Rapport d'information n° 863 (2012-2013) de Mme Josette DURRIEU , fait au nom de la délégation à l'Assemblée du Conseil de l'Europe, déposé le 26 septembre 2013
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I. ACTUALITÉS DE LA DÉLÉGATION
PARLEMENTAIRE
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II. INFORMATIONS GÉNÉRALES SUR LE
DÉROULEMENT DE LA SESSION
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III. LA SITUATION DES DROITS DE L'HOMME EN EUROPE
ET DANS LE MONDE
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IV. LES NOUVEAUX ENJEUX DE LA PROTECTION DES DROITS
DE L'HOMME
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A. LA CORRUPTION : UNE MENACE À LA
PRÉÉMINENCE DU DROIT
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B. METTRE FIN AUX STÉRILISATIONS ET
CASTRATIONS FORCÉES
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C. L'ÉGALITÉ DE L'ACCÈS AUX
SOINS DE SANTÉ
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D. MANIFESTATIONS ET MENACES POUR LA LIBERTÉ
DE RÉUNION, LA LIBERTÉ DES MÉDIAS ET LA LIBERTÉ
D'EXPRESSION
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E. L'INGÉRENCE DE L'ÉTAT DANS LA VIE
PRIVÉE SUR INTERNET
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F. LUTTER CONTRE LA DISCRIMINATION FONDÉE
SUR L'ORIENTATION SEXUELLE ET SUR L'IDENTITÉ DE GENRE
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G. SÉPARER LA RESPONSABILITÉ
POLITIQUE DE LA RESPONSABILITÉ PÉNALE
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A. LA CORRUPTION : UNE MENACE À LA
PRÉÉMINENCE DU DROIT
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V. L'AVENIR DU CONSEIL DE L'EUROPE EN
DÉBAT
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ANNEXES
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ANNEXE 1 - RÉSOLUTION 1941 (2013) :
DEMANDE D'OUVERTURE D'UNE PROCÉDURE DE SUIVI POUR LA HONGRIE
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ANNEXE 2 - RÉSOLUTION 1946 (2013) :
L'ÉGALITÉ DE L'ACCÈS
AUX SOINS DE SANTÉ
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RECOMMANDATION 2020 (2013) :
L'ÉGALITÉ DE L'ACCÈS AUX SOINS DE SANTÉ
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ANNEXE 3 - RÉSOLUTION 1947 (2013) :
MANIFESTATIONS ET MENACES POUR LA LIBERTÉ DE RÉUNION, LA
LIBERTÉ DES MÉDIAS ET LA LIBERTÉ D'EXPRESSION
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ANNEXE 4 - RÉSOLUTION 1950
(2013) : SÉPARER LA RESPONSABILITÉ POLITIQUE DE LA
RESPONSABILITÉ PÉNALE
N° 863
SÉNAT
SESSION EXTRAORDINAIRE DE 2012-2013
Enregistré à la Présidence du Sénat le 26 septembre 2013 |
RAPPORT D'INFORMATION
FAIT
au nom des délégués élus par le Sénat (1), sur les travaux de la délégation française à l' Assemblée parlementaire du Conseil de l' Europe au cours de la troisième partie de la session ordinaire 2013 de cette assemblée, adressé à M. le Président du Sénat, en application de l'article 108 du Règlement,
Par Mme Josette DURRIEU,
Sénatrice.
(1) Cette délégation est composée de : MM. Jean-Marie Bockel, Éric Bocquet, Mme Josette Durrieu, MM. Bernard Fournier, Jean-Claude Frécon, Philippe Nachbar, délégués titulaires ; Mmes Maryvonne Blondin, Bernadette Bourzai, MM. Jacques Legendre, Jean-Pierre Michel, Yves Pozzo di Borgo et André Reichardt, délégués suppléants.
Le fonctionnement des institutions démocratiques au sein de certains États membres à l'image de la Hongrie ou de l'ancienne République yougoslave de Macédoine, a été au coeur des travaux de la troisième partie de la session 2013 de l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe. La consolidation des valeurs cardinales du Conseil de l'Europe - droits de l'Homme, démocratie et État de droit - constitue un défi permanent pour l'Organisation. L'intérêt pour le continent européen ne doit pas faire négliger pour autant l'ouverture du Conseil de l'Europe aux autres continents comme en a témoigné l'évaluation, deux ans après sa signature, du partenariat pour la démocratie avec le Parlement marocain.
L'Assemblée parlementaire est également restée fidèle à sa vocation de « laboratoire d'idées » en rappelant les déclinaisons modernes des droits de l'Homme : égalité d'accès aux soins, limitation de l'ingérence de l'État dans la vie privée sur internet ou lutte contre les discriminations en raison de l'orientation sexuelle ou de l'identité de genre. Elle s'est également penchée sur le fonctionnement de la Cour européenne des droits de l'Homme, en adoptant un avis sur le Protocole n° 16 à la Convention européenne des droits de l'Homme.
Comme en témoigne le présent rapport, la délégation française tient, dans le même temps, à continuer à militer au sein des assemblées dont elle est issue, pour une meilleure reconnaissance de la qualité des travaux de l'Assemblée parlementaire et de la modernité de son message.
I. ACTUALITÉS DE LA DÉLÉGATION PARLEMENTAIRE
A. LA DÉLÉGATION ET SON BUREAU
La délégation française à l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe comprend vingt-quatre députés (douze titulaires et douze suppléants) et douze sénateurs (six titulaires et six suppléants).
Mmes Pascale Crozon (Rhône - SRC) et Paola Zanetti (Moselle - SRC) et M. Pierre-Yves Le Borgn' (Français établis hors de France - SRC) ont respectivement remplacé Mmes Estelle Grelier et Christine Pires Beaune et M. Jean Glavany, démissionnaires.
Tableau n° 1 : Composition de la délégation en juin 2013
Membres titulaires |
|||
Assemblée |
Groupe Assemblée |
Groupe Conseil de l'Europe |
|
Mme Danielle AUROI |
Députée |
GE |
SOC |
M. Gérard BAPT |
Député |
SRC |
SOC |
M. Jean-Marie BOCKEL |
Sénateur |
UDI-UC |
PPE/DC |
M. Éric BOCQUET |
Sénateur |
CRC |
GUE |
Mme Josette DURRIEU |
Sénatrice |
SOC |
SOC |
M. Jean-Claude FRÉCON |
Sénateur |
SOC |
SOC |
Mme Arlette GROSSKOST |
Députée |
UMP |
PPE/DC |
M. Denis JACQUAT |
Député |
UMP |
PPE/DC |
Mme Marietta KARAMANLI |
Députée |
SRC |
SOC |
M. Jean-Yves LE DÉAUT |
Député |
SRC |
SOC |
M. Christophe LÉONARD |
Député |
SRC |
SOC |
M. François LONCL E |
Député |
SRC |
SOC |
M. Jean-Louis LORRAIN |
Sénateur |
UMP |
PPE/DC |
M. Thierry MARIANI |
Député |
UMP |
PPE/DC |
M. Jean-Claude MIGNON |
Député |
UMP |
PPE/DC |
M. Philippe NACHBAR |
Sénateur |
UMP |
PPE/DC |
M. François ROCHEBLOINE |
Député |
NC |
PPE/DC |
M. René ROUQUET |
Député |
SRC |
SOC |
Membres suppléants |
|||
Assemblée |
Groupe assemblée |
Groupe Conseil de l'Europe |
|
Mme Brigitte ALLAIN |
Députée |
GE |
SOC |
M. Christian BATAILLE |
Député |
SRC |
SOC |
M. Philippe BIES |
Député |
SRC |
SOC |
Mme Maryvonne BLONDIN |
Sénatrice |
SOC |
SOC |
Mme Bernadette BOURZAI |
Sénatrice |
SOC |
SOC |
Mme Pascale CROZON |
Députée |
SRC |
SOC |
Mme Marie-Louise FORT |
Députée |
UMP |
PPE/DC |
M. Bernard FOURNIER |
Sénateur |
UMP |
PPE/DC |
M. Pierre-Yves LE BORGN' |
Député |
SRC |
SOC |
M. Jacques LEGENDRE |
Sénateur |
UMP |
PPE/DC |
M. Jean-Pierre MICHEL |
Sénateur |
SOC |
SOC |
M. Yves POZZO DI BORGO |
Sénateur |
UDI-UC |
PPE/DC |
M. Frédéric REISS |
Député |
UMP |
PPE/DC |
M. Rudy SALLES |
Député |
UDI |
PPE/DC |
M. André SCHNEIDER |
Député |
UMP |
PPE/DC |
M. Gérard TERRIER |
Député |
SRC |
SOC |
Mme Paola ZANETTI |
Députée |
SRC |
SOC |
Mme Marie-Jo ZIMMERMANN |
Députée |
UMP |
PPE/DC |
Tableau n° 2 : Composition du Bureau de la délégation
Président |
M. René ROUQUET |
Député |
SRC |
Président délégué |
M. Jean-Claude MIGNON |
Député |
UMP |
Première
|
Mme Josette DURRIEU |
Sénatrice |
SOC |
Vice-présidents |
Mme Brigitte ALLAIN |
Députée |
GE |
M. Jean-Marie BOCKEL |
Sénateur |
UDI-UC |
|
M. Jean-Claude FRÉCON |
Sénateur |
SOC |
|
Mme Arlette GROSSKOST |
Députée |
UMP |
|
Mme Marietta KARAMANLI |
Députée |
SRC |
|
M. Jacques LEGENDRE |
Sénateur |
UMP |
|
M. François LONCLE |
Député |
SRC |
|
M. François ROCHEBLOINE |
Député |
NC |
|
M. André SCHNEIDER |
Député |
UMP |
B. INITIATIVE DE SES MEMBRES ET NOMINATIONS
M. Jean-Marie Bockel (Haut-Rhin - UDI-UC) a été désigné rapporteur de la commission des migrations, des réfugiés et des personnes déplacées sur « Les réfugiés syriens en Jordanie, en Turquie, au Liban et en Irak : comment organiser et soutenir l'aide internationale ? ».
M. Thierry Mariani (Français établis hors de France - UMP) a été désigné rapporteur de la commission des migrations, des réfugiés et des personnes déplacées sur « Les migrations chinoises vers l'Europe : défis à relever ».
Mme Marie-Jo Zimmermann (Moselle - UMP) a été élue vice-présidente de la sous-commission sur l'égalité de genre, rattachée à la commission sur l'égalité et la non-discrimination.
En sa qualité de vice-président de l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe, M. René Rouquet (Val-de-Marne - SRC), président de la délégation française, a présidé la séance publique du mercredi 26 juin après-midi.
C. RENCONTRES DE LA DÉLÉGATION FRANÇAISE
M. René Rouquet (Val-de-Marne - SRC) , président de la délégation française, et l'ensemble de la délégation ont été reçus par M. Thierry Repentin, ministre délégué auprès du ministre des Affaires étrangères, chargé des Affaires européennes, le 18 juin, pour une réunion de travail sur la troisième partie de session 2013 de l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe.
À Strasbourg, le représentant permanent de la France auprès du Conseil de l'Europe, S.E. M. Laurent Dominati a reçu la délégation française, le 23 juin, pour un dîner de travail au cours duquel il a abordé les principaux points inscrits à l'ordre du jour.
Le 26 juin, les membres de la délégation ont rencontré, lors d'un dîner de travail, leurs homologues de la délégation irlandaise.
II. INFORMATIONS GÉNÉRALES SUR LE DÉROULEMENT DE LA SESSION
A. ORDRE DU JOUR DE LA TROISIÈME PARTIE DE LA SESSION ORDINAIRE DE 2013
Lundi 24 juin 2013
- Rapport d'activité du Bureau et de la commission permanente ;
- Observation des élections législatives anticipées en Bulgarie (12 mai 2013) ;
- Communication du Comité des Ministres à l'Assemblée parlementaire, présentée par M. Edward Nalbandian, ministre des Affaires étrangères d'Arménie, Président du Comité des Ministres ;
- Débat libre.
Mardi 25 juin 2013
- La situation au Proche-Orient ;
- Demande d'ouverture d'une procédure de suivi pour la Hongrie ;
- L'évaluation du partenariat pour la démocratie concernant le Parlement du Maroc.
Mercredi 26 juin 2013
- La corruption: une menace à la prééminence du droit ;
- Mettre fin aux stérilisations et castrations forcées ;
- L'égalité de l'accès aux soins de santé.
Jeudi 27 juin 2013
- Débat d'urgence sur Manifestations et menaces pour la liberté de réunion, la liberté des médias et la liberté d'expression ;
- Débat d'actualité sur l'ingérence de l'État dans la vie privée sur internet ;
- Lutter contre la discrimination fondée sur l'orientation sexuelle et sur l'identité de genre, précédé d'une intervention de Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre des Droits des femmes de la République française ;
- Le dialogue post-suivi avec « l'ex-République yougoslave de Macédoine ».
Vendredi 28 juin 2013
- Projet de Protocole n° 16 à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- Séparer la responsabilité politique de la responsabilité pénale.
B. TEXTES ADOPTÉS
Le Règlement de l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe distingue trois types de textes : les avis, les recommandations et les résolutions :
- aux termes de l'article 24.1.a, une recommandation consiste en une proposition de l'Assemblée adressée au Comité des Ministres, dont la mise en oeuvre échappe à la compétence de l'Assemblée mais relève des gouvernements ;
- définie à l'article 24.1.b, une résolution exprime une décision de l'Assemblée sur une question de fond, dont la mise en oeuvre relève de sa compétence, ou un point de vue qui n'engage que sa responsabilité ;
- les avis répondent aux demandes qui sont soumises à l'Assemblée par le Comité des Ministres concernant l'adhésion de nouveaux États membres au Conseil de l'Europe, mais aussi les projets de conventions, le budget ou la mise en oeuvre de la Charte sociale.
Tableau n° 3 : Textes adoptés
Le texte intégral des rapports, avis, comptes rendus des débats de l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe, ainsi que les textes adoptés, sont consultables sur le site : http://assembly.coe.int |
C. INTERVENTIONS DES PARLEMENTAIRES FRANÇAIS
Lundi 24 juin 2013
- Communication du Comité des Ministres à l'Assemblée parlementaire, présentée par M. Edward Nalbandian, ministre des Affaires étrangères d'Arménie, Président du Comité des Ministres : Mme Marie-Louise Fort et MM. René Rouquet, président de la délégation française ( au nom du groupe socialiste ), Jean-Marie Bockel, Bernard Fournier et François Rochebloine ;
- Débat libre : Mmes Josette Durrieu ( au nom du groupe socialiste ) et Marie-Louise Fort et MM. Jean-Yves Le Déaut et François Rochebloine.
Mardi 25 juin 2013
- La situation au Proche-Orient : Mme Josette Durrieu ( au nom du groupe socialiste ) et MM. Bernard Fournier, Jean-Claude Frécon, François Rochebloine et Rudy Salles ;
- Demande d'ouverture d'une procédure de suivi pour la Hongrie : Mme Bernadette Bourzai et M. François Rochebloine ;
- L'évaluation du partenariat pour la démocratie concernant le Parlement du Maroc : Mme Josette Durrieu et MM. René Rouquet, président de la délégation française, Jean-Claude Frécon et Rudy Salles.
Mercredi 26 juin 2013
- La corruption: une menace à la prééminence du droit : M. Yves Pozzo di Borgo ;
Jeudi 27 juin 2013
- Débat d'urgence sur les Manifestations et menaces pour la liberté de réunion, la liberté des médias et la liberté d'expression : MM. Philippe Bies, Jean-Pierre Michel et René Rouquet, président de la délégation française (discussion d'un amendement) ;
- Débat d'actualité sur l'ingérence de l'État dans la vie privée sur internet : Mme Maryvonne Blondin ;
- Lutter contre la discrimination fondée sur l'orientation sexuelle et sur l'identité de genre : Mme Maryvonne Blondin et MM. Jean-Pierre Michel ( intervenant au nom du groupe socialiste ) et René Rouquet, président de la délégation ;
Vendredi 28 juin 2013
- Projet de protocole n° 16 à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : MM. Frédéric Reiss et André Schneider ( intervenant au nom du groupe PPE ) ;
- Séparer la responsabilité politique de la responsabilité pénale : M. René Rouquet, président de la délégation française.
III. LA SITUATION DES DROITS DE L'HOMME EN EUROPE ET DANS LE MONDE
A. DÉBAT LIBRE
La réforme du Règlement entrée en vigueur en janvier 2012 prévoit l'organisation d'un débat libre. Les parlementaires disposent de trois minutes pour intervenir sur un sujet qui n'est pas inscrit à l'ordre du jour.
Mme Josette Durrieu (Hautes-Pyrénées - SOC) , intervenant au nom du groupe socialiste, a profité de ce débat pour aborder les conséquences des élections présidentielles iraniennes :
« Je sortirai des frontières de l'Europe pour évoquer l'élection du nouveau président iranien, M. Hassan Rohani. Cette élection traduit trois succès. D'abord, le succès des sanctions de la communauté internationale qui a ajouté au mécontentement de la population. Ensuite, le succès d'un régime qui, tirant l'enseignement des élections truquées de 2009, a laissé le peuple iranien s'exprimer sur un certain nombre de candidats, en tire aussi une certaine légitimité. Succès, enfin, pour le peuple iranien, cette jeunesse qui a manifesté son irrépressible aspiration à la démocratie, à la modernité et à la normalisation des relations de l'Iran avec la communauté internationale.
Ce message, il nous faut l'entendre !
Concernant la Syrie, je ne pense pas que ce président ait une grande marge de manoeuvre. Cette affaire, on le sait, est celle des Pasdaran.
En revanche, le nucléaire iranien est un domaine qu'il connaît bien, puisque - et je ne sais si tout le monde le sait - M. Rohani a été le pilote des négociations entre 2003 et 2005. Il était notamment celui qui avait voulu l'arrêt du programme nucléaire militaire clandestin des Pasdaran. Par conséquent, dans ce domaine, il avance en ayant une bonne connaissance du sujet. Considérons qu'il y a là une opportunité.
La communauté internationale doit prendre la mesure de la nouvelle situation et accompagner ce mouvement populaire. Nous devons donc accompagner l'évolution de ce régime, évolution certainement relative mais possible, donner de la crédibilité à ce nouveau président, probablement en levant les sanctions, et aider à la sortie de crise.
Il y a une opportunité à saisir, tant sur la Syrie que sur le nucléaire. Le mot « dialogue » n'est pas interdit. Jusqu'à présent, nous ne parlions pas avec cet adversaire infréquentable. Peut-être est-il devenu aujourd'hui un interlocuteur possible . »
M. François Rochebloine (Loire - UDI) s'est, quant à lui, inquiété de la situation en Syrie :
« Le drame des populations syriennes en proie à la guerre et à l'exode bouleverse la conscience de tout homme de bonne volonté. Nous sommes chaque jour confrontés à de nouvelles informations derrière lesquelles, nous le savons bien, se trouvent de lourdes détresses. Nous voudrions, dans la mesure de nos moyens, qui sont limités, contribuer à la promotion de la paix. Mais si l'objectif est clair, s'il s'impose à la raison et au coeur, les moyens qui permettent d'y parvenir n'apparaissent pas toujours nettement.
