C. COMMUNICATION DU SECRÉTAIRE GÉNÉRAL DU CONSEIL DE L'EUROPE
Le Secrétaire général du Conseil de l'Europe est invité par l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe à communiquer devant elle lors de chaque première partie de la session annuelle.
M. Thorbjørn Jagland a introduit son propos en rappelant les quatre crises auxquelles était confronté le continent européen depuis quelques années : crise économique, crise des institutions européennes jugées incapables de juguler la première, crise de confiance dans les pouvoirs publics en général et in fine crise des valeurs, marquée par l'absence de réaction claire face à la montée des extrémismes et des nationalismes. Afin de répondre aux défis posés par ces crises, le Conseil de l'Europe doit défendre certaines priorités clés.
La première vise la lutte contre la corruption et toutes les formes d'abus de pouvoir. Elle implique un pouvoir judiciaire fiable, efficace et indépendant. Elle induit l'existence de médias libres et indépendants, susceptibles d'incarner un véritable contrepoids. Elle nécessite des parlements forts, au sein desquels l'immunité des membres ne se confonde pas avec l'impunité. Le Conseil de l'Europe dispose avec le GRECO et MONEYVAL de deux outils permettant de combattre efficacement la corruption, à condition néanmoins que les États suivent leurs recommandations.
La deuxième priorité concerne la lutte contre l'intolérance et le discours de haine. Ce combat est quotidien et vise tous les pans de la société.
La troisième priorité concerne la protection des minorités. L'accent doit notamment être porté sur la situation des Roms, sans pour autant négliger les autres victimes de discriminations en raison de leurs appartenances religieuses ou de leur identité sexuelle.
La consolidation de l'espace juridique européen constitue la dernière priorité. Le Secrétaire général a relevé que sur le continent européen, un certain nombre de territoires n'étaient pas couverts à l'heure actuelle par les normes et mécanismes du Conseil de l'Europe : Biélorussie, Kosovo et zones de conflits gelés. L'implication du Conseil de l'Europe doit y être plus grande, en accord, le cas échéant, avec les Nations unies. L'adhésion de l'Union européenne à la Convention européenne des droits de l'Homme doit également participer de cet effort de consolidation.
Afin de répondre à ses priorités, le Conseil de l'Europe doit, aux yeux de son Secrétaire général, poursuivre la modernisation de ses méthodes et de ses outils. Il doit également renforcer son partenariat avec l'Union européenne, les Nations unies, l'OSCE et les ONG les plus réputées et les plus importantes. La crédibilité de l'Organisation est également en jeu dès lors qu'un certain nombre d'États membres ne reconnaissent pas clairement les lacunes dont souffre leur pays en matière de démocratie ou de droits de l'Homme. Il convient donc, selon M. Jagland, de les soumettre à une pression croissante.
Mme Josette Durrieu (Hautes-Pyrénées - SOC) a souhaité interroger le Secrétaire général sur le rôle que pourrait jouer l'Europe au Mali :
« L'Union européenne a reçu le prix Nobel de la paix, grâce à vous sans doute. Or la France est directement engagée dans le conflit du Mali. Elle a répondu à l'appel d'urgence de ce pays en attendant que les forces africaines soient prêtes à affronter un adversaire terrible. Les djihadistes sont des terroristes redoutables et bien armés.
Ce danger menace-t-il l'Europe ? L'Europe doit-elle s'engager plus concrètement ? »
Il lui a été répondu :
« Ce sujet ne relève pas des domaines de compétence du Conseil de l'Europe. Je ne peux donc m'exprimer qu'à titre personnel et dire qu'il faut toujours faire preuve, selon moi, d'une grande prudence lorsque l'on envisage l'usage de la force. Pour autant que je puisse en juger, le conflit au Mali s'explique en grande partie par la pauvreté du pays et par le conflit entre le Nord et le Sud. Bien entendu, les choses sont beaucoup plus complexes que cela. Je peux difficilement me prononcer au nom de l'Union européenne. Devrait-elle intervenir ? Je pense personnellement que nous devrions nous inspirer des expériences passées d'interventions militaires. »
M. Jacques Legendre (Nord - UMP) a, quant à lui, demandé à M. Jagland son sentiment sur la coopération entre le Conseil de l'Europe et l'Union européenne :
« Nous avons fêté l'an dernier le cinquième anniversaire du mémorandum d'accord entre l'Union européenne et notre organisation. Force est de constater que la complémentarité recherchée au travers de ce document s'est muée en une véritable duplication de nos activités. La nomination d'un représentant spécial de l'Union européenne en charge des droits de l'Homme ne laisse pas d'interroger alors que le mémorandum devait faire du Commissaire aux droits de l'Homme du Conseil de l'Europe le pivot des relations entre les deux organisations.
N'est-il pas temps, monsieur le Secrétaire Général, de préparer un nouveau texte définissant clairement les compétences des uns et des autres ? »
Il lui a été répondu :
« Pour ma part, je vois la nécessité de faire l'inverse, c'est-à-dire de faire des choses concrètes, et c'est justement ce que nous faisons. Ainsi, ce que nous faisons avec les pays voisins n'aurait pas pu être fait sans le financement de l'Union européenne. Le programme de réformes en Ukraine, qui coûte environ 23 millions d'euros, est financé par l'Union européenne. De nombreux programmes conjoints n'auraient pas pu être mis en oeuvre sans ce partenariat que nous avons su établir avec l'Union européenne. Je crois qu'il faut continuer dans cette direction.
Il est vrai que l'on aurait pu discuter de la création du représentant des droits de l'Homme de l'Union européenne. Mais nous ne devons pas voir cette création comme une menace. Lorsqu'un acteur majeur de la scène internationale tel que l'Union européenne veut renforcer les droits de l'Homme, cela constitue un atout pour nous, et pour beaucoup d'Etats européens. D'ailleurs, de nombreux États européens ont un représentant spécial pour les droits de l'Homme pour leur propre territoire. Pour l'Union européenne, c'était assez naturel de se doter d'un tel représentant spécial pouvant travailler tout particulièrement sur les droits de l'Homme. Les États-Unis en ont un, la Russie en a un, je crois que la France et l'Allemagne aussi, de nombreux pays européens ont un tel représentant spécial, pourquoi pas l'Union européenne en tant que telle ?
Ce n'est pas une menace à mes yeux, mais plutôt un immense atout pour l'Europe. Plus il y aura de pays, d'entités et d'organisations qui se concentreront sur les droits de l'Homme, l'un de nos domaines de compétence, mieux cela sera, la solution est de coopérer. J'ai déjà rencontré ce nouveau représentant spécial pour les droits de l'Homme, et je pense qu'il ne devrait pas y avoir de problèmes pour le Conseil de l'Europe. C'est une nouvelle voie à explorer pour coopérer avec d'autres partenaires. »