mises en place et l'adoption d'une nouvelle série de mesures pour les années 2011-2013 .
Le cinquième CMPP, qui s'est tenu le 9 mars 2011, a permis de faire un point global sur les chantiers . Il a adopté une cinquantaine de nouvelles mesures avec deux priorités : simplifier la vie des usagers et s'assurer du respect de notre trajectoire budgétaire en élargissant le spectre de la RGPP.
Le ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat, rapporteur général de la RGPP, rend compte régulièrement en Conseil des ministres de l'état d'avancement de chacune des mesures qui composent la réforme.
Le CMPP constitue donc bien l'organe névralgique de la RGPP, l'instance décisionnaire ultime. A cet égard, on ne peut que regretter qu'il n'associe pas plus étroitement les collectivités territoriales.
Or, rappelons que la Conférence nationale des exécutifs (CNE) a été installée le 4 octobre 2007 et qu'elle constitue, comme l'ont rappelé nos collègues Jacqueline Gourault et Didier Guillaume 36 ( * ) , « un lieu de concertation privilégié entre les différents responsables politiques, pour mener à bien les grandes réformes engagées [...] ». Elle a, entre autres, pour objectif de permettre un partenariat entre l'État et les collectivités territoriales.
La composition de la Conférence Nationale des Exécutifs (CNE) La CNE est présidée par le Premier ministre. Y siègent à ses côtés les ministres principalement concernés par les politiques locales, à savoir : - le ministre de l'Intérieur, de l'Outre-mer, des Collectivités territoriales et de l'Immigration ; - le ministre de l'Écologie, du Développement durable, des Transports et du Logement ; - le ministre de l'Économie, des Finances et de l'Industrie ; - le ministre du Budget, des Comptes publics, de la Fonction publique et de la Réforme de l'État ; - le ministre chargé des Affaires européennes. Les présidents des trois grandes associations nationales d'élus (Association des Maires de France, Assemblée des Départements de France, Association des Régions de France) en sont vice-présidents. Chacune de ces associations est représentée par six membres. Y siègent également les présidents du Comité des Finances Locales et du Conseil Supérieur de la Fonction Publique Territoriale. |
Comme l'ont rappelé MM. Philippe Richert, ministre chargé des collectivités territoriales et Jacques Pélissard, président de l'AMF, le Gouvernement a annoncé, en février 2011, la mise en place d'une CNE rénovée, avec une composition plus resserrée : chaque association nationale d'élus locaux sera représentée par trois, et non plus par six, membres. Des réunions thématiques seront organisées par les ministères compétents. « Il s'agira d'une instance de concertation, non de négociation à proprement parler car le mot n'a pas été prononcé, mais d'échange sur les attentes et les préoccupations respectives ».
La CNE rénovée pourrait être le lieu de concertation qui permettrait à l'État d'associer les représentants des collectivités territoriales à la mise en place des mesures de la RGPP. Elle lui permettrait également d'être un outil mesurant le bien-fondé de ses décisions et leur faisabilité dans les territoires.
Proposition n° 9 : Associer plus étroitement les élus locaux aux travaux du CMPP, à travers la Conférence nationale des exécutifs. |
B. DES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES MISES DEVANT LE FAIT ACCOMPLI
Sous-tendue par un processus de prise de décision extrêmement centralisé, la RGPP a pourtant des conséquences majeures sur les collectivités territoriales. De la combinaison de ces deux facteurs, il résulte une situation fort inconfortable pour les collectivités . Celles-ci se retrouvent très fréquemment, pour ne pas dire toujours, mises devant le fait accompli.
1. Un diagnostic unanimement partagé par les élus locaux
S'il est un sujet sur lequel la RGPP fait l'objet d'un large consensus, c'est bien sur le constat de l'absence de concertation s'agissant des décisions prises et de leur mise en oeuvre. Tel est l'un des principaux enseignements des auditions menées par la mission.
a) Une position commune à l'AMF, l'ADF et l'ARF...
Selon M. Jacques Pélissard, président de l'AMF , « il n'y a pas eu grande concertation en amont. Cette réorganisation de l'administration territoriale d'Etat a été mise en oeuvre par les préfets ». Le président de l'AMF établit toutefois une nuance en distinguant la notion d'association et celle d'information : « Au niveau des départements, ils (les préfets) ont -bien- informé les parlementaires, les maires des villes les plus importantes, les conseils généraux, mais il ne s'agissait que d'information » 37 ( * ) .
Tout en reconnaissant la légitimité de l'Etat à se réformer, il regrette d'ailleurs cette absence de dialogue : « il n'est pas anormal que l'Etat veuille ajuster son organisation en fonction des évolutions démographiques ou techniques : trop longtemps la France est demeurée passive, conservant des structures du passé. La volonté des gouvernements successifs de s'adapter à un monde en mutation doit être saluée. Mais une concertation en amont aurait été souhaitable ».
S'agissant des relations entre l'Etat et les collectivités territoriales, il précise par ailleurs son souhait de renouer avec la concertation grâce à la réactivation de la Conférence nationale des exécutifs :
« Nous sommes en train d'obtenir du gouvernement la réactivation de la Conférence nationale des exécutifs, CNE, qui était un forum où de très nombreux participants s'exprimaient, chacun à son tour, mais sans véritable dialogue. La nouvelle formule sera plus resserrée, plus dense, avec trois représentants de l'Association des régions de France, trois de l'Assemblée des départements de France et trois de l'AMF. Des réunions plus thématiques se tiendront aussi avec les ministères compétents. Il s'agira d'une instance de concertation, non de négociation à proprement parler car le mot n'a pas été prononcé, mais d'échange sur les attentes et les préoccupations respectives. La CNE aura un rôle à jouer en amont du processus législatif et réglementaire ».
M. Claudy Lebreton, président de l'Assemblée des départements de France (ADF), a pour sa part un jugement encore plus tranché. A la question de savoir s'il avait été associé à la réforme, il a répondu à la mission « Jamais ! ». Il a ajouté : « je ne l'ai pas été comme président du Conseil général des Côtes d'Armor. (...) Je n'ai pas non plus été associé comme président de l'ADF et ce n'est pas faute de l'avoir demandé, à plusieurs reprises, par les voies les plus officielles. Mais tout s'est passé comme si l'Etat devait se réformer sans que les collectivités territoriales ne soient concernées » 38 ( * ) .
Il est rejoint en ce sens par M. Alain Rousset, président de l'Association des régions de France (ARF) . A la même question, « la réponse est très clairement, non ! » 39 ( * ) . Pour lui, « les régions ont vécu la mise en place de la RGPP avec beaucoup de surprise et d'agacement ».
Il convient toutefois de relever le cas particulier de l'Outre-mer. Lors de son audition, Mme Marie-Luce Penchard, ministre chargée de l'Outre-mer, a fait valoir que les Etats généraux de l'Outre-mer, en 2009, ont été l'occasion d'une concertation avec les élus ultramarins sur la mise en oeuvre de la RGPP.
b) ... partagée par les associations représentant les différentes catégories de communes
Si les grandes associations représentant les collectivités territoriales déplorent donc unanimement l'absence ou la quasi absence de concertation dans le cadre des mesures prises au titre de la RGPP, il en va de même d' associations réunissant des collectivités présentant des traits communs plus spécifiques .
Ainsi, M. Olivier Dussopt, vice-président de l'Association des petites villes de France (APVF), a estimé que « la RGPP a été imposée sans concertation ni avec les élus ni avec les syndicats, les coupes ont été décidées sans cohérence et ont eu un impact sur la qualité du service rendu » 40 ( * ) . A l'appui de son propos, il a cité M. Claude Guéant, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration, selon lequel « si nous avions adopté des méthodes classiques de préparation de la décision, avec ce que cela implique de concertation et d'interministériel, nous en serions à 5 % du chemin parcouru ».
De son côté, M. Vanik Berberian, président de l'Association des maires ruraux de France (AMRF), a indiqué que « L'AMRF n'a pas été associée au processus » 41 ( * ) . Il a précisé à la mission que « des explications a minima nous ont été délivrées au cours d'une réunion avec le préfet, mais il n'y a eu aucune concertation ». Il a enfin fait part d'un certain désarroi face à la situation actuelle : « nous voici aujourd'hui avec ce sentiment de n'avoir plus d'interlocuteur face à nous : raréfaction générale des politiques publiques, c'est ainsi que beaucoup développent aujourd'hui le sigle de la RGPP ».
L'appréciation est la même s'agissant de l'Association nationale des élus de la montagne (ANEM) . Selon son président, M. Vincent Descoeur , « dans le cadre de la RGPP, nous avons été informés mais pas concertés » 42 ( * ) . Mme Chantal Robin Rodrigo, secrétaire générale de l'ANEM , a pour sa part ajouté que « la RGPP a été conduite sans concertation et dans la précipitation » 43 ( * ) .
Au nom de la Fédération des maires de villes moyennes (FMVM), M. Bruno Bourg-Broc, président, et M. Serge Gloaguen, maire de Digne-les-Bains , ont quant à eux tenu à développer le cas particulier de la ville de Digne-les-Bains au regard de la mise en oeuvre de la RGPP, notamment dans le domaine pénitentiaire. En l'espèce, ils se sont élevés contre une information des élus... par la presse :
« Le coup de grâce a été la programmation de la fermeture de la maison d'arrêt, la seule fermée de la région PACA. Cette maison d'arrêt représente quarante emplois directs pour une cinquantaine de détenus. Nous avons été avertis de ce projet par la presse en juillet ; j'avais pourtant rencontré le préfet le printemps précédent pour discuter des grands dossiers... » 44 ( * ) .
2. La mise en place du passeport biométrique : l'exemple d'une « vraie fausse » concertation
Afin d'illustrer l'absence de réelle concertation dans la mise en oeuvre des mesures RGPP, il apparaît utile de s'intéresser à un exemple concret. De ce point de vue, le passage au passeport biométrique et les charges nouvelles incombant de ce fait à certaines communes constituent un cas d'école .
a) Le précédent fâcheux de la mission de délivrance du passeport et de la carte nationale d'identité confiée aux communes
Le passage au passeport biométrique représente l'une des mesures phares de la RGPP au titre du ministère de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration. Ce terrain était cependant d'autant plus sensible que le recueil des demandes et la délivrance par les communes des cartes nationales d'identité et des passeports avait fait naître un contentieux abondant entre l'Etat et certaines communes au cours des années précédentes.
En effet, considérant que ces tâches représentaient pour elles une charge indue, nombre de communes avaient engagé des requêtes en indemnisation contre l'Etat .
Dans sa décision du 5 janvier 2005, dite « commune de Versailles », le Conseil d'Etat avait déclaré le décret n° 2001-185 du 26 février 2001 relatif au transfert de la délivrance des passeports aux communes partiellement illégal , du fait que seul le législateur pouvait prévoir une mesure ayant pour effet d'augmenter, même indirectement, les charges des communes. Par ailleurs, il ressortait de l'avis du Conseil d'Etat du 6 avril 2007, dit « commune de Poitiers », que le décret n° 99-973 du 25 novembre 1999 relatif au transfert de la délivrance des cartes nationales d'identité aux communes était entaché de la même illégalité. En outre, dans sa décision du 14 septembre 2007, dite « commune de Villeurbanne », le Conseil d'Etat avait reconnu la responsabilité de l'Etat.
Afin de prendre la juste mesure de ce contentieux, il convient de rappeler que, au 1 er septembre 2010, on dénombrait 420 communes requérantes (soit par la voie d'une réclamation préalable, soit en phase contentieuse) et 501 requêtes 45 ( * ) , pour un montant total de 138,1 millions d'euros en demandes indemnitaires.
A cette même date, le total des condamnations intervenues s'élevait à 33,8 millions d'euros , essentiellement en provisions accordées par les juges des référés en première instance et le cas échéant en appel 46 ( * ) .
L'article 103 de la loi n° 2008-1443 de finances rectificative pour 2008 du 30 décembre 2008 a mis en place un dispositif destiné à mettre un terme à ce contentieux.
Un contentieux soldé en loi de finances rectificative pour 2008 L'article 103 de la loi n° 2008-1443 de finances rectificative pour 2008 du 30 décembre 2008 prévoit une régularisation pour l'avenir , en donnant une base désormais légale à la compétence des communes. Il met également un terme aux contentieux en cours , sauf pour les décisions de justice devenues définitives et passées en force de chose jugée. En contrepartie, cet article crée une dotation exceptionnelle spécifique, d'un montant de 3 euros par titre 47 ( * ) dans la limite de 97,5 millions d'euros, répartie entre les communes en fonction du nombre de titres qu'elles ont délivrés en 2005, 2006, 2007 et 2008. Si le nombre total de titres émis ces quatre années est supérieur à 32,5 millions, la somme de 97,5 millions d'euros est répartie entre les communes proportionnellement au nombre de titres qu'elles ont émis en 2005, 2006, 2007 et 2008. Les communes qui ont engagé un contentieux indemnitaire ne sont éligibles à cette dotation exceptionnelle qu'à la condition que cette instance soit close par une décision passée en force de chose jugée et excluant toute condamnation de l'Etat. La dotation exceptionnelle est attribuée aux communes éligibles en compensation des charges résultant pour elles, jusqu'au 31 décembre 2008, du nombre de cartes nationales d'identité et de passeports qu'elles ont délivrés pendant une période de quatre années : 2005, 2006, 2007 et 2008. Il s'agit donc d' une indemnisation globale portant sur ces quatre années . Ainsi, selon le ministère de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration, une commune qui a obtenu une condamnation de l'Etat au versement d'une provision ou d'une indemnité pour une quelconque fraction de cette période ne peut percevoir aucun montant au titre de la dotation exceptionnelle. Cette dotation exceptionnelle de 3 euros par titre étant versée par tiers sur trois exercices (2009, 2010 et 2011), l'année 2011 représentera la dernière tranche de versement avec une enveloppe budgétaire de 32,5 millions d'euros réservée à cet effet. |
b) Les communes ont-elles vraiment été « volontaires » pour le passeport biométrique ?
Le dispositif du passeport biométrique est en vigueur depuis le 28 juin 2009 dans les mairies .
Le passage à ce nouveau titre d'identité représentait l'un des principaux enjeux opérationnels de la RGPP pour les préfectures . Il s'agissait en effet de pouvoir satisfaire aux engagements européens de la France, le règlement européen CE n° 2252 / 2004 du 13 décembre 2004 imposant aux Etats membres de l'Union européenne de délivrer, au plus tard le 28 juin 2009, des passeports biométriques. Ce document d'identité de nouvelle génération se caractérise par une puce contenant non seulement la photographie faciale du porteur, mais aussi des empreintes digitales numérisées du détenteur.
Piloté du point de vue technique et organisationnel par l'Agence nationale des titres sécurisés (ANTS), ce projet induisait notamment une nouvelle répartition des tâches entre les préfectures et les mairies ( Cf. infra ).
Du point de vue opérationnel, il est important de souligner que ce dispositif s'appuie sur 2.079 communes ayant, par convention avec l'Etat, accepté d'accueillir les stations d'enregistrement désormais nécessaires au recueil des éléments d'identité du demandeur d'un passeport biométrique.
En théorie , les communes ayant accepté d'accueillir en leurs murs les stations d'enregistrement l'ont fait sur la base du volontariat et de la concertation avec les préfets .
Dans les faits, les situations paraissent parfois moins claires . Ainsi, à l'occasion de son contrôle budgétaire mené au nom de la commission des finances en 2010 48 ( * ) , notre collègue Michèle André a-t-elle recueilli de nombreux témoignages de communes ayant accepté cette mission « plus ou moins contraintes et forcées ». En effet, en pratique, les préfets avaient déjà prédéfini les points d'implantation des stations d'enregistrement sur le territoire et les communes, notamment celles ayant une taille réduite, ne pouvaient plus guère rentrer dans un « bras de fer » avec l'Etat.
Au final, l'affichage d'une concertation avec les élus locaux paraît pour le moins contestable et crée un sentiment de malaise chez les maires placés devant le fait accompli .