Pour donner à l'action internationale, et à l'action en particulier, des pays européens, une certaine efficacité, il faudrait tout d'abord évaluer avec certitude les forces en présence et ceux qui les soutiennent. Or c'est une tâche très difficile. Les critiques sont concentrées sur le régime de Bachar El Assad. Ce n'est certainement pas un régime aimable, et son action n'est manifestement pas caractérisée par le respect, même partiel, des droits de l'homme les plus élémentaires. On a raison, mille fois raison, de condamner les violations de tels droits dont ce régime est responsable, ses mensonges, son obstination. Seulement il ne faudrait pas adopter dans cette condamnation tout à fait nécessaire le registre trop commode du bien et du mal.
Tout d'abord, il serait sans doute réaliste d'évaluer précisément les appuis dont peut encore bénéficier l'actuel président syrien : est-il vraiment l'homme seul qui paraît parfois dans certaines descriptions de la crise syrienne, ou bénéficie-t-il, au-delà de l'appareil militaire, du soutien de fractions importantes de la population ? Il serait également réaliste de s'interroger sur ce qu'il est convenu d'appeler, par une globalisation probablement trompeuse, l'opposition. Que représentent les mouvements qui la composent ? Quelle est la place réelle, dans cette opposition, des forces plus ou moins tentées par l'aventure terroriste ? Les précédents récents incitent à la plus grande prudence dans l'appréciation de ces forces.
Nous pressentons aisément le nombre et la violence des mouvements plus ou moins identifiés qui tiennent aujourd'hui le haut du pavé dans la rébellion. Nous connaissons moins les forces qui les soutiennent ou les animent, et qui, parfois, suscitent des assassinats, comme on l'a vu à la frontière avec la Turquie, il y a quelques semaines. Il me semble qu'avant d'articuler une analyse définitive, il faut faire l'inventaire de ces forces. En outre, pour espérer atteindre une solution qui ne soit pas précaire dans le conflit syrien, il faut réunir des représentants de toutes les familles politiques du pays, indépendamment de leur position pour ou contre le régime actuel. Nous ne devons être les hommes d'aucune faction syrienne, mais dire haut et fort que nous travaillons pour le retour à la paix de toute la population.
Je ne voudrais pas terminer sans évoquer le sort des deux évêques syriens, Mgr Paul Yazigi et Mgr Yohanna Ibrahim, dont on est sans nouvelles sûres depuis maintenant deux mois. Personne ne peut dire officiellement qui est l'auteur véritable de ces enlèvements. Leur sort est emblématique du drame de la Syrie : il faut libérer le peuple syrien du fléau de la guerre, mais on ne sait malheureusement pas trop sur quoi faire porter le premier effort. »
Mme Marie-Louise Fort (Yonne - UMP) a centré son intervention sur l'évolution de la condition féminine dans les pays concernés par le « Printemps arabe » :
« Deux ans après l'éclosion du « Printemps arabe », la situation des femmes dans les pays en transition est de plus en plus alarmante. La plupart du temps, les constituants ont fait le choix de ne pas incorporer dans la constitution les traités internationaux des droits humains ; ils ont aussi choisi de faire allusion, voire référence, à la Charia. Tout cela fragilise les droits qui peuvent par ailleurs être inscrits dans les textes constitutionnels. Ainsi, la nouvelle Constitution égyptienne affirme dans son article 2 les principes de la Charia et elle conditionne tous les droits à « l'obligation de ne pas porter atteinte à l'éthique, la morale et l'ordre public ». Mais surtout l'État est chargé de « garantir un équilibre entre les obligations des femmes envers leur famille et leur travail public ». Comme le souligne fort justement le rapport 2013 de Human Rights Watch , c'est « une possible invitation à de futures restrictions aux libertés des femmes » !
En matière de droits des femmes, la Tunisie a toujours été à l'avant-garde du monde musulman. A l'approche du vote de la nouvelle constitution, on peut se poser des questions. Certes Ennahda a renoncé à définir la femme comme le complément de l'homme, mais le projet de Constitution n'en fait pas pour autant l'égale de l'homme ! Les mots ont un sens et la bataille sur les mots n'est pas un exercice sémantique ! C'est un combat politique avec pour enjeu la garantie des droits ou l'effacement des droits. Sur le terrain, la dégradation des droits des femmes est déjà visible. Les violences sexuelles se sont multipliées, y compris contre les petites filles ; ces violences impliquent parfois ceux qui sont censés protéger les citoyens ! La liberté vestimentaire est remise en question et le harcèlement comme les provocations à l'égard des jeunes femmes qui ne se soumettent pas au « nouveau code » sont quotidiennes dans les universités. Ces derniers mois, des femmes artistes, journalistes, avocates, ont été victimes de pressions et parfois d'arrestation et de condamnation à des peines démesurées. Cela n'est pas admissible ! Les actions accomplies par la jeune Amina, en Tunisie, s'éloignent peut-être de ce que font habituellement les féministes et les ONG, mais cela ne peut pas justifier la violence de la répression qui nous a été donnée à voir.
Je n'accepte pas qu'une moitié de l'humanité puisse être considérée comme inférieure à l'autre. Alors, affirmons-le avec force : les gouvernements islamistes de la région seront jugés en grande partie au sort qu'ils feront aux droits des femmes. Comment ne pas penser à la Syrie où des témoignages de viols utilisés comme arme de guerre se multiplient ! Pourtant là encore, les femmes sont partie à la révolution et jouent un rôle essentiel pour acheminer l'aide humanitaire indispensable à ce peuple martyr ! Et sur la place Taksim, ces dernières semaines, les jeunes et les femmes qui manifestaient voulaient aussi protester contre une radicalisation du pouvoir qui menace leurs droits individuels. La Turquie moderne a su lier islam et modernité, en donnant des droits et une vraie place aux femmes. M. Erdogan doit entendre ces appels à la tolérance et à la liberté. Il en va de la crédibilité de la Turquie comme pays démocratique.
Chers collègues, un message posté sur le réseau Facebook créé par des femmes participant au Printemps arabe m'a touchée : une jeune femme yéménite, dont la bouche était couverte de sparadrap, brandissait une pancarte où était écrit « Je suis avec le soulèvement des femmes dans le monde arabe, pour que mes droits ne soient plus jamais tus. »
Il est de notre devoir de soutenir leurs combats pour que le Printemps arabe ne devienne pas l'hiver des femmes ! »
M. Jean-Yves Le Déaut (Meurthe-et-Moselle - SRC) a souhaité attirer l'attention de l'Assemblée parlementaire sur la réduction des émissions de dioxyde de carbone :
« Mon intervention concerne un point clef de l'avenir technologique de l'Europe en lien avec le défi climatique. Par sa résolution 1632 de 2009, l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe a affiché l'ambition d'une réduction des émissions de CO 2 de 80 % d'ici 2050 dans les pays développés. L'effort à accomplir en ce sens concerne prioritairement le secteur du bâtiment, qui concentre 40 % à 45 % de la consommation d'énergie primaire de la plupart des pays, la proportion des émissions de CO 2 étant du même ordre de grandeur (36 % en moyenne au sein de l'Union européenne). Dans ce contexte, une action réglementaire est déjà en cours, aujourd'hui sur la base de la directive du 19 mai 2010 dans l'Union européenne, qui fixe l'objectif d'une consommation quasi nulle grâce aux énergies renouvelables à l'horizon 2020 pour les bâtiments neufs. Mais mon propos concerne le contexte technologique de cette mobilisation en faveur des économies d'énergie. Curieusement, il existe des blocages à la diffusion des solutions innovantes du fait des procédures de qualification des produits. Cette préoccupation s'inscrit au coeur de l'actualité car le règlement communautaire du 9 mars 2011 établissant des conditions harmonisées de commercialisation pour les produits de construction va entrer pleinement en vigueur dans quelques jours, au 1 er juillet 2013. Or, que prévoit-il ? Que le marquage « CE » obtenu dans un pays au terme d'une procédure complexe de deux ou trois années soit vérifié pour être valable dans un autre pays membre. Il faut donc compter deux ou trois années de délai supplémentaire pour chaque extension du marché à un nouveau pays. C'est une charge totalement insupportable pour une PME.
On laisse donc se maintenir des barrières aux frontières dans ce secteur, alors qu'en matière d'OGM le droit européen permet une application directe d'une autorisation de mise sur le marché sur la base d'une procédure engagée dans un seul pays membre : même en cas de demande de conciliation de la part des autres pays, c'est la Commission ou le Conseil des ministres à la majorité qualifiée qui tranche in fine pour une autorisation valable dans tout l'espace communautaire. J'attire donc l'attention sur les freins à l'innovation qu'induisent les barrières frontalières de facto pour les technologies d'isolation et d'équipement des bâtiments, au détriment des PME. Le Parlement français s'est saisi de cette question en demandant à l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques de l'étudier, et en me confiant cette étude. Je pense qu'il serait utile que le Conseil de l'Europe s'empare aussi de ce sujet à son niveau. »
B. LA SITUATION AU PROCHE ORIENT
Constatant l'absence de progrès depuis 2010 dans le processus de paix entre Israéliens et Palestiniens, la commission des questions politiques et de la démocratie a souhaité rappeler son soutien à la position « Deux États pour deux peuples ». Elle relève dans le même temps qu'un certain nombre d'évènements régionaux ont eu un impact direct sur ces négociations, qu'il s'agisse du « Printemps arabe », du programme nucléaire iranien ou de la guerre civile en Syrie.
Ce dernier point a été mis en avant par M. Bernard Fournier (Loire - UMP) :
« Permettez-moi tout d'abord de saluer l'excellent rapport de la commission des questions politiques et de la démocratie qui pose judicieusement comme préalable à une coexistence pacifique durable entre Israël et la Palestine l'affirmation des valeurs démocratiques au sein des deux États. J'irai plus loin : je pense que l'ensemble de la région doit elle-même donner leur place aux valeurs que nous défendons. Le Printemps arabe n'a pas eu, à ce titre, les effets escomptés. Si de timides réformes ont vu le jour en Jordanie, si l'Égypte appréhende difficilement la démocratie, nous connaissons tous les difficultés extrêmes que rencontre la Syrie et les incertitudes qui rongent encore le Liban. Ne nous leurrons pas : si la stabilité politique et l'État de droit ne progressent pas dans ces quatre États, les tentatives de normalisation des relations entre Israël et la Palestine seront vaines, quand bien même ces deux pays respecteraient pleinement la démocratie et le pluralisme.
Les succès de l'armée de Bachar Al-Assad début juin sont assez symboliques. La Syrie est de nouveau aux frontières d'Israël, ce qui n'est pas sans contribuer à renforcer les tensions déjà existantes entre les deux pays depuis les bombardements de début mai. Or, nous le savons, toute escalade militaire dans la région n'est jamais positive pour la reprise du processus de paix. Elle ne contribue pas non plus à faciliter cette forme de décrispation en Israël qu'appelle de ses voeux M. Marcenaro dans son rapport, lorsqu'il insiste sur la nécessité de mettre fin aux arrestations arbitraires. Un État en guerre est toujours moins regardant sur les libertés fondamentales, surtout lorsque se développe l'idée que l'ennemi extérieur possède des complicités à l'intérieur.
La tentative américaine de relancer les négociations entre l'État hébreu et l'Autorité palestinienne se heurtera très rapidement à cette instabilité régionale. L'heure est malheureusement pour l'instant à la montée en force du radicalisme religieux, que ce soit dans un pays en guerre - je pense bien évidemment à la Syrie -, ou dans un État en paix comme l'Égypte. Le Printemps arabe a été, comme certains experts le craignaient, un facteur de déstabilisation pour Israël, contraint d'être encore plus vigilant.
Le Conseil de l'Europe a un rôle indéniable à jouer en vue de tempérer les craintes des Israéliens. Il s'agit pour nous d'accompagner la mutation démocratique des pays dont les populations ont fait le choix en janvier et février 2011 de renverser leurs satrapes ou d'ébranler des régimes conservateurs. Notre Organisation doit également être un forum pour les participants européens de la Conférence de Genève 2, en vue de dégager un modus vivendi permettant de trouver une solution politique à la guerre effroyable qui ravage la Syrie et déstabilise indirectement la région. Sans ce double mouvement, je crains que le conflit israélo-palestinien ne demeure dans une impasse. »
La relance par les États-Unis du processus de paix apparaît néanmoins comme un signal positif, comme l'a souligné Mme Josette Durrieu (Hautes-Pyrénées - SOC) , intervenant au nom du groupe socialiste :
« On ne peut pas ne pas évoquer le problème de la Syrie, où la situation s'est aggravée. Nous sommes contraints de nous poser un certain nombre de questions : comment éviter une fin dramatique ? Comment sortir de ce face-à-face entre la Russie et l'Occident, entre l'Iran et les pays du Golfe ? Comment faire en sorte que l'Iran, qui n'a pas changé de régime, mais qui a changé d'homme et peut-être d'époque, puisse s'ouvrir au dialogue afin de sortir de la situation actuelle ?
Le conflit israélo-palestinien dure depuis 60 ans. Une fois que l'on a posé un principe intangible, à savoir l'existence et la sécurité d'Israël, cela autorise-t-il ce pays à transgresser tous les droits et à poursuivre sa politique d'occupation et de colonisation de la terre palestinienne ? La réponse est non.
Nous sommes donc dans une impasse. Or le statu quo est aussi une stratégie. Rien ne bouge alors qu'il y a des éléments nouveaux : un nouveau gouvernement en Israël, un nouveau Premier ministre en Palestine, un nouveau président aux États-Unis, sans oublier les révolutions arabes, le conflit en Syrie et des changements en Iran. Un diplomate a eu la formule suivante : « Israël veut des négociations sans paix et les Palestiniens veulent la paix sans négociations. » Je ne voudrais pas que cela se révèle exact.
Y a-t-il un avenir ? Oui : deux États démocratiques et pluralistes, selon la formule de notre rapporteur. Nous soutenons par conséquent la relance des négociations directes. Les socialistes soutiennent les efforts en cours de John Kerry. Nous saluons la retenue momentanée et éminemment responsable des deux parties - un gel relatif de la colonisation, du côté d'Israël, et, de l'autre, pas d'initiative palestinienne devant les instances internationales, en particulier les Nations unies. Nous voulons croire à la paix pour tous ; nous voulons la paix pour Israël avec tous les pays arabes. »
Dans l'attente d'un accord permanent, la commission insiste sur le fait que des accords intérimaires pourraient être conclus, incluant une coopération pratique sur le terrain mais aussi des mesures d'apaisement : libération des membres du Conseil national législatif palestinien actuellement en détention, délivrance accrue de permis de travail en Israël, gel de la colonisation et levée du blocus de Gaza.
La résolution adoptée par l'Assemblée reprend ces remarques et insiste sur la promotion des droits de l'Homme et de la démocratie sur les territoires sous contrôle israélien ou palestinien. C'est sous cet angle que le Conseil de l'Europe peut contribuer au processus de paix, comme l'a indiqué M. François Rochebloine (Loire - UDI) :
« Nous voici conduits à nouveau à examiner l'état des rapports entre l'État d'Israël et l'Autorité palestinienne. Cela est tout à fait normal, tant l'évolution de ce douloureux conflit conditionne la sécurité et la paix au Proche-Orient, tant, aussi, les informations dont nous disposons nous rendent sensibles à toutes sortes de violences qui ont des conséquences funestes sur la vie des populations impliquées dans les affrontements. En même temps, nous sommes bien obligés de constater que, sur le terrain, la situation n'évolue guère, et pas dans le bon sens. Les constructions de colonies israéliennes dans de nouveaux territoires occupés se poursuivent. Le mur marque d'un trait terrible la séparation des terres et des personnes et reste plus inébranlable que jamais. En dépit des pressions des États-Unis, et de la communauté internationale en général, les négociations ne progressent pas de manière significative.
Alors comment notre Assemblée parlementaire peut-elle contribuer, dans le domaine de ses compétences, à l'effort de paix ? Notre rapporteur, pour décrire l'action possible, use d'une tournure qui a retenu mon attention. L'Assemblée, écrit-il, doit se concentrer sur la mission principale du Conseil de l'Europe, l'évaluation et la promotion des principes de la démocratie, « au lieu de se limiter aux aspects politiques du processus de paix ». On pourrait penser que, tant que ces « aspects politiques » n'auront pas été traités, les tâches d'évaluation auxquelles M. Marcenaro fait allusion risquent de rester fort académiques. Il reste possible, sans attendre une échéance incertaine, de maintenir les conditions d'un dialogue et d'une compréhension mutuelle plus grande entre les deux parties.
C'est en ce sens que je salue l'admission de l'Autorité nationale palestinienne dans différentes organisations internationales et tout particulièrement sa reconnaissance comme État observateur à l'ONU. Pour construire un dialogue, encore faut-il, en effet, donner à chacune des parties à ce dialogue un statut qui le permette vraiment. À cette condition, ensuite, peuvent venir interrogations, recommandations, voire contestations, comme celles que le rapport mentionne en relevant certains comportements fort contestables du Hamas à Gaza. C'est en ce sens que je souhaite que soient préservées, dans l'organisation interne de notre Assemblée parlementaire, les instances qui offrent à ceux qui veulent s'en saisir les moyens de la discussion et de l'échange : je rejoins, sur ce point, l'analyse de notre rapporteur. Entretenir une possibilité de dialogue entre partenaires auxquels est reconnue une égale dignité, et que nous devons assurer d'une égale considération, voilà un objectif qui me paraît fidèle aux principes fondateurs du Conseil de l'Europe. »
M. Jean-Claude Frécon (Loire - SOC) a rappelé dans son intervention que la coexistence pacifique entre les deux peuples ne pouvait être assurée que par deux États respectant pleinement la démocratie et les droits de l'Homme.
« Permettez-moi tout d'abord de saluer l'excellent rapport de notre collègue Pietro Marcenaro sur ce territoire complexe où on dit qu'il y a « deux peuples, donc deux États ». Il est évident que seule la démocratie et le pluralisme permettront, une fois l'étape de la reconnaissance de l'État palestinien définitivement franchie, de garantir la coexistence durablement entre les deux entités. N'oublions jamais que c'est la consolidation de nos démocraties qui, au sortir de la seconde guerre mondiale, a permis à la paix de s'installer définitivement sur notre continent.
C'est à la lumière de notre propre expérience que nous devons accompagner le processus actuellement en cours dans la région, sous l'égide notamment des États-Unis. N'en doutons pas, notre position est largement complémentaire de celle du secrétaire d'État américain John Kerry. Il est indispensable que le dialogue entre Israéliens et Palestiniens, au point mort depuis septembre 2010, puisse reprendre. Ce nouveau départ passe logiquement par l'arrêt de toute provocation de part et d'autre. Je pense notamment à l'annonce de la reprise de la colonisation en Cisjordanie.
De notre côté, nous devons nous rapprocher des deux gouvernements pour envisager avec eux une véritable coopération en faveur de la démocratie et des droits de l'Homme. Nous disposons déjà des instruments à cet effet, je pense notamment au partenariat pour la démocratie. Puisque nous l'avons ouvert au Conseil national palestinien, pourquoi ne pas l'étendre à la Knesset qui dispose déjà d'un rôle d'observateur au sein de notre Assemblée ?
