B. L'IMPLICATION LIMITÉE DES COLLECTIVITÉS LOCALES
Le législateur a souhaité marquer que le service public pénitentiaire n'était pas l'affaire exclusive de l'administration pénitentiaire.
Il a entendu consacrer dans la loi l'ouverture de la prison à d'autres intervenants en particulier les collectivités territoriales.
Sans doute la loi rappelle-t-elle que le service public pénitentiaire est assuré par l'administration pénitentiaire sous l'autorité du garde des sceaux. Elle confirme de même la distinction, introduite par la loi n° 87-432 du 22 juin 1987 relative au service public pénitentiaire, entre, d'une part, les fonctions de direction, de surveillance et de greffe des établissements pénitentiaires réservées à l'administration pénitentiaire et, d'autre part, les autres fonctions susceptibles d'être confiées à des personnes de droit public ou privé bénéficiant d'une habilitation dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat (art. 3) 7 ( * ) . La loi souligne cependant que le service public pénitentiaire s'exerce avec « le concours des autres services de l'Etat 8 ( * ) , des collectivités territoriales, des associations et d'autres personnes publiques ou privées ».
La référence aux collectivités territoriales constitue un des éléments novateurs de la loi. Le rôle qui leur est reconnu se traduit plus particulièrement par :
- la participation aux instances chargées de l'évaluation des établissements ainsi que du suivi des politiques pénitentiaires dans des conditions fixées par décret ;
- la prise en charge, pour une durée expérimentale de trois ans, par les régions, de l'organisation et du financement des actions de formation professionnelle continue des personnes détenues.
1. Une visibilité réduite au sein des instances d'évaluation
Ces dispositions n'ont pas réellement, à ce stade, produit d'effets. Certes le décret n° 2016-1635 du 23 décembre 2010 a cherché à donner une plus grande visibilité à la participation des collectivités territoriales en les citant au premier rang des institutions associées au « conseil d'évaluation » appelé à se substituer, auprès de chaque établissement, à la commission de surveillance. Il élargit la composition de cette instance à la région alors que les collectivités locales n'étaient jusqu'alors représentées qu'à l'échelle du département et de la commune. Le conseil d'évaluation comprend ainsi le président du conseil général, le président du conseil régional ainsi que les maires des communes sur le territoire desquelles est situé l'établissement. Chacune de ces autorités peut se faire représenter, faculté qui, selon les témoignages recueillis par vos rapporteurs, semble largement utilisée. L'ancien article D. 180 du code de procédure pénale prévoyait plus simplement, s'agissant du département, que le conseil général élisait parmi ses membres un représentant au sein de la commission de surveillance.
Par ailleurs, l'article 8 de la loi pénitentiaire impliquait également que les collectivités fussent représentées au sein de l'observatoire indépendant chargé d'évaluer notamment les taux de récidive par établissement pour peine. Les dispositions réglementaires relatives à l'organisation de cette instance n'étant pas encore prises, l'intention du législateur sur ce point ne s'est pas concrétisée (voir supra ).
2. Une participation embryonnaire à la formation professionnelle (art. 8)
La loi n° 2011-525 du 17 mai 2011 de simplification et d'amélioration du droit a assoupli les conditions de transfert des actions de formation professionnelle des personnes détenues, d'une part, en portant la durée de l'expérimentation de trois à quatre ans, d'autre part, en permettant la mise à disposition du personnel contractuel en charge de la formation professionnelle dans les directions interrégionales du service pénitentiaire.
L'expérimentation de ce dispositif a rencontré un obstacle imprévu : la nécessité d'indemniser les partenaires privés des établissements en gestion déléguée compétents en matière de formation. Il a donc été décidé de borner le champ de l'expérimentation aux seuls établissements en gestion publique. Cette évolution a conduit la région Provence-Alpes-Côte d'Azur, initialement intéressée à revenir sur son accord de principe. D'autres régions, comme le Nord-Pas de Calais, ont estimé que le périmètre même des actions de formation transférées apparaissait trop restrictif (exclusion, par exemple, du bilan de compétences que l'Etat entend se réserver). En définitive, à ce jour, seules les régions Pays de la Loire et Aquitaine se sont engagées dans l'expérimentation. La région Aquitaine a indiqué qu'elle consacrerait en 2011 1,2 million d'euros, dont un million d'euros de crédits d'Etat, à cette opération triennale qui devrait bénéficier à près de 2.000 détenus.
Chacune de ces régions a signé une convention nationale avec la direction de l'administration pénitentiaire 9 ( * ) . Au cours de l'expérimentation, l'Etat assure un accompagnement financier des régions sous la forme, d'une part, d'une contribution du ministère de la justice aux dépenses des personnels affectés à l'expérimentation et, d'autre part, du financement par le ministère du travail et de l'emploi des crédits de fonctionnement et de rémunération des stagiaires.
Les actions de formation sont éligibles aux crédits du programme opérationnel « compétitivité régionale et emploi » du Fonds social européen (FSE) 10 ( * ) .
Un comité de pilotage national réuni le 16 décembre 2011 a dressé un premier bilan de cette expérimentation. Selon les éléments communiqués à vos rapporteurs par la direction de l'administration pénitentiaire, elle a concerné sept établissements pénitentiaires en gestion publique dans la région Aquitaine (667 entrées en formation en 2011 - 77 % des personnes concernées ayant plus de 25 ans et 58 % un niveau à l'entrée en formation inférieur au niveau 5), 4 établissements en gestion publique dans la région Pays de la Loire (359 entrées en formation en 2011 - 60 % des personnes concernées ayant plus de 25 ans et 70 % un niveau de qualification à l'entrée en formation inférieure au niveau 5) 11 ( * ) .
Vos co-rapporteurs souhaitent que les régions puissent également s'impliquer dans la formation professionnelle des personnes détenues dans les établissements en gestion privée. Les marchés négociés avec les partenaires privés devraient prendre en compte cette évolution ( recommandation n° 2 ).
* 7 Le décret n° 87-604 du 31 juillet 1987 relatif à l'habilitation des personnes auxquelles peuvent être confiées certaines fonctions dans les établissements pénitentiaires a complété l'article R. 79 du code de procédure pénale (22°) afin d'indiquer que l'administration pénitentiaire obtient communication du bulletin n° 2 du casier judiciaire au titre des habilitations qu'elle délivre aux personnes susceptibles d'intervenir dans les établissements pénitentiaires ainsi que pour le recrutement de ces personnels.
* 8 En particulier de l'Education nationale et, depuis la loi du 18 janvier 1994, de la santé, responsable de l'organisation des soins en détention.
* 9 Ces conventions nationales ont fait elles-mêmes l'objet de déclinaisons régionales signées par le directeur interrégional et le préfet des régions concernées.
* 10 Les modalités de cofinancement communautaire sont examinées localement par le conseil régional et le préfet de région, autorité de gestion déléguée du programme opérationnel FSE.
* 11 La région Pays de Loire conduit plus particulièrement des actions visant au développement de la validation des acquis de l'expérience et à la mobilisation du programme européen Grundtvig (programme destiné à renforcer la possibilité pour les adultes de se former tout au long de leur vie).