3. La gestion des effectifs de l'Education nationale en milieu rural et en zone de montagne : une « concertation oubliée »
La suppression d'effectifs dans l'Éducation nationale a des effets directs sur la fermeture de classes en milieu rural ou en zones de montagne, en raison du nombre peu élevé d'enfants scolarisés de plus de trois ans, mettant ainsi en péril la pérennité des écoles dans ces territoires, comme l'ont souligné devant votre mission les représentants de l'APVF, de l'AMRF et de l'ANEM. Le ministère de l'Éducation Nationale prévoit en effet la suppression de 8.967 postes d'enseignants du premier degré pour la rentrée scolaire de septembre 2011. D'après un courrier de l'AMRF adressé au Président de la République, le 1 er juin 2011, cette décision devrait entraîner la disparition de 1.500 classes, aussi bien en milieu rural qu'en milieu urbain.
Or, la charte sur l'organisation de l'offre des services publics et au public en milieu rural, signée le 23 juin 2006, demande aux autorités académiques de prévenir les élus locaux des communes concernées deux ans avant tout projet de fermeture de classes ou de regroupements pédagogiques intercommunaux. De même, l'article 106 de la loi n° 2005-157 du 23 février 2005 relative au développement des territoires ruraux vise à renforcer la concertation pour toute décision de restructuration du réseau scolaire entre les représentants de la commune et l'inspecteur d'académie entre autres. Votre mission regrette que ces dispositions ne soient plus ou peu respectées par les rectorats, les communes étant souvent mises devant le fait accompli.
Pourtant, tout projet de fermeture de classe ou d'école a des implications majeures pour la vitalité des territoires mais également pour la réussite scolaire des enfants. En effet, la fermeture d'une classe oblige les parents à envoyer leurs enfants dans une école plus éloignée, d'où un allongement des temps de parcours qui peut être préjudiciable aux résultats scolaires des élèves. Une telle restructuration peut également inciter des jeunes actifs à quitter une commune pour se rapprocher d'un territoire disposant d'une école.
Suite aux saisines de l'AMF et de l'AMRF, le Président de la République, a annoncé que le nombre de classes dans le secteur primaire en 2012 serait égal à celui de 2011. Des classes pourront être fermées mais les fermetures éventuelles seront entièrement compensées par des ouvertures de nouvelles classes. En revanche, l'application du principe du non remplacement d'un fonctionnaire sur deux partant à la retraite n'est pas remise en cause pour la rentrée scolaire 2011. 49 ( * )
Proposition n° 10 : Réaffirmer les principes de la charte sur l'organisation de l'offre des services publics et au public en milieu rural pour promouvoir une véritable concertation sur la gestion des effectifs de l'Education nationale dans les territoires à faible densité démographique. |
CHAPITRE II - DES COLLECTIVITÉS CONFRONTÉES AUX EFFETS DE LA RÉORGANISATION DE L'ÉTAT
« La réforme de l'administration territoriale de l'Etat, engagée depuis 2007, ne constitue pas une rupture », a fait valoir, le 23 mars 2011, à votre mission d'information M. Daniel Canepa, président de l'Association du corps préfectoral.
Plusieurs réformes avaient, en effet, été engagées avant son lancement, notamment la réduction du champ du contrôle de légalité et la fusion de services déconcentrés. Par son ampleur, la RGPP a néanmoins bouleversé non seulement les structures mais également les procédures et le périmètre des missions de l'Etat, toutes réformes non sans conséquence pour les collectivités territoriales.
I. LA RÉFORME DE L'ÉTAT ET SES IMPLICATIONS
En France, pays de tradition fortement centralisée, tout changement dans l'organisation et le fonctionnement de l'Etat atteint nécessairement les entités infra-nationales.
La démarche globale empruntée par la RGPP implique donc certaines adaptations.
A. LA RÉORGANISATION DE L'ADMINISTRATION TERRITORIALE DE L'ETAT AU PROFIT DE LA RÉGION
Si la réforme des collectivités territoriales a conforté le département, la RéATE mise en place le 1er janvier 2010 privilégie l'échelon régional comme niveau naturel de coordination des politiques publiques , « maille territoriale la plus adaptée à la programmation et à l'impulsion des stratégies de l'Etat ». L'équilibre des compétences préfectorales est, en conséquence, profondément remanié et modifié au bénéfice du représentant de l'Etat dans la région qui est, désormais, le véritable « patron » sur toute l'étendue de sa circonscription administrative.
1. La régionalisation du cadre d'action de l'Etat territorial
Clarifiant les rôles entre niveaux régional et départemental, la RéATE a confié à l'échelon régional le soin de définir les modalités d'application des directives nationales dans la région et de répartir les moyens alloués par les ministères :
- la région est devenue le niveau de pilotage des politiques publiques ;
- la circonscription départementale est, elle, identifiée comme l'échelon de contact avec les usagers et de mise en oeuvre des politiques publiques de proximité.
Il en est résulté une réorganisation de l'architecture préfectorale, concrétisée par un décret du 16 février 2010.
a) La prééminence du préfet de région
Le rôle du préfet de région, encore accru en 2004, dans la conduite des politiques publiques est aujourd'hui conforté par l'autorité qui lui est reconnue sur les préfets de département. C'est l'aboutissement des réformes conduites au cours des vingt dernières années.
(1) L'avènement du préfet de région : une construction progressive
Sans remonter à leur création par Napoléon Bonaparte en 1800, l'évolution du statut des préfets au cours du dernier demi-siècle traduit l'organisation locale de notre pays.
Depuis l'avènement de la décentralisation, les réformes successives des missions préfectorales débouchent naturellement aujourd'hui sur la place assignée au représentant de l'Etat aux trois échelons déconcentrés par le décret du 16 février 2010 avec le renforcement continu du niveau régional.
En 1964 , sont mises en place les conférences administratives régionales (CAR) destinées à favoriser la coopération interministérielle dans le ressort territorial ;
- les décrets du 10 mai 1982 bouleversent les pouvoirs jusque là assumés par les préfets pour tirer les conséquences du transfert de pouvoir exécutif à l'autorité locale et de la suppression de la tutelle administrative et budgétaire ;
- les réformes intervenues en 1992 puis en 2002 consacrent le rôle de direction du préfet de région dans les actions conduites au nom de l'Etat dans le ressort de sa circonscription administrative :
• accroissement du rôle de la CAR (notamment
suivi de l'exécution des programmes nationaux ou communautaires
intéressant son périmètre) ;
• institution du collège des chefs de service
de l'Etat dans le département ;
• constitution possible entre services
déconcentrés de pôles de compétences pour l'exercice
d'actions communes ;
- le décret du 20 octobre 1999 s'inscrit dans cette voie en confiant au préfet le soin d'arrêter l'organisation des services déconcentrés et en renforçant ses moyens dans la conduite d'actions communes à plusieurs services déconcentrés ;
- auparavant, la loi d'orientation du 4 février 1995 sur le développement et l'aménagement du territoire a confirmé le rôle propre des sous-préfets ;
- le décret du 29 avril 2004 renforce la place du préfet de région comme garant de l'unité et de la cohérence de l'action de l'Etat territorial ; il arrête le projet d'action stratégique de l'Etat (PASE) qui « doit permettre d'améliorer la lisibilité des actions de l'Etat dans la région et de piloter l'adaptation des politiques nationales et communautaires aux enjeux territoriaux » a rappelé à votre mission M. Philippe Richert, ministre chargé des collectivités territoriales.
Les pouvoirs des préfets de département sont élargis à la sécurité et à la protection des personnes ; ils arrêtent le PASE départemental qui complète le projet régional.
L'autorité du préfet sur les chefs de service est assise.
De nouveaux instruments de coopération interministérielle sont créés : les pôles régionaux de l'Etat ; le comité de l'administration régionale remplace la CAR.
(2) Le nouveau schéma préfectoral
Il vise d'abord à assurer la cohérence de l'action de l'Etat dans la circonscription régionale.
1. Le préfet de région , garant de la cohérence de l'action de l'Etat dans la région, est responsable de l'exécution des politiques nationales et communautaires, sous réserve des compétences de l'agence régionale de santé (ARS).
- A ce titre, il a autorité sur le préfet de département dans la conduite des politiques publiques par le biais d'un pouvoir d'instruction ;
- Il dispose, en outre, d'un pouvoir d'évocation, pour une durée limitée, de tout ou partie d'une compétence à des fins de coordination régionale : dès lors, il prend les décisions correspondantes en lieu et place des préfets de département. Cette faculté ne peut pas être déléguée. Dans une instruction du 13 décembre 2010, le Premier ministre précise que « l'autorité reconnue au préfet de région ne remet pas en cause la responsabilité première des préfets de département devant les ministres. A cet égard, les recours hiérarchiques contre les décisions des préfets de département continueront à être portés directement devant les ministres compétents . ». Le préfet de région n'est donc pas une « instance d'appel » des décisions du préfet de département ;
- Il arrête la répartition des crédits des budgets opérationnels de programme (BOP) : ce pouvoir lui confère la capacité d'adapter les moyens mis à sa disposition aux enjeux territoriaux.
Cette régionalisation du cadre d'action de l'Etat territorial se situe dans la logique de la décentralisation, selon M. Yvon Ollivier, préfet honoraire, qui fut responsable en 2007 et 2008 d'un groupe d'audit au ministère de l'intérieur dans le cadre de la RGPP. Il considère la région comme « le niveau pertinent de l'administration territoriale de l'Etat (...) car c'est celui notamment de la problématique de l'aménagement du territoire » 50 ( * ) .
Lors de son audition, M. Claude Guéant, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration, a également souligné que « la réforme de l'État tire enfin les conséquences de la décentralisation et de la répartition des compétences. Car malgré le vote des grands textes de décentralisation, tout le monde, y compris l'État, continuait à faire un peu tout. »
2. Le préfet de département est confirmé dans sa responsabilité de mise en oeuvre des politiques publiques « au plus près des citoyens ».
Le préfet Jean-Jacques Brot a observé que « le département demeure un échelon de proximité indispensable : c'est là que s'adressent en premier lieu les élus, les chefs d'entreprises et les responsables associatifs » 51 ( * ) .
La diversité des régions l'exige aussi : l'éloignement de la capitale régionale n'est pas que géographique ; il est également administratif, comme l'a relevé M. Yves Sarrand, directeur général des services du conseil général de Savoie et membre de l'association nationale des directeurs généraux et directeurs généraux adjoints des régions et départements 52 ( * ) : l'« interlocuteur naturel » est alors le préfet de département.
Les responsabilités du préfet de département Il est chargé de la mise en oeuvre des politiques nationales et communautaires dans le cadre fixé par le préfet de région tout en conservant ses missions propres. Dépositaire de l'autorité de l'Etat dans le département, il a seul la responsabilité de l'ordre public et de la sécurité des populations étendue au champ de la sécurité nationale 53 ( * ) , du contrôle de légalité et de la police des étrangers. Ces missions régaliennes ne peuvent pas être l'objet du pouvoir d'évocation du préfet de région, non plus que les matières relevant de la compétence légale du préfet de département. Désormais, le préfet de département a autorité sur le commandant du groupement de gendarmerie départementale dans le domaine relevant de ses compétences (ordre public et police administrative). Cet élargissement s'inscrit dans le rattachement de la Gendarmerie nationale au ministère de l'intérieur. Par ailleurs, le préfet dispose des moyens de l'ARS dans l'exercice de ses compétences sanitaire, de salubrité et d'hygiène publiques. En cas d'événement sanitaire pouvant constituer un trouble à l'ordre public, les services de l'agence sont placés pour emploi sous son autorité. |
Si les institutions ne valent que par ce qu'en font les hommes, leur organisation est aussi un élément de leur succès. On peut considérer que le pilotage, par le préfet, des services de l'Etat est facilité par la réduction du nombre des directions départementales et l'éloignement des administrations centrales.
Le mode de gouvernance retenu au niveau régional peut également renforcer le rôle opérationnel du préfet. Ainsi, en région Provence-Alpes-Côte d'Azur ont été constitués certains « pôles experts régionaux » confiés :
- au préfet des Hautes-Alpes s'agissant de l'aménagement et du développement rural ;
- au préfet des Alpes de Haute-Provence sur l'énergie photovoltaïque ;
- au préfet du Var pour la gestion des déchets inertes et du bâtiment travaux publics (BTP) ;
- au préfet de Vaucluse sur l'exploitation du gaz de schiste ainsi que sur les questions de sûreté nucléaire ;
- au préfet des Alpes-Maritimes concernant les questions relatives au loup.
3. Le sous-préfet
« Le sous-préfet doit être Maître Jacques : il n'a pas tous les moyens à sa disposition mais doit pouvoir les mobiliser » 54 ( * ) .
Le sous-préfet se voit assigner une nouvelle mission, celle de contribuer au développement local. « Concrètement, il s'agit de passer d'une administration de guichet à une administration de projet. La sous-préfecture doit apparaître, pour les élus locaux comme pour les services déconcentrés de l'Etat, comme la tête de pont de l'Etat territorial 55 ( * ) ». A ce titre, a précisé le ministre chargé des collectivités territoriales à votre mission, le sous-préfet doit « veiller à ce que les collectivités locales disposent du concours des services régionaux et départementaux de l'Etat, particulièrement dans les zones rurales ». C'est pourquoi des permanences des services déconcentrés non implantés dans l'arrondissement pourraient être organisées en sous-préfecture.
La directive nationale d'orientation des préfectures (DNO) 2010-2015 préconise donc la transformation des sous-préfectures en administrations de mission tournées vers le développement des territoires : « « assemblier » des politiques publiques à l'échelle de l'arrondissement, garant de leur cohérence et animateur de la transversalité de l'Etat sur le territoire (...) le sous-préfet aura ainsi à développer ses interventions en matière d'ingénierie territoriale ».
Le sous-préfet « développeur » doit aussi « se concentrer » sur la sécurité comme l'a rappelé, lors de son audition, le ministre chargé des collectivités territoriales.
Les missions du sous-préfet Délégué du préfet dans l'arrondissement, le sous-préfet : - veille au respect des lois et règlements et concourt au maintien de l'ordre public et de la sécurité des populations ; - anime et coordonne l'action des services de l'Etat dans l'arrondissement ; - participe à l'exercice du contrôle administratif et au conseil aux collectivités territoriales. Le préfet de région peut, avec l'accord du préfet du département, lui confier des missions particulières, temporaires ou permanentes, d'intérêt régional. |
La compétence du sous-préfet n'a certes pas été bouleversée par les termes du décret du 16 février 2010 qui a, en ce qui le concerne, tiré les conséquences du pouvoir hiérarchique du préfet de région sur le préfet de département. Cependant, la centralisation du contrôle de légalité en préfecture altère le rôle du sous-préfet devenu simple courroie de transmission des actes prioritaires et resserré sur le conseil aux collectivités locales. Votre rapporteur y reviendra (cf. infra ).
Relais des préfets du département et de la région, le sous-préfet doit être un animateur de réseau ainsi qu'y appelait le président de l'association du corps préfectoral et des hauts fonctionnaires du ministère de l'intérieur, lors de sa dernière assemblée générale le 1 er décembre 2010. Il soulignait l'importance, dans la pratique, d'assurer « le positionnement des sous-préfets par rapport aux DDI » afin de lui permettre d'assurer effectivement son rôle.
Les interlocuteurs de votre mission, s'ils ont généralement réclamé fermement le maintien des sous-préfectures, n'en ont pas contesté l'évolution fonctionnelle : « s'il doit certainement évoluer dans ses missions et moderniser son mode d'action, il ne doit certainement pas disparaître » a souligné l'ANEM (Association Nationale des Élus de la Montagne) 56 ( * ) .
b) La volonté de conforter l'unité territoriale de l'Etat
Le renforcement de la cohérence de l'action de l'Etat passe par celui de ses représentants dans les territoires.
(1) La consolidation de l'autorité préfectorale
Outre les prérogatives précédemment évoquées, on retiendra que le préfet doit être consulté sur toute proposition de nomination, affectation ou mutation concernant les chefs de services déconcentrés des administrations civiles de l'Etat et de leurs adjoints. Il n'était, auparavant, qu'informé. Le nouvel article 30 du décret du 29 avril 2004 conforte sa qualité de chef des services déconcentrés dans sa circonscription.
Le préfet , représentant de l'Etat dans la circonscription, est assisté, chacun à son niveau, dans sa mission :
- au niveau régional :
par le comité de l'administration régionale (CAR). Cette structure regroupe :
- les préfets de département ;
- le recteur d'académie ;
- le directeur général de l'ARS ;
- les directeurs des six nouvelles directions régionales de l'Etat.