Il convient de proposer aux deux États une véritable feuille de route en matière de démocratie, de droits de l'Homme et d'État de droit. Il faut permettre un véritable enracinement de la culture démocratique au sein du jeune État qu'est la Palestine, mais aussi il faut mettre un terme aux arrestations arbitraires et consolider les droits de la minorité arabe en Israël. Les liens que nous tissons depuis le Printemps arabe avec un certain nombre d'États de la région doivent favoriser ce travail. Comme l'a souligné le rapporteur, l'intérêt de la Jordanie pour nos structures constitue une opportunité indéniable. Il convient également d'accompagner dans cette voie l'Égypte dont le rôle pour la stabilité de la région n'est plus à démontrer. Là encore, sans démocratie pleine et entière en Égypte, il est à craindre qu'une perspective de paix durable dans la région soit fragile.
Pour terminer, je souhaiterais également rappeler l'urgence d'une réponse politique à la guerre civile en Syrie. Au sein d'un pays de tradition laïque, il faut conforter les aspirations à la liberté du peuple syrien. Et cela favorisera la reprise du dialogue entre Israéliens et Palestiniens. »
L'ensemble des forces palestiniennes sont invitées à dépasser leurs divisions et à organiser des élections présidentielles et législatives. Le texte s'alarme des violations des droits de l'Homme constatées dans la bande de Gaza, le Hamas étant particulièrement visé. Le mouvement est incité à reconnaître le droit à l'État d'Israël d'exister, à assurer les conditions de procès justes et équitables et à mettre en place un moratoire sur la peine de mort.
M. Rudy Salles (Alpes-Maritimes - UDI) s'est, quant à lui, montré réservé sur l'ensemble du rapport, qu'il juge déséquilibré :
« Le Proche-Orient est un sujet qui revient régulièrement devant nous, comme il occupe souvent une place importante dans la presse. Néanmoins, il faudrait parfois replacer le problème des relations israélo-palestiniennes dans le contexte régional.
En effet, je m'étonne que la commission des affaires politiques soit moins active sur des problèmes autrement plus préoccupants au Proche et Moyen-Orient. Les violations incessantes des droits de l'Homme en Syrie et la mort de plus de 100 000 personnes mobilisent beaucoup moins la commission politique que le sujet qui nous est présenté aujourd'hui. Et que dire de l'Iran dont la nucléarisation est une réelle menace tant pour Israël que pour le reste du monde et qui suscite un intérêt nettement moins accru que les relations israélo-palestiniennes ?
En outre, je regrette que les travaux de notre Assemblée pour parvenir à un tel rapport n'aient pas laissé le temps suffisant pour permettre aux deux parties concernées de répondre de façon exhaustive. Ce rapport ne reflète donc pas exactement la réalité telle qu'elle est vécue sur le terrain.
Enfin, je suis interrogatif sur les raisons qui poussent notre Assemblée à mettre sans cesse en parallèle l'État d'Israël et les responsables palestiniens. Dois-je rappeler ici qu'Israël est la seule démocratie existant dans cette région du monde, le seul État de droit, le seul État respectant les droits de l'Homme ? On peut certes reprocher que les droits de l'Homme ne soient pas entendus dans la même acception que celle qui prévaut en Europe, mais comment peut-on comparer notre situation avec celle d'un État menacé par la guerre et ayant eu à subir de si nombreuses vagues d'attentats terroristes ?
C'est pourquoi je partage les efforts préconisés pour favoriser le dialogue et la construction d'un avenir de paix au Proche-Orient, mais je demande que notre Assemblée tienne les deux plateaux de la balance plus équilibrés qu'elle ne le fait. »
C. DEMANDE D'OUVERTURE D'UNE PROCÉDURE DE SUIVI POUR LA HONGRIE
Faisant suite à une proposition de résolution déposée en janvier 2011, la commission pour le respect des obligations et engagements des États membres du Conseil de l'Europe, dite commission de suivi, a présenté un rapport sur la situation des institutions démocratiques en Hongrie.
La victoire du Fidesz aux élections législatives de mars 2010 a permis à l'ancien premier ministre Viktor Orban de revenir au pouvoir, bénéficiant pour appliquer son programme d'une majorité des deux tiers. Dans un pays miné par la crise économique, cette « révolution par les urnes » s'est principalement traduite par l'adoption d'une nouvelle Constitution, entrée en vigueur en janvier 2012, et l'adoption d'une série de lois organiques controversées remettant en question l'indépendance de la justice ou celle des médias. Les réserves exprimées par la commission de suivi ont été précédées de celle de la commission de la démocratie par le droit, dite Commission de Venise et de l'Union européenne.
Si la Hongrie a accepté de coopérer avec les instances du Conseil de l'Europe mais aussi l'Union européenne en vue de réviser sa législation, notamment en ce qui concerne la magistrature, le rapport de la commission de suivi continue à émettre des doutes sur un certain nombre de normes. Elle vise principalement le quatrième amendement à la nouvelle Constitution adopté en mars dernier qui restreint considérablement les pouvoirs de la Cour constitutionnelle hongroise, en supprimant la possibilité pour elle de se référer à sa propre jurisprudence si celle-ci est antérieure au 1 er janvier 2012. Le texte sur l'enregistrement des médias auprès d'une autorité administrative et celui concernant le statut des églises, qui prévoit que seul le Parlement est habilité à reconnaître le statut d'église à un groupe confessionnel sont également sujets à caution aux yeux de la commission de suivi.
Mme Bernadette Bourzai (Corrèze - SOC) a d'ailleurs étayé ces réserves dans son intervention :
« La Hongrie a longtemps fait figure de modèle en Europe centrale et orientale après la chute du mur de Berlin. La modernisation de ses structures politiques et économiques a servi de référence pour ses voisins. Son intégration au sein du Conseil de l'Europe puis de l'Union européenne s'imposait. Un des artisans de cette transition réussie vers la démocratie, l'économie de marché et l'Europe fut d'ailleurs l'actuel Premier ministre.
La crise économique, mais aussi politique, qu'a traversée le pays à la fin des années 2000 semble avoir compromis cette évolution. Nous pouvons ainsi constater un écart préoccupant entre la pratique politique mise en oeuvre depuis 2011 et les valeurs défendues par notre Organisation.
Entendons-nous bien, je ne dis pas qu'il y a une mise en cause de la démocratie au sens où l'alternance serait désormais impossible en Hongrie. J'observe simplement que si l'alternance intervient, la nouvelle majorité sera ligotée par une Constitution intégrant nombre de dispositions qui devraient plutôt relever de la loi ordinaire. Cette constitutionnalisation excessive est au coeur des réserves exprimées par les organes européens. Si la Constitution prescrit une politique, quel choix démocratique reste-t-il aux électeurs ? Le quatrième amendement à la Constitution adopté en mars dernier est d'ailleurs venu confirmer cette tendance.
Je note ainsi que nombre des dispositions contestées par la Commission de Venise mais aussi par la Commission européenne ont été finalement intégrées dans la Loi fondamentale hongroise. Et cela alors même que le gouvernement hongrois se déclarait prêt à coopérer avec les institutions européennes en vue d'amender ces dispositifs !
Les lois sur les médias adoptées en 2010 avaient ainsi été sensiblement révisées sous la double pression de la Cour constitutionnelle et des instances européennes. Des négociations, jugées d'ailleurs positives par le Secrétaire Général du Conseil de l'Europe, sont encore en cours. Mais le quatrième amendement adopté en mars dernier constitutionnalise une disposition ambiguë limitant l'usage de la liberté d'expression dès lors qu'elle serait supposée violer la dignité de la nation hongroise, concept dont la portée reste à préciser.
La Commission européenne a atténué ses critiques à la mi-juin en s'estimant satisfaite sur deux points précis : la réforme du système judiciaire et le dispositif prévoyant une taxe spéciale prélevée pour financer d'éventuelles amendes imposées par la Cour de justice de l'Union européenne. Je note qu'un certain nombre de questions restent en suspens : je pense notamment à l'impossibilité pour les partis politiques de faire campagne dans les médias électroniques privés mais aussi à la limitation des pouvoirs de la Cour constitutionnelle.
C'est dans ce contexte que la demande d'ouverture d'une procédure de suivi de la Hongrie par le Conseil de l'Europe prend tout son sens. Il ne s'agit pas pour notre Organisation de jouer les censeurs ou de contester la légitimité du gouvernement en place, mais plutôt de mettre fin au double langage des autorités hongroises en pointant les écarts entre leurs déclarations d'intention et la réalité de leur action. »
M. François Rochebloine (Loire - UDI-UC) a, de son côté, également émis des doutes sur la compatibilité de la pratique politique hongroise actuelle avec les engagements pris par les autorités locales lors de leur adhésion au Conseil de l'Europe :
« D'une certaine manière, le débat que nous tenons aujourd'hui est une étape sombre dans le processus de la construction européenne. Je n'aurais jamais imaginé, comme d'autres, que la procédure de suivi puisse être ouverte à l'encontre de la Hongrie, dont on louait il n'y a pas si longtemps encore, à l'époque du rideau de fer, l'art de cheminer discrètement, et de compromis en compromis, vers toujours plus de démocratie. Il nous faut pourtant nous rendre à l'évidence : le rapport qui nous est aujourd'hui présenté contient toutes sortes d'informations inquiétantes quant à l'évolution démocratique de la société politique hongroise. L'adoption selon un rythme précipité d'une nouvelle constitution, la multiplication, à vrai dire suspecte en soi, des lois organiques réputées nécessaires pour l'application de ce texte fondamental, les nombreux incidents de la procédure préparatoire, autant de motifs de critiques, sont autant de motifs de crainte.
La commission de suivi rappelle que le système électoral mis en place a démultiplié l'effet de l'avantage majoritaire acquis, dans une bien moindre proportion, par la coalition au pouvoir. Elle a raison de dire qu'une telle situation n'autorisait pas cette coalition à bouleverser le droit existant dans un sens qui apparaît clairement contraire, dans la plupart sinon la totalité des cas, aux principes fondamentaux des droits de l'Homme. Je déplore que la fierté nationale légitime du peuple hongrois ait ainsi été dévoyée par le gouvernement en une crispation nationaliste qui l'isole nécessairement et dangereusement, et au Conseil de l'Europe, et dans l'Union européenne.
Sans doute l'étude de la commission de suivi devait-elle se concentrer, comme elle l'a fait, sur l'examen des normes constitutionnelles et organiques nouvelles et sur leur conformité aux exigences qui en découlent, pour tout État membre, de son appartenance au Conseil de l'Europe ; la matière ne manquait visiblement pas pour une enquête de taille. Mais j'avoue avoir mieux compris en lisant ce rapport pourquoi le gouvernement hongrois avait pu, sans trop d'états d'âme, libérer en août dernier le criminel azéri Safarov, coupable avéré d'un crime gratuit et abject contre un officier arménien, faisant ainsi bon marché, et de la douleur d'une famille et d'un peuple, et de la jurisprudence de ses propres tribunaux. De plus, j'ai retrouvé dans les réactions du gouvernement retracées dans le rapport, la fuite en avant devant les critiques que j'avais pu déplorer lorsque l'affaire Safarov avait été portée à la connaissance de l'opinion publique. Je n'aurai garde cependant, et j'y insiste, de confondre dans ma critique le gouvernement et le peuple hongrois.
Je note, au demeurant, que l'attitude gouvernementale dans l'affaire Safarov avait suscité les fortes réserves des autorités morales et religieuses, au premier rang desquelles le cardinal Erdö, archevêque de Budapest et les représentants des Églises protestantes. Aussi, je souhaite vivement que, dans le dialogue qui doit suivre ce débat, le gouvernement et la majorité qui le soutient au Parlement hongrois puissent être amenés à comprendre que le profit à court terme qu'ils pensent retirer de leur attitude actuelle est excessivement coûteux au regard des intérêts à long terme du peuple hongrois. »
Si l'Assemblée parlementaire a adopté la plupart des conclusions du rapport de la commission de suivi, elle n'a pas souscrit pour autant à la demande d'ouverture de la procédure de suivi. Elle a adopté à cet effet un amendement déposé par le président de la délégation française, M. René Rouquet (Val-de-Marne - SRC) corrigeant le projet de résolution en ce sens :
« L'Assemblée décide toutefois de ne pas ouvrir de procédure de suivi à l'égard de la Hongrie mais de suivre de près l'évolution de la situation en Hongrie et de dresser le bilan des progrès accomplis dans la mise en oeuvre de cette résolution. »
Cette position qui fait écho à celle exprimée par le Bureau de l'Assemblée parlementaire qui estime que la réouverture d'une procédure de suivi pourrait être considérée comme une vexation par les autorités locales, déjà enclines à coopérer avec les institutions du Conseil de l'Europe, comme en témoigne le dialogue noué avec la commission de Venise ou le Secrétaire Général du Conseil de l'Europe.
Les rapports étatiques de la commission de suivi concernent un seul pays à la fois, pour lesquels deux rapporteurs sont désignés pour une durée maximale de cinq ans, en respectant un strict équilibre politique et géographique. Un rapport comprend un projet de résolution présentant des propositions claires pour l'amélioration de la situation dans le pays concerné et éventuellement un projet de recommandation à l'intention du Comité des Ministres. La commission doit présenter à l'Assemblée au moins une fois tous les trois ans un rapport sur chaque pays suivi.
D. L'ÉVALUATION DU PARTENARIAT POUR LA DÉMOCRATIE CONCERNANT LE PARLEMENT DU MAROC
Le statut de « partenaire pour la démocratie » a été créé en 2009 afin d'intensifier la coopération institutionnelle entre l'Assemblée et les parlements des États non membres des régions voisines. L'article 60 du Règlement de l'Assemblée détaille les conditions d'octroi de ce statut et notamment les engagements politiques que le parlement intéressé doit officiellement contracter. Le Parlement marocain a été le premier à obtenir ce statut en juin 2011.
La commission des questions politiques et de la démocratie souhaitait évaluer deux ans plus tard la mise en oeuvre des engagements pris par le Maroc. Elle relève à cet égard que le partenariat a indubitablement créé une nouvelle dynamique dans la coopération entre le Conseil de l'Europe et les autorités marocaines. La nouvelle Constitution adoptée en juillet 2011 est également un pas important sur la voie des réformes démocratiques. L'attachement aux droits de l'Homme universellement reconnus, l'interdiction de toute discrimination, la primauté des conventions internationales ratifiées sur le droit interne ou la séparation des pouvoirs y sont notamment reconnus.
L'impact de cette nouvelle Loi fondamentale a été rappelé par M. Rudy Salles (Alpes-Martimes - UDI) :
« Je voudrais saluer la présence du président de la Chambre des représentants du royaume du Maroc et en profiter pour remercier aussi notre collègue Luca Volontè pour cet excellent rapport.
Mes chers collègues, deux ans après le Printemps arabe, les inquiétudes qui avaient pu naître de l'arrivée au pouvoir de gouvernements islamistes se révèlent malheureusement justifiées : atteintes aux droits des femmes et à la liberté d'expression, multiplication des violences et des condamnations arbitraires et disproportionnées. Le Printemps arabe s'est transformé en un automne de la démocratie !
Dans ce contexte, la première évaluation du partenariat pour la démocratie avec le Parlement du Maroc apparaît comme un espoir pour tous les démocrates du monde arabe.
Plusieurs orateurs ont rappelé les avancées de la Constitution de 2011. Il est clair que les constituants marocains ont créé un texte qui investit le champ du droit constitutionnel contemporain et provoque une réelle mutation politique. La comparaison avec la Constitution égyptienne et le projet de Constitution tunisienne est éloquente, ne serait-ce que sur le droit des femmes. Alors qu'en Égypte et en Tunisie, l'égalité entre les hommes et les femmes n'apparaît pas dans la loi fondamentale, la nouvelle Constitution marocaine, non seulement proclame l'égalité, mais prévoit la création d'une autorité pour la parité et la lutte contre la discrimination !
Nous devons également nous réjouir des projets de loi relatifs à l'adhésion du Maroc aux protocoles facultatifs de certains instruments internationaux, dont la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes. Ce protocole facultatif permet d'enregistrer les plaintes des femmes qui ont épuisé tous les recours nationaux pour faire prévaloir leurs droits. Son adoption rapide par le Parlement sera une nouvelle avancée vers l'égalité sans réserves réclamée par les femmes du monde arabe.
Dans ses Pensées pour la liberté , Tahar Ben Jelloun affirmait : « La liberté n'est rien si elle ne respire pas dans le corps et l'esprit de l'homme, de tous les hommes, sans distinction ethnique, religieuse ou géographique. » Quinze ans après, le projet de statut de la langue amazigh et l'affirmation d'une identité marocaine plurielle dans le préambule de la Constitution font écho à la voix du lauréat marocain du prix Goncourt.
Bien sûr, le Maroc n'est pas encore une démocratie ; bien sûr, des progrès doivent être faits pour que l'attachement aux droits humains affirmés dans les textes se traduise concrètement pour toutes les Marocaines et tous les Marocains, mais cette première étape montre le parcours accompli - j'en suis persuadé - grâce à ce nouvel outil de promotion de la démocratie et de l'État de droit que constitue le partenariat pour la démocratie. Réjouissons-nous donc de ce succès et faisons en sorte que notre coopération avec le Maroc serve d'exemple à ceux qui se sont écartés des valeurs et des idéaux défendus par les manifestants des révolutions arabes. »
M. René Rouquet (Val-de-Marne - SRC) a plus particulièrement insisté sur l'article 110 de la nouvelle Constitution :
« Le partenariat démocratique avec le Parlement du Maroc a été signé dans le contexte particulier du Printemps arabe et aujourd'hui, comme le rapporteur, je pense que nous pouvons nous féliciter de ces deux années de coopération.
Oui, mes chers collègues, alors que la situation démocratique de la région est chaque jour plus alarmante, le Maroc nous prouve que ses engagements pris en 2011 envers le Conseil de l'Europe n'étaient pas des mots. Le rapport rappelle les avancées de la Constitution de 2011. Pour ma part, j'en retiendrai trois : le rééquilibrage du pouvoir, avec un élargissement des pouvoirs du Parlement auquel nous sommes certainement tous très sensibles ; une affirmation des droits humains qui montre la volonté du Maroc à tendre vers un État de droit ; enfin - et cela me semble être un des éléments les plus importants du texte - l'article 110 qui constitutionnalise un principe essentiel de l'État de droit : l'application impartiale des lois et le respect des décisions de justice. Globalement, la Constitution a réussi à trouver un heureux équilibre entre l'affirmation d'une identité marocaine forte, la fidélité à l'Islam et la volonté de favoriser le dialogue entre les différentes composantes de la société.
Ce texte est exemplaire - le rapport rappelle qu'un article garantit les droits de l'opposition parlementaire - mais nous devons rester vigilants quant à sa mise en oeuvre. La transition démocratique au Maroc sera jugée au regard de l'application effective de tous les droits et réformes ainsi affirmés. Si nous nous impliquons vigoureusement, j'en suis convaincu, le partenariat pour la démocratie avec le Maroc et son parlement sera un instrument du succès. J'ai eu l'occasion de me rendre au Maroc à plusieurs reprises, pour des réunions de commissions ou des séminaires. J'ai pu constater combien les échanges avec nos collègues marocains sur toutes les questions relatives au partenariat étaient constructifs. Je suis persuadé, comme notre rapporteur, que ces rencontres ont permis au partenariat de prendre une autre dimension. Et en matière de transition démocratique, beaucoup de membres le savent, la volonté politique des dirigeants est fondamentale !
