b) Le retour inquiétant de l'héroïne
Le niveau d'expérimentation de l'héroïne dans la population générale, en France, reste faible : il ne dépasse pas les 1 %, que ce soit chez les 15-34 ans (0,9 %) ou les 35-64 ans (0,7 %). Le nombre d'expérimentateurs d'héroïne en France parmi les 12-75 ans est ainsi estimé à 360 000 personnes, ce chiffre apparaissant stable depuis le début des années 1990. En revanche, parmi les jeunes âgés de dix-sept ans, l'expérimentation de l'héroïne est en hausse depuis 2005, s'élevant à 0,8 % chez les filles et à 1,4 % chez les garçons. À la différence des années 1980, les usagers fument ou « sniffent » l'héroïne beaucoup plus qu'ils ne se l'injectent.
En France, la partie la plus visible de la population consommatrice d'héroïne, constituée majoritairement d'hommes de plus de trente ans, est composée de personnes fragiles qui fréquentent les structures dites de première ligne consacrées à la réduction des risques (boutiques, programmes d'échange de seringues) et les centres de soins spécialisés pour les toxicomanes. Un rajeunissement des populations affectées serait néanmoins observé, le docteur William Lowenstein ayant évoqué « de nouveaux usages chez des jeunes de dix-sept à vingt-cinq ans, souvent extraordinairement précarisés » (1) .
Depuis quelques années en effet, on assiste à l'émergence de nouvelles populations d'usagers . L'Observatoire français des drogues et des toxicomanies (OFDT) les classe en trois groupes distincts :
- des usagers en situation précaire, évoluant entre le milieu festif « techno » et les zones urbaines. Il s'agit d'une population jeune, le plus souvent en situation d'errance, volontaire ou non ;
- des usagers plus intégrés socialement, qui fréquentent ce même milieu festif, essentiellement consommateurs de produits stimulants, qui prennent de l'héroïne en complément afin de moduler les effets de ceux-ci ;
- des usagers ayant une pratique occasionnelle du produit, que ce soit dans un contexte festif (clubs, discothèques) ou privé.
M. Franck Zobel, rédacteur scientifique et analyste des politiques en matière de drogue à l'Observatoire européen des drogues et des toxicomanies (OEDT), a clairement rendu compte de cette évolution : « les problèmes liés à l'héroïne ont très sévèrement augmenté en Europe durant les années 1980 et 1990, avant de se stabiliser puis de diminuer vers la fin des années 1990. En revanche, depuis 2003 et 2004, on observe, de façon presque choquante, une inversion de tendance, la consommation cessant de diminuer avant de repartir à la hausse » (26 ( * )) .
* (26) Audition du 19 janvier 2011.