Le CAR est chargé d'élaborer la stratégie de l'Etat dans la région, y compris en matière budgétaire.
• Le
secrétaire général
pour les affaires régionales
(SGAR), qui assiste le
préfet de région dans l'exercice de ses fonctions, est
renforcé tout à la fois dans son autorité et dans ses
missions de gestion
57
(
*
)
.
Il assure la coordination interministérielle entre les politiques
conduites par chacune des six nouvelles directions régionales
(alimentation, agriculture et forêt ; culture ; environnement,
aménagement et logement ; entreprises, concurrence et
consommation ; travail et emploi ; jeunesse, sports et
cohésion sociale ; finances publiques).
- Au niveau départemental , par le collège des chefs de service de l'Etat dans le département.
Les préfets de région et de département sont les délégués territoriaux des établissements publics de l'Etat comportant un échelon territorial sauf exceptions déterminées par décret en Conseil d'Etat.
c) Le renforcement de la mutualisation interministérielle des moyens de l'Etat
Dans ce cadre, le préfet de région exerce les prérogatives suivantes qui manifestent également son autorité sur celle du département :
- il arrête le schéma régional des mutualisations et le plan interministériel de gestion prévisionnelle des ressources humaines ;
- responsable de la stratégie immobilière de l'Etat dans la région, il définit les modalités d'application par les préfets de département des instructions reçues du ministre chargé du domaine de l'Etat et approuve ensuite les schémas pluriannuels de stratégie immobilière élaborés et proposés par les préfets de département ;
- il constitue les plateformes CHORUS partagées (application de gestion des crédits de l'Etat) des services placés sous son autorité.
d) Un complément indispensable du pouvoir de gestion du préfet de région
Le rôle renforcé des préfets de région dans la conduite, d'une part, des politiques publiques et, d'autre part, des services de l'Etat, appelle deux séries d'observations :
- en premier lieu, l'éminence de leur fonction interministérielle ne conduit-elle pas à transférer leur gestion du ministère de l'intérieur au premier ministre ? Ce rattachement semblerait fonctionnellement logique ; il ne saurait toutefois être envisagé que dans le strict respect de l'impartialité et du professionnalisme reconnus du corps préfectoral ;
- en second lieu, il apparaît indispensable d'adapter les procédures de gestion à la nouvelle organisation conduite par la RéATE. Votre mission fera des propositions dans ce sens.
2. Le maintien du réseau des sous-préfectures : des adaptations nécessaires ?
Echelon territorial de plus grande proximité, la sous-préfecture représente l'Etat au plus près des administrés.
a) Un échelon essentiel et nécessaire à conforter
Sa place déterminante sur le terrain a été rappelée devant votre mission d'information par le président de l'Association des maires de France (AMF), M. Jacques Pélissard : « La gestion de proximité et le conseil sont des points importants. C'est pourquoi il me semble essentiel de maintenir un bon maillage de sous-préfectures. Le sous-préfet est le bon interlocuteur des communes concernant les actions de l'Etat ; et il lui revient de faire remonter les besoins . » 58 ( * )
Le réseau « qui traduit la diversité démographique, géographique et économique des territoires » est « maintenu, sans que soient interdits des ajustements ponctuels, là où cela semble possible, dans le respect du principe d'accès au service public » ; l'ancien ministre de l'intérieur, M. Brice Hortefeux, l'a assuré fermement en inaugurant la nouvelle sous-préfecture de Saint-Malo le 11 octobre 2010.
Devant votre mission, M. Claude Guéant, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration, a clairement indiqué que « les sous-préfectures doivent être maintenues, sauf exception en cas de consensus local » et qu'elles « sont un représentant de l'État, proche des maires, des citoyens, des associations. » Le ministre a souligné qu' « à l'avenir, les sous-préfectures pourraient être les relais des politiques prioritaires de l'État. » Il a fait valoir que « très prisées par les élus, elles doivent réinventer leurs fonctions. »
Pour votre mission, les collectivités territoriales sont surtout attachées au rôle du sous-préfet, comme interlocuteur unique et comme facilitateur des projets qu'elles mettent en oeuvre, plus qu'aux missions que les sous-préfectures exerçaient jusque là et qui ont été transférées au niveau de la préfecture de département. C'est ce rôle spécifique du sous-préfet qu'il importe avant tout de réaffirmer.
Proposition n° 11 : Affirmer le rôle du sous-préfet comme représentant interministériel, interlocuteur de proximité, conseil en ingénierie des collectivités territoriales et coordinateur dans l'arrondissement des unités territoriales des services déconcentrés de l'Etat. |
Reste la question des moyens affectés aux sous-préfets : pour leur permettre d'assurer ce rôle irremplaçable aux côtés des élus, il leur faut disposer des moyens humains suffisants qui ont largement été entamés par l'application de la règle du « un sur deux ». En « bout de chaîne », les arrondissements ont souvent été excessivement appauvris, particulièrement en cadres : « le sous-préfet demeure à la fois un interlocuteur et un vrai recours, mais il devrait avoir des collaborateurs plus spécialisés » souligne le président de l'ANEM, M. Vincent Descoeur. 59 ( * )
Comme la mission a pu le constater lors de son déplacement en Mayenne, les sous-préfectures devraient être principalement pourvues en agents de catégorie A pour répondre à l'évolution du rôle des sous-préfets qui appelle de nouvelles compétences.
Ce maintien n'interdit pas l'adaptation du maillage dense constitué par les 240 sous-préfectures pour tenir compte principalement de l'évolution démographique des territoires.
b) Des adaptations envisageables
A cette fin, plusieurs voies sont ouvertes.
En 2004 60 ( * ) , la procédure de modification des limites de l'arrondissement a été déconcentrée auprès du préfet de région sur proposition du préfet de département. A l'automne dernier, cinquante arrondissements ont ainsi été modifiés pour adapter leurs limites aux contours des bassins de vie ou au périmètre des structures intercommunales ou pour renforcer les arrondissements périphériques par rapport à l'arrondissement chef-lieu.
Plus récemment, l'adaptation du réseau des sous-préfectures a été examinée dans le cadre de la RéATE dans l'objectif de mieux prendre en compte les évolutions de la société, des technologies et des missions de l'Etat : jumelages, conseillers d'administration, Maisons de l'Etat.
(1) Le jumelage de deux sous-préfectures
Cette formule consiste à attribuer à un même sous-préfet la responsabilité de la gestion de deux arrondissements voisins.
Expérimentée en Gironde pour les sous-préfectures de Blaye et de Libourne, elle maintient le chef-lieu d'arrondissement en « mutualisant » le délégué du représentant de l'Etat.
(2) Le maintien du poste mais un changement de titulaire : le conseiller d'administration
Cette réforme consiste à nommer à la tête de l'arrondissement un conseiller d'administration en lieu et place d'un sous-préfet.
Pour y accéder, ces fonctionnaires de catégorie A doivent justifier de 13 ans d'ancienneté au moins. Nommés pour une durée de 5 ans au plus, renouvelable une fois sur le même emploi, ils exercent les mêmes fonctions et disposent des mêmes compétences que les sous-préfets. Cependant, leur statut n'est pas équivalent puisque, notamment, ils ne disposent ni d'un logement, ni d'une voiture de fonction au titre des économies de fonctionnement.
Ce motif budgétaire soulève plusieurs questions au-delà de son caractère discriminant pour le titulaire du poste qui occupe les mêmes fonctions et assume les mêmes responsabilités que les autres sous-préfets d'arrondissement : quelle peut être l'économie réalisée sauf, pour l'Etat, à se défaire du bâtiment de la sous-préfecture qu'il convient en tout état de cause d'entretenir ? La privation de logement de fonction permet-elle d'assurer une permanence de l'Etat fiable ? Si l'ouverture de sous-préfectures aux conseillers d'arrondissement mérite d'être approuvée car il participe de l'accomplissement de parcours professionnels valorisants, il convient également, dans le même esprit, de ne pas les transformer injustement et absurdement, en sous-préfets « de catégorie inférieure ».
Aux termes du décret n° 2007-1488 du 17 octobre 2007 complété par l'arrêté du 20 mai 2008, 15 postes des 115 arrondissements répertoriés ont vocation à être occupés par un conseiller d'arrondissement. Les circonscriptions retenues sont présentées comme celles posant le moins de difficultés pour une première affectation en responsabilité territoriale.
Les sous-préfectures territoriales proposées aux conseillers d'administration 15 postes sont à pourvoir parmi une liste de 115 arrondissements, tous de 2 ème catégorie : Mamers, La Flèche, Langon, Saint-Benoît, Molsheim, Romorantin-Lanthenay, La Trinité, Redon, Nantua, Chinon, Belley, Dole, Péronne, Thann, Coutances, Lunéville, Guebwiller, Marmande, Forcalquier, Fougères, Boulay-Moselle, Montmorillon, Vierzon, Oloron-Sainte-Marie, Saint-Gaudens,Yssingeaux, Mortagne-au-Perche, Sarlat-la-Canéda, Vervins, Pontarlier, Castelsarrasin, Château-Thierry, Vendôme, Millau, Saint-Amand-Montrond, Céret, Toul, Wissembourg, Montbard, Villefranche-de-Rouergue, Bayeux, Condom, Sarrebourg, Sedan, Parthenay, Neufchâteau, Gex, Issoire, Châteaudun, Sartène, Corte, Blaye, Lesparre-Médoc, Altkirch, Pamiers, Château-Gontier, Pithiviers, Thiers, Vire, Segré, Jonzac, Montdidier, Nogent-sur-Seine, Saint-Claude, Avallon, Saint-Jean-d'Angély, Figeac, Ribeauvillé, Lodève, Vitry-le-François, Loches, Ancenis, Louhans, Langres, Cosne-Cours-sur-Loire, Bagnères-de-Bigorre, Largentière, Commercy, Nontron, Saint-Jean-de-Maurienne, Limoux, Brioude, Gourdon, Bellac, Saint-Flour, Aubusson, Prades, Argelès-Gazost, Die, Nérac, Confolens, Mirande, Nogent-le-Rotrou, Rochechouart, Issoudun, Ussel, Rethel, La Châtre, Le Blanc, Briançon, Le Vigan, Bar-sur-Aube, Mauriac, Château-Salins, Château-Chinon, Ambert, Clamecy, Saint-Girons, Saint-Pierre (Martinique), Vouziers, Calvi, Sainte-Ménehould, Florac, Castellane, Barcelonnette. |
Aujourd'hui, seuls trois postes de sous-préfets sont occupés par un conseiller d'arrondissement : Boulay (Moselle), Montdidier (Somme) et Saint-Pierre (Martinique).
(3) La mise en place de Maisons de l'Etat
Ces structures sont conçues comme les antennes des préfectures -chargées notamment de la délivrance de titres et de l'accueil des étrangers- ainsi que des services déconcentrés de l'Etat au sein de certains arrondissements.
Leurs agents proviennent principalement des préfectures.
Elles peuvent résulter de la transformation de sous-préfectures situées à proximité du chef-lieu du département, impliquant la disparition des arrondissements correspondants.
Pour l'heure, un seul projet est en cours : une Maison de l'Etat devrait être créée à Boulogne-Billancourt en 2013, compte tenu d'importants aménagements immobiliers à réaliser dans des locaux actuellement occupés par la Gendarmerie et mis gracieusement à disposition par le département des Hauts-de-Seine.
Notons que ces Maisons de l'Etat soulèvent des appréciations divergentes : pour les uns, en effet, en milieu urbain dense à proximité du chef-lieu du département, elles peuvent remplacer les sous-préfectures en maintenant l'accueil du public ; pour d'autres, même si le chef-lieu n'est pas très éloigné, la sous-préfecture conserve son utilité en raison de son implication dans la politique de la ville.
Le ministre chargé des collectivités territoriales, M. Philippe Richert, a indiqué à votre mission qu'aucun autre projet n'était envisagé pour l'instant.
c) Une évolution inéluctable du réseau
Convenons que les objectifs de la RGPP conduisent nécessairement à examiner chacune des 240 sous-préfectures. Il ne suffit pas cependant d'afficher une présence symbolique de l'Etat. Les sous-préfets se sont vu, à juste titre, attribuer un rôle d'animation du territoire : il leur faut donc disposer des moyens de l'assumer effectivement.
Mais si la question de l'évolution du réseau des sous-préfectures ne saurait être taboue, elle doit, en tout état de cause, s'inscrire dans leur rôle primordial d'échelon de proximité. A cet égard, le maillage ne doit pas être examiné sous le seul angle démographique. Rappelons, avec force, comme l'a relevé le préfet Jean-Jacques Brot, que la présence de l'Etat « demeure une garantie » dans les territoires en difficulté. Ces difficultés, nous le constatons quotidiennement, peuvent résulter de l'affaiblissement des services publics dans des territoires ruraux et de l'isolement, en conséquence, de leurs habitants ; mais les grandes concentrations urbaines requièrent aujourd'hui plus que jamais une présence marquée de l'Etat pour offrir à leurs habitants un cadre de vie harmonieux.
Il convient, alors, au regard des spécificités locales, de s'interroger sur le niveau de service public requis par l'administration du territoire considéré. Votre rapporteur évoquera ultérieurement la question de la délivrance des titres.
Proposition n ° 12 : Evaluer le réseau des 240 sous-préfectures au regard des spécificités des territoires et du niveau de présence de l'Etat requis localement. |
La réponse peut passer par l'une des formules mises en oeuvre par le Gouvernement. Elle implique nécessairement la mise à disposition des sous-préfectures, des effectifs suffisants, notamment de fonctionnaires de catégorie A, pour leur permettre d'assurer cette fonction de conseil et de développeur territorial.
Aujourd'hui, le renforcement des équipes de la sous-préfecture passe par celle de la préfecture ; c'est le prix exigé par l'activation du concept nouveau de « sous-préfet-développeur » dans la logique RGPP. Un exemple : un cadre A de la préfecture de Vendée sera affecté au 1 er septembre prochain à la sous-préfecture des Sables-d'Olonne afin de lui permettre de renforcer sa mission d'ingéniérie.
Si cette répartition heureuse des agents mérite d'être saluée, elle ne peut se concevoir que par un maintien suffisant, à la préfecture, de « matière grise ». La formation des agents, si elle est indispensable -et votre rapporteur approuve sur ce point l'action volontariste du ministère de l'intérieur- ne saurait, à elle seule, pallier l'hémorragie des effectifs.
« Pour nous, la présence de l'Etat dans ses sous-préfectures est primordiale. Nous avons besoin d'interlocuteurs incarnés » déclarait devant votre mission le président de l'Association des maires ruraux de France (AMRF), M. Vanik Berberian. 61 ( * )
Quel qu'en soit le mode, c'est à l'aune de cette présence indispensable de l'Etat au plus près des collectivités qu'il faut apprécier le maillage des sous-préfectures.
3. Quel avenir pour les préfectures ?
La DNO 2010-2015 énumère les missions des préfectures, au nombre de huit :
- la permanence, la continuité de l'Etat et de sa représentation ;
- la garantie du fonctionnement de la vie démocratique, des libertés publiques et de l'expression des citoyens, y compris la délivrance des titres et la lutte contre la fraude ;
- la sécurité et la garantie de l'ordre public ;
- l'appui à la fonction d'arbitrage du préfet dans son rôle de garant de l'utilité publique ;
- les relations avec les collectivités territoriales et le contrôle de légalité ;
- le pilotage de l'action interministérielle et la coordination des politiques publiques ;
- la mise en oeuvre des politiques d'immigration et d'intégration ;
- la régulation de la vie économique et sociale.
La loi du 28 décembre 2010 de programmation des finances publiques pour les années 2011 à 2014 a décidé un nouveau train de suppression de 100.000 emplois sur la période 2011-2013. Comment s'appliquera-t-il au ministère de l'intérieur qui n'en est pas exempté contrairement à la justice et à l'enseignement supérieur et la recherche ?
Alors que l'application du « un sur deux » dans les préfectures a déjà « atteint l'os » -ce constat a été confirmé à votre mission au cours de ses auditions et lors de ses déplacements-, comment la poursuivre sans affecter les fonctions éminentes qu'elles assument au nom de l'Etat ? N'oublions pas que depuis trois ans, 700 emplois sont, chaque année, supprimés dans les préfectures et sous-préfectures sur un total de 30.000 personnes.