Chers collègues, soyons clairs : le Maroc a encore des progrès à accomplir. L'article 110 prendra toute sa force dans les réformes à venir du pouvoir judiciaire, qui doivent être une priorité.
Chers collègues marocains, monsieur le président de la Chambre des représentants, nous sommes exigeants avec votre pays parce que nous croyons en une transition démocratique réussie au Maroc ! Je suis personnellement très confiant dans la capacité de votre pays à devenir un exemple pour toute la région. »
Présent dans l'hémicycle, le président de la Chambre des représentants marocaine, M. Karim Ghellab a insisté sur l'engagement pris par son de pays de promulguer d'ici trois ans la totalité des 19 lois organiques qui permettront à son pays d'appliquer concrètement la Constitution. Il a néanmoins rappelé que des réformes étaient déjà mises en oeuvre dans son pays, notamment en ce qui concerne l'égalité entre les hommes et les femmes, l'objectif étant de faire aboutir le principe de parité. La liberté de culte y est par ailleurs garantie.
La résolution adoptée par l'Assemblée insiste désormais sur la nécessité pour le Maroc d'adhérer à différentes conventions du Conseil de l'Europe, qu'il s'agisse de celle concernant la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants, de celle sur la lutte contre la traite des êtres humains ou du texte visant la prévention et la lutte contre la violence à l'égard des femmes et la violence domestique.
L'abolition de la peine de mort doit également constituer un objectif pour les autorités marocaines comme l'a souligné Mme Josette Durrieu (Hautes-Pyrénées - SOC) :
« Le Maroc est partenaire pour la démocratie. J'ai été le premier rapporteur en 2003 sur le rapprochement avec le Maroc. J'avais pris l'initiative de solliciter ce rapprochement. Dix ans plus tard, vous êtes là, et nous en sommes heureux. De nombreux témoignages de sympathie vous sont adressés. Vous progressez assez rapidement vers la démocratie. Votre monarchie est constitutionnelle, vous l'avez rappelé, elle avance vers un parlementarisme pour lequel, certes, vous devez encore trouver un équilibre.
Nous vous faisons confiance. Le Maroc a démontré ces dernières années qu'il savait agir et qu'il était peut-être un espace de référence. Vos travaux législatifs vont se poursuivre, car effectivement, il reste encore beaucoup à faire.
Puisque les amis peuvent parler librement, j'irai plus loin en évoquant le moratoire sur la peine de mort qui date de 1993. Certains tribunaux prononcent encore des condamnations à la peine capitale. Vous avez là un acte symbolique très fort à accomplir : abolir la peine de mort.
La stabilité du Maroc est une réalité essentielle. Je ne doute pas que vous apporterez très rapidement les réponses politiques et sociales à quelques profonds problèmes comme l'illettrisme ou le chômage des jeunes diplômés.
Le Maroc est engagé sur la bonne voie, et nous en sommes heureux.
J'évoquerai aussi la question du voisinage. Nous avons parlé du Maghreb qui est essentiel de par son positionnement géostratégique. La semaine prochaine je me rends au Maroc pour la commission des affaires étrangères française pour laquelle j'ai rédigé un rapport. Le Maghreb fait partie du continent africain qui est sans doute le continent du 21 e siècle. Sa position charnière sur l'axe Nord-Sud et sur la transversale méditerranéenne occidentale lui donne un rôle pivot à jouer.
L'union du Maroc, de l'Algérie et de la Tunisie sera une force pour vous et pour nous. La raison devra dépasser toutes les stratégies. Je n'ai plus le temps d'évoquer le conflit oublié et gelé du Sahara occidental pour lequel il faut pourtant trouver une solution. L'intégration régionale est un voeu ; pour vous c'est une perspective d'avenir. »
Dans son intervention, M. Jean-Claude Frécon (Loire - SOC) a également rappelé que le Maroc devait également poursuivre ses efforts en matière économique et sociale :
« Associer plus étroitement le Parlement marocain aux travaux de notre Assemblée au travers du partenariat pour la démocratie vient couronner une décennie d'efforts en faveur de la liberté et de l'État de droit de la part des autorités marocaines. Aboutissement de cette logique vertueuse, la réforme constitutionnelle de 2011 a permis de clarifier l'organisation du pouvoir politique en renforçant notamment le rôle de la Chambre des représentants et de la Chambre des conseillers. Le Gouvernement est désormais responsable devant le Parlement, qui dispose d'un pouvoir d'initiative en matière législative. Cette libéralisation politique a été accompagnée d'une ouverture économique indéniable et d'une volonté notable d'améliorer la condition sociale. Les autorités marocaines ont parfaitement intégré l'idée que la démocratie ne pouvait prendre racine si les conditions socio-économiques n'étaient pas réunies pour favoriser l'émergence de formations modérées et tournées vers l'avenir. C'est ce double chantier qu'il convient de saluer aujourd'hui. Tant celui de la décentralisation politique, je pense ainsi au projet de « régionalisation avancée », que celui du développement : saluons ainsi le programme « Villes sans bidonvilles » ou le plan d'urgence en faveur de l'éducation.
Il n'est pas anodin, dans ce contexte, que le Printemps arabe n'ait pas bouleversé le pays tant il semble que les autorités avaient en large partie anticipé ce mouvement des peuples. Je constate également que les difficultés rencontrées par le mouvement démocratique dans les pays voisins semblent évitées au Maroc. Il n'y a dans ce pays, ni d'automne de la démocratie, comme l'a dit l'un de mes collègues tout à l'heure, ni d'hiver de la démocratie. Le partenariat pour la démocratie salue donc une évolution favorable. Il doit aussi être un encouragement à la poursuite des réformes. Le tableau que je viens de tracer rapidement n'est pas pour autant idyllique. Le Maroc doit encore faire face à de nombreux défis.
D'abord, plus de 28 % des Marocains vivent encore en dessous du seuil de pauvreté selon une étude du programme des Nations Unies pour le développement. Ensuite, le taux d'analphabétisme est lui l'un des plus forts du monde arabe. Le pays n'est qu'au 114 e rang mondial en matière d'alphabétisation. Puis, je relève qu'un certain nombre de valeurs restent difficilement conciliables avec les principes démocratiques. L'égalité homme-femme doit encore véritablement s'incarner au sein de la société marocaine. Enfin, je ne la développerai pas, mais je voulais citer la situation du Sahara occidental.
Notre Assemblée devra donc être vigilante sur ces questions. Je ne doute pas, en tout état de cause, que le partenariat pour la démocratie permettra une nette accélération des réformes restant à mener au Maroc.
Parce que je suis Français et parce que nous avons, peuple marocain et peuple français, au cours de siècles précédents partagés des moments d'Histoire, nous avons établi entre nous une confiance qui entraîne une amitié, qui entraîne le respect, qui entraîne l'amour ; nous nous aimons. »
E. DIALOGUE POST-SUIVI AVEC L' « EX- RÉPUBLIQUE YOUGOSLAVE DE MACÉDOINE »
La procédure de dialogue post-suivi avec l'ancienne République yougoslave de Macédoine (ARYM) a été ouverte en 2000 par l'Assemblée parlementaire. Le rapport présenté devant l'Assemblée parlementaire à l'occasion de cette partie de session constitue le premier document complet sur la situation dans le pays depuis cette date.
La commission pour le respect des obligations et engagements des États membres du Conseil de l'Europe, dite Commission de suivi, relève au préalable que l'accord d'Ohrid de 2001 qui a mis fin au conflit inter-ethnique entre les communautés albanaise et macédonienne a constitué un facteur de paix et de stabilité pour l'ensemble de la région. Même si les relations entre les deux communautés restent fragiles.
La commission note par ailleurs que la vie publique reste fortement divisée, le clivage ethnique étant doublé d'oppositions politiques violentes comme en ont témoigné les affrontements entre députés de la majorité et de l'opposition à l'occasion de l'adoption du budget 2013 en décembre dernier.
Dans ce contexte délicat, un certain nombre de réformes restent en suspens qu'il s'agisse de la poursuite de la décentralisation, du renforcement de l'impartialité et de l'indépendance de la justice ou de la consolidation de la liberté des médias. Une révision du Code électoral est également indispensable.
La résolution adoptée par l'Assemblée parlementaire reprend ces réserves et conclut à la poursuite du dialogue post-suivi. Elle insiste également sur la question du nom qui, en raison du différend avec la Grèce, bloque l'ouverture des négociations d'adhésion avec l'Union européenne et l'intégration du pays au sein de l'Organisation du Traité de l'Atlantique Nord (OTAN).
IV. LES NOUVEAUX ENJEUX DE LA PROTECTION DES DROITS DE L'HOMME
A. LA CORRUPTION : UNE MENACE À LA PRÉÉMINENCE DU DROIT
La lutte contre la corruption au sein des institutions publiques fait partie des priorités du Conseil de l'Europe, qui considère qu'elle affaiblit l'État de droit et sape la confiance des citoyens dans leurs gouvernements. L'Assemblée parlementaire a adopté depuis 2000 un certain nombre de textes relatifs à la lutte contre la corruption visant à la fois la bonne conduite en matière électorale, les partis politiques, les conflits d'intérêts ou le lobbying. Ces travaux viennent compléter ceux de deux organismes dépendant du Conseil de l'Europe : le Groupe d'États contre la corruption (GRECO), créé en 1994, et le Comité d'experts sur l'évaluation des mesures de lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme (MONEYVAL), mis en place en 1997.
La commission des questions juridiques et des droits de l'Homme relève cependant que cinq États membres sont classés au-delà de la centième place dans le classement des 174 pays mis en place par Transparency international pour évaluer l'indice de perception de la corruption. Les projets de résolution et de recommandation qu'elle a présentés devant l'Assemblée parlementaire invitent en conséquence les États à intensifier leur coopération en la matière et à adapter leurs législations aux nouveaux enjeux.
La résolution adoptée insiste ainsi sur un meilleur suivi des circuits empruntés par les capitaux qui font l'objet de virements électroniques ou sur l'adoption de mesures adaptées à l'égard des établissements bancaires complices. Le texte invite également à incriminer tous les actes de corruption active ou passive. Il plaide pour le renforcement du droit à l'information des actionnaires minoritaires de sociétés privées et le renforcement de la lutte contre le délit d'initié. La confiscation des actifs des personnes physiques ou morales incriminés doit également être facilitée.
M. Yves Pozzo di Borgo (Paris - UDI-UC) a souligné dans son intervention la nécessité de mieux utiliser les instruments que constituent le GRECO et MONEYVAL et de rechercher des synergies avec d'autres organismes internationaux :
« Le débat d'aujourd'hui n'est pas anodin au sein de notre Assemblée. Il vient en effet nous rappeler combien notre Organisation dispose d'une légitimité incontestable en matière de lutte contre la corruption.
Je voudrais, avant d'aborder mon intervention, faire une remarque. La démocratie est bâtie sur trois piliers : l'exécutif, le législatif et le judiciaire. Je suis un peu fatigué de voir, aussi bien en France que dans les assemblées internationales, les parlementaires qui se flagellent en permanence sur la corruption. J'ai tendance à penser, en ce qui concerne les corruptions qui peuvent avoir lieu au sein de notre Assemblée, qu'il nous appartient de les gérer. Et il en va de même dans les assemblées nationales. Il est très important pour la démocratie que les parlements assument leur propre gestion des risques et ne laissent pas à l'exécutif et au judiciaire le soin de régler ce type de problème. C'était juste une remarque que je tenais à faire.
Avec le groupe d'États contre la corruption (GRECO), le Conseil de l'Europe possède en son sein un instrument de contrôle efficace, rassemblant 46 membres et combinant évaluation, mise en oeuvre d'une procédure de conformité et suivi.
Le GRECO témoigne de la volonté des membres du Conseil de l'Europe de renforcer leur coopération dans des domaines clés. Il permet de combattre l'image de producteurs de droit mou dans laquelle on veut enfermer le Conseil de l'Europe.
Rappelons que le rapport Juncker présenté au sein de cette Assemblée en 2007, insistait sur la nécessité de mettre en oeuvre de façon effective une coopération pleine et entière entre l'Union européenne et le Conseil de l'Europe, via des projets concrets.
Indubitablement, la lutte contre la corruption peut incarner cette complémentarité recherchée. Je rappelle à cet égard que le statut et le règlement intérieur du GRECO prévoient la participation de l'Union européenne aux activités du groupe. Nous pourrions ainsi rechercher des synergies avec Eurojust. Dans le même ordre d'idée, il pourrait être opportun de renforcer notre coopération avec l'Office de lutte antifraude (OLAF) de l'Union européenne afin d'éviter doublons et autres chevauchements d'activité. Une collaboration avec les Nations unies ne serait pas non plus dépourvue d'intérêt à l'heure de la mondialisation. L'Office des Nations unies contre la drogue et le crime dispose ainsi d'une expérience non négligeable sur le sujet. Envisageons également un rapprochement avec le groupe de travail sur la corruption de l'OCDE.
Je le répète, la lutte contre la corruption représente un réel exemple de la valeur ajoutée des travaux du Conseil de l'Europe. Nous ne pouvons dédaigner, en ces temps incertains pour notre Organisation, l'opportunité qu'elle représente pour donner plus de visibilité à nos travaux.
Au-delà même de cette question, les partenariats que j'appelle de mes voeux ne peuvent que renforcer les démarches entreprises au sein des États concernés en vue de lutter contre la corruption.
Je souscris à ce titre aux observations contenues dans l'excellent rapport de notre collègue Mailis Reps. »
B. METTRE FIN AUX STÉRILISATIONS ET CASTRATIONS FORCÉES
Les stérilisations et les castrations forcées constituent des phénomènes quasiment disparus en Europe. La commission des questions sociales, de la santé et du développement durable relève cependant un nombre réduit mais relativement significatif de stérilisations ou castrations imposées. Celles-ci visent les handicapés, les personnes transgenres - la loi suédoise en la matière date de 1972 -, les femmes roms - cela était encore le cas en Slovaquie et en République tchèque jusqu'au début des années 2000 - ou les délinquants sexuels, l'Allemagne et la République tchèque ont d'ailleurs été critiquées par le Comité de prévention de la torture ou des peines ou traitements inhumains ou dégradants (CPT) en 2011. Forte de ce constat, elle a présenté devant l'Assemblée un projet de résolution invitant les États membres à mettre en place de solides garde-fous, destinés à prévenir toute résurgence de ces pratiques.
Le texte adopté par l'Assemblée insiste ainsi sur la nécessité pour les États de réviser, le cas échéant, leurs législations et leurs politiques afin d'éviter que nul ne soit contraint de subir une castration ou une stérilisation.
La résolution s'attache également à mettre en place une véritable procédure de réparation pour les victimes. Celle-ci passerait par une indemnisation financière mais aussi par l'engagement de poursuites judiciaires contre les auteurs de ces actes. Des excuses officielles devraient, par ailleurs, être présentées.
C. L'ÉGALITÉ DE L'ACCÈS AUX SOINS DE SANTÉ
Un certain nombre de facteurs conduisent aujourd'hui à constater une inégalité d'accès aux soins de santé, le droit à la santé étant pourtant un droit fondamental de l'être humain. Le rapport de M. Jean-Louis Lorrain (Haut-Rhin - UMP), au nom de la commission des questions sociales, de la santé et du développement durable, souligne que ces motifs sont de plusieurs natures : linguistique, financier, géographique. Il relève que cette inégalité peut également être liée aux politiques mises en place par certains États, en matière de sécurité ou de migration notamment. La crise financière que traversent certains pays a également conduit à de nombreuses coupes budgétaires et à une augmentation concomitante des frais de santé, désormais à la charge du patient, ce qui peut rendre encore plus délicat l'accès au soin.
Le rapport s'inquiète à ce titre d'un risque de crise sanitaire en Grèce, dont les îles sont touchées par un manque d'effectifs et où les vaccins ne sont plus gratuits. La situation des migrants en situation irrégulière - un million de réfugiés - ne cesse, par ailleurs, d'y empirer. Le rapporteur note que les accouchements d'urgence peuvent, en outre, être à la charge des mères. Des hôpitaux refusent ainsi de délivrer des certificats de naissance si les frais, qui varient entre 800 € et 1 200 €, ne sont pas réglés.
La résolution adoptée par l'Assemblée insiste sur la nécessité de réduire la part des dépenses de santé à la charge des patients les plus démunis et à prendre les mesures adaptées afin que le coût des soins ne limite pas l'accès à la santé. Elle invite à dissocier les politiques d'immigration et de sécurité de celle de la santé, en supprimant le cas échéant l'obligation de signalement des migrants en situation irrégulière par les professionnels de santé.
D. MANIFESTATIONS ET MENACES POUR LA LIBERTÉ DE RÉUNION, LA LIBERTÉ DES MÉDIAS ET LA LIBERTÉ D'EXPRESSION
L'Assemblée parlementaire a souhaité aborder au cours d'un débat d'urgence les enseignements à tirer des récentes manifestions organisées en France, en Grande-Bretagne, en Suède, en Grèce, en Italie, au Portugal, en Espagne, en Russie ou en Turquie. Elle a notamment relevé que la plupart de ces événements sont le fruit d'une mobilisation via les réseaux sociaux et sans lien avec les partis politiques ou les organisations syndicales.
Les manifestations en Turquie ont néanmoins débouché sur un recours excessif à la force pour disperser la foule, 8 000 personnes étant ainsi blessées le 31 mai dernier. M. Philippe Bies (Bas-Rhin - SRC) a souhaité à ce titre rappeler les engagements pris par la Turquie lors de son adhésion au Conseil de l'Europe :
« Cet hémicycle a une histoire et des devoirs. Depuis 1949, à chaque fois qu'en Europe des voix s'expriment pour revendiquer des droits parmi les plus fondamentaux, des libertés que l'on opprime, c'est vers cet hémicycle, ici à Strasbourg, que l'on se tourne dans l'espoir d'être entendu. Or depuis quelques mois, nous avons constaté que des États membres de notre Organisation n'ont eu ni la capacité, ni la volonté politique de respecter les libertés fondamentales que nous considérons tous, ici, comme non négociables.
Ce que j'exprime là n'est pas la leçon d'un représentant d'un État qui se voudrait plus vertueux que les autres. Car même si mon pays, la France, se prévaut souvent de l'appellation « pays des droits de l'Homme », la jurisprudence de la Cour suffit à rappeler qu'en matière de droits fondamentaux, d'État de droit et de démocratie, jamais aucun État ne peut s'estimer infaillible. Et c'est d'ailleurs pour cela même que le Conseil de l'Europe est si important. Et c'est pour cette raison que nous avons le devoir de dire, aujourd'hui, que ce qui se passe dans un certain nombre de pays est grave et nous préoccupe au plus haut point.
