2. Préserver l'équilibre de 1898
Quelle que soit la solution retenue pour financer la dette, il importe que deux principes soient respectés sous peine de dénaturer la branche et de mettre en cause sa pérennité.
a) Maintenir le financement par les entreprises
Ainsi que le soulignait le président de la branche AT-MP lors de son audition par la Mecss, la théorie du risque professionnel et la mise en place de la présomption d'imputabilité en 1898 constituent l'acte fondateur de la sécurité sociale en France.
Vos rapporteurs ont pu constater que la volonté de mettre en place des mesures de prévention efficaces et une indemnisation juste des victimes anime tous les membres de la CAT-MP. Elle est de ce fait l'un des lieux privilégiés du dialogue social dans notre pays. Toucher à l'équilibre du système mis en place en 1898 et en 1945 c'est risquer de remettre en cause ce dialogue social, ce qui se ferait nécessairement au détriment des entreprises et des salariés.
L'idée ancienne mais périodiquement renouvelée de remplacer le financement de la branche par les entreprises par un financement reposant en partie sur la solidarité nationale afin de garantir aux victimes une indemnisation intégrale de leurs préjudices 29 ( * ) doit donc être considérée avec prudence.
Les conclusions de la commission présidée par Rolande Ruellan sur l'indemnisation des victimes auront donc une importance particulière pour l'avenir de la branche.
b) N'imputer à la branche que les dépenses qui lui incombent
En dehors de la période actuelle d'accumulation de dette, le système de financement de la branche AT-MP apparaît comme relativement dynamique. S'ils estiment largement infondées les critiques adressées au principe des transferts actuellement à la charge de la branche, vos rapporteurs partagent néanmoins l'inquiétude exprimée par plusieurs partenaires sociaux. En effet, les besoins de financement de l'assurance maladie et de la branche vieillesse ne doivent pas devenir en eux-mêmes des causes de transfert de charge vers la branche AT-MP. Celle-ci a vocation à rester responsable des seuls dommages subis par les victimes du travail relevant du régime général de sécurité sociale.
Le désengagement de l'Etat des fonds destinés aux victimes de l'amiante est essentiellement lié à des soucis d'économies budgétaires. Vos rapporteurs regrettent ce choix et rappellent la préconisation n° 11 du rapport de la mission commune d'information du Sénat relatif au drame de l'amiante en France : « déterminer les parts respectives de l'Etat et de la sécurité sociale au financement des fonds par l'application d'une clé de répartition stable dans le temps ; la contribution de l'Etat pourrait être fixée à 30 % » 30 ( * ) .
Vos rapporteurs seront attentifs à ce que les futurs PLFSS tiennent compte de la nature de la branche pour qu'elle assume, au travers de ses modalités spécifiques de financement, les charges qui lui incombent, mais uniquement celles-ci. D'autres questions au premier rang desquelles figure l'uniformisation du traitement des demandes d'indemnisation sur l'ensemble du territoire et la prise en compte adéquate de toutes les pathologies liées au travail figurent au coeur des préoccupations des partenaires sociaux. Elles devront également être abordées.
* 29 Cf. notamment sur la logique du financement de l'indemnisation intégrale de victimes Geneviève Viney, « De la responsabilité personnelle à la répartition des risques », Archives de philosophie du droit, Tome 22, 1977.
* 30 « Le drame de l'amiante en France : comprendre, mieux réparer, en tirer des leçons pour l'avenir », Rapport d'information de Gérard Dériot et Jean-Pierre Godefroy, fait au nom de la mission commune d'information présidée par Jean-Marie Vanlerenberghe, n° 37 (2005-2006), 26 octobre 2005.