D'après les données transmises à votre mission par le ministre de l'intérieur, les effectifs des préfectures ont diminué de 838 entre 2009 (29.247) et 2010 (28.409), soit - 2,86 %.
Notre collègue Michèle André, rapporteure spéciale de la mission Administration générale et territoriale de l'Etat , a noté -dans son rapport d'information consacré à la RGPP dans les préfectures- que si les fonctions support consentaient le plus gros effort à ces suppressions d'emplois, suivies des fonctions « titres et SIV » (29,7 %) et « contrôle de légalité » (22,3 %), elles occupaient « des effectifs plus nombreux en préfecture que les deux autres métiers ». Constatant que « la grande majorité des préfectures connaît des problèmes pour mettre en oeuvre les nouvelles réductions d'emplois en 2010 », elle considérait que « la troisième vague de suppressions d'emplois, en 2011, se profile d'ores et déjà comme la plus pénible et la moins viable » 62 ( * ) . Et après ?
Le ministre de l'intérieur, auditionné par la commission des finances du Sénat, le 1er juin dernier, a estimé que les préfectures n'en sont pas « à l'os » : « des marges de manoeuvre sont à attendre. Le déploiement en cours de certaines applications destinées à la distribution des titres marquera notamment une nouvelle étape dans l'automatisation des tâches en même temps qu'il améliorera la qualité du service rendu ».
Dans cette voie, le groupe de travail sur les missions préfectorales, placé sous l'autorité du préfet Riffaut, devrait prochainement rendre ses conclusions, après avoir passé en revue les différentes tâches accumulées au fil du temps et apprécier leur utilité et leur mode d'exercice.
Mais quels que soient les gisements qui pourront être décelés par ces travaux, la question primordiale est celle de l'accomplissement par l'Etat de ses missions régaliennes et des moyens qu'il convient d'y affecter.
Les conclusions de la mission Riffaut permettront peut-être de décharger les agents de certaines tâches. Il est, en tout état de cause, indispensable de se poser la question des effectifs nécessaires à l'exercice des missions fixées aux préfectures dans des conditions satisfaisantes pour l'usager et la présence de l'Etat, gardien des principes de notre République.
Proposition n° 13 : Etablir l'état des effectifs, dans chaque préfecture, catégorie par catégorie, ainsi que la lite des missions qui leur sont confiées. |
4. Une réorganisation des services déconcentrés au bénéfice de l'échelon régional
Le renforcement des pouvoirs des préfets de région s'est accompagné d'une nouvelle organisation déconcentrée de l'État plus resserrée et plus intégrée, destinée à renforcer l'unité d'action de l'État, sur le modèle des « grands ministères » intersectoriels créés en 2007 63 ( * ) . Selon M. Daniel Canepa, préfet de la région Île-de-France et président de l'Association du corps préfectoral, cette réorganisation déconcentrée de l'État a pour objectif de « passer d'une administration de guichet à une administration de matière grise ».
La recherche d'unité et d'efficacité de l'organisation locale de l'État était déjà souhaitée en 2000, dans le rapport d'information de notre ancien collègue M. Michel Mercier 64 ( * ) . Des expérimentations de fusion de services déconcentrés ont été conduites ponctuellement au cours des années 2000 : on citera, pour mémoire, celle des directions régionales de l'industrie, de la recherche et de l'environnement (DRIRE) avec les directions régionales de l'environnement (DIREN), débutée dès 2004, ou encore celle des directions départementales de l'équipement (DDE) avec les directions départementales de l'agriculture et de la forêt (DDAF), fusion légitimée par la proximité de leurs missions. Ainsi, les prémices de la RéATE sont antérieurs à la RGPP.
La réorganisation, bien qu'officiellement mise en place depuis le 1 er janvier 2010, n'est pas totalement achevée, en raison de l'importance des restructurations qui requièrent le temps nécessaire pour que les relations et les méthodes de travail soient définies et que les différents acteurs -administrations, collectivités, entreprises, administrés- apprennent à travailler dans ce nouvel environnement.
Les déplacements et les auditions organisés par votre mission ont permis de relever un certain nombre de dysfonctionnements qui altèrent les résultats escomptés en matière d'efficacité et de lisibilité recherchés par l'État. Mais la nouvelle organisation de l'État est également à l'origine d'améliorations substantielles dans la lisibilité et la cohérence de son action, ainsi que l'a précisé M. Jean-Marc Rebière, président du conseil supérieur de l'administration territoriale de l'Etat, « le resserrement quantitatif s'est traduit par plus de cohérence et de réactivité ».
a) Une organisation déconcentrée de l'État autour d'un nombre réduit de nouvelles directions
La RéATE a régionalisé la majorité des services déconcentrés de l'État, laissant au niveau départemental une organisation administrative plus légère. Le principe directeur de cette réorganisation est la réduction du nombre de directions, en raison du regroupement des anciens services existants.
Au niveau régional , l'organisation des services de l'État a été recomposée autour de huit grandes entités administratives intégrées contre une vingtaine auparavant. Dans chaque région métropolitaine, à l'exception de la région d'Île-de-France 65 ( * ) qui bénéficie d'une organisation spécifique, les nouvelles directions régionales déconcentrées sont :
- une direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi ( DIRECCTE ) ;
- une direction régionale de l'alimentation, de l'agriculture et de la forêt ( DRAAF ) ;
- une direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement ( DREAL ) ;
- une direction régionale des affaires culturelles ( DRAC ) ;
- une direction régionale de la jeunesse, des sports et de la cohésion sociale ( DRJSCS ) ;
- une direction régionale des finances publiques ( DRFiP ) ;
- les services du Rectorat ;
- une agence régionale de santé ( ARS ).
Le tableau suivant présente, pour chaque nouvelle direction régionale, les anciens services déconcentrés dont elle est issue.
Les services déconcentrés régionaux avant et après la RGPP
Avant la RGPP |
Après la RGPP |
Direction Générale de la Comptabilité Publique (DGCP) |
Direction Régionale des Finances Publiques (DRFIP) |
Direction Générale des Impôts (DGI) |
|
Direction régionale du Travail, de l'Emploi et de la Formation Professionnelle (DRTEFP) |
Direction Régionale des Entreprises, de la Concurrence, de la Consommation, du Travail et de l'Emploi (DIRECCTE) |
Directions départementales du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle (DDTEFP) |
|
Mission "concurrence" de la Direction régionale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes (DRCCRF) |
|
Division développement industriel des DRIRE |
|
Services de métrologie des DRIRE |
|
Direction Régionale du Commerce Extérieur (DRCE) |
|
Délégation Régionale du Tourisme (DRT) |
|
Service du Délégué Régional au Commerce et à l'Artisanat (DRCA) |
|
Chargé de Mission Régional à l'Intelligence Économique (CRIE) |
|
Direction Régionale de l'Équipement (DRE) |
Direction Régionale de l'Environnement, de l'Aménagement et du Logement (DREAL) |
Direction Régionale de l'Industrie, de la Recherche et de l'Environnement (DRIRE) |
|
Direction Régionale de l'Environnement (DIREN) |
|
Direction Régionale de l'Agriculture et de la Forêt (DRAF) |
Direction Régionale de l'Alimentation, de l'Agriculture et de la Forêt (DRAAF) |
Direction Régionale des Affaires Culturelles (DRAC) |
|
Direction Régionales des Affaires Sanitaires et Sociales (DRASS) |
Direction Régionale de la Jeunesse, des Sports et de la Cohésion Sociale (DRJSCS) |
Direction Régionale de la Jeunesse et des Sports (DRJS) |
|
Direction Régionale de l'Agence nationale pour la Cohésion Sociale et l'Égalité des Chances (ACSé) |
|
Agences Régionales de l'Hospitalisation (ARH) |
Agences Régionales de Santé (ARS) |
Rectorat |
Chaque nouvelle direction régionale déconcentrée correspond globalement aux nouveaux périmètres ministériels, mis en place à partir de 2007. Seules deux d'entre elles font exception à ce schéma : les DIRECCTE et les DRJSCS qui sont sous la tutelle commune de deux ministères 66 ( * ) . |
Les DIRECCTE Les Directions régionales des Entreprises, de la Concurrence, de la Consommation, du Travail et de l'Emploi (DIRECCTE ou DIECCTE 67 ( * ) Outre-mer 68 ( * ) ) sont issues de la fusion de neuf anciens services déconcentrés de l'État , relevant des anciens ministères de l'Économie, de l'Industrie et de l'Emploi, d'une part, et du Travail, des Relations sociales, de la Famille, de la Solidarité et de la Ville, d'autre part, à savoir : - les directions régionales et départementales de l'emploi, du travail et de la formation professionnelle (DDTEFP et DRTEFP ), qui ont intégré depuis janvier 2009 les services de l'inspection du travail, de l'emploi et de la politique sociale agricole, de l'inspection du travail des affaires maritimes ; - les divisions développement industriel (DDI) et services métrologie des DRIRE ; - la mission « concurrence » des directions régionales de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DRCCRF) ; - les délégations régionales du tourisme (DRT) ; - les directions régionales du commerce et artisanat (DRCA) ; - les directions régionales du commerce extérieur (DRCE) ; - les chargés de mission régionaux à l'intelligence économique (CRIE). La mise en place des DIRECCTE a notamment pour objectif, à travers le pilotage coordonné des politiques publiques de développement économique, de l'emploi, du travail et de la protection des consommateurs, de : - permettre aux entreprises et aux acteurs socio-économiques de disposer d'un interlocuteur de l'État unique pour traiter des problématiques économiques et sociales ; - proposer aux entreprises un accompagnement global et continu ; - faciliter tous les aspects de la vie des entreprises à toutes les étapes de leur évolution. Dans le cadre du deuxième comité de pilotage de la RGPP du 10 juillet 2008, les DIRECCTE ont été mises en place expérimentalement dans cinq régions (Aquitaine, Franche-Comté, Rhône-Alpes, Languedoc-Roussillon et Provence-Alpes-Côte d'Azur) début 2009. Leur création a ensuite été généralisée le 15 février 2010 à l'ensemble du territoire. Les DIRECCTE sont au nombre de 26 (une par région métropolitaine et dans chaque région d'outre-mer). Les champs d'intervention des DIRECCTE Les DIRECCTE sont constituées autour de trois pôles correspondant à leurs trois champs principaux d'intervention 69 ( * ) : - le pôle 3E « Entreprises, Emploi et Économie » a pour champ de compétence le développement économique en faveur des entreprises et le développement de l'emploi et des compétences en faveur des salariés et des demandeurs d'emploi. Ses missions visent à soutenir la création, l'innovation et le développement des territoires ; développer les compétences des salariés dans le cadre d'une stratégie de croissance de l'activité et de l'emploi ; anticiper et accompagner les mutations économiques ; accompagner les jeunes, les demandeurs d'emploi et les personnes exposées aux risques d'exclusion du marché du travail, notamment en améliorant l'efficacité du service public de l'emploi ; - le pôle T « Politique du travail » a pour mission l'application de la politique du travail, ce qui recouvre aussi bien le champ de l'inspection du travail que celui de l'amélioration de la qualité du travail et des relations sociales. Ce pôle est amené à assurer le respect du droit du travail (Inspection du Travail) ; promouvoir la qualité de l'emploi, améliorer les conditions de travail et la santé au travail ; appuyer le dialogue social et le développement de la représentation du personnel ; assurer la veille et le suivi des relations individuelles et collectives de travail ; - le pôle C « Concurrence, Consommation, Répression des fraudes et Métrologie » a pour objectif le respect des règles relatives à la concurrence, à la protection économique, à la sécurité des consommateurs et à la métrologie légale, en assurant, participant, contribuant au bon fonctionnement et à la loyauté du marché, en détectant les pratiques susceptibles d'altérer le jeu de la concurrence (ententes, abus de domination, déséquilibre des relations interentreprises, etc.) ; en assurant la protection économique et la sécurité des consommateurs ; en veillant au respect de la législation et de la réglementation en matière de métrologie légale (instruments de mesure). Au niveau infrarégional , les DIRECCTE s'appuient, dans la mise en oeuvre de leurs missions relevant des pôles 3E et T, sur des unités territoriales (UT) à périmètre départemental , qui constituent le niveau de proximité des DIRECCTE pour les missions liées au contrôle de l'inspection du travail, à la mise en oeuvre des politiques du travail et de l'emploi et à la contribution au développement économique sur les territoires. Par ailleurs, les DIRECCTE travaillent en partenariat avec les directions départementales interministérielles (DDT et, selon les départements, DDCSPP ou DDCS et DDPP) sur les missions du pôle C (protection et sécurité des consommateurs, cohésion sociale) : les DIRECCTE sont chargées du pilotage de ces politiques tandis que les DDT assurent leur mise en oeuvre au niveau départemental. |
La nouvelle administration départementale de l'Etat s'organise, quant à elle, autour d'un schéma organisationnel plus resserré.
Outre les services de la préfecture et des sous-préfectures, tous les départements sont dotés de directions départementales interministérielles (DDI), au nombre de deux ou trois selon l'importance démographique des départements. Créées le 1 er janvier 2010 70 ( * ) , elles relèvent du Premier ministre en raison de leur organisation interministérielle et sont placées sous l'autorité du préfet de département.
La DDI commune à l'ensemble des départements est la direction départementale des territoires (DDT) dont la création a d'abord été expérimentée dans huit départements 71 ( * ) dès 2007 avant sa généralisation en 2010. La DDT regroupe, en reprenant leurs missions en matière de politiques d'aménagement et de développement durables des territoires, les anciennes directions départementales de l'agriculture et de la forêt (DDAF), de l'équipement (DDE) et les services « environnement » de la préfecture. Dans les départements littoraux 72 ( * ) , la DDT englobe également l'ancienne direction des affaires maritimes dont elle reprend les missions : la DDT prend alors le nom de direction départementale des territoires et de la mer (DDTM).
La deuxième DDI est la direction départementale de la cohésion sociale et de la protection des populations ( DDCSPP ). Présente dans les 46 départements 73 ( * ) de moins de 400.000 habitants 74 ( * ) , la DDCSPP reprend les compétences des anciennes directions départementales de la jeunesse et des sports (DDJS), des affaires sanitaires et sociales (DDASS) en matière d'affaires sociales, des unités départementales de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (UDCCRF) et des services vétérinaires.
Dans les départements dont la population est supérieure à 400.000 habitants 75 ( * ) ou dont les circonstances locales en matière de cohésion sociale et de politique de la ville le justifient, les missions de la DDCSPP sont confiées à deux structures :
- une direction départementale de la cohésion sociale (DDCS) , dont la mission est d'affirmer le rôle d'animateur de l'État dans les domaines de la cohésion sociale, de la jeunesse, des sports, de la vie associative et de l'éducation populaire. Elle rassemble les personnels de l'ancienne DDJS, une partie de ceux des DDASS et les personnels des préfectures intervenant en matière d'accès au logement ou de politique de la ville ;
- une direction départementale de la protection de la population (DDPP) , qui rassemble les compétences techniques, scientifiques, juridiques et économiques dont dispose l'État pour assurer ses fonctions d'information, de prévention et de contrôle dans le domaine de la protection des populations. Elle est issue du rapprochement des personnels de la direction départementale des services vétérinaires et ceux en charge de la répression des fraudes.
Aux deux (ou trois) DDI s'ajoutent les trois unités territoriales (UT) de directions interministérielles régionales, qui remplacent certaines anciennes structures départementales :
- l' UT de la DIRECCTE , composée essentiellement de l'ancienne direction départementale du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle (DDTEFP) ;
- l' UT de la DRAC , qui succède au service départemental de l'architecture et du patrimoine (SDAP) ;
- l' UT de la DREAL , composée de l'ex-subdivision de la direction régionale de la recherche et de l'environnement (DRIRE).
Leur existence permet aux ministères concernés de conserver un réseau départemental qui leur soit propre et de maintenir plus d'autonomie vis-à-vis du préfet de département. Elles dérogent ainsi à la règle générale d'intégration des services départementaux au sein des nouvelles directions départementales intégrées que sont les DDI.
Ces structures se superposent, dans les départements chefs-lieux de région, aux directions régionales dont elles dépendent. Votre mission a pu constater qu'à Orléans, coexistent la DREAL et son UT qui ne sont d'ailleurs pas regroupées dans le même bâtiment administratif. C'est pourquoi votre mission estime, pour des raisons de simplification, que les UT existantes dans les départements chefs-lieux de région, devraient être fusionnées avec leurs directions régionales, sur le modèle opéré il y a une dizaine d'années entre les DRA et DDA dans les chefs-lieux de région.