Je voudrais plus particulièrement ici parler de la Turquie. Cet État est un membre historique de notre Organisation. Les engagements qu'il a pris ont permis un essor des libertés. Un certain nombre de programmes ont été mis en place pour aider les autorités judiciaires et policières à appliquer les normes du Conseil de l'Europe. Plus que jamais, ils doivent être renforcés ! Les violences policières avérées et démesurées qui ont eu cours ces dernières semaines à Istanbul, Izmir, Ankara et ailleurs ne sont pas supportables. Elles sont indignes du membre éminent du Conseil de l'Europe qu'est la Turquie, et ne sont pas compatibles avec ses aspirations à devenir membre de l'Union européenne. Mais si nous voulons être à la hauteur de notre mission, nous ne pouvons nous arrêter à ces faits et avons le devoir de nous interroger sur la responsabilité politique. Il faut enquêter sur les abus commis et les punir. L'impunité n'a pas sa place dans un État de droit. Mais il ne faut pas oublier que des ordres ont été donnés et qu'il faudra rendre des comptes.
Ce qui n'est pas supportable dans ce que nous voyons de la Turquie ces dernières semaines et ces derniers mois, c'est le tableau d'un gouvernement qui considère ses opposants comme des terroristes ; c'est le dessein d'un régime qui emprisonne les journalistes comme aucun autre État dans le monde ; enfin, c'est un pouvoir qui a substitué la peur et la régression à la justice et au développement qu'il avait pour programme.
Nous ne devons pas tomber dans le piège d'une vision manichéenne et d'un débat partisan. Les mouvements de ces derniers jours dépassent les clivages traditionnels. Dans un moment où les menaces contre la liberté de réunion, la liberté des médias et la liberté d'expression sont flagrantes en Europe et ailleurs, le Conseil de l'Europe et notre Assemblée ont le devoir historique et la responsabilité politique de ne pas détourner le regard. »
M. Jean-Pierre Michel (Haute-Saône - SOC) a, de son côté, rappelé la spécificité du cas turc dans ce débat d'urgence :
« Certes, la France a connu des manifestations. Celles-ci étaient organisées par des opposants à une loi qui est maintenant votée, promulguée, appliquée, comme elle l'est en Espagne, au Portugal, en Grande-Bretagne et dans un certain nombre d'autres pays européens. Ces manifestations étaient autorisées et lorsque des éléments extrémistes ont voulu forcer les barrages pour descendre les Champs-Elysées - ce qui est interdit à toute manifestation -, la police a dû agir. C'est regrettable, c'est ainsi.
Cela n'a aucun rapport avec les manifestations qui ont eu lieu en Turquie et qui montrent l'impossibilité et les difficultés du gouvernement Erdogan à donner un second souffle à son action et à faire coïncider développement économique, renforcement de la démocratie et cohésion sociale.
Certes, lui et ses partisans peuvent - en apparence - pavoiser. La police a fait place nette, mais les manifestations silencieuses se poursuivent. Certes, la majorité islamo-conservatrice se sent soutenue - pour le moment - par une large fraction de la population. Il faut dire qu'elle bénéficie d'une situation économique très enviable. Enfin, elle a su jouer avec l'instabilité politique à ses frontières, notamment en Syrie.
Il reste que le raidissement du pouvoir face aux critiques européennes et ses diatribes contre la « finance internationale », accusée de vouloir la déstabiliser, autant que les violentes dénonciations d'une jeunesse composée de vandales et d'immoraux qualifiés de « gang de terroristes » par le Premier ministre lui-même cachent mal l'impasse dans laquelle s'est malheureusement enfermé le gouvernement. En effet, sourd aux aspirations d'une classe moyenne qui connaît un spectaculaire développement, il offre pour l'instant comme seul horizon des constructions de mosquées et de nouvelles interdictions, notamment celle de l'alcool.
Les manifestants actuels ne gagneront peut-être pas dans les urnes en 2014, mais, dans leur surprise de se trouver soudain si forts et si nombreux, les manifestants de Taksim pourraient bien avoir trouvé la promesse d'un autre avenir et d'une victoire future. M. Erdogan et son gouvernement seraient donc bien inspirés de maîtriser leur force et de se garder de tout triomphalisme. Les traces du message des occupants du parc Gezi et des manifestants d'Ankara ne disparaîtront pas par la magie des camions de nettoyage. Je souhaite donc que M me Durrieu, rapporteure spéciale pour la Turquie, soit particulièrement vigilante sur ce qui pourrait se passer maintenant dans la répression des manifestants, de leurs avocats et des médecins qui les soignent, afin que la Turquie puisse retrouver la place qui est la sienne - celle d'un grand État démocratique. »
Le rapport de la commission des questions politiques et de la démocratie souligne par ailleurs l'émergence d'un discours politique dénonçant l'usage des réseaux sociaux, accusés d'être des vecteurs de désinformation et d'inciter à la protestation contre les instances démocratiques, remettant en cause l'ordre politique et social.
Face à ces menaces, la résolution adoptée par l'Assemblée rappelle la nécessité pour les États membres de garantir la liberté de réunion et de manifestation conformément à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'Homme. Elle insiste sur la nécessité de mener des enquêtes concernant le recours excessif ou disproportionné à la force et de sanctionner, le cas échéant, les responsables. Elle appelle à la mise en oeuvre de directives claires relatives à l'usage du gaz lacrymogène et à interdire son usage dans les espaces confinés. Elle invite également les États membres à mettre fin aux sanctions visant les médias couvrant certaines manifestations.
Les débats dans l'hémicycle ont conduit l'Assemblée à amender le projet de résolution initial pour insérer aux côtés de la référence à la répression en Turquie une référence aux émeutes en Suède et aux manifestations contre la loi ouvrant le mariage aux personnes de même sexe en France. L'amendement insiste sur le recours au gaz lacrymogène et le nombre de blessés. M. René Rouquet (Val-de-Marne - SRC), président de la délégation française, s'était au préalable opposé à une telle mention :
« Cet amendement vise à faire un amalgame entre les interventions des forces de l'ordre en Turquie et à Paris. Or, quiconque examine les faits voit immédiatement que la comparaison est absolument ridicule. Ce que cherchent avant tout les signataires de cet amendement, c'est à remettre en cause la légitimité du vote de la loi sur le « mariage pour tous », adoptée par le Parlement français et aujourd'hui entrée en application. Nous ne comprenons pas qu'un tel amalgame soit fait par nos collègues. Je le répète, la comparaison établie entre ce qui s'est passé à Paris et les événements en Turquie est absolument ridicule. »
E. L'INGÉRENCE DE L'ÉTAT DANS LA VIE PRIVÉE SUR INTERNET
Dans un contexte marqué par la répression des manifestations en Turquie qui visait notamment les utilisateurs des réseaux sociaux, l'Assemblée parlementaire a souhaité organiser un débat d'urgence sur la question de l'ingérence de l'État dans la vie privée sur internet. Conformément au Règlement de l'Assemblée, le débat d'actualité ne débouche pas sur l'adoption d'un texte, d'une résolution ou d'une recommandation.
Internet et les réseaux sociaux constituent aujourd'hui un nouvel espace public ouvert à tous. La question de l'encadrement de ces plateformes d'échanges par l'État démocratique reste cependant ouverte, les gouvernements devant s'adapter à cette nouvelle donne. Les médias en ligne font désormais partie des canaux de diffusion de l'information, aucune pression ne devant être exercée par les États sur les journalistes et les éditeurs sous peine d'être considéré comme une atteinte à la liberté d'expression. La surveillance est d'autant plus délicate à mettre en place que la part des non-professionnels dans ces médias est souvent importante. Reste un impératif pour les sociétés démocratiques, celui de protéger libertés et des droits fondamentaux et garantir notamment le droit à la vie privée et à la dignité, respectant en cela l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'Homme. Il s'agit également de protéger les plus jeunes face à des contenus libres d'accès et peu adaptés à leur âge.
Mme Maryvonne Blondin (Finistère - SOC) a profité de ce débat pour appeler à la mise en oeuvre d'un nouvel instrument juridique international destiné à garantir la protection de la vie privée :
« La protection de la vie privée est un droit élémentaire reconnu à l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'Homme. L'évolution technologique a rendu ce principe de plus en plus délicat à mettre en oeuvre tant il semble aujourd'hui aisé de pouvoir récupérer sur internet un certain nombre d'informations personnelles.
Internet constitue un formable outil en faveur de la liberté : il permet d'accéder plus facilement à la connaissance et de briser les frontières. Chacun ici a en mémoire le Printemps arabe et aussi, en partie, la tragédie syrienne.
Toute médaille a néanmoins son revers. La facilité avec laquelle l'information circule sur la Toile va de pair avec la fragilité des mesures de protection des données personnelles. Il nous appartient donc d'actualiser nos principes et faire émerger un nouvel instrument juridique garantissant la protection de la vie privée à l'heure de la dématérialisation.
Le projet américain Prism et les débats au sein de l'Union européenne entourant Acta ou la modification de la directive relative à la protection des données personnelles montrent que cette question de l'ingérence de la puissance publique dans nos vies privées ne constitue pas une problématique propre aux seules dictatures. Il convient, en effet, d'être extrêmement vigilant, en tant que législateur, à faire que des impératifs sociaux, la garantie de l'ordre public ou la préservation du droit d'auteur par exemple, ne conduisent pas à un droit de regard trop étendu sur nos données présentes sur le web.
Je note que l'Union européenne cherche la bonne formule sur ce sujet, apte à concilier droit à la vie privée, sécurité publique et protection de la propriété intellectuelle. Si elle arrive à trouver un compromis intéressant, il serait regrettable qu'il soit limité aux seuls 28 États membres. Une convention du Conseil de l'Europe pourrait reprendre les principes retenus en y ajoutant sa propre valeur ajoutée, liée à son expertise sur le sujet.
De plus, il est urgent que la totalité des États membres du Conseil de l'Europe interdisent l'exportation des technologies de surveillance vers les pays qui bafouent les droits fondamentaux. Les États-Unis et l'Union européenne ont montré la voie en interdisant ces exportations vers la Syrie et l'Iran. Il convient d'aller plus loin et d'étendre cette disposition à l'échelle de la planète.
Je vous rappelle que cinq sociétés se partagent le marché de la cybersécurité : une américaine et quatre européennes - une britannique, une allemande, une italienne et une française. La responsabilité européenne est de fait engagée. Il nous appartient donc d'encadrer leurs activités. »
F. LUTTER CONTRE LA DISCRIMINATION FONDÉE SUR L'ORIENTATION SEXUELLE ET SUR L'IDENTITÉ DE GENRE
La lutte contre la discrimination fondée sur l'orientation sexuelle et l'identité de genre a donné lieu, au sein de l'Assemblée parlementaire, à l'adoption en 2010 d'une résolution sur ce sujet. La commission sur l'égalité et la non-discrimination a souhaité évaluer l'évolution des législations depuis le vote de ce texte, relevant notamment l'introduction par différents États membres de mesures législatives, de plans d'action et de stratégies spécifiques visant à promouvoir l'égalité et à lutter contre les discriminations visant les personnes lesbiennes, gays, bisexuelles et transgenres (LGBT).
Cette contribution du Conseil de l'Europe a été saluée par la ministre française des droits des femmes, Mme Najat Vallaud-Belkacem, invitée à intervenir au cours du débat dans l'hémicycle. Une réunion sur ce sujet des représentants des gouvernements des États membres et de la société civile s'est en effet tenue à Paris le 26 mars dernier. Trois priorités ont alors été identifiées en vue de faire progresser les droits des personnes LGBT. La première porte sur les actions transversales à mettre en oeuvre par les gouvernements en vue de lutter contre l'homophobie. La deuxième tient à une meilleure implication sur ce thème du Conseil de l'Europe mais aussi de l'Union européenne. La troisième vise à donner une dimension universelle à ce combat en oeuvrant pour l'adoption d'une convention internationale.
Mme Maryvonne Blondin (Finistère - SOC) a souhaité insister dans son intervention sur le rôle pilote que pouvait avoir en la matière le Conseil de l'Europe :
« Permettez-moi de saluer en préambule l'excellent rapport de notre collègue Hakon Haugli. Sa description précise des préjugés, mais aussi des violences dont sont encore victimes les personnes LGBT en Europe, vient nous rappeler combien le respect des droits de l'Homme peut être à géométrie variable sur notre continent dès lors que les choix de vie s'écartent d'une tradition ou d'un dogme.
Les valeurs fondamentales que nous défendons ne peuvent pas, pourtant, être amendées par des principes relevant de la spiritualité ou d'une loi jugée naturelle. La défense des droits de l'Homme doit aussi garantir la sécurité de celles et ceux qui ont souhaité donner une nouvelle orientation à leur vie intime.
La situation des personnes LGBT est d'ailleurs l'une des plus complexes à traiter tant nous nous apercevons que nos sociétés, même les plus libérales d'entre elles, ont du mal à intégrer pleinement, par le droit, cette catégorie de la population. Ces personnes sont encore trop souvent victimes d'intolérances et de violences multiples du simple fait de leur orientation sexuelle, plongeant beaucoup d'entre elles, les jeunes en particulier, dans une grande souffrance et les exposant à un risque accru de suicides ou de meurtres.
Il est indispensable de développer l'éducation à la sexualité, à l'égalité et au respect dans le milieu scolaire pour mieux protéger nos enfants.
Comme l'a rappelé M me Najat Vallaud-Belkacem, le 26 mars dernier, la France a invité les représentants de chacun des États du continent européen ainsi que 200 membres de la société civile à traiter de cette problématique. L'un des principaux enseignements de cette rencontre est la nécessité de renforcer le rôle d'organisations comme la nôtre sur ces dossiers.
L'approche que nous devons retenir est simple : il n'y a pas de distinctions à opérer dans la lutte contre les discriminations. Nous devons à ce titre prendre fermement position pour une dépénalisation universelle de l'homosexualité.
L'adoption d'une convention sur ce sujet par le Conseil de l'Europe constituerait d'ailleurs, à n'en pas douter, un signal important. Le débat d'aujourd'hui doit, à ce titre, être le point de départ d'une vaste réflexion paneuropéenne sur un nouvel instrument juridique destiné à témoigner de l'attachement de notre Organisation à suivre au plus près les mutations de nos sociétés.
Aucun État membre du Conseil de l'Europe ne devrait tolérer ou encourager les actes homophobes ou transphobes. Il en va de la crédibilité même de notre Organisation et du message et des valeurs que nous voulons transmettre. »
M. René Rouquet (Val-de-Marne - SRC), président de la délégation française, a souligné dans son intervention qu'il appartenait aux États de prendre des mesures destinées à lutter contre ce type de discriminations :
« Monsieur Haugli, je voudrais d'abord vous remercier et vous féliciter pour votre rapport qui marque une nouvelle étape importante dans la lutte contre les discriminations à raison de l'orientation sexuelle.
Madame Hillary Clinton, alors secrétaire d'État des États-Unis, rappelait avec raison en 2011 que, « tout comme le fait d'être une femme ou d'appartenir à une minorité raciale, religieuse, tribale ou ethnique, le fait d'être LGBT ne vous rend pas moins humain. Voilà pourquoi les droits des homosexuels sont des droits de l'Homme, et les droits de l'Homme ceux des homosexuels ».
Pourtant, la marche vers l'égalité des droits ne va pas de soi dans beaucoup de pays représentés dans notre Assemblée. Le droit à l'indifférence réclamé par les personnes LGBT se heurte parfois à des préjugés, des traditions, la religion, voire une homophobie affichée par une partie de la société. Mais la grandeur d'un État démocratique, c'est de montrer l'exemple et d'avoir le courage d'adopter des lois, de prendre des mesures efficaces, d'oeuvrer pour changer les mentalités et lutter ainsi contre les discriminations !
C'est le choix qu'a fait mon pays, la France, depuis 1982, en dépénalisant l'homosexualité, en interdisant la discrimination homophobe et en reconnaissant juridiquement les couples homosexuels avec la création d'un pacte civil de solidarité. Il y a quelques semaines, mon pays a encore franchi un pas, en accordant, comme dans bien d'autres pays, le droit au mariage et à l'adoption aux homosexuels. Certes ce combat pour l'égalité des droits n'est pas toujours facile mais comme pour l'abolition de la peine de mort, il est nécessaire.
Le plan d'action interministériel mis en place par la France en 2012 a accordé une place significative aux actions de prévention et d'information, notamment en direction de la jeunesse. Je pense que c'est un élément essentiel de la lutte contre les discriminations à l'encontre des LGBT. La tolérance et le dialogue sont la clé d'une démocratie où chacun aura sa place.
Face à cela, nous devons condamner avec force les lois interdisant la « propagande homosexuelle » ! En effet, ces lois restreignent la liberté d'expression sur les questions d'orientation sexuelle ou d'identité de genre et elles inquiètent à juste titre les représentants de la société civile des pays qui les adoptent. Non seulement ces lois portent atteinte aux libertés fondamentales des personnes LGBT mais elles créent un climat propice à la violence, la haine, à la peur. Elles ouvrent aussi la voie à d'autres lois liberticides, pour d'autres minorités, pour chaque individu !
Pour toutes ces raisons, je soutiens les propositions de résolution et de recommandation. »
En dépit de ce qu'il considère comme des avancées, le rapport de la commission relève la prégnance de préjugés et de violences à l'égard d'une dizaine de millions d'Européens, en raison de leur orientation sexuelle. Le document relève également des atteintes répétées au droit de réunion pacifique des personnes LGBT, en Géorgie, en Moldavie, en Serbie ou en Russie. De tels comportements ont déjà été sanctionnés par la Cour européenne des droits de l'Homme. La jurisprudence constante dans la Cour a été mise en avant par M. Jean-Pierre Michel (Haute-Saône - SOC) , intervenant au nom du groupe socialiste :
« Je tiens à féliciter M. Haugli pour son rapport, malheureusement si actuel, que le groupe socialiste votera en l'état. De nombreux amendements ont en effet été déposés, qui tentent de le dénaturer, ce qui démontre que les principes de la Convention européenne des droits de l'Homme et la jurisprudence de la Cour ne font plus ici consensus. Nous avons pu le vérifier tout au long de cette session, qui sera de triste mémoire : si les choses devaient continuer en ce sens, voire s'aggraver, notre existence même serait remise en cause, je n'hésite pas à le dire.
Pourtant notre Assemblée a été la première au monde à condamner toutes les discriminations, quelles qu'elles soient, notamment celles fondées sur l'orientation sexuelle et l'identité de genre - vous avez rappelé la résolution de 2010 particulièrement progressiste en la matière.
L'homophobie et la transphobie progressent dans tous les pays membres, y compris dans le mien qui a vu surgir des réactions homophobes particulièrement violentes contre une loi visant à établir l'égalité des droits de tous les citoyens en matière de mariage.
La dépénalisation des relations homosexuelles entre adultes consentants n'est pas effective partout. Quant aux projets de loi qui interdisent la propagande homosexuelle, ils constituent une pénalisation contraire à nos principes, même s'ils sont justifiés par les convictions religieuses d'une partie de la population. Plus graves encore, l'interdiction de plusieurs manifestations LGBT dans plusieurs États membres et leur répression lorsqu'elles ont quand même eu lieu sont contraires à nos principes et à la jurisprudence constante de la Cour. Le harcèlement sur la base de l'identité de genre et de l'orientation sexuelle constitue un grave problème, car cette violence entraîne des suicides plus nombreux au sein des LGBT que dans le reste de la population. Aussi cette violence doit-elle être combattue, y compris par les pouvoirs publics qui sont trop souvent muets, voire consentants.
