B. UNE CRISE AGGRAVÉE PAR UNE MAUVAISE CONJONCTURE EN 2011
1. Une filière qui subit la volatilité des prix agricoles
a) La volatilité, phénomène nouveau
La volatilité accrue des prix agricoles accompagne la fin des régulations mises en place par la PAC. Le Sénat a d'ailleurs adopté récemment une résolution réclamant une meilleure régulation, afin de faire face aux effets délétères sur l'agriculture des mouvements incontrôlés des prix 12 ( * ) .
Le G20 agricole qui s'est tenu à Paris en juin 2011 a permis l'adoption de mesures améliorant la transparence des marchés et la coordination entre États, qui constituent un début de régulation.
La volatilité se nourrit des incertitudes. Elle est amplifiée par la spéculation financière sur les marchés financiers dérivés, mais elle résulte surtout des déséquilibres réels sur les marchés de matières premières agricoles.
La demande croissante de céréales, dans un contexte où la production est insuffisante, du fait notamment d'évènements climatiques défavorables, a ainsi nourri la montée des prix du blé, depuis la fin 2010, alors que la crise économique, entraînant une contraction de la demande alimentaire, avait mené exactement au phénomène inverse en 2008 et 2009.
b) La dépendance au coût de l'alimentation animale et autres charges externes
Ces mouvements erratiques sur les marchés fragilisent l'élevage bovin, qui dépend d'approvisionnements extérieurs, notamment pour l'alimentation du bétail.
Certes, la fragilité du secteur est moindre en viande bovine que pour les élevages de porcs ou de volaille, pour lesquels l'alimentation est une composante prépondérante du coût de production, jusqu'à 60 % pour les porcs.
Néanmoins, les évènements économiques récents montrent qu'il est nécessaire d'améliorer le degré de résilience des exploitations face à des chocs externes.
Plus largement, la tendance à long terme à l'augmentation des coûts de production en agriculture rend l'élevage de plus en plus fragile. L'indice des prix d'achat des moyens de production agricole (IPAMPA) est ainsi en progression régulière depuis une décennie.
Source : Fédération nationale bovine .
2. La sécheresse de 2011 : une catastrophe dont la filière n'avait pas besoin
Le mois d'avril 2011 a été marqué par un phénomène climatique exceptionnel : la quasi absence de pluies, combinée à des températures anormalement élevées, a plongé le pays dans une situation de sécheresse, à un moment où la pousse de l'herbe était sensée être la plus forte.
Les éleveurs subissent un double effet : d'une part, les prairies ne suffisent plus à l'alimentation des bovins mis à l'herbe et, d'autre part, la pousse sur les prairies destinées au fauchage est insuffisante, entraînant un déficit futur de stocks de fourrages .
La situation est certes variable selon les zones géographiques, mais peu de régions d'élevage ont échappé au phénomène. Les précipitations intervenues fin mai et en juin pourraient permettre une repousse progressive de l'herbe, mais certains éleveurs ont déjà été contraints de puiser dans les stocks d'hiver pour alimenter le bétail, dans un contexte où les prix des fourrages grimpent.
D'après l'Institut de l'élevage, la sécheresse aurait occasionné la perte de 15 millions de tonnes de fourrages, soit 1 tonne de matière sèche par unité gros bovin (UGB), cheptel laitier et cheptel bovin-viande confondus 13 ( * ) .
L'impact de la sécheresse est difficile à mesurer instantanément. En réalité, un tel évènement climatique entraîne une décapitalisation, les éleveurs craignant de ne plus disposer de rations suffisantes pour l'engraissement des animaux.
Celui-ci est également ralenti, et le phénomène de croissance compensatrice, que l'on observe en cas de baisse temporaire des rations, sur quelques semaines, est susceptible de moins jouer.
Face à la sécheresse, le Gouvernement a décidé de permettre le fauchage des jachères et a encouragé la mise en place d'échanges de paille entre éleveurs et céréaliers, en facilitant la logistique nécessaire pour le transport du fourrage. La lutte contre les effets de la sécheresse passe également par un report des échéances de remboursement des éleveurs qui avaient bénéficié du plan exceptionnel de soutien à l'agriculture (PSEA) et la mobilisation du fonds de garantie des calamités agricoles, appelé désormais fonds national de garantie des risques en agriculture.
Il est trop tôt pour mesurer les effets de la sécheresse de 2011 sur les résultats économiques de la filière mais ceux-ci seront probablement significatifs. La sécheresse vient aggraver une situation déjà dégradée.
* 12 Pour une analyse du phénomène et de ses effets, voir le rapport n° 623 (2010-2011) de M. Marcel Deneux, fait au nom de la commission de l'économie, du développement durable et de l'aménagement du territoire, déposé le 15 juin 2011, sur la proposition de résolution, établie en application de l'article 73 quinquies du Règlement, sur la volatilité des prix agricoles.
* 13 Source : Lettre de conjoncture de l'Institut de l'élevage, numéro 214, juin 2011.