Proposition n° 14 : Fusionner les unités territoriales avec leurs directions régionales dans les départements chefs-lieux de région. |
Enfin, chaque département est également doté d'une délégation départementale de l'agence régionale de santé (ARS), l'inspection d'académie, la direction départementale des finances publiques (DDFiP) et les services chargés de la sécurité intérieure.
L'adaptation de la nouvelle organisation déconcentrée de l'État aux spécificités de l'Ile-de-France Les nouveaux services déconcentrés de la région et des départements d'Île-de-France ont été mis en place le 1 er juillet 2010 en raison des spécificités socio-économiques de ce territoire. Des textes spécifiques régissent l'organisation et les missions des services de l'État dans la région et les départements d'Île-de-France 76 ( * ) . L'organisation retenue pour la région Île-de-France, opérationnelle depuis le 1 er juillet 2010, reprend en grande partie l'organisation s'appliquant à l'ensemble du territoire métropolitain, tout en prenant en compte les spécificités du territoire francilien qui ont légitimé certaines adaptations, comme l'a rappelé M. Daniel Canepa, lors de son audition devant votre mission. Au niveau régional , une partie de l'administration déconcentrée de l'Ile-de-France est identique à celle mise en place sur le territoire métropolitain, telles que : - la direction régionale des finances publiques (DRFiP) ; - la direction régionale des entreprises, de la concurrence et de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE) ; - la direction régionale des affaires culturelles (DRAC) ; - l'agence régionale de santé (ARS) ; - les rectorats. En revanche, les missions exercées par les trois autres directions (DRAAF, DREAL et DRJSCS) font l'objet d'une organisation particulière, destinée à tenir compte de la spécificité sociodémographique des départements de la petite couronne. Ainsi, la région d'Île-de-France n'est pas dotée de DREAL dont le champ est, selon les termes de M. Daniel Canepa, « un peu excessif ». En outre, en raison de l'extrême urbanisation du territoire, les directions régionales sont également interdépartementales pour les trois départements de la petite couronne (Hauts-de-Seine, Seine-Saint-Denis et Val-de-Marne). Sont mises en place : - une direction régionale et interdépartementale de l'alimentation et de l'agriculture d'Île-de-France (DRIAAF-IF), qui exerce les missions départementales en matière d'agriculture ; - une direction régionale et interdépartementale de l'hébergement et du logement d'Île-de-France (DRIHL-IF). Alors que, au niveau national, prime la logique de l'articulation entre urbanisme et construction de logements par le biais des DREAL, la DRIHL reprend les missions liées à l'accès au logement auparavant assumées par les DDASS et DDE, en raison de la spécificité et de l'importance de la question du logement en Île-de-France ; - une direction régionale de la jeunesse, des sports et de la cohésion sociale (DRJSCS), qui exerce les compétences dévolues des DRJSCS sur le reste du territoire, à l'exception de celles liées au logement et à l'hébergement qui relèvent de la DRIHL-IF ; - une direction régionale et interdépartementale de l'équipement et de l'aménagement d'Île-de-France (DRIEA-IF), qui exerce les politiques d'équipement et d'aménagement à l'échelle du Grand Paris ; - une direction régionale et interdépartementale de l'environnement et de l'énergie d'Île-de-France (DRIEE-IF), créée pour répondre aux problématiques de développement durable et de maîtrise énergétique. A ces nouvelles directions s'ajoutent, sur le modèle qui prévaut sur l'ensemble du territoire, l'Agence Régionale de Santé (ARS) et les services des Académies et rectorats. La particularité de l'organisation déconcentrée au niveau régional est également visible au niveau départemental . Pour les départements de la grande couronne (Yvelines, Essonne, Val-d'Oise et Seine-et-Marne), s'applique l'organisation déconcentrée départementale de droit commun des départements de plus de 400.000 habitants, avec la création des trois directions départementales interministérielles. Pour les départements de la petite couronne (Hauts-de-Seine, Seine-Saint-Denis, Val-de-Marne), sont également créées trois directions départementales interministérielles : toutefois, la direction départementale de la cohésion sociale de ces départements n'exerce pas les missions liées à l'hébergement et au logement qui sont assurées par la DRIHL-IF. Pour le département de Paris, par dérogation au droit commun s'appliquant sur le reste du territoire métropolitain, la direction départementale de la protection des populations (DDPP) est placée sous l'autorité du préfet de police tandis que la direction départementale de la cohésion sociale (DDCS) relève de l'autorité du préfet de la région d'Île-de-France, préfet de Paris. |
b) La spécificité de l'organisation de l'Etat Outre-mer
Les objectifs de la RéATE ont également été adaptés aux spécificités locales Outre-mer, avec une distinction entre les collectivités d'Outre-mer et les régions et départements d'Outre-mer. La nouvelle organisation déconcentrée de l'État dans ces territoires est mise en oeuvre depuis le 1 er janvier 2011. S'agissant de la Nouvelle-Calédonie et des collectivités d'Outre-mer de la Polynésie française et de Wallis-et-Futuna, l'organisation des services de l'État est adaptée à la répartition spécifique des compétences entre l'État et les collectivités et tient compte du degré d'autonomie dont jouissent ces collectivités. |
S'agissant des DOM, rappelons que la mission commune d'information sur la situation des départements d'outre-mer 77 ( * ) regrettait que, malgré les particularités et la grande diversité de situation entre les DOM, « l'État y a reproduit, le plus souvent, le même schéma d'organisation que celui retenu pour les départements métropolitains ». C'est pourquoi l'application de la RéATE dans ces territoires était considérée par la mission comme « l'occasion de repenser l'organisation administrative » dans ces territoires, afin de substituer, à l'éparpillement de structures de tailles et de missions différentes, « impliquant une importante activité de coordination interservices au détriment des activités de pilotage et de conception, une organisation reposant sur des périmètres de compétence correspondant aux missions des ministères dans l'organisation gouvernementale ».
Aussi, pour les régions et départements d'Outre-mer, deux principes ont gouverné la réorganisation des services déconcentrés de l'État : - le maintien de l'organisation fusionnée des services régionaux et départementaux ; - la mise en place d'une organisation destinée à répondre avec plus d'efficacité et de réactivité aux demandes exprimées dans ces territoires, conformément aux conclusions du conseil interministériel de l'Outre-mer du 6 novembre 2009. Ainsi, six directions ont été créées, exerçant des missions aussi bien au niveau régional qu'à l'échelon départemental : - la direction de l'alimentation, de l'agriculture et de la forêt ; - la direction de l'environnement, de l'aménagement et du logement ; - la direction des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi ; - la direction de la mer ; - la direction de la jeunesse, des sports et de la cohésion sociale ; - la direction des affaires culturelles. S'y ajoutent l'agence régionale de santé (ARS), les services du rectorat ainsi que la direction des finances publiques (DFiP). |
La mission commune d'information sur la situation des départements d'outre-mer avait également insisté sur le fait que l'autonomie institutionnelle dont jouissent les DOM ne doit pas s'accompagner d'un désengagement de l'État mais doit, au contraire, s'accompagner d'une administration recentrée sur des fonctions d'assistance juridique et de contrôle de légalité des actes administratifs des collectivités : « [...] l'exercice plein et entier par l'État de ses prérogatives, d'autant plus si elles sont resserrées dans les domaines régaliens, n'est en tout état de cause pas inconciliable avec l'octroi d'une plus grande autonomie normative et financière des DOM ». Votre mission partage pleinement ce constat et souhaite réaffirmer, à l'instar de nos collègues, la proposition n° 7 de la MCI sur les DOM.
Proposition n° 15 : Accompagner l'autonomie accrue des DOM par un renforcement des fonctions d'expertise et de contrôle de l'administration déconcentrée. |
Le renforcement des fonctions d'expertise et de contrôle de l'administration déconcentrée de l'État dans les DOM nécessite également une politique d'affectation de personnels de l'État adaptée . Comme le rappelle la Mission d'information sur les DOM, « l'exercice de l'activité administrative outre-mer peut en effet s'avérer bien différente de la métropole », en raison d'un contexte historique, culturel et juridique très éloigné de celui du territoire métropolitain. C'est pourquoi, à l'instar de la proposition n° 8 de la mission Outre-mer, il est nécessaire de mettre en place une politique de formation adaptée pour les agents de l'État souhaitant poursuivre leur carrière dans ces territoires, afin de les sensibiliser aux particularités juridiques et opérationnelles des DOM.
Proposition n° 16 : Mettre en place une véritable formation des agents de l'administration de l'État, avant leur affectation dans les DOM, sur les spécificités juridiques et opérationnelles de ces territoires. |
Lors de son audition, Mme Marie-Luce Penchard, ministre chargée de l'Outre-mer, a précisé que la RéATE Outre-mer a été l'occasion d'ouvrir 50 nouveaux postes avec la volonté de promouvoir les ultramarins ; 7 d'entre eux ont été pourvus. La ministre souhaite également que soit menée à bien d'ici la fin de l'année, la transformation de l'indemnité particulière de sujétion et d'installation qui visait à rendre plus attractifs les postes de fonctionnaires en Guyane, à Saint-Martin, Saint Barthélémy et Saint-Pierre-et-Miquelon, en une indemnité de sujétion géographique limitée à la Guyane et à Saint-Pierre-et-Miquelon.
c) Un bilan en demi-teinte à nuancer
(1) Un sentiment d'abandon lié à un bousculement des habitudes
Tout changement impliquant de profonds bouleversements dans les relations professionnelles et les habitudes de travail, le passage d'une organisation déconcentrée ancienne à une nouvelle structuration des services de l'État nécessite un temps d'adaptation qui peut être plus ou moins long selon les acteurs concernés. Cette période de « l'entre-deux » génère, comme votre mission l'a constaté à de nombreuses reprises, un certain malaise auprès des élus locaux, notamment les maires ruraux, à travers un sentiment d'abandon . Celui-ci est lié à la régionalisation de la majorité des services déconcentrés qui conforte l' impression d'éloignement de l'État , notamment pour les territoires ruraux ou de montagne isolés des chefs-lieux de région.
Ce sentiment d'éloignement des services de l'État est considéré comme la raison principale de l' allongement des démarches administratives pour les élus locaux, qui rencontrent des difficultés pour obtenir des réponses techniques, connaître l'état d'avancement de leur projet ou pour la réalisation de certains plans, tels que les plans de prévention des risques d'inondation (PPRI). La diminution des effectifs , constatée dans les préfectures, sous-préfectures et les nouvelles directions départementales interministérielles, est également souvent invoquée pour expliquer cette impression d'abandon. Les élus locaux rencontrent des difficultés, compte tenu des réorganisations, pour identifier un interlocuteur capable de répondre à leurs interrogations et leur fournir une information de qualité.
La combinaison de l'éloignement géographique des directions déconcentrées et de la diminution de leurs effectifs contribue à la perte de compétences et de connaissance du terrain . M. Vincent Descoeur, président de l'ANEM 78 ( * ) , estime en effet que la régionalisation des services déconcentrés de l'État est synonyme d'une perte de compétences . En d'autres termes, la région, en tant que circonscription de l'État, apparaît comme un échelon trop éloigné des préoccupations locales et de la connaissance de terrain.
S'il convient de ne pas généraliser ce constat à l'ensemble des nouvelles directions déconcentrées, l' exemple de la DREAL apparaît le plus emblématique. Pilote unique des politiques publiques de développement durable, la DREAL a pour mission d'instaurer une approche transversale de celui-ci en région, conformément aux dispositions des deux « Grenelle de l'environnement ». Ainsi, leurs compétences nécessitent une connaissance de terrain précise que ne permet pas leur éloignement géographique particulièrement dans les régions les plus étendues, telles que Midi-Pyrénées ou Languedoc-Roussillon. En outre, les déplacements des agents des services des DREAL sont coûteux et générateurs de CO 2 alors qu'ils « oeuvrent pour le ministère en charge de la qualité de l'air et des transports » 79 ( * ) !
M. Jean-Jacques Brot, préfet de Vendée, a également illustré l' inadaptation des DREAL aux problématiques de terrain et a rappelé l'importance de la proximité pour apporter des réponses adaptées aux spécificités locales. Dans le département de la Vendée, quarante équivalents temps plein (ETP) ont été transférés de la DDTM de Vendée vers la DREAL des Pays-de-la-Loire en application de la RéATE. A la suite de la tempête Xynthia, la DREAL a renvoyé vers la DDTM quelques ingénieurs afin de permettre la préparation des plans d'hiver, en raison de l'urgence de la situation et de son manque de moyen. M. André Marcon, président de l'ACFCI, a indiqué à votre mission que le bilan des relations avec les DREAL apparaissait mitigé, ces dernières n'étant plus centrées sur des missions opérationnelles comme auparavant.
Ce besoin de proximité a clairement été exprimé lors des déplacements de la mission. Dans le département du Lot, notre collègue Gérard Miquel, président du conseil général, a ainsi fait valoir que les agents de la DREAL interviennent sur des dossiers concernant des équipements classés qu'ils connaissent mal du fait de leur éloignement géographique. La RéATE débouche ainsi sur une perte de proximité et des décisions moins pertinentes de la part des agents de l'Etat.
La DREAL ne peut pas être simplement une instance de programmation au niveau régional, éloignée des réalités du terrain. Elle doit au contraire être en prise directe avec les besoins des territoires dont elles doivent avoir une connaissance fine et concrète. Les travaux de votre mission ont malheureusement mis en évidence une déconnexion légitimement très mal ressentie par les collectivités territoriales.
C'est pourquoi votre mission propose une « redépartementalisation » de cette direction en raison de ses compétences qui nécessite une proximité d'action, source d'efficacité, de cohérence et de gains de temps. Rappelons que les DREAL disposent d'une unité territoriale (UT) dans chaque département, dont les missions se limitent toutefois à celles auparavant assumées par l'ex-subdivision de la direction régionale de la recherche et de l'environnement (DRIRE). Les missions des UT des DREAL pourraient être élargies à l'ensemble du secteur de compétences de la direction, en ne gardant au niveau régional qu'une compétence d'appui et les ressources nécessaires pour les problématiques régionales et spécifiques.
Proposition n° 17 : Renforcer l'échelon départemental des DREAL en élargissant les missions des unités territoriales à l'ensemble des missions de ces dernières, et laisser au niveau régional les fonctions-support. |
Par ailleurs, la mission a pu constater que l'autorité hiérarchique du préfet de région sur les DREAL, pourtant affirmé par les textes réglementaires, était inégalement admise dans la pratique. Elle juge nécessaire que ce lien hiérarchique soit clairement réaffirmé.
Proposition n° 18 : Affirmer, conformément aux dispositions réglementaires en vigueur, l'autorité hiérarchique du préfet de région sur les DREAL. |
(2) Un renforcement des contrôles non lié à la RGPP
Le sentiment d'abandon de l'État ressenti par les élus locaux est toutefois contrebalancé par l'omniprésence dénoncée des services déconcentrés à travers le renforcement de contrôles tatillons qui ne se justifient pas toujours, au détriment des missions de conseil. Le rapport d'étape de la mission temporaire sur l'organisation et l'évolution des collectivités territoriales 80 ( * ) dénonçait déjà cette conséquence de la nouvelle organisation déconcentrée de l'État. C'est pourquoi les associations nationales d'élus entendues par votre mission « regrettent le manque de confiance » des services de l'État à leur égard et souhaitent que la fonction de conseil des directions territoriales de l'Etat soient maintenues, et même renforcées, pour les petites collectivités rurales.
Cette perception semble néanmoins davantage liée à l' alourdissement des normes réglementaires auxquelles sont soumises les collectivités territoriales qu'à l'application de la RGPP stricto sensu . La « maladie de la norme » 81 ( * ) qui pèsent sur les élus locaux s'explique en effet, comme le rappelle notre collègue M. Claude Belot, par « l'atomisation du pouvoir prescriptif » et par « l'extrême diversité des secteurs concernés », et non par la réorganisation des services de l'État. C'est pourquoi notre collègue, M. Eric Doligé, a été chargé par le Président de la République d'une mission sur la révision des normes pesant sur les collectivités. Il a rendu ses conclusions et ses 268 propositions le 16 juin 2011 dans lesquelles il propose de changer en profondeur la « culture normative de l'Etat ».