Enfin, le droit de fonder une famille a été reconnu par plusieurs pays sous la forme d'un partenariat ou de l'ouverture du mariage : c'est le cas des Pays-Bas, du Danemark, de la Belgique, du Portugal, de l'Espagne, du Royaume-Uni et, récemment, de la France. D'autres pays se préparent à le reconnaître, comme la Croatie ou l'Irlande.
J'ai entendu nos collègues russes se féliciter au cours de nos débats d'une loi récemment adoptée par la Douma qui interdit l'adoption aux couples homosexuels. Je veux leur rappeler l'arrêt du 19 février 2013 de la Cour, dont la Grande chambre, par 10 voix contre 7, a condamné l'Autriche pour avoir réservé l'adoption aux couples hétérosexuels. La Cour considère que cette restriction est contraire aux articles 8 et 14 de la Convention, car fondée sur l'orientation sexuelle des intéressés. Voilà qui est clair, mais peut-être la Russie ne prête-t-elle pas attention aux arrêts de la Cour qui sont pourtant applicables à tous les États membres.
Je tiens enfin à saluer le courage des militants LGBT de tous les pays, y compris dans ceux où ils sont le plus combattus et exposés, ainsi que le courage de tous ceux qui les soutiennent et qui se battent pour que la dignité des LGBT soit reconnue. Je ne peux que rappeler la totale adhésion de mon groupe aux projets de résolution et de recommandation contenus dans le rapport de M. Haugli, que je félicite encore pour son courage et sa clairvoyance. »
La commission sur l'égalité et la non-discrimination regrette en outre l'adoption en Lituanie d'une disposition sur la « protection des valeurs morales constitutionnelles » dans le Code administratif qui pourrait ériger en infraction des activités destinées à prévenir les discriminations en fonction de l'orientation sexuelle. Le terme de « propagande » est quant à lui utilisé dans un projet de loi russe en cours d'examen pour qualifier ce type de campagnes ou les marches des fiertés.
La résolution adoptée par l'Assemblée invite les États membres à adapter leurs législations en vue de garantir la non-discrimination à l'égard des personnes LGBT. Elle insiste notamment sur les mesures pénales à mettre en oeuvre en vue d'intégrer l'orientation sexuelle et l'identité de genre dans la liste des motifs pour les crimes de haine. Le texte insiste, en outre, sur la nécessaire exécution, par les États membres concernés, des arrêts de la Cour visant les atteintes aux droits des personnes LGBT.
G. SÉPARER LA RESPONSABILITÉ POLITIQUE DE LA RESPONSABILITÉ PÉNALE
Prenant notamment appui sur les poursuites pénales engagées en Ukraine à l'encontre de l'ancien Premier ministre, Mme Ioulia Timochenko, et de l'ancien ministre de l'Intérieur, M. Iouri Loutsenko, la commission des questions politiques et de la démocratie a tenu à réaffirmer la distinction entre responsabilité politique et responsabilité pénale. Elle estime en effet dans ce cas que le système judiciaire a été abusivement utilisé pour réprimer des opposants politiques.
Le rapport qu'elle a présenté devant l'Assemblée précise au préalable que les responsables politiques doivent bien évidemment être tenus de rendre des comptes pour les actes ou omissions délictuels qu'ils commettent à titre privé ou dans le cadre de leurs fonctions. Une distinction entre la prise de décision politique et les actes délictueux doit néanmoins être opérée en droit interne. La norme doit respecter, à cet égard, un certain nombre de principes mis en avant par la Commission européenne pour la démocratie par le droit du Conseil de l'Europe, dite Commission de Venise : absence de poursuites pour pénaliser erreurs ou désaccords politiques, clarification de l'incrimination d'abus d'autorité, exigence d'un procès équitable et procédure de destitution des ministres respectueuse de l'État de droit.
M. René Rouquet (Val-de-Marne - SRC), président de la délégation française, a rappelé dans son intervention que les procès intentés en Ukraine ne constituaient pas un cas isolé en Europe :
« Le principe d'égalité qui veut que tous les citoyens aient droit à un procès équitable, est valable pour tous. Par ailleurs, la justice pénale ne peut être utilisée comme un moyen de résoudre des conflits politiques. La responsabilité politique suppose que les élus soient responsables devant le peuple. Pour cela, il existe des procédures parlementaires qui permettent de mettre en cause la responsabilité du gouvernement par les représentants du peuple par exemple, et le suffrage universel ! La responsabilité pénale, elle, exige de caractériser une faute pénale imputable à un individu identifié. Si celui-ci est un homme politique, il est normal qu'il soit traité comme un citoyen ordinaire si le délit n'a rien à voir avec ses fonctions politiques.
Dans le cas où les délits concernés ont été commis dans le cadre des fonctions politiques, plusieurs solutions existent. La France, comme la Finlande ou la Pologne, a choisi la solution du tribunal spécial de destitution pour les ministres. En France, François Hollande a demandé que tout membre du gouvernement mis en examen remette sa démission afin que cette responsabilité pénale ne vienne pas interférer avec le travail du gouvernement. C'est, je crois, une bonne chose. Cependant, dans certains pays, la mise en cause de la responsabilité pénale d'anciens membres du gouvernement ou d'élus de l'opposition relève d'une justice sélective plus proche du procès politique que pénal.
Voltaire disait : « Je ne suis pas d'accord avec ce que vous dites mais je me battrai jusqu'au bout pour que vous puissiez le dire. » Certains pays membres de notre Assemblée l'ont manifestement oublié !
Le rapporteur et la Commission de Venise évoquent notamment le cas des procès d'anciens membres du gouvernement en Ukraine. Même si nous devons nous réjouir de la libération de M. Loutsenko, les conditions de détention de M me Tymochenko et la multiplication des affaires criminelles ouvertes par le parquet général contre les membres de l'opposition ne peuvent que nous inquiéter. Je regrette que le rapport ne fasse pas référence à d'autres cas qui posent problème au regard de ce que nous sommes en droit d'attendre d'un État de droit.
Je pense notamment à la situation actuelle en Géorgie, particulièrement inquiétante, à quelques mois des élections présidentielles. L'arrestation le 21 mai de l'ancien Premier ministre Vano Merabichvili, susceptible d'être le candidat du Mouvement national unifié à la présidentielle d'octobre, doit nous interpeller. Les faits qui lui sont reprochés sont graves et je ne porterai pas de jugement sur leur réalité. Mais les déclarations faites à la presse des membres du gouvernement portent atteinte à la présomption d'innocence. Il faut que le climat soit apaisé avant les élections et nous devons soutenir le Commissaire aux droits de l'Homme qui tente de rétablir le dialogue entre majorité et opposition.
En Russie également, les pressions judiciaires contre des leaders de mouvements d'opposition se sont multipliées après les mouvements de manifestations de 2012. Comment peut-on admettre que la Douma ait déchu de son mandat - je dis bien mandat et non immunité - le député M. Goudkov ! Dans une vraie démocratie, le pouvoir est limité et ne peut pas tout se permettre. Je pourrais citer bien d'autres exemples où la question de l'impartialité de la justice pose problème. Une démocratie se reconnaît à sa capacité de laisser l'opposition s'exprimer et la justice travailler. Pour cela la séparation de la responsabilité pénale et politique doit être effective.
Pour conclure, j'aimerais rendre hommage à M. Nelson Mandela. Dans son ouvrage Un long chemin vers la liberté , il a écrit ces mots, qui viennent en écho de notre débat ce matin : « Pour faire la paix avec un ennemi, on doit travailler avec cet ennemi, et cet ennemi devient votre associé . » »
La résolution adoptée par l'Assemblée insiste sur la nécessité pour les États de préciser les dispositions pénales relatives à l'abus d'autorité, afin d'en limiter la portée et prévenir ainsi tout utilisation excessive. Elle souhaite que la procédure de destitution des ministres prévues dans les lois fondamentales des États membres soit interprétée et appliquée avec précaution. Revenant sur le cas ukrainien, le texte invite instamment les autorités ukrainiennes à prendre des dispositions particulières pour garantir l'indépendance de la justice, en respectant les recommandations de la Commission de Venise et en exécutant rapidement et intégralement les arrêts de la Cour.
V. L'AVENIR DU CONSEIL DE L'EUROPE EN DÉBAT
A. LA PRÉSIDENCE ARMÉNIENNE DU CONSEIL DE L'EUROPE
M. Edward Nalbandian, ministre des affaires étrangères d'Arménie, était invité à présenter devant l'Assemblée parlementaire les priorités de la présidence arménienne du Conseil de l'Europe, qui a débuté en mai dernier.
La lutte contre le racisme, la discrimination raciale, la xénophobie et l'intolérance ainsi que la promotion du dialogue interculturel devraient constituer les principaux axes de travail de ce semestre. La présidence arménienne entend ainsi soutenir et coordonner les activités en cours dans le cadre de la campagne des jeunes contre les discours de haine. Une vigilance particulière doit être apportée à la diffusion des messages racistes sur internet, via les réseaux sociaux.
Une attention sera également portée à la démocratie locale, qui constitue la deuxième priorité d'action de la présidence arménienne.
M. Nalbandian a également insisté sur le renforcement de la mise en oeuvre de la Convention européenne des droits de l'Homme (CEDH) et l'amélioration du fonctionnement de la Cour européenne des droits de l'Homme. Il a ainsi souligné la nécessité de renforcer, au sein de chaque État, la formation des juges, des procureurs et des juristes. Le Protocole n° 15 à la CEDH qui vient d'être ouvert à la signature et le Protocole n° 16 participent également de cet effort.
Le ministre arménien a, en outre, rappelé l'importance du partenariat avec l'Union européenne, qui devrait être à terme partie à la CEDH, mais aussi avec l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE).
La présidence arménienne a enfin indiqué son souhait de promouvoir une approche cohérente du Conseil de l'Europe à l'égard des régions voisines, citant notamment le bassin méditerranéen. Il a également souligné l'importance pour le Kosovo de bénéficier du système de protection des droits fondamentaux mis en place par la CEDH.
A l'occasion du débat organisé dans l'hémicycle, M. René Rouquet (Val-de-Marne - SRC) , président de la délégation française, intervenant au nom du groupe socialiste, a souhaité interroger le ministre des Affaires étrangères arménien sur la question du Haut-Karabagh :
« Monsieur le Président du Comité des Ministres, je souhaite vous poser une question en votre qualité de ministre des Affaires étrangères de l'Arménie. Comment définiriez-vous les grandes lignes de la politique étrangère de l'Arménie ?
Notre Assemblée souhaiterait par ailleurs vous entendre sur la dernière déclaration des Présidents des trois pays qui coprésident le Groupe de Minsk, demandant aux dirigeants des deux partis de s'en tenir aux principes d'Helsinki, c'est-à-dire la non-utilisation de la force ou de la menace, le respect de l'intégrité territoriale, le droit à l'autodétermination des peuples. »
M. Nalbandian a rappelé dans sa réponse la permanence des tensions avec l'Azerbaïdjan :
« En ma qualité de ministre des Affaires étrangères de l'Arménie, je peux dire que le lancement du partenariat avec l'Union européenne en mai 2009 a introduit une nouvelle dimension dans nos rapports. Nous avons assisté depuis à un grand nombre de progrès dans différents domaines de coopération. Je ne pense pas seulement aux négociations sur les accords d'association, mais aussi au commerce et à la mobilité des personnes. Ce mécanisme efficace marque le dynamisme du dialogue politique avec l'Union européenne.
Des visites importantes ont été réalisées depuis juillet 2010 et nous avons participé aux négociations sur les accords d'association qui arrivent à leur phase finale. Ils facilitent la mobilité, aspect essentiel de notre coopération. Nous avons ainsi négocié et signé plusieurs accords, ainsi que des accords nationaux. Nous espérons les ratifier au plus vite et poursuivre le processus de libéralisation.
S'agissant du Haut-Karabakh, le 18 juin, une déclaration a été adoptée par les trois coprésidents du groupe de Minsk. Nous avons réagi en disant que nous partagions pleinement leur opinion. La réaction azerbaïdjanaise montre que la communauté internationale et l'Azerbaïdjan parlent deux langages différents.
La déclaration d'Enniskillen est la cinquième des chefs d'État des pays coprésidents. Nous apprécions hautement leurs efforts continus et sommes solidaires avec eux pour parvenir à un règlement exclusivement pacifique du conflit. Comme eux, nous sommes persuadés que les éléments inscrits dans la déclaration conjointe produite par les dirigeants des pays coprésidents du Groupe de Minsk au cours des quatre dernières années peuvent constituer les fondements d'un règlement juste et durable du conflit, que ces éléments doivent être considérés comme formant un tout et que toute tentative de faire prévaloir l'un des éléments sur les autres rendrait impossible le règlement du conflit.
Nous sommes totalement d'accord avec les coprésidents lorsqu'ils déclarent que les peuples doivent être préparés à la paix et non à la guerre. Malheureusement, jusqu'à présent les autorités azerbaïdjanaises font le contraire.
Nous partageons entièrement l'avis des chefs d'État coprésidents qui affirment que le recours à la force n'apportera pas de solution au conflit et que seul un règlement négocié permettra d'arriver à la paix et à la stabilité, ce qui ouvrirait de nouvelles opportunités de développement de la coopération régionale.
Contrairement à l'Azerbaïdjan, qui en toutes occasions fait référence uniquement à un seul principe du droit international, l'Arménie, en réponse à l'appel des Présidents François Hollande, Vladimir Poutine et Barak Obama, réaffirme une nouvelle fois son engagement en faveur des principes du droit international, en particulier le non-recours à la force ou à la menace de la force, le droit à l'autodétermination des peuples et à l'intégrité territoriale.
En dépit des multiples appels de la communauté internationale de s'abstenir de déclarations d'actions à caractère provocateur, l'Azerbaïdjan continue sa rhétorique belliqueuse et ses provocations sur la ligne de contact avec le Haut-Karabakh ainsi que sur la frontière avec l'Arménie. Il glorifie les meurtriers, poursuit ceux qui appellent à la paix, continue sa politique de propagande de la xénophobie, de l'intolérance et de la haine, conduisant ainsi à l'aggravation de la situation et à l'augmentation de la tension dans la région.
A l'instar de la Russie, de la France et des États-Unis, nous regrettons que Bakou essaye de tirer un avantage unilatéral. Il n'a pas été possible d'enregistrer un progrès lors des Sommets de Kazan, de Sotchi ou de Saint-Pétersbourg. L'Arménie partage l'approche des coprésidences selon laquelle le retard prolongé de l'obtention d'un accord sur les principes fondamentaux du règlement du conflit est inacceptable.
La déclaration conjointe d'Enniskillen sur le conflit du Haut-Karabakh des chefs d'État des pays coprésidents peut donner une impulsion et faire progresser le processus de négociation si les autorités de l'Azerbaïdjan perçoivent correctement le message desdits pays.
S'agissant des conflits gelés, les chefs d'État et de Gouvernement du Conseil de l'Europe ont souligné lors du Sommet de Varsovie en 2005 qu'il était de la plus haute importance que les États membres travaillent ensemble à la réconciliation et à la recherche de solutions politiques aux conflits gelés en Europe afin de renforcer la sécurité, l'unité et la stabilité démocratique sur notre continent.
Cela doit se faire dans le cadre des formats de négociations agréés.
Si le Conseil de l'Europe n'a pas vocation à intervenir dans ces négociations, il peut en revanche apporter une contribution très utile en favorisant le développement de mesures de confiance et promouvoir ainsi le dialogue sans lequel aucune solution politique à ces conflits n'est possible.
Je me félicite que le développement de telles mesures fasse partie des priorités proposées par le Secrétaire Général pour les prochaines réunions. »
M. Jean-Marie Bockel (Haut-Rhin - UDI-UC) a souhaité savoir si la présidence arménienne suivie de celle de l'Azerbaïdjan ne constituaient pas, à cet égard, une opportunité pour le règlement du conflit :
« Monsieur le ministre, M. Jean-Claude Mignon a rappelé au démarrage de votre présidence que celle-ci pouvait constituer une étape importante en vue du règlement du conflit du Haut-Karabakh.
Le fait que votre présidence soit suivie dans six mois de la présidence azérie devrait faciliter les échanges et le dialogue. Au-delà des réponses convenues voire de la diabolisation de l'adversaire que l'on peut parfois entendre, Monsieur le Président, ferez-vous de l'année qui s'ouvre un moment utile pour mettre un terme définitif à cette tragédie qui fragilise vos deux pays mais aussi la région ? Ce serait tout à l'honneur de l'Arménie. »
Le président du Comité des Ministres lui a répondu :
« Concernant le Haut-Karabakh, notre présidence ainsi que la présidence à venir de l'Azerbaïdjan, je m'exprimerai en ma qualité nationale. Au cours des cinq dernières années, les présidents de l'Azerbaïdjan et de l'Arménie ont participé à une quinzaine de sommets. Des dizaines de réunions se sont tenues avec les ministres des Affaires étrangères. Mon homologue azéri et moi-même participerons également à une réunion sur ce sujet dans les jours qui viennent.
Présidence ou non du Conseil de l'Europe, nous n'avons pas de difficultés à poursuivre les processus de négociation. Mais malgré le mandat de la communauté internationale et les réunions qui sont prévues, l'Azerbaïdjan refuse toutes les propositions en matière de résolution du conflit du Haut-Karabakh ainsi que toutes les mesures de confiance préconisées pour réduire la violence et établir un cessez-le-feu sur la ligne de démarcation.
Telle est la triste réalité. Ce n'est pas que les Arméniens ne souhaitent pas la normalisation et un règlement du conflit. Nous l'avons dit souvent, nous sommes favorables à des négociations pour régler le conflit sur la base des propositions et initiatives des coprésidents, que ce soit à Deauville, à L'Aquila ou ailleurs.»
Mme Marie-Louise Fort (Yonne -UMP) a fait porter sa question sur les relations entre l'Arménie et la Turquie :
« Il y a tout juste cinq ans, en 2008, un espoir de paix et de tolérance naissait dans les relations arméno-turques. La mise en oeuvre des accords de Zurich de 2009 se heurte aujourd'hui à la fois à une histoire commune douloureuse et à la résolution de la difficile question du Haut-Karabakh. Pensez-vous que dans le cadre de la présidence arménienne et de ses priorités que vous avez exposées, de tolérance, de dialogue interculturel, un nouveau pas vers la réconciliation entre votre pays et la Turquie est envisageable ? »
Le ministre arménien lui a répondu :
« Le processus de normalisation entre l'Arménie et la Turquie était une initiative du président de l'Arménie. Celui-ci avait pour objectif d'amorcer les négociations pour une normalisation des relations entre les deux pays. Après un long et difficile processus durant lequel les ministres des Affaires étrangères se sont rencontrés à de très nombreuses reprises, nous sommes arrivés à un accord, mais la Turquie ne l'a pas mis en oeuvre.
De nombreux pays se sont exprimés à ce sujet. Les États membres du Conseil de l'Europe, de l'Union européenne, mais aussi les États-Unis, tous ont affirmés que la balle était côté turc.
Tout dépend maintenant de la Turquie pour que soit mis en oeuvre cet accord, sans conditions préalables. Il est un principe en diplomatie qui veut que si l'on signe un accord, il faut le respecter et le mettre en oeuvre. »
M. Bernard Fournier (Loire - UMP) est, quant à lui, revenu sur l'appréciation par la présidence arménienne des événements en Turquie :
« La Turquie est le théâtre de violentes manifestations depuis plusieurs semaines. Je m'étonne du relatif silence du Conseil de l'Europe sur ces événements. L'Union européenne comme les États-Unis ont déjà réagi officiellement.
