CONCLUSION
Le programme A400M a connu des débuts très difficiles. Des leçons doivent impérativement en être tirées pour les prochaines coopérations européennes. En particulier, le principe du juste retour doit être définitivement abandonné et liberté doit être donnée aux industriels contractants de choisir leurs sous-traitants en fonction de leurs compétences et non pas de leur nationalité. Il ne s'agit pas là d'un voeu pieu mais d'un principe vital. Sans quoi, les Etats européens ne pourront jamais tirer les bénéfices de leurs coopérations. Or de telles coopérations sont indispensables car la voie en solitaire est désormais fermée.
Aujourd'hui, le programme a été remis sur les rails. Il devrait respecter le nouveau calendrier de livraison et l'avion devrait satisfaire aux exigences contractuelles. L'A400M sera le meilleur avion de transport militaire au monde parce que le seul d'une telle dimension disposant à la fois de capacités stratégiques et tactiques.
L'entrée dans cette nouvelle phase du programme, plus satisfaisante, est à mettre au crédit des industriels, systémiers, sous-traitants, petites et moyennes entreprises, grands motoristes européens qui ont réagi collectivement de manière exceptionnelle par rapport à la situation qui prévalait en 2009.
Il faut également saluer les nations qui ont su, dans une période budgétaire difficile, faire preuve d'une volonté commune et consentir les efforts nécessaires pour mener ce programme à son terme. Toute réduction supplémentaire du nombre d'avions commandés pour des raisons budgétaires remettrait en cause ces efforts. La France a été parmi les Etats qui n'ont jamais fait varier la cible du programme, preuve de la justesse de ses choix. Elle a assumé de facto le rôle de nation leader qui aurait dû normalement incomber à l'Allemagne compte tenu de la cible initiale du programme, mais aussi parce qu'elle sera la première à employer cet avion et à donner le ton sur le plan opérationnel et technique.
Pour autant, la satisfaction légitime que l'on peut tirer de la livraison imminente des appareils contraste avec les inquiétudes que l'on peut avoir quant à la mise en place d'un soutien commun.
Ces inquiétudes ne tiennent pas au fait que l'on ait abandonné l'idée initiale d'un contrat global sur les moteurs et la cellule pour la phase de soutien pérenne. Un tel contrat eût grandement facilité la vie des Etats clients et il aurait été la garantie d'une évolution commune. Mais il aurait généré des surcoûts importants. Au demeurant, le fait d'avoir des contrats séparés, l'un pour la cellule, l'autre pour le moteur, est la règle dans l'aéronautique civile et militaire.
La séparation des prestations reste néanmoins complexe dans le cadre de l'A400M dans la mesure où les Nations n'ont pas conclu de contrat direct avec les motoristes pour le développement et qu'elles devront donc s'assurer que les dispositions existantes en termes de soutien du moteur dans le contrat de développement ne seront pas affaiblies par une séparation des contrats.
En outre, il est essentiel que les nations arrivent à cela de façon commune et non pas en ordre dispersé, ne tenant compte que de leurs seuls calendriers ou de leurs intérêts du moment. On ne peut se résoudre à accepter qu'aucun stock commun européen de pièces de rechanges ne soit en cours de constitution.
Les deux tiers des économies à attendre d'un programme européen de cette ampleur proviennent de la capacité des Etats à mettre en place un soutien commun et des stocks communs. Les nations clientes doivent donc faire de nouveaux efforts afin de remédier à cette situation dans les meilleurs délais. Cela passera nécessairement par une action diplomatique au plus haut niveau. Cela passera également par la mise en commun des centres d'excellence dont chacun dispose. De ce point de vue, la France, avec ses AIA (ateliers industriels de l'aéronautique) a des atouts à proposer. Que les autres nations fassent valoir les leurs.
Cette action concertée est d'autant plus nécessaire que la mise en place de l'EATC a changé la donne et pousse en faveur d'une harmonisation des règles d'emploi.
L'Europe « à la carte » est peut être utile pour progresser face aux blocages. Mais on en trouve vite les limites. Est-il rationnel de mettre le soutien en commun avec le Royaume-Uni qui ne fait pas partie de l'EATC et le contrôle opérationnel avec les pays fondateurs de l'EATC ? La raison commande aux Européens de terminer ce programme comme ils l'ont commencé : ensemble.
Enfin, le moment semble venu de donner un nouvel élan à l'harmonisation des règles de sécurité aérienne européenne militaire, à l'instar de ce qui a été fait dans le domaine civil et de considérer sérieusement les voies et moyens de la mise en place d'une autorité européenne, susceptible de faire gagner à tous les Etats du temps et de l'argent. Ces règles constitueront une référence internationale et un atout exceptionnel pour l'Europe.
Telles sont les conclusions de vos rapporteurs.