(3) L'identification progressive des nouveaux interlocuteurs
Les déplacements organisés par votre mission ont permis de constater que la nouvelle organisation locale de l'État avait permis, selon les personnes rencontrées, une meilleure coordination et une lisibilité renforcée de l'action de l'État. M. Daniel Canepa a estimé, devant votre mission, que la RéATE est plutôt un succès, en raison de l'adaptation de l'organisation déconcentrée de l'État aux spécificités des territoires.
M. Jean-François Roubaud, président de la Confédération Générale des Petites et Moyennes Entreprises (CGPME), s'est déclaré satisfait de la mise en place des DIRECCTE, qui permet aux entreprises de bénéficier d'un guichet unique pour l'ensemble de leurs questions liées au respect de la concurrence et de l'application du droit du travail, ce qui est source de gain de temps dans leurs démarches administratives. M. André Marcon, président de l'Assemblée des Chambres Françaises de Commerce et d'Industrie (ACFCI) a également indiqué à votre missions que les chambres consulaires entretiennent d'excellentes relations avec les DIRECCTE. Les déplacements de votre mission dans le Loiret et en Mayenne ont permis de confirmer le bilan positif des DIRECCTE pour les acteurs du monde économique.
Toutefois, les élus locaux et les usagers rencontrent encore des difficultés d'identification des services ou des interlocuteurs compétents sur un sujet particulier. Lors du déplacement de votre mission dans le Loiret, Mme Gisèle Kessler, présidente de l'UFC 45, a expliqué à votre mission les difficultés rencontrées par les consommateurs pour identifier les nouveaux services ayant remplacé l'ancien service de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (CCRF), dont les missions sont aujourd'hui réparties entre la DIRECCTE pour la partie « concurrence et la répression des fraudes », et la DDPP ou DDCSPP pour la partie « consommation ».
Ainsi, un maire du Puy-de-Dôme constate-t-il qu' « en raison du manque de personnel dans les services préfectoraux, il faut être particulièrement motivé pour trouver à tout prix le bon interlocuteur. Un vrai jeu de piste qui frise l'enquête. »
Face à ce constat, les préfectures ont mis en place des dispositifs de communication destinés à informer et sensibiliser les différents usagers des services publics à la nouvelle organisation de ces derniers. Ainsi, selon les informations fournies par M. Jean-Jacques Brot, préfet de Vendée, à votre mission, la communication de la préfecture de Vendée s'est articulée autour :
- d'interventions ciblées auprès des partenaires habituels de l'État : communes à l'assemblée générale des maires, entreprises à l'occasion des sessions des trois chambres consulaires mais aussi les CAF ;
- de la mise à disposition du public de dépliants en libre service aux guichets des différentes administrations déconcentrées de Vendée ;
- de la mise en ligne sur le site Internet de la préfecture d'un dépliant de présentation ;
- de communiqués de presse et d'une présentation à la presse de la réforme et de ces incidences dans le département.
Ces démarches, également organisées dans le Loiret, sont appréciées par les personnes rencontrées lors des divers déplacements de votre mission. C'est pourquoi, face aux difficultés rencontrées par certains élus ou usagers, votre mission juge nécessaire de poursuivre ces opérations de communication auprès des différents usagers , afin de surmonter les réticences et craintes liées à la restructuration des services déconcentrés.
Comme l'a indiqué M. Olivier Dussopt, vice-président de l'Association des Petites Villes de France (APVF) devant votre mission, il faut laisser aux acteurs concernés par la réforme -élus locaux et nouveaux services de l'État- le temps de travailler ensemble et de définir leurs relations dans le cadre de cette nouvelle configuration initiée par la RéATE.
5. Les procédures de gestion des crédits et des ressources humaines : une logique inaboutie
Alors que la loi organique n° 2001-692 du 1 er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF) était entrée en vigueur depuis 2006, les mesures préconisées par la RGPP et la RéATE ont constitué une difficulté supplémentaire pour les gestionnaires dans les services déconcentrés. Les agents ont dû mener deux réformes majeures de front .
Dans ce contexte, on peut s'interroger sur l'articulation de la RéATE avec les nouvelles pratiques de gestion dans les services déconcentrés. D'une manière générale, il apparaît difficile de concilier la logique verticale par ministère, traditionnelle et encore largement portée par la LOLF, et la logique horizontale interministérielle, requise par la mise en oeuvre de la RéATE .
L'analyse qui suit s'appuie non seulement sur les auditions et les déplacements de votre mission mais aussi sur les conclusions du rapport n° 2706 « LOLF et réformes de l'Etat : complémentarité ou contradiction ? » de la mission d'information sur la LOLF (MILOLF) de l'Assemblée nationale (7 juillet 2010).
a) Les difficultés provenant d'une multiplicité d'interlocuteurs
L'un des écueils auxquels sont confrontés les responsables des directions régionales réside dans la multiplicité de leurs interlocuteurs en matière budgétaire et notamment s'agissant de la gestion des effectifs. Par exemple, la direction régionale des entreprises, de la concurrence et de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE) est soumise à quatre plafonds d'emplois . Ces derniers ne sont, par ailleurs, pas fongibles entre eux.
De même, les directions interdépartementales ministérielles (DDI) doivent, en règle générale, s'adresser à deux ou trois responsables de budgets opérationnels de programme 82 ( * ) . La direction départementale de la cohésion sociale et de la protection des populations (DDCSPP) se trouve même soumise à une contrainte encore plus forte puisqu'elle peut dialoguer avec cinq responsables de budget opérationnel de programme (RBOP) 83 ( * ) .
Une telle multiplicité ne va pas sans poser des difficultés très concrètes en matière d' harmonisation budgétaire . Par exemple, les dépenses prises en compte pour le calcul des dotations de fonctionnement courant ne sont pas identiques selon les programmes.
b) La complexité des modes de gestion dans le domaine des ressources humaines
Au niveau régional , les affectations des personnels dans les services sont confrontées à des contraintes particulières. Il n'est pas rare qu'un directeur doive d'abord tenir compte de la mission sur laquelle est affecté l'agent avant d'examiner son profil, sa compétence ou son adéquation au poste. Un tel biais n'est pas sans conséquence sur l'optimisation de la gestion des ressources humaines en services déconcentrés.
Lors de son déplacement dans le département du Nord, l'attention de la mission a été appelée sur l'absence de fongibilité qui fige les situations et empêche les redéploiements.
Au niveau départemental , d'autres difficultés sont rencontrées s'agissant toujours de la gestion des ressources humaines. En particulier, la gestion statutaire ne relève pas de calendrier ou de règles identiques pour les commissions administratives paritaires statuant sur les demandes de mutation, pour les règles d'avancement ou encore pour la définition du temps de travail. De même, il peut arriver que celui préconisant une formation pour un agent en DDI ne soit pas celui qui en supporte la charge financière. Un tel état de fait peut être à l'origine de freins ou de dérives dans le domaine de la demande de formation.
Ainsi, lors de son déplacement en Mayenne, la mission a pu notamment faire le constat que le préfet de département ne dispose pas de la latitude nécessaire dans la prise de décision, ce qui entrave sa réactivité .
Au total, la gestion des ressources humaines dans les services déconcentrés se révèle plutôt rigide . Alors que l'optimisation de la gestion des effectifs appellerait une approche horizontale « inter-directions », celle-ci est rendue difficile, voire impossible, du fait de la prédominance d'une gestion encore trop cloisonnée par ministère. Concrètement, il apparaît difficile de faire jouer la mobilité des agents entre des directions dépendant de ministères différents.
Pourtant, en période de contraction des effectifs du fait de la RGPP et de la règle du « un sur deux », un impératif de gestion réside dans une plus grande mobilité des personnels , afin de trouver la meilleure adéquation entre les besoins et les disponibilités.
Afin d'optimiser l'emploi des moyens humains et d'appliquer de manière différenciée la règle du « un sur deux » en fonction des besoins réels des services, votre mission estime nécessaire d'abaisser les barrières statutaires qui brident une gestion des ressources humaines pro-active. En conséquence, elle considère nécessaire de mettre en place un véritable statut unifié d'agents territoriaux placés sous l'autorité du préfet de région . En unifiant les différents statuts, tout en tenant compte de la situation individuelle des agents, de la souplesse serait donnée dans la gestion des effectifs et dans leur répartition entre les directions et les services déconcentrés.
Proposition n° 19 : Donner plus de marges de manoeuvre aux préfets de région dans le domaine de la gestion des ressources humaines à travers un statut unifié d'agents d'administration territoriale. |
c) Une autonomie réduite pour les gestionnaires au niveau déconcentré
Soumis à de fortes contraintes budgétaires dans un contexte de crise des finances publiques, les responsables de programme sont conduits, par prudence, à « flécher » les crédits qu'ils délèguent aux RBOP. Cette pratique du « fléchage » n'est certes pas nouvelle, mais on aurait pu espérer que la LOLF permettrait d'y mettre un terme. Or, tel n'est pas le cas pour l'heure.
Sans être à l'origine de cette pratique malheureusement traditionnelle, la RéATE n'a pour l'instant pas permis de lever cet obstacle qui réduit considérablement les marges de manoeuvre des gestionnaires au niveau déconcentré .
Le « fléchage » des crédits réduit fortement la possibilité de recourir à la fongibilité, mécanisme pourtant explicitement permis par la LOLF et même encouragé dans l'esprit de ce texte en vue de redonner des marges de manoeuvre aux services. De plus en plus contraints, les budgets alloués sont aussi actuellement de plus en plus rigides .
Afin de remédier à ce travers pouvant se révéler décourageant pour les gestionnaires, la MILOLF de l'Assemblée nationale a d'ailleurs préconisé dans son dernier rapport de « prohiber, par une circulaire du Premier ministre, le « fléchage » des crédits déconcentrés depuis le niveau central » . Votre mission partage cette position.
Proposition n° 20 : Mettre fin au « fléchage » des crédits qui interdit l'optimisation des moyens budgétaires au niveau régional. |
Par ailleurs, votre mission estime indispensable de redonner sa pleine mesure à l'ambition initiale de la LOLF de favoriser une plus grande interministérialité dans la gestion des missions et des programmes budgétaires . En effet, ainsi que l'a exposé M. Daniel Canepa, préfet de la région d'Île-de-France et président de l'association du corps préfectoral, devant votre mission 84 ( * ) , « le maintien d'une organisation verticale pose effectivement difficulté aux préfets de région ».
Cette ambition doit pouvoir trouver son expression au niveau déconcentré avec la création d'un programme budgétaire territorial (décliné en un BOP territorial pour chaque région) regroupant une partie des crédits abondant actuellement les enveloppes gérées par les RBOP placés sous l'autorité du préfet de région. En restaurant les marges de manoeuvre budgétaires du préfet de région, ce programme et ce BOP territoriaux contribueront à redonner un contenu concret à la notion d'interministérialité au niveau déconcentré. Sa mise en oeuvre serait rendue « opérationnelle » du point de vue de l'architecture budgétaire actuelle grâce aux outils de comptabilité analytique dont sont dotés les directions et les services déconcentrés. Elle permettrait, en outre, un meilleur contrôle parlementaire.
Proposition n° 21 : Créer un programme budgétaire territorial, décliné en un BOP par région, afin de rendre plus effective la gestion interministérielle des crédits au niveau déconcentré. |
d) Une faible prise en compte de la performance dans la gestion budgétaire
L'une des principales innovations de la LOLF a été de placer au centre de la gestion publique la notion de performance. Pour autant, actuellement, les dispositifs de rémunération des agents à la performance ne sont pas liés aux objectifs et aux indicateurs présentés dans les projets annuels de performance (PAP) 85 ( * ) et les rapports annuels de performance (RAP) 86 ( * ) . Cette rémunération dépend en revanche d'objectifs individuels fixés par l'autorité hiérarchique lors de l'entretien annuel d'évaluation.
Ni la RéATE, ni ses conséquences en termes de regroupements opérés au sein des DDI n'ont eu d'effet sur ce dispositif de rémunération à la performance . Le système se fonde actuellement sur une prime de fonction et de résultat (PFR) visant à connecter les résultats attendus des agents aux objectifs globaux pour fixer la part modulable des primes liées aux résultats. Ce dispositif devrait être généralisé à l'ensemble des services de l'Etat à compter du 1 er janvier 2012.
Au final, alors même que les réformes engagées dans le cadre de la RéATE peuvent dégager des gains de productivité et des économies substantielles, les agents restent relativement tenus à l'écart des retombées positives de la conduite de cette politique.
Proposition n° 22 : Mieux intégrer les résultats collectifs découlant de la RGPP en matière d'amélioration de la performance dans le système d'évaluation et de rémunération des agents. |
e) CHORUS : un boulet au pied des gestionnaires en services déconcentrés ?
Le système d'information financière CHORUS doit permettre à l'Etat de disposer d'un outil unifié et fiable afin de retracer en temps réel l'ensemble des opérations affectant les finances publiques. Or, depuis plusieurs années, ce projet connaît des retards et d'importantes difficultés de mise en oeuvre .
Parmi les difficultés les plus fréquemment relevées en services déconcentrés, on peut notamment citer :
- le manque de formation et d'accompagnement des utilisateurs ;
- de nombreux dysfonctionnements techniques ;
- des difficultés liées à la concomitance du déploiement de CHORUS et à la mise en oeuvre de la nouvelle organisation territoriale.
Sans être directement liées ni à la LOLF, ni à la RGPP ou à la RéATE, ces difficultés contribuent à « miner » le moral des équipes de gestionnaires, à ralentir le processus de dépense et, au final, à handicaper le pilotage des crédits.
Par ailleurs, l'allongement des délais de paiement à ses fournisseurs, du fait des dysfonctionnements de CHORUS, a été signalé à votre mission lors de ses déplacements. En Mayenne, il lui a été indiqué que CHORUS était à l'origine d'un retard de paiement de certains fournisseurs, supérieur à 30 jours, si bien que certains d'entre eux refusaient désormais de collaborer avec les services de l'Etat.
f) Les progrès accomplis dans le dialogue de gestion
Dans ce tableau d'ensemble relativement sombre, il convient cependant de relever certains progrès porteurs d'espoir pour l'avenir.
Il ressort en particulier des travaux de votre mission que le dialogue de gestion a bénéficié d'un renforcement de la collégialité, notamment par une association plus étroite du niveau départemental .
Dans cette perspective, il convient de souligner le rôle essentiel joué par le comité de l'administration régionale (CAR) animé par le préfet de région. Ce comité constitue un lieu d'échanges permettant un pilotage régional à la recherche de la meilleure adaptation que possible aux besoins et aux particularités des départements.
Proposition n° 23 : Conforter le rôle du comité de l'administration régionale (CAR) en tant qu'instance d'animation au coeur du processus de prise de décision au niveau déconcentré. |
B. UNE FUSION DES SERVICES FINANCIERS : LA NOUVELLE DIRECTION GÉNÉRALE DES FINANCES PUBLIQUES (DGFiP)
Parmi les conséquences de la mise en oeuvre de la RGPP, les collectivités territoriales doivent également appréhender la nouvelle donne des services financiers de l'Etat. Depuis 2008, la direction générale de la comptabilité publique (DGCP) et la direction générale des impôts (DGI) ont en effet été regroupées en une direction générale des finances publiques (DGFiP) unique au niveau central, avec naturellement des répercussions au niveau déconcentré.
1. La recherche d'une plus grande cohérence entre les services « d'assiette » et de « recouvrement » de l'impôt local
Au niveau déconcentré s'est engagé un processus de fusion des services déconcentrés de ces deux anciennes directions générales.
A ce titre, dans chaque département, la direction des services fiscaux (DSF) et la trésorerie générale ont regroupé leurs missions respectives dans une direction départementale ou régionale des finances publiques . Cette direction locale est placée sous l'autorité d'un administrateur général des finances publiques, qui exerce l'ensemble des compétences précédemment attribuées au directeur des services fiscaux et au trésorier-payeur général (TPG). Elle est organisée en trois pôles : un pôle « gestion fiscale », un pôle « gestion publique » et un pôle « pilotage et ressources ».