Nonobstant les difficultés diplomatiques entre vos deux pays, la présidence du Conseil de l'Europe entend-elle réagir plus fermement à ces événements tragiques et rappeler les engagements auxquels la Turquie a souscrit en matière de démocratie et d'État de droit ? »
M. Nalbandian lui a répondu :
« La question a été posée au sein du Comité des Ministres. Des éclaircissements ont été apportés par la délégation turque. Comme l'a rappelé récemment le Secrétaire Général, le dialogue est la seule façon de résoudre ce problème sans que l'on se laisse entraîner dans une spirale de violence et sans violation des droits de l'Homme, en particulier du droit à manifester de manière pacifique.
Les procédures engagées contre les personnes arrêtées lors des manifestations doivent être menées dans un contexte d'impartialité, de transparence et de respect des textes de la Convention.
Le Secrétaire Général du Conseil de l'Europe se rend aujourd'hui en Turquie afin de rencontrer, demain, les plus hauts responsables du pays. Ce sera l'occasion d'aborder les problèmes qui se posent avec les plus hautes autorités de la Turquie. Nous attendons le rapport du Secrétaire Général à son retour.»
M. François Rochebloine (Loire - UDI) a, de son côté, interrogé la présidence sur la question syrienne :
« Quelles dispositions le Comité des Ministres a-t-il prises ou entend-il prendre pour analyser le plus précisément possible l'état des forces politiques en présence en Syrie et leurs capacités effectives à assumer, le cas échéant, la transition vers un nouveau gouvernement ? »
Le ministre arménien lui a répondu :
« Le Comité des Ministres, en mai dernier, a adopté une résolution condamnant les violations des droits de l'Homme commises en Syrie depuis le début des hostilités. Il appuie la mission de supervision des Nations unies et remercie les pays voisins de l'aide humanitaire qu'ils apportent aux réfugiés syriens.
Il a également suivi avec grand intérêt le débat de votre Assemblée parlementaire sur la situation des réfugiés syriens et des déplacés qui s'est tenu au cours de la deuxième partie de session. En tant que ministre des Affaires étrangères de l'Arménie, j'ajouterai que le secrétaire d'État américain et le ministre des Affaires étrangères russe préparent la prochaine conférence de Genève. L'ensemble de la communauté internationale doit tout d'abord travailler à comprendre l'échec de la première conférence. Ensuite, il faut que tous les représentants des différents groupes d'opposition et du gouvernement syriens soient présents à Genève, ainsi que ceux des pays qui ont une influence sur le terrain. Les hostilités doivent s'arrêter et la réconciliation se faire par le dialogue. »
B. LE PROTOCOLE N° 16 À LA CONVENTION EUROPÉENNE DES DROITS DE L'HOMME
Le Protocole n° 16 à la Convention européenne des droits de l'Homme, comme le n° 15 examiné par l'Assemblée parlementaire lors de la précédente partie de session, a été élaboré à la suite de la Conférence de haut niveau dédiée à l'avenir de la Cour européenne des droits de l'Homme, organisée à Brighton (Royaume-Uni) les 19 et 20 avril 2012.
La déclaration finale de la Conférence indiquait notamment que la Cour pourrait rendre sur demande des avis consultatifs sur l'interprétation de la Convention, dans le contexte d'une affaire particulière au niveau national, sans préjudice du caractère non-contraignant de ces avis pour les autres États membres. Ce principe de l'avis consultatif est au coeur du projet de Protocole n° 16 sur lequel l'Assemblée parlementaire devait émettre un avis.
Intervenant au nom du groupe PPE, M. André Schneider (Bas-Rhin - UMP) a insisté sur l'opportunité pour les États de définir précisément les juridictions qui pourront saisir la cour :
« Le projet de Protocole n o 16 devait répondre à deux impératifs : renforcer le dialogue des juges nationaux et de la Cour, mais également, à terme, diminuer les contentieux, notamment ceux faisant l'objet de recours répétitifs.
Sur le premier point, la possibilité pour les hautes juridictions nationales de saisir la Cour pour obtenir un avis sur les questions de principe relatives à l'interprétation ou à l'application des droits et libertés définis par la Convention et ses protocoles, constitue une avancée majeure, que nous devons saluer. En effet, trop souvent, la jurisprudence de la Cour n'apparaît pas d'une parfaite lisibilité et plusieurs juristes ont fait remarquer des incohérences entre la jurisprudence de la Grande Chambre et celle des formations subalternes. Nous pouvons donc souhaiter et espérer que cette nouvelle procédure permettra dans l'avenir de lever les ambiguïtés et les problèmes d'interprétation et ainsi de favoriser une meilleure application de la jurisprudence de la Cour dans les États membres. Cependant, la réalisation du deuxième objectif pourrait être compromise, comme le suggèrent les critiques du rapporteur. L'obligation de motiver tout refus d'accepter une demande d'avis consultatif en réunissant cinq juges de la Grande Chambre, par exemple, ne me semble pas de nature à réduire le travail de la Cour, bien au contraire ! Il en est de même de la multiplication des langues dans lesquelles ces demandes d'avis peuvent être présentées à la Cour.
Prenons néanmoins pour acquis qu'une plateforme de dialogue juridictionnel a été établie. Son efficacité dépendra essentiellement de la suite qui sera donnée au niveau national à ces avis, dont le protocole précise qu'ils sont consultatifs et donc non contraignants.
Les États devront d'abord définir avec soin quelles hautes juridictions pourront saisir la Cour. La diversité des organisations juridiques dans les 47 États du Conseil de l'Europe laisse présager un nombre important de hautes juridictions susceptibles de saisir la Cour. Les États devront montrer leur responsabilité en ce domaine et sélectionner les plus hautes juridictions de leur pays. Ces hautes juridictions auront alors un rôle essentiel : présenter des demandes recevables pour ne pas obliger la Cour à multiplier les réunions du collège chargé de motiver le refus de demandes d'avis ; tenir compte le plus possible des avis pour faire évoluer leur propre jurisprudence et ainsi atteindre l'objectif de diminution des requêtes répétitives qui, pour certains États, sont majoritaires - je pense notamment à l'Italie. Au-delà du pouvoir judiciaire, les avis consultatifs n'auront une réelle utilité que s'ils permettent à chaque État de résoudre un certain nombre de problèmes, peut-être même en modifiant la législation.
En tant que parlementaires, nous devrons être attentifs à la façon dont s'appliquera ce Protocole dans nos pays, s'ils le ratifient, puisque je rappelle que c'est facultatif. C'est à ce prix que ce projet de Protocole prendra tout son sens.
Pour conclure, je voterai cet excellent projet d'avis. »
Cette nouvelle procédure devrait générer automatiquement un surcroît de travail pour la Cour, déjà en situation de surcharge. Cette évolution devrait néanmoins permettre de renforcer la cohérence de l'interprétation et de l'application de la Convention. C'est en tenant compte de cet élément que l'Assemblée parlementaire a adopté un avis positif sur ce Protocole.
M. Frédéric Reiss (Bas-Rhin - UMP) a souhaité que ce texte constitue une première étape en vue de l'instauration d'un véritable système de questions préjudicielles :
« Le projet de Protocole n o 16 est le résultat des réformes de la Cour préconisées par les États dans la Déclaration de Brighton. La procédure qu'il prévoit est une avancée importante : elle établit ce dialogue des juges que beaucoup appelaient de leurs voeux pour assurer une meilleure application des droits de la Convention.
Cependant, ce Protocole n'est qu'un premier pas, une première étape de la mise en place d'une plateforme de dialogue juridictionnel dont le rapporteur se félicite à juste titre.
Comme l'a mentionné mon collègue André Schneider, l'acceptation d'une demande d'avis passe par la réunion d'une formation de cinq juges de la Grande Chambre, qui devra motiver un éventuel refus.
Par ailleurs, la Cour indique que lorsqu'une partie ne sera pas satisfaite de l'avis rendu, elle pourra toujours lui soumettre une requête après l'adoption d'une décision définitive dans l'ordre interne. C'est le point 12 de l'avis de la Cour en annexé au rapport.
Ces dispositifs allégeront-ils la charge de travail de la Cour ? Je n'en suis pas persuadé.
Le Protocole n o 16 permettra de développer un dialogue des juges efficace, concourant à la clarification et à la stabilisation de la jurisprudence. Le caractère purement consultatif et non contraignant des avis m'amène néanmoins à me demander si ce sera vraiment le cas.
Le projet de protocole rappelle, en faisant référence aux « Hautes Parties contractantes » dans son préambule, que l'Union européenne va prochainement adhérer à la Convention. Comment alors ne pas faire le parallèle entre le mécanisme du Protocole n o 16 et le système de questions préjudicielles mis en place à la Cour de justice de l'Union européenne ? Comment ne pas s'interroger sur cette disproportion de pouvoirs entre ces deux Cours appelées à travailler ensemble dans un proche avenir ?
Dans ce nouveau contexte, ne serait-il pas plus rationnel de mettre également en place un système de questions préjudicielles en bonne et due forme, qui s'impose officiellement à tous ? La Cour pourrait alors trancher a priori les points de droit qui posent des problèmes d'interprétation aux juridictions nationales et pourrait ainsi prévenir effectivement l'apparition de bon nombre d'affaires répétitives.
Les points de droit ainsi tranchés éclaireraient la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'Homme pour l'ensemble des juridictions européennes concernées et faciliteraient l'application de sa jurisprudence en Europe.
Pour toutes ces raisons, il me paraîtrait utile que notre organisation réfléchisse à l'instauration, dans une étape ultérieure, d'un véritable système de questions préjudicielles, portant sur l'interprétation et sur l'application de la Convention et de ses protocoles. Ces questions seraient adressées à la Cour par les juridictions suprêmes nationales, selon le modèle du système en vigueur auprès de la Cour de justice de l'Union européenne.
La Cour est au coeur du système de protection des droits de l'Homme en Europe. Donnons-lui les moyens de jouer son rôle. Le président Bratza rappelait ainsi avec justesse : « Les droits de l'Homme ne sont pas un luxe, ils doivent être fondamentaux ». Il faut qu'il en soit de même de leur application par les juridictions de nos 47 pays.
Pour toutes ces raisons, je voterai en faveur de cet excellent rapport. »
ANNEXES
ANNEXE 1 - RÉSOLUTION 1941 (2013) : DEMANDE D'OUVERTURE D'UNE PROCÉDURE DE SUIVI POUR LA HONGRIE
1. L'Assemblée parlementaire prend note du rapport sur la demande d'ouverture d'une procédure de suivi à l'égard de la Hongrie, qui a été établi à la suite de la proposition de résolution « Graves revers dans le domaine de la prééminence du droit et des droits de l'homme en Hongrie » (Doc. 12490). Elle prend note de l'avis du Bureau de l'Assemblée qui n'est pas favorable à l'ouverture d'une procédure de suivi à l'égard de la Hongrie. De ce point de vue, l'Assemblée salue la poursuite du dialogue régulier entre la Commission européenne pour la démocratie par le droit (Commission de Venise) et le Gouvernement hongrois.
2. La Constitution et les lois organiques y afférentes sont le fondement du fonctionnement juridique et démocratique d'un pays. Elles établissent les règles démocratiques et le cadre de base pour la protection des droits de l'homme de ses citoyens et pour le respect de l'État de droit. Du point de vue de l'Assemblée, le cadre constitutionnel doit donc être stable et s'appuyer sur une large acceptation de la société et un vaste consensus politique. À l'issue des élections de 2010, une coalition a remporté une majorité de plus des deux tiers au Parlement hongrois ce qui, du point de vue des normes européennes communes, lui confère une légitimité suffisante pour amender la Constitution.
3. L'Assemblée note que le nouveau Parlement hongrois a, pour la première fois dans l'histoire de la Hongrie libre et démocratique, amendé son ancienne Constitution qui était le fruit d'un seul parti pour en faire une nouvelle Loi fondamentale moderne, à l'issue d'une procédure démocratique et d'intenses débats au parlement, et avec des contributions de la société civile hongroise.
4. L'Assemblée appuie l'avis de la Commission de Venise en relevant que le nombre de matières soumises à une majorité des deux tiers n'a pas augmenté depuis l'adoption de la nouvelle Loi fondamentale. Afin que l'application de ces lois bénéficie du soutien le plus large possible dans la société civile, l'Assemblée appelle la majorité au pouvoir et tous les partis d'opposition à poursuivre leur coopération sur ces questions.
5. Un cadre constitutionnel devrait se fonder sur des valeurs largement acceptées dans la société. L'Assemblée note que plusieurs dispositions sont source de préoccupation pour une partie de la société hongroise. Ces dispositions se fondent toutefois sur des valeurs européennes traditionnelles, énoncées dans les Constitutions de nombreux autres pays européens, et ont été adoptées par la majorité démocratique des deux tiers du Parlement hongrois. Cette situation porte atteinte à la légitimité démocratique et à l'acceptabilité sociale du cadre constitutionnel, ce qui est source de préoccupation.
6. L'Assemblée est profondément inquiète de l'érosion de l'équilibre démocratique entre les différents pouvoirs qui résulte du nouveau cadre constitutionnel en Hongrie. Ce nouveau cadre a introduit une concentration excessive des pouvoirs, accru les pouvoirs discrétionnaires et réduit à la fois l'obligation de nombreuses institutions de l'État et d'organismes réglementaires de rendre compte et le contrôle légal auxquels ils sont soumis.
7. Pour l'Assemblée, la réduction des pouvoirs et compétences de la Cour constitutionnelle, qui est une institution importante d'équilibrage et de stabilisation du système politique en Hongrie, est une preuve supplémentaire de l'érosion du système de séparation des pouvoirs dans ce pays. Dans ces circonstances, le fait que la coalition au pouvoir ait utilisé sa majorité des deux tiers au parlement pour passer outre des décisions de la Cour constitutionnelle et réintroduire dans la Constitution des dispositions qui avaient été invalidées par cette cour a suscité des inquiétudes.
8. Entre mai 2010 et l'entrée en vigueur de la nouvelle Loi fondamentale, le 1 er janvier 2012, l'ancienne constitution a été modifiée 12 fois. Depuis cette date, la nouvelle Loi fondamentale a déjà été modifiée à quatre reprises, la dernière fois dans des proportions considérables. La modification incessante de la Constitution au nom d'intérêts politiques partisans étroits porte atteinte à la stabilité dont a besoin le cadre constitutionnel. De plus, l'Assemblée tient à souligner que la principale raison justifiant qu'une majorité qualifiée des deux tiers soit requise en matière constitutionnelle est de protéger le cadre constitutionnel de modifications frivoles par un parti au pouvoir et de garantir que la Constitution soit basée sur le consensus le plus large possible entre l'ensemble des forces politiques en ce qui concerne les fondements juridiques et démocratiques de l'État. Le fait de disposer d'une majorité des deux tiers ne dégage jamais un parti ou une coalition au pouvoir de l'obligation de rechercher un consensus et de respecter les vues et intérêts de la minorité et d'en tenir compte. La tentative de la coalition gouvernementale en Hongrie d'utiliser sa majorité exceptionnelle des deux tiers pour faire passer en force des réformes était contraire à ces principes démocratiques.
9. L'Assemblée déplore l'adoption récente de ce qui est appelé le «quatrième» amendement à la Constitution en dépit des recommandations de nombreux experts nationaux et internationaux et à l'encontre de l'avis explicite des partenaires internationaux de la Hongrie. Le fait que ce quatrième amendement comporte intentionnellement plusieurs dispositions précédemment déclarées inconstitutionnelles par la Cour constitutionnelle hongroise et/ou épinglées comme contraires aux normes et principes européens par la Commission de Venise est inacceptable et amène à s'interroger sur la volonté des autorités en place de respecter les normes et standards européens.
10. L'Assemblée prend acte de l'avis de la Commission de Venise sur le quatrième amendement constitutionnel; les conclusions et les constatations qu'il contient confirment les préoccupations exprimées par l'Assemblée dans la présente résolution, ainsi que dans le rapport de la commission de suivi. Elle exhorte les autorités hongroises, en étroite coopération avec la Commission de Venise, à répondre pleinement à ces préoccupations et à mettre en oeuvre les recommandations contenues dans l'avis.
11. Les analyses de la Constitution et de plusieurs lois cardinales effectuées par des experts de la Commission de Venise et du Conseil de l'Europe soulèvent un certain nombre de questions quant à la compatibilité de certaines dispositions avec les normes et standards européens, y compris avec la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme. L'Assemblée appelle les autorités hongroises à poursuivre son dialogue ouvert et constructif avec la Commission de Venise et avec toutes les autres institutions européennes.
12. De plus, l'Assemblée appelle les autorités hongroises, en ce qui concerne :
12.1. la Loi sur la liberté de religion et le statut des églises :
12.1.1. à supprimer des compétences du parlement, qui est par nature un organe politique, le droit de reconnaître à un groupe confessionnel le statut d'église et à veiller à ce que ce type de décisions soient prises par une autorité administrative impartiale, sur la base de critères juridiques clairs ;
12.1.2. à définir, pour la reconnaissance d'une église, des critères juridiques clairs qui soient pleinement conformes aux normes internationales, notamment à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme ;
12.1.3. à prévoir une possibilité d'appel contre toute décision d'accepter ou de rejeter une demande de reconnaissance en tant qu'église devant une juridiction ordinaire, aussi bien sur le fond que pour des motifs de procédure ;
12.2. la Loi sur l'élection des membres du parlement :
12.2.1. à veiller à ce que le découpage des circonscriptions électorales soit établi par une autorité indépendante, sur la base de critères juridiques clairs ;
12.2.2. à veiller à ce que les limites mêmes des circonscriptions ne soient pas fixées par la loi, en particulier par une loi cardinale. En outre, l'Assemblée recommande aux autorités de s'efforcer de parvenir à un large consensus entre tous les partis politiques au sujet de la formule des «compensations» attribuées et de permettre aux électeurs appartenant à des minorités de choisir jusqu'au jour du scrutin s'ils veulent voter pour un parti ordinaire ou pour une liste minoritaire. L'Assemblée note que, en adoptant la loi sur l'élection des membres du parlement, les autorités ont répondu aux recommandations de la Commission de Venise et à la décision de la Cour constitutionnelle concernant le problème des écarts de taille entre circonscriptions ;
12.3. la Loi sur la Cour constitutionnelle :
12.3.1. à supprimer la limitation des compétences de la Cour constitutionnelle en matière économique ;
12.3.2. à supprimer de la Constitution l'interdiction faite à la Cour constitutionnelle de se référer à sa jurisprudence antérieure au 1 er janvier 2012 ;
12.3.3. à introduire une période de répit obligatoire pour les membres du parlement, à l'instar de ce qui existe déjà pour les membres du gouvernement, les dirigeants de partis politiques et les dirigeants de l'État, entre la fin du mandat politique et la prise de nouvelles fonctions, avant qu'ils ne soient éligibles en tant que juge à la Cour constitutionnelle ;
12.4. les Lois relatives au système judiciaire, nonobstant les améliorations apportées aux lois concernées en coopération avec le Secrétaire Général du Conseil de l'Europe :
12.4.1. à retirer des compétences reconnues au président de l'Office national de la justice la possibilité de transférer des affaires ;
12.4.2. à retirer de la loi la possibilité reconnue au président de l'Office national de la justice d'annuler le résultat de concours de nomination de juges ;
12.4.3. à prévoir, dans la loi, que toutes les décisions du président de l'Office national de la justice puissent faire l'objet d'un recours devant les tribunaux, aussi bien sur le fond que pour des motifs de procédure ;
12.5. la législation applicable aux médias :
12.5.1. à annuler les conditions fixées pour l'enregistrement des médias de la presse écrite et de la presse en ligne ;
12.5.2. à séparer, fonctionnellement et juridiquement, le Conseil des médias de l'Autorité des médias ;
12.5.3. à prévoir, dans la loi, que toutes les décisions du Conseil des médias ou de l'Autorité des médias puissent faire l'objet d'un recours devant les tribunaux, aussi bien sur le fond que pour des motifs de procédure.