Les directions locales des finances publiques (dont le nombre total prévu est de 100 ) sont mises en place progressivement, depuis 2009 et jusqu'en 2011 , sur l'ensemble du territoire . Les huit premières de ces directions 87 ( * ) ont fait l'objet d'une préfiguration au second semestre 2008 ; elles ont été créées, formellement, en juillet 2009. Douze autres directions 88 ( * ) , désignées dès l'été 2008, ont été juridiquement créées au mois de décembre 2009. Dans le cadre d'une troisième vague de créations, 32 directions supplémentaires ont été mises en place au 1 er septembre 2010 89 ( * ) , de sorte qu'à cette date, 52 directions régionales ou départementales des finances publiques étaient déjà installées (soit plus de la moitié de la cible).
A la fin de l'année 2010 , 88 directions étaient effectivement en place, soit 10 % de plus que ce qui était initialement prévu dans le calendrier de déploiement de cette réforme .
2. Une simplification des procédures pour les usagers et les collectivités locales : le « guichet fiscal unique »
a) Un accueil fiscal rénové pour les particuliers
Cette réorganisation administrative tend notamment à la mise en place d' un « guichet fiscal unifié » pour les particuliers , offrant un « accueil fiscal » rénové qui vise à éviter aux usagers les doubles démarches en assurant à la fois l'information du contribuable et la réception des dossiers d'assiette et des demandes liées au calcul ou au paiement de l'impôt.
Ce guichet s'incarne soit dans le centre des impôts (CDI), soit dans le service des impôts des particuliers (SIP) constitué à partir du CDI et de la trésorerie situés dans une même commune, soit enfin dans la « trésorerie de proximité » pour les localités dépourvues de CDI. Les SIP, après une phase de préfiguration dans douze sites en 2008, sont progressivement installés depuis 2009 : 260 SIP étaient créés au 31 décembre 2009, 529 au 1 er septembre 2010 ; 700 à 705 devraient l'être à horizon 2012.
En outre, le recouvrement des créances fiscales présentant des enjeux spécifiques ou une complexité particulière (que ces créances concernent les particuliers ou les professionnels) est transféré par les services fiscaux à des pôles de recouvrement spécialisé (PRS), déployés de manière échelonnée depuis le 1 er décembre 2009. Au total, une centaine de PRS étaient créés à la fin de l'année 2010.
b) L'objectif d'offrir un conseil de meilleure qualité aux collectivités territoriales
Dans le cadre de la fusion DGCP - DGI, l'objectif d'un « guichet fiscal unifié » s'applique également aux collectivités territoriales avec l'instauration d'un interlocuteur unique départemental pour les élus locaux .
Ainsi, lors du déplacement de la mission dans le Lot, Mme Christiane Maréchal, directrice départementale des finances publiques, a tenu à souligner que « le percepteur n'est plus là, mais il y a toujours un interlocuteur à la direction ».
Il en est espéré un conseil de meilleure qualité et plus rapide en matière de fiscalité directe locale, notamment pour les bases d'imposition. Tenant les comptes de près de 110.000 collectivités territoriales ou établissements publics locaux, les comptables de la DGFiP ont en particulier pour mission de renforcer la sécurité juridique des élus en matière de fiscalité des activités commerciales.
Par ailleurs, le cinquième rapport d'étape du CMPP souligne le bon état d'avancement de la « dématérialisation des échanges avec le secteur public local » . Cet indicateur renvoie au renforcement de la dématérialisation des pièces échangées, à la modernisation de la chaîne de traitement des produits locaux et au développement du règlement des produits locaux par carte bancaire (notamment sur internet).
3. Des conséquences pratiques faisant toutefois l'objet d'une appréciation assez partagée
Sur le terrain, l'avis des élus locaux apparaît relativement partagé au regard de ce processus de réorganisation des réseaux financiers.
Le principe consistant à rechercher une plus grande efficacité des services ainsi qu'une plus grande cohérence entre l'assiette et le recouvrement de l'impôt local, via le regroupement des compétences, est certes accueilli favorablement.
En revanche, les conséquences pratiques sont assez discutées.
Pour certains, comme M. Vincent Descoeur, président de l'Association nationale des élus de montagne (ANEM), « la mise en place des nouvelles directions départementales des finances publiques (DDFiP) n'a pas suscité de traumatismes locaux » 90 ( * ) . Il précise qu' « aujourd'hui, on compte environ 45 communes par trésorerie ».
D'autres, en revanche, émettent certaines critiques à l'égard de cette réforme.
D'une part, est déplorée la poursuite de la disparition des trésoreries et des perceptions dans les territoires ruraux . Initié avant même la mise en place de la RGPP, ce mouvement est toutefois amplifié depuis l'application de cette politique.
D'autre part, la règle du non-remplacement d'un fonctionnaire sur deux, induite par la RGPP, fait craindre une raréfaction des cadres A , compétents en matière fiscale. Ainsi, par exemple, dans les Landes, il n'y aurait « plus qu'un cadre A pour gérer 200.000 hectares » de territoire 91 ( * ) .
En Mayenne, il a été indiqué à vote mission que le réseau du Trésor subissait une diminution de ses effectifs, avec un prélèvement de 10 à 12 agents chaque année, soit une perte de 80 ETP depuis 8 ans (460 ETP aujourd'hui). Cette diminution pose le problème du maintien de certaines succursales sur le territoire.
Proposition n° 24 : Préserver la capacité d'accompagnement des collectivités territoriales par les services déconcentrés de la DGFiP en maintenant suffisamment d'agents de cadre A en poste. |
Enfin, une autre conséquence dommageable est redoutée : du fait des réductions d'effectifs, le contrôle des collectivités territoriales pourrait devenir de plus en plus lâche avec pour conséquence un certain risque d'abus.
Une enquête demandée à la Cour des comptes par la commission des finances du Sénat Pour 2011, la commission des finances du Sénat a demandé à la Cour des comptes une enquête , en application de l'article 58-2° de la LOLF, sur la fusion de la DGCP et de la DGI . Cette investigation devrait être menée selon trois axes : 1° L'appréciation des conditions budgétaires et comptables dans lesquelles la nouvelle DGFiP a été développée . Le coût de la réforme a-t-il fait l'objet d'un chiffrage ex ante ? Comment le suivi de ce coût est-il retracé par l'administration ? Des dépassements sont-ils à craindre ? 2° L'appréciation de la gestion de cette réforme sous l'aspect administratif et managérial . La fusion se déroule-t-elle dans les conditions pratiques souhaitables, et pour des résultats concrets satisfaisants ? En d'autres termes, principalement : d'une part, le service rendu aux usagers se trouve-t-il clairement amélioré du fait de la réforme ? D'autre part, les agents des anciennes DGCP et DGI ont-ils fait l'objet de l'accompagnement nécessaire (information, formation...) ? Une attention particulière devrait être portée aux dépenses de communication interne liées à la réforme : ces dépenses ont-elles été importantes ? Leur utilité est-elle avérée ? 3° Une évaluation de l' adaptation des procédures et des méthodes de recouvrement et de contrôle de l'impôt au sein de la nouvelle DGFiP. La réforme a-t-elle été l'occasion d'un aggiornamento utile en ce domaine ? Les métiers des agents de la DGCP et de la DGI tendent-ils véritablement à se rapprocher, comme le suppose la fusion, ou des cloisonnements demeurent-ils entre les services issus de ces anciennes directions générales ? Les résultats de l'enquête de la Cour des comptes devraient pouvoir être exploités dans le cadre de l' examen du projet de loi de finances pour 2012 . L' audition « pour suite à donner » d'usage, qui mettrait en présence la Cour des comptes et l'administration, pourrait être organisée dans la première quinzaine d'octobre 2011. Source : commission des finances du Sénat |
II. LES COLLECTIVITÉS ET LA NOUVELLE APPROCHE DU CONTRÔLE DE LÉGALITÉ
Mission constitutionnelle du préfet, destinée à assurer le respect de l'Etat de droit, la réforme du contrôle de légalité ne « doit pas tout » à la RGPP.
Le resserrement de son champ d'application a été amorcé en 2004. Mais sa mise en oeuvre a été rationalisée en 2007, sous la contrainte du principe de non-remplacement d'un fonctionnaire sur deux partant à la retraite.
Le conseil de modernisation des politiques publiques (CMPP) du 12 décembre 2007 a décidé de réorganiser le contrôle de légalité pour :
1 - le centraliser en préfecture et corrélativement resserrer l'intervention des sous-préfectures sur le conseil aux collectivités locales ;
2 - réduire une nouvelle fois le périmètre de l'obligation de transmission des actes des collectivités locales ;
3 - concentrer le contrôle sur les dossiers « à risques ».
Cette réforme vise à adapter les moyens aux objectifs .
A. UN CONTRÔLE DE LÉGALITÉ RECENTRÉ EN PRÉFECTURE ET PLUS SÉLECTIF
Le regroupement recouvre une triple ambition : voulant tout à la fois améliorer le service rendu aux élus et diminuer les effectifs consacrés à cette fonction, la réforme entend s'adapter aux priorités locales en engageant les préfets de département à élaborer une « stratégie locale de contrôle », en liaison avec les chefs de service de l'Etat.
Cette grille départementale doit prendre en compte, d'une part, le programme annuel de contrôle décidé au plan national et, d'autre part, les difficultés rencontrées par les services déconcentrés sur le terrain.
Une circulaire du 10 septembre 2010 explicite ce dispositif en matière de commande publique 92 ( * ) . Guide méthodologique, elle rappelle que le contrôle doit être adossé à une stratégie -définie par le plan départemental de contrôle- « partagée avec l'ensemble des services concernés de l'Etat qui, par leur connaissance et leur expertise, peuvent aider le représentant de l'Etat dans l'exercice de sa mission constitutionnelle de contrôle de légalité ».
1. Une réorganisation en préfecture
La réforme du contrôle de légalité consiste tout à la fois en sa centralisation en préfecture et en une nouvelle réduction de son champ d'intervention.
a) Un traitement centralisé, des aménagements possibles
(1) La réorganisation du contrôle en vue d'une plus grande expertise
Effective depuis le 1 er janvier 2010 dans plus de 80 préfectures, la réorganisation du contrôle de légalité repose sur une concentration en préfecture des moyens jusqu'alors répartis entre les sous-préfectures. Elle entend ainsi homogénéiser le contrôle et améliorer l'expertise des agents à travers une spécialisation par domaine.
La transmission continue, cependant, de s'effectuer auprès du sous-préfet d'arrondissement qui demeure l'interlocuteur et l'autorité compétente tant pour la fonction de contrôle que pour celle de conseil.
La sous-préfecture doit sélectionner les actes prioritaires sur la base de la stratégie locale de contrôle élaborée par le préfet du département.
Les actes sélectionnés sont alors transmis pour traitement au service préfectoral compétent.
Mais le sous-préfet demeure le signataire des lettres d'observation adressées aux collectivités lorsqu'une irrégularité est suspectée : les lettres sont préparées par les services compétents de la préfecture, placés sous son autorité fonctionnelle. Au regard de leur dimension pédagogique et de leur rôle déclencheur d'un dialogue entre l'Etat et les collectivités, le sous-préfet demeure partie au contrôle.
Ainsi, la centralisation du contrôle n'apparaît pas altérer le rôle de proximité des sous-préfets 93 ( * ) .
Par ailleurs, les coopérations interdépartementales sont encouragées « afin de profiter d'une fertilisation croisée des expériences et des expertises » 94 ( * ) .
Un contrôle à trois niveaux La directive nationale d'orientation (DNO) des préfectures (2010-2015) explicite la réorganisation pyramidale du contrôle de légalité : 1. la sous-préfecture, interlocuteur des élus et aiguilleur : réception des actes et sélection des actes prioritaires sur la base de la stratégie préfectorale ; 2. la préfecture, organe instructeur (ou les pôles interservices, le cas échéant) ; 3. le pôle interrégional d'appui au contrôle de légalité de Lyon (PIACL) ( cf. infra ) et, en dernier ressort, l'administration centrale, pour l'expertise juridique . |
Pour le ministre du budget et rapporteur général de la RGPP, M. François Baroin, le regroupement en préfecture « pour les actes les plus importants (...) ne représente pas un retrait, mais une amélioration de la qualité du contrôle, ce qui donne aux préfectures une vision d'ensemble et une meilleure expertise sur ces matières » 95 ( * ) . Il en favorise aussi une pratique plus homogène à l'échelon de la circonscription départementale.
En effet, réunir au sein d'une même équipe les agents auparavant appelés dans les services déconcentrés, telle la DDE, à apporter leur expertise pour l'examen des actes est incontestablement source d'efficience : complémentarité des savoirs et de l'expérience et confrontation quotidienne des analyses facilitent, en l'enrichissant, le contrôle tout en générant nécessairement des gains de temps, dans la chaîne, par la proximité des équipes.
Cependant, un préalable s'impose : les préfectures doivent disposer des moyens humains correspondants.
Or, en 2009, les effectifs consacrés à la mission de contrôle et de conseil étaient estimés à 2.276 ETPT (dont 53 % pour le contrôle proprement dit). Sur la période 2009-2011, l'objectif de réduction du nombre des agents au titre de la modernisation du contrôle était fixé à 450 ETPT dont 150 au titre du volet centralisation de la réforme ( cf . circulaire du 23 juillet 2009).
Le pôle interministériel de la préfecture de la Vendée Constitué au sein de la direction des relations avec les collectivités territoriales et des affaires juridiques, il est constitué de quatre bureaux : 1- finances locales, intercommunalité et développement rural : ce bureau est aussi chargé du contrôle budgétaire (effectif : 2 cadres A ; 3 cadres B ; 3 cadres C) ; 2- contrôle de légalité : coordination du contrôle + commande publique, fonction publique territoriale, vie et fonctionnement des assemblées ; autres actes (effectif : 1 cadre A ; 3 cadres B ; 3 cadres C) ; 3- contrôle de légalité de l'urbanisme + police administrative + domaine et patrimoine des collectivités (effectif : 1 cadre A ; 2 cadres B ; 2 cadres C) ; 4- contentieux interministériel (effectif : 1 cadre A ; 4 cadres B ; 3 cadres C). Les effectifs consacrés à la fonction juridique (contrôle de légalité et contentieux) s'établissent au total à 5 cadres A + le directeur ; 12 cadres B et 11 cadres C. * L'activité du pôle interministériel en 2010 1. Contrôle de légalité - 88.990 actes reçus (commande publique, fonction publique territoriale, police, urbanisme et autres actes notamment financiers) dont 22.274 par télétransmission (25 % du total) ; - 12.191 actes contrôlés ; - 241 interventions du préfet valant ou non recours gracieux ; - 10 déférés (9 en matière d'urbanisme ; 1 en matière de fonction publique territoriale) 2. Contrôle budgétaire - Nombre de budgets primitifs des collectivités locales et établissements publics contrôlés : 181 - Nombre d'autres actes budgétaires (BA, BS, DM et CA) contrôlés : 1.409 - Nombre total de budgets primitifs reçus : 1.909 - Nombre total d'autres actes budgétaires reçus : 4.069 - Nombre d'autres actes budgétaires réformés après interventions (lettres d'observations) : 36 - Nombre d'actes budgétaires non-conformes au titre du contrôle de légalité : 36 |
Déjà, la circulaire du 17 janvier 2006 recommandait aux préfets d'opérer la mutualisation des capacités d'expertise de l'Etat par la constitution, dans les préfectures, de « cellules juridiques » associant tous les spécialistes du contrôle de légalité au niveau interministériel.
(2) Des assouplissements locaux
Le directeur général des collectivités locales, M. Eric Jalon, a indiqué à votre mission que des pôles thématiques avaient parfois été conservés en sous-préfecture 96 ( * ) .
En effet, la circulaire du 23 juillet 2009 le permet : ce choix peut tenir aux caractéristiques territoriales des circonscriptions ou tout simplement à l'organisation retenue localement.
Cette spécialisation très opportune permet de constituer des synergies favorables à une expertise génératrice d'un contrôle de qualité et d'un gain de temps produit par la connaissance des questions juridiques soulevées par les actes.
Elle requiert, cependant, le recours à un nombre suffisant de cadres et semble donc réservée aux préfectures en disposant. En outre, le cantonnement d'agents à un secteur particulier suppose le niveau d'activité correspondant et donc la transmission annuelle d'un certain volume d'actes.