13. L'Assemblée considère que chacun des sujets de préoccupation exposés ci-dessus est, en soi, grave en termes de démocratie, de prééminence du droit et de respect des droits de l'homme. Pris séparément, chacun mériterait déjà un examen approfondi par l'Assemblée. En fait, ce qui est frappant en l'espèce, c'est l'accumulation même de réformes visant à établir un contrôle politique sur la plupart des institutions essentielles tout en affaiblissant le système d'équilibre des pouvoirs.
14. En adhérant au Conseil de l'Europe, la Hongrie s'est volontairement engagée à respecter les normes les plus exigeantes possibles en matière de fonctionnement des institutions démocratiques, de protection des droits de l'homme et de respect de la prééminence du droit. Malheureusement, les développements exposés ci-dessus suscitent de profondes et vives inquiétudes quant à la mesure dans laquelle le pays satisfait encore à ces obligations. L'Assemblée décide toutefois de ne pas ouvrir de procédure de suivi à l'égard de la Hongrie mais de suivre de près l'évolution de la situation en Hongrie et de dresser le bilan des progrès accomplis dans la mise en oeuvre de la présente résolution.
ANNEXE 2 - RÉSOLUTION 1946 (2013) : L'ÉGALITÉ DE
L'ACCÈS
AUX SOINS DE SANTÉ
1. Le droit à la santé est un droit fondamental de l'être humain. La protection de la santé est une condition essentielle à la cohésion sociale et la stabilité économique et constitue l'un des piliers indispensables au développement. L'accès aux soins est un élément essentiel du droit à la santé.
2. L'Assemblée parlementaire constate que les inégalités d'accès aux soins de santé sont en train de s'accroître dans les États membres du Conseil de l'Europe. Différents facteurs sont à l'origine de ce phénomène dont les barrières financières, géographiques et linguistiques, la corruption, les inégalités socio-économiques et certaines politiques migratoires et sécuritaires peu soucieuses des besoins de santé. La crise économique a conduit à des coupes budgétaires dans beaucoup de pays, imposées par les politiques d'austérité, créant ainsi une pression sur les systèmes de santé. En conséquence, plusieurs pays ont instauré des frais à la charge des patients ou augmenté leur niveau, notamment pour les services de santé essentiels.
3. L'Assemblée note que les inégalités d'accès aux soins, y compris les soins de santé mentale, touchent particulièrement les groupes vulnérables dont les personnes en difficulté économique telles que les chômeurs, les familles monoparentales, les enfants, les personnes âgées, ainsi que les Roms, les réfugiés, les migrants, notamment ceux en situation irrégulière, les transsexuels, les personnes détenues et les personnes sans domicile fixe. Ces inégalités conduisent à un phénomène de non recours ou de recours tardif aux soins, ce qui pourrait avoir des implications catastrophiques tant pour la santé individuelle que publique et conduire, à long terme, à une augmentation des dépenses de santé.
4. Rappelant sa Résolution 1884 (2012) « Mesures d'austérité - un danger pour la démocratie et les droits sociaux », l'Assemblée attire une fois de plus l'attention sur l'impact négatif des mesures d'austérité sur les droits sociaux et leurs effets sur les catégories les plus vulnérables. À cet égard, elle note avec inquiétude l'impact de la crise économique et des mesures d'austérité sur l'accessibilité des soins dans plusieurs pays membres dont la Grèce, qui fait désormais face à une crise sanitaire voire humanitaire ainsi qu'à une augmentation des actes xénophobes et racistes contre des réfugiés et des migrants.
5. L'Assemblée estime que la crise devrait être considérée comme une opportunité pour repenser les systèmes de santé et utilisée pour augmenter leur efficience et non pas comme une excuse pour procéder à des mesures de régression.
6. L'Assemblée invite donc les États membres du Conseil de l'Europe :
6.1. à réduire, le cas échéant, la part des dépenses de santé restant à la charge des patients les plus démunis et prendre toute autre mesure nécessaire afin d'assurer que le coût des soins ne devienne pas un obstacle à l'accès aux soins, y compris la promotion d'une plus grande utilisation des médicaments génériques ;
6.2. à assurer l'accessibilité aux établissements et aux professionnels de santé sur l'ensemble du territoire par des mesures appropriées, le cas échéant en ayant recours à des mesures incitatives ;
6.3. à assurer l'accessibilité des informations relatives au système de santé, y compris des programmes de vaccination et de dépistage, et mettre en place des programmes d'éducation à la santé, tout en tenant compte des besoins spécifiques des différents groupes vulnérables et de l'exigence de réduire au minimum les barrières linguistiques ;
6.4. à garantir que les femmes enceintes et les enfants, en tant que groupes vulnérables spécifiques, bénéficient d'un plein accès aux soins de santé et à la protection sociale, quel que soit leur statut ;
6.5. à simplifier les procédures administratives requises pour pouvoir bénéficier de soins de santé ;
6.6. à mettre en place des mesures de lutte contre la corruption dans le secteur de la santé, en coopération étroite avec le Groupe d'États contre la corruption (GRECO) ;
6.7. à dissocier leur politique de sécurité et de l'immigration de celle de la santé, le cas échéant en supprimant l'obligation de signalement des migrants en situation irrégulière faite aux professionnels de santé ;
6.8. à mettre en place des politiques de formation du personnel de santé qui insistent sur la nécessité de lutter contre l'arbitraire, les discriminations et la corruption dans le secteur de la santé.
RECOMMANDATION 2020 (2013) : L'ÉGALITÉ DE L'ACCÈS AUX SOINS DE SANTÉ
1. L'Assemblée parlementaire renvoie à sa Résolution 1946 (2013) sur l'égalité de l'accès aux soins de santé.
2. L'Assemblée se félicite des travaux récents du Comité des Ministres dans le domaine de la santé, qui se sont concrétisés notamment par l'adoption de la Recommandation CM/Rec(2010)6 sur la bonne gouvernance dans les systèmes de santé, la Recommandation CM/Rec(2011)13 sur la mobilité, les migrations et l'accès aux soins de santé, les Lignes directrices de 2011 du Comité des Ministres sur les soins de santé adaptés aux enfants et la Recommandation CM/Rec(2012)8 sur la mise en oeuvre des principes de bonne gouvernance dans les systèmes de santé.
3. L'Assemblée regrette toutefois que, depuis 2012, le Conseil de l'Europe ne dispose plus d'un comité intergouvernemental spécifiquement chargé de faciliter le développement de politiques et l'échange de bonnes pratiques dans le domaine de la santé.
4. Eu égard aux principes et valeurs du Conseil de l'Europe, il est de la plus haute importance de continuer à protéger le droit à la santé consacré par l'article 11 de la Charte sociale européenne (révisée) (STE n° 163) et de renforcer le rôle du Comité européen des droits sociaux pour qu'il puisse exercer cette tâche au mieux.
5. Au vu de ce qui précède, l'Assemblée recommande au Comité des Ministres :
5.1. d'enjoindre aux États membres qui ne l'ont pas encore fait de signer et de ratifier la Charte sociale européenne (révisée) ainsi que ses protocoles ;
5.2. de prendre des mesures afin de progresser rapidement sur la voie de la mise en oeuvre de la Charte conformément aux conclusions et décisions du Comité européen des droits sociaux ;
5.3. d'inciter les autres secteurs du Conseil de l'Europe à intégrer les questions liées à la santé dans leurs travaux, sur la base d'une approche transversale.
ANNEXE 3 - RÉSOLUTION 1947 (2013) : MANIFESTATIONS ET MENACES POUR LA LIBERTÉ DE RÉUNION, LA LIBERTÉ DES MÉDIAS ET LA LIBERTÉ D'EXPRESSION
1. De nombreux pays européens (et non européens) ont connu des mouvements de protestation populaire ces derniers temps. Des manifestations se déroulent souvent de façon non organisée, dont les participants se coordonnent entre eux au moyen des médias sociaux. Le droit des individus de manifester contre les gouvernements démocratiquement élus est aussi légitime que le droit des gouvernements concernés de ne pas changer leur politique face à la contestation.
2. Des manifestations de ce type ont eu lieu dans plusieurs villes et pays d'Europe au cours de la dernière année. Dans tous les cas, les protestations ont été tout d'abord pacifiques, même si, parfois, des petites minorités se sont livrées à des violences. Dans certains cas, les réactions des autorités publiques et l'action des forces de l'ordre ont été disproportionnées.
3. Comme exemples de manifestions pacifiques dégénérant en affrontements violents avec la police au cours des derniers mois en Europe, mentionnons notamment les suivants :
3.1. plusieurs manifestations contre le mariage entre personnes de même sexe, organisées à Paris entre le 24 mars et le 27 mai 2013 (« Manif pour tous ») et impliquant plus de 2 millions de personnes, ont déclenché l'intervention des forces de l'ordre; celles-ci ont, notamment, eu recours aux gaz lacrymogènes à l'encontre de manifestants pacifiques. Quatre personnes ont été blessées et plusieurs centaines ont été arrêtées ;
3.2. des émeutes qui ont eu lieu dans la banlieue de Stockholm du 20 au 24 mai 2013 lorsque des personnes ont manifesté contre le meurtre d'un immigrant par la police et contre les politiques d'immigration et d'intégration en général. Il n'y aurait pas eu de blessés et la police aurait arrêté 29 personnes ;
3.3. récemment, le 31 mai 2013, une manifestation pacifique organisée par des opposants à un projet de rénovation urbaine à Istanbul a débouché sur une intervention musclée des forces de l'ordre et provoqué un mouvement de protestation populaire sans précédent en Turquie. Dans des dizaines de villes du pays, des centaines de milliers de personnes ont exprimé leur désaccord avec l'attitude des autorités et pris part à des manifestations. Dans de nombreuses villes, ces manifestations ont donné lieu à des confrontations violentes avec les forces de l'ordre, marquées par le recours systématique au gaz lacrymogène (gaz poivre), aux canons à eau et, dans certains cas, aux tirs de balles en caoutchouc. L'Assemblée parlementaire déplore que le bilan s'élève à quatre morts, dont un policier, et presque 4 000 blessés.
4. L'Assemblée soutient la déclaration du Secrétaire Général du Conseil de l'Europe le 25 juin, y compris la nécessité de respecter les décisions de la Cour européenne des droits de l'homme sur l'utilisation de la force contre les manifestants.
5. L'Assemblée rappelle que la liberté de réunion et d'association, y compris lors de manifestations non organisées et non autorisées, est un droit essentiel dans une démocratie, garanti par l'article 11 de la Convention européenne des droits de l'homme (STE n° 5), et rappelé de manière constante par la Cour européenne des droits de l'homme dans sa jurisprudence. Toute restriction de ce droit doit être prévue par la loi et être nécessaire dans une société démocratique. Il appartient aux autorités d'assurer l'exercice du droit à la liberté d'expression et de manifestation.
6. C'est pourquoi, face à des manifestations, le rôle des forces de l'ordre est de protéger les droits des manifestants, leur liberté d'association et d'expression, tout en protégeant les autres, ainsi que les biens publics et privés. Aussi est-il essentiel qu'elles puissent s'appuyer sur des normes et lignes directrices, sur instructions d'une hiérarchie responsable.
7. L'Assemblée déplore les récents cas de recours excessif à la force pour disperser les manifestants et réitère son appel aux autorités de veiller à ce que l'action de la police, si elle est nécessaire, reste proportionné. Rappelant la position du Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants (CPT) et la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme, elle insiste sur les conséquences graves sur la santé de l'usage de gaz lacrymogène.
8. L'Assemblée rappelle que les citoyens ont droit à une information objective et complète, et qu'il appartient aux autorités de garantir des conditions favorables à l'exercice effectif de la liberté des médias et d'expression, conformément à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme. Elle souligne en particulier la nécessité de clarifier les questions de propriété et d'indépendance des médias.
9. En conséquence, l'Assemblée appelle instamment les États membres du Conseil de l'Europe, le cas échéant, à prendre les mesures nécessaires pour mettre leur législation en conformité avec les normes du Conseil de l'Europe et la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme, notamment en matière de liberté d'expression, de liberté des médias et de liberté de réunion, et les invite :
9.1. à garantir la liberté de réunion et de manifestation, conformément à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme, et en assurer l'exercice effectif ;
9.2. à mener des enquêtes diligentes concernant le recours excessif ou disproportionné à la force par des membres des forces de l'ordre, et en sanctionner les responsables ;
9.3. à renforcer les programmes de formation aux droits de l'homme à destination des membres des forces de l'ordre ainsi que des juges et des procureurs, en partenariat avec le Conseil de l'Europe ;
9.4. à élaborer des directives claires relatives à l'usage de gaz lacrymogène (gaz poivre) et interdire son usage dans des espaces confinés ;
9.5. à assurer la liberté des médias, mettre un terme au harcèlement et à l'arrestation des journalistes et à la perquisition de leurs locaux, et s'abstenir d'infliger des sanctions aux médias qui couvrent les manifestations, conformément à la Résolution 1920 (2013) sur l'état de la liberté des médias en Europe ;
9.6. à réformer le Code pénal et le Code de procédure pénale ainsi que les lois antiterroristes et le Code administratif dans tous les cas où les dispositions concernées ne sont pas conformes aux normes du Conseil de l'Europe ou à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme ;
9.7. à examiner les moyens de consulter ou d'associer la population à la gestion des affaires publiques, tant au niveau national que local, en s'inspirant des normes européennes pertinentes et des bonnes pratiques, et en conformité avec la Résolution 1746 (2010) « Démocratie en Europe: crises et perspectives » ;
9.8. à s'abstenir d'imposer des obstacles administratifs et organisationnels inutiles au travail des organisations de la société civile en leur infligeant des contrôles, des amendes et des sanctions. De tels excès contribuent à alimenter le mécontentement de la population et à intensifier encore les protestations populaires.
10. Enfin, l'Assemblée invite le Secrétaire Général du Conseil de l'Europe à envisager l'élaboration de lignes directrices sur le respect des droits de l'homme dans le cadre des interventions des forces de l'ordre lors de manifestations.
ANNEXE 4 - RÉSOLUTION 1950 (2013) : SÉPARER LA RESPONSABILITÉ POLITIQUE DE LA RESPONSABILITÉ PÉNALE
1. L'Assemblée parlementaire considère que la démocratie et la prééminence du droit imposent de protéger efficacement les responsables politiques contre les poursuites pénales engagées à leur encontre en raison de leurs décisions politiques. Les décisions politiques engagent leur responsabilité politique, dont les juges ultimes sont les électeurs.
2. L'Assemblée réaffirme également son opposition de principe à toute forme d'impunité, exprimée dans sa Résolution 1675 (2009) sur la situation des droits de l'homme en Europe : la nécessité d'éradiquer l'impunité. En conséquence, les responsables politiques doivent être tenus de rendre des comptes pour les actes ou omissions délictuels qu'ils commettent à titre privé et dans l'exercice de leurs fonctions publiques.
3. La distinction entre la prise de décision politique et les actes ou omissions délictuels doit se fonder sur le droit constitutionnel et pénal interne, qui doit à son tour respecter les principes suivants, conformément aux conclusions de la Commission européenne pour la démocratie par le droit (Commission de Venise) :
3.1. il convient de ne pas recourir aux poursuites pénales pour pénaliser les erreurs et les désaccords politiques ;
3.2. les responsables politiques doivent être tenus responsables de leurs actes délictuels ordinaires au même titre que les simples citoyens ;
3.3. les dispositions du droit positif interne relatives à la responsabilité pénale des ministres doivent être conformes à la fois à l'article 7 de la Convention européenne des droits de l'homme (STE n° 5, « la Convention ») et aux autres exigences nées du principe de la prééminence du droit, notamment la sécurité juridique, la prévisibilité, la clarté, la proportionnalité et l'égalité de traitement ;
3.4. les dispositions très générales et imprécises du droit pénal interne relatives à « l'abus d'autorité », notamment, peuvent poser problème au regard à la fois de l'article 7 de la Convention et des autres exigences fondamentales nées de l'État de droit; elles peuvent également être particulièrement vulnérables à une utilisation politique abusive ;
3.5. les dispositions nationales relatives à « l'abus d'autorité » devraient être interprétées étroitement et appliquées avec un seuil élevé, par rapport à des critères additionnels tels que, dans des cas mettant en jeu des intérêts économiques, l'intention d'obtenir des avantages personnels ; elles ne devraient être invoquées qu'en dernier ressort contre des responsables politiques, et le niveau des sanctions devrait être proportionnel à l'infraction juridique et ne devrait pas être influencé par des considérations politiques ;
3.6. sur le plan de la procédure, dès lors que les chefs d'accusation retenus contre les responsables politiques sont de nature « pénale » au regard de l'article 6 de la Convention, les mêmes exigences fondamentales de procès équitable s'appliquent à la fois aux procédures pénales ordinaires et aux procédures spéciales de destitution qui existent dans un certain nombre d'États membres du Conseil de l'Europe ;
3.7. les dispositions spéciales relatives à la destitution des ministres ne doivent pas porter atteinte aux principes fondamentaux de l'État de droit. Comme ces dispositions sont susceptibles de donner lieu à des abus politiques, il faut qu'elles soient interprétées et appliquées avec une vigilance particulière et de manière restrictive.
4. Au vu de ce qui précède, l'Assemblée :
4.1. invite instamment les majorités au pouvoir dans les États membres à s'abstenir d'utiliser de manière abusive le système judiciaire pénal pour persécuter des opposants politiques ;
4.2. invite les organes législatifs des États membres dont le droit pénal comporte encore des dispositions très générales relatives à l'abus d'autorité à réfléchir à l'abrogation ou à la reformulation de ces dispositions, en vue d'en limiter la portée, conformément aux recommandations de la Commission de Venise ;
4.3. invite les autorités compétentes des États membres dont la Constitution prévoit une procédure spéciale de destitution en cas de responsabilité pénale des ministres à veiller à ce qu'elle soit interprétée et appliquée avec le degré de vigilance et de restriction recommandé par la Commission de Venise ;
4.4. invite instamment les autorités compétentes des États membres qui ont été condamnés pour violation de l'article 18 de la Convention (interdiction des abus de pouvoir visant à restreindre les droits et les libertés) à prendre des mesures spécifiques pour garantir l'indépendance effective de la justice et à exécuter rapidement et intégralement les arrêts pertinents de la Cour européenne des droits de l'homme.