L'exemple de la préfecture du Nord Dans le département du Nord, le contrôle de légalité est organisé comme suit : - une centralisation en préfecture du contrôle de légalité en matière d'urbanisme avec transfert en préfecture de deux agents de la DDTM en charge de l'expertise technique des documents d'urbanisme (application du droit des sols et planification). Le transfert est effectif depuis le 1 er mars 2010 ; - des pôles spécialisés dans les domaines de la commande publique et de la fonction publique territoriale qui s'appuient sur les capacités d'expertises détenues par les sous-préfectures. Soit : - à la préfecture : contrôle de légalité de l'ensemble des actes d'urbanisme, des actes de la fonction publique territoriale et de la commande publique de la région, de l'arrondissement de Lille et de l'arrondissement de Dunkerque ; contrôle en matière scolaire pour l'ensemble du département pour le suivi de la mise en place du service minimum d'accueil ; - à la sous-préfecture de Douai : contrôle des actes de la fonction publique pour son propre compte et celui des trois arrondissements de Valenciennes, Avesnes-sur-Helpe et Cambrai ; - à la sous-préfecture de Valenciennes : contrôle de légalité des actes de la commande publique pour son propre compte et pour celui des trois arrondissements de Douai, Avesnes et Cambrai ; - à chaque sous-préfecture : contrôle du fonctionnement des institutions locales au sein de son arrondissement. Source : préfecture du Nord. |
b) Les moyens humains du contrôle : des effectifs en baisse dans les préfectures, une assistance mutualisée au niveau national
Sur la période 2009-2011, 470 ETP auront été supprimés dans les services préfectoraux chargés du contrôle de légalité.
Toutefois, la professionnalisation de ces personnels a été accrue par un effort soutenu en matière de formation.
En outre, ils bénéficient de l'assistance du pôle interrégional d'appui au contrôle de légalité de Lyon (PIACL), créé en 2002 à deux niveaux :
- examen des questions qui lui sont soumises ;
- formations dispensées dans les préfectures.
Le délai moyen de réponse du pôle pour les dossiers qui lui sont transmis par les préfectures était de 11,4 jours en 2009, année durant laquelle il a reçu chaque mois 132 dossiers 97 ( * ) .
Le pôle dirigé par une administratrice civile assistée d'un attaché principal et d'un juriste régulateur, est subdivisé en trois chambres : chacune d'entre elles est placée sous la responsabilité d'un attaché principal et comprend trois juristes attachés. Un documentaliste et un secrétaire lui ont également été affectés, soit un effectif de 14 agents de catégorie A, 1 agent de catégorie B et 1 agent de catégorie C.
c) Une centralisation portée par les nouvelles technologies
Le regroupement, mis en oeuvre depuis début 2009, est conforté par la dématérialisation de la procédure de transmission au moyen de l'application informatique ACTES (aide au contrôle de légalité dématérialisé) qui relie les communes équipées et les préfectures.
ACTES a été mise en place par le ministère de l'intérieur sur le fondement de l'autorisation délivrée par la loi du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales.
Ce programme comporte deux aspects :
- pour les collectivités, la transmission des actes par voie électronique ;
- pour les services préfectoraux, l'informatisation de tâches répétitives et la fourniture de fonctionnalités nouvelles (émission automatique de l'accusé de réception, calcul des délais de recours, fiches de suivi des actes, ...).
Sans nier le bien-fondé de ce dispositif, on ne saurait ignorer la question de son coût pour les petites collectivités. Votre rapporteur y reviendra au chapitre II de la IIème partie du présent rapport.
d) Des ajustements à opérer
Les communes interrogées par votre rapporteur sont dans l'ensemble satisfaites du service rendu après réforme.
Cependant, certains maires déplorent la longueur des délais de retour avant l'adoption de la délibération considérée : les modifications qui, le cas échéant, doivent être apportées, impliquent le report de l'adoption de l'acte et gênent donc l'action locale.
Dans un contexte de réduction des effectifs, il convient de répondre à cette difficulté par un système simple qui permettrait de prendre en compte les contraintes de chacun : créer une nouvelle fonctionnalité de l'application pour fixer, dans l'accusé de réception délivré après la transmission de l'acte, le retour de celui-ci.
Tenant compte de la complexité du dossier, il offrirait plus de lisibilité à la collectivité.
Automatisé, il ne constituerait pas une charge supplémentaire pour les agents déjà fortement sollicités et devrait leur permettre de programmer le traitement des dossiers pour respecter le rythme des réunions des assemblées locales.
Proposition n° 25 Créer une nouvelle fonctionnalité de l'application ACTES pour préciser dans l'accusé de réception de la transmission de l'acte, le délai de retour de la préfecture. |
2. Un contrôle plus sélectif : priorisation et déconcentration
Un champ encore réduit, des priorités nationales, des adaptations locales : le contrôle réformé entend se resserrer sur les domaines les plus sensibles.
a) La réduction progressive du périmètre du contrôle
La décision du CMPP de recentrer le contrôle sur les domaines présentant des enjeux majeurs a induit un nouveau resserrement du champ de la transmission obligatoire en privilégiant trois domaines : la commande publique, l'urbanisme et le développement durable auxquels s'ajoute le respect des compétences des différentes collectivités 98 ( * ) .
Si des mesures de « déclassement » avaient déjà été ponctuellement prévues par le législateur, la loi du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales a opéré une réduction substantielle des catégories d'actes soumis à transmission.
Les lois de simplification du droit des 20 décembre 2007 et 12 mai 2009 ont poursuivi dans cette voie.
Cependant, en ce qui concerne cette dernière, le Gouvernement qui avait demandé au Parlement de bénéficier d'une délégation législative, a vu ses ambitions bridées : en effet, à l'initiative de sa commission des lois, le Sénat, dans un souci de sécurité juridique et de prévention de procédures contentieuses, en a restreint les contours en maintenant dans le périmètre de la transmission obligatoire les certificats d'urbanisme et les décisions relatives aux déclarations préalables 99 ( * ) .
Par circulaire du 13 décembre 2010, le ministre de l'intérieur a rappelé aux préfets le périmètre actuel de l'obligation de transmission et les a invités à poursuivre l'information sur ce point des collectivités locales.
La réduction du périmètre de la transmission se traduit par la décroissance, depuis 2005, du nombre d'actes reçus par les préfets, à l'exception de 2008, année du renouvellement général des conseils municipaux.
Sur les 5.567.609 actes transmis en 2009, la moitié provenait des communes (2.814.037, soit 50,5 %).
Source : 21 ème rapport du Gouvernement au Parlement sur le contrôle a posteriori des actes des collectivités locales et des établissements publics locaux (2007-2008).
b) Une déconcentration stratégique
L'adaptation locale du périmètre du contrôle n'est pas une mesure « RGPP » puisqu'elle remonte à 2006 100 ( * ) :
« Les agents qui concourent au contrôle doivent pouvoir disposer d'un cadrage clair qu'il vous [les préfets] appartient de définir en association étroite avec les responsables des services déconcentrés concernés. Cette stratégie prendra la forme d'un programme annuel de contrôle, établissant des critères de priorité et déterminant les catégories d'actes les plus sensibles faisant l'objet d'un contrôle plus approfondi. A cette fin, il conviendra de recentrer notamment votre contrôle sur les trois points suivants » (alors l'intercommunalité ; la commande publique ; l'urbanisme et l'environnement). Il s'agit donc d'une liberté encadrée visant à concilier enjeux nationaux et difficultés locales.
En revanche, la DNO en fait le soubassement du plan de formation des agents contrôleurs qui doivent acquérir l'expertise correspondant à « la technicité croissante des actes à enjeu » et nécessaire à des contrôles approfondis.
La stratégie locale du contrôle est définie sous la forme d'un programme annuel de contrôle sur la base des orientations nationales :
- fixant des critères de priorité ;
- déterminant les catégories d'actes les plus sensibles soumis en conséquence à un contrôle plus approfondi.
Il revient donc à chaque préfet d'établir son programme au regard des spécificités du département et en tenant compte du bilan de l'exercice de l'année précédente.
Dans cet exercice, le représentant de l'Etat peut dépasser le cadre prioritaire national en l'élargissant à des priorités locales : interventions économiques des collectivités locales, mesures de police des maires dans les cas de mise en cause des libertés individuelles ou de l'ordre public et recrutements de contractuels ou de collaborateurs de cabinet sont cités en exemple par le dernier rapport triennal (2007-2009) sur le contrôle a posteriori .
Le rapport rappelle que si l'ensemble des actes prioritaires doit être contrôlé, la Constitution et la jurisprudence du Conseil d'Etat en matière de responsabilité de l'Etat pour défaut d'exercice du contrôle de légalité, conduisent le préfet à « continuer à exercer un contrôle sur les autres actes non prioritaires, même si, le cas échéant, ce contrôle peut ne pas être exhaustif et s'effectuer par sondage ».
Les priorités du contrôle en
matière de fonctionnement
Définies en commun avec les sous-préfectures et les services déconcentrés, elles sont centrées sur :
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B. DES COLLECTIVITÉS À LA RECHERCHE D'UNE RÉELLE SÉCURITÉ JURIDIQUE
La réforme du contrôle de légalité -le resserrement de son champ- doit respecter l'accomplissement -par l'Etat- de sa mission constitutionnelle et garantir aux collectivités locales un « environnement sécurisé ».
La DNO 2010-2015 le rappelle, le contrôle de légalité « [...] garantit la primauté de l'intérêt général, assure la sécurité juridique des actes, et prévient de ce fait le contentieux et la judiciarisation excessive ». Elle insiste à cet égard sur le respect du droit communautaire, essentiel dans les domaines de l'environnement, de la commande publique et des aides économiques.
Loin d'être une survivance de la tutelle administrative, le contrôle a posteriori permet d'offrir aux collectivités les conditions nécessaires à la gestion quotidienne comme à la mise en oeuvre des projets sur les territoires. Les élus, d'après les échos recueillis par votre mission, semblent le concevoir et y être attachés dans la mesure où il ne freine pas la décision locale.
1. Le besoin d'un environnement sécurisé
Pour les petites collectivités, le contrôle de légalité apparaît plus comme la validation de leurs actes que comme une atteinte aux libertés locales, dans un cadre juridique sans cesse plus complexe et face à la judiciarisation croissante de la vie publique.
a) Une inflation normative, un contrôle resserré
Les collectivités sont confrontées à des réalités contradictoires qui altèrent la stabilité de leur cadre d'intervention.
Le spectre d'un Etat contrôleur résulte vraisemblablement plus de sa production normative que du mode d'exercice du contrôle de légalité.
Le contrôle des actes est destiné à assurer le respect de la loi. Il ne s'agit pas d'exercer une surveillance tatillonne des collectivités locales à seule fin de leur rappeler l'existence « écrasante » d'un Etat régalien. Chacun y a intérêt, le pouvoir central comme les entités décentralisées.
Mais celles-ci redoutent un contrôle excessif -dans un environnement législatif, réglementaire et technique, continûment plus complexe- qui paralyserait les initiatives locales. Elles le subissent dans certains secteurs particulièrement réglementés comme celui de l'environnement au moment, paradoxalement, où l'expertise de l'Etat s'affaiblit par le jeu des mesures RGPP : « celui-ci paraît se faire plus tatillon dans le contrôle de règlements toujours plus nombreux », observe l'assemblée des communautés de France. 101 ( * )
Les collectivités, confrontées à une accumulation de réformes (réforme des collectivités territoriales, réforme de la taxe professionnelle, RéATE, restructuration des différentes cartes administratives, application du « un sur deux », réorganisation du contrôle de légalité...) qu'elles ne maîtrisent pas, sont contradictoirement confrontées au retrait, sur le territoire, d'un Etat moins présent et moins protecteur. L'Etat semble vouloir compenser la logique de la décentralisation qui l'évince de certaines compétences, par une surveillance pointilleuse du respect, par les collectivités, des normes toujours plus nombreuses, complexes et coûteuses qu'il édicte.
b) Un contrôle à vertu pédagogique
La réalité oblige, cependant, à relativiser ces craintes : les directives nationales rappellent périodiquement la nécessité d'établir un dialogue avec les exécutifs locaux afin de prévenir au mieux la multiplication des contentieux et de s'en tenir à l'essence même du contrôle : protection des libertés individuelles, primauté de l'intérêt général, sécurité juridique des actes.
Par principe, le contrôle doit s'inscrire dans un dialogue entre l'Etat et la collectivité pour régler des questions de fond. C'est pourquoi votre mission est aussi attachée au rôle du sous-préfet pour restituer aux élus locaux les résultats du contrôle de légalité, quand bien même celui-ci est effectué en préfecture.
Comment comprendre autrement les directives adressées aux préfets par le ministre de l'intérieur dans une circulaire du 17 janvier 2006 ? « Vous vous efforcerez avec vos collaborateurs du corps préfectoral, d'informer par un entretien personnalisé l'autorité locale compétente avant l'envoi d'une lettre d'observations. De manière générale, vous devez privilégier l'examen des règles de fond plutôt que des règles de forme en veillant à proportionner le contrôle aux enjeux du dossier ».
Le principe même du contrôle apparaît d'ailleurs à la grande majorité des élus comme une protection. En effet, la procédure d'examen des actes les assure soit de la conformité au droit de leurs décisions, soit leur permet d'en connaître les imperfections juridiques.
Or, la nouvelle stratégie du contrôle bâtie autour du principe de priorisation, peut être perçue par certains élus comme une moins grande protection. Ce sont évidemment les collectivités les plus fragiles en expertise qui éprouvent cette menace. Les grandes collectivités -régions, départements et grandes villes- disposent des moyens juridiques de faire face à l'absorption des flux de normes législatives et réglementaires ; elles se sont en général dotées de services juridiques « charpentés ».
En revanche, par l'exercice de cette mission constitutionnelle, les services de l'Etat assument cette fonction pour les petites communes, dépourvues des compétences nécessaires
Aujourd'hui, à la suite de la réorganisation du contrôle qui accompagne des réductions successives du champ des actes transmissibles, certains élus dénoncent un affaiblissement du dispositif et un relatif abandon : « On sait qu'il [le contrôle] est désormais aléatoire, d'où un sentiment d'insécurité [...] longtemps, les sous-préfectures ont incarné, pour les communes, la règle et la compétence. Aujourd'hui, l'un et l'autre versants sont perdus 102 ( * ) ».
Au-delà du maintien de l'Etat territorial, la réponse aux préoccupations soulevées par les élus, s'inscrit également dans une utilisation raisonnable du pouvoir normatif qui doit prendre le temps nécessaire pour mesurer l'impact de la règle projetée.
Rappelons que l'AMF a évalué à 400.000 le nombre de normes techniques que les élus locaux doivent appliquer. Aujourd'hui, une réflexion est en cours après le moratoire décidé par le Président de la République le 20 mai 2010, comme votre rapporteur l'a rappelé précédemment.
L'AMF, l'ADF et l'ARF, saisies par le Premier ministre, lui ont remis leur contribution au cours de l'automne dernier. Le Président de la République a chargé notre collègue Eric Doligé d'une mission de simplification des normes et parallèlement a souhaité que le Sénat participe collectivement à cette réflexion ; le Président du Sénat, M. Gérard Larcher, a demandé à la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation de formuler des propositions sur la base notamment des contributions des commissions permanentes préalablement consultées.
Les conclusions de la délégation présidée par notre collègue Claude Belot proposent une série de solutions complémentaires : responsabiliser les prescripteurs, instituer dans chaque préfecture un « correspondant normes » clairement identifiable par les collectivités territoriales, harmoniser les dates d'entrée en vigueur de ces règles, en revenir à la fonction première de la norme -un outil au service d'objectifs-, élargir le champ des missions et les moyens de la commission consultative d'évaluation des normes 103 ( * ) .
Pour sa part, le rapport sur la simplification des normes applicables aux collectivités territoriales remis, le 16 juin 2011, par M. Eric Doligé au Chef de l'Etat, « plaide pour une évolution de la méthode d'élaboration des normes applicables aux collectivités locales » et « formule 268 propositions de simplification du droit applicable aux collectivités territoriales, guidées par la volonté de réduire les coûts supportés par les collectivités et de faciliter la réalisation de leurs projets » d'après le communiqué de la présidence de la République.
Cet environnement complexe exige de la part de l'Etat prescripteur un accompagnement identifié des collectivités pour la plupart désarmées techniquement.