4. L'aide forfaitaire
Dans certains départements, l'APRE a été mise en place sous la forme d'une aide forfaitaire , sans personnalisation en fonction des besoins des bénéficiaires, obtenue sur simple présentation d'un justificatif de reprise d'activité : c'est notamment le cas du département de la Seine-Saint-Denis qui, confronté il est vrai à un nombre important de bénéficiaires potentiels 14 ( * ) , a fait le choix de réduire la charge administrative de l'APRE en la limitant à une aide forfaitaire de 300 euros.
D'autres départements ont prévu la possibilité d'une aide forfaitaire à côté des aides personnalisées . Ainsi, dans le Pas-de-Calais, une aide forfaitaire de 300 euros est autorisée, cumulable d'ailleurs avec les aides répondant spécifiquement à un besoin identifié ; elle n'est cependant pas systématique, pour éviter un dépassement de l'enveloppe annuelle.
Au regard de la précarité et de l'éloignement du milieu professionnel qui caractérisent certains bénéficiaires du RSA, il est certain que les obstacles à la reprise d'activité ne peuvent pas tous être appréhendés et mesurés de façon isolée. Il pourrait ainsi être préconisé une généralisation de l'aide forfaitaire, en fixant un montant-cible entre 50 et 150 euros. Cela permettrait de prendre en charge certains frais « invisibles » non couverts , de financer le premier mois avant le versement du premier salaire et d'assurer une relative égalité de traitement entre les bénéficiaires du RSA selon les départements dont ils sont issus.
Toutefois, la généralisation de telles aides forfaitaires aurait un impact significatif sur la consommation des crédits et est impossible à budget constant . Au regard de la diminution des dotations constatées ces dernières années, une telle évolution serait budgétairement irréaliste. Votre rapporteur spécial estime donc qu' avant d'élargir le champ d'intervention de l'APRE, il convient de lui donner les moyens adéquats dans son champ actuel, en prévoyant des dotations initiales d'environ 75 millions d'euros ( cf. supra ).
5. Les aides collectives
L'APRE est, comme son nom l'indique, une aide personnalisée, qui doit répondre à un besoin individuel du bénéficiaire du RSA. En conséquence, l'APRE ne peut pas financer des actions collectives qui, tout en bénéficiant à ce public, ne répondent pas directement à des charges supportées par ces derniers à l'occasion d'une reprise d'activité . Cette interdiction du financement « d'actions collectives » implique, en particulier, que l'APRE ne peut pas financer la mise en place d'une plateforme de mise à disposition de véhicules . La circulaire du 7 mai 2012 dispose en effet que « ces actions relèvent de l'offre d'insertion à la charge des départements ou de Pôle Emploi ».
Certes, l'abondement par l'APRE de ce type d'actions collectives correspond à une vraie demande de la part des organismes gestionnaires, en particulier les Conseils généraux, qui y ont un intérêt financier évident ; cela rejoint par ailleurs un besoin de mobilité récurrent de la part des bénéficiaires. Toutefois, votre rapporteur spécial estime que ces actions doivent être financées par les dépenses d'intervention des organismes en question ; de plus, elles risquent de faire perdre à l'APRE sa caractéristique essentielle de « personnalisation » directe aux besoins du bénéficiaire. A cet égard, il d'ailleurs est rare que les besoins individuels du bénéficiaire ne puissent être satisfaits par l'APRE sans avoir recours à une action collective.
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Au total, la souplesse locale de l'APRE est la garantie de son succès . L'ensemble des interlocuteurs rencontrés par votre rapporteur spécial dans les départements, mais aussi à Paris, ont demandé que soit conservée cette marge de manoeuvre locale qui permet au préfet d'adapter l'aide au contexte départemental, aux aides existantes, au profil de la population, etc.
Toutefois, cette souplesse rend le dispositif très disparate à l'échelle nationale et réduit la lisibilité de son intervention , notamment pour la direction générale de la cohésion sociale et pour la direction du budget. De plus, les acteurs locaux, victimes d'un phénomène d'autocensure ou, à tout le moins, d'insécurité juridique sur la légalité des aides qu'ils distribuent, gagneraient à une plus grande précision du cadre d'intervention de l'APRE . Cela devrait passer, selon votre rapporteur spécial, par les deux principaux éléments suivants :
• Des « lignes rouges » plus précises en matière de champ d'intervention devraient être tracées pour aider les acteurs locaux à appréhender et à optimiser, sans autocensure, le dispositif de l'APRE. Il ne s'agit pas d'établir, à la place du règlement départemental, la doctrine d'emploi de l'aide, mais de donner un cadre plus précis d'intervention, accompagné de barèmes fixant des montants maximums d'aide par type d'intervention , afin de réduire l'inégalité de traitement. Il conviendrait cependant de laisser aux acteurs locaux des possibilités de dérogation justifiées par la pertinence du projet d'insertion du bénéficiaire.
• Une unification du réseau des correspondants de l'Etat s'agissant de l'APRE autour des agents des unités territoriales de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (UT DIRECCTE) serait souhaitable pour simplifier le pilotage du point de vue de l'Etat. Il s'agirait également, grâce à cette unification, de systématiser les échanges de bonnes pratiques entre correspondants en mettant en place une plateforme d'information sur l'APRE commune aux UT DIRECCTE et alimentée, a minima , par les différents règlements départementaux. Cet échange devrait à terme permettre de « lisser » les pratiques départementales en les rapprochant de celles qui sont les plus efficaces et les opérantes.
Proposition n° 9 : systématiser l'échange de bonnes pratiques par la création d'une plateforme nationale d'informations entre les correspondants APRE des UT DIRECCTE Proposition n° 10 : établir par circulaire des « lignes rouges » et des barèmes limitatifs pour préciser le cadre d'intervention autorisé de l'APRE. |
Ainsi, s'agissant de la nature des aides pouvant faire l'objet d'une APRE, votre rapporteur spécial ne préconise donc pas une harmonisation à marche forcée des pratiques départementales . Les propositions qu'il formule résument et concluent, dans une certaine mesure, la position générale qu'il adopte pour l'ensemble du dispositif de l'APRE : les réformes envisagées ne doivent pas avoir pour effet de briser l'écosystème local qui s'est lentement mis en place autour des acteurs de l'insertion. Elles doivent avoir pour objectif, plus modestement, de donner à cet écosystème de la visibilité à plus long terme et un cadre d'intervention plus précis , quoi que non contraignant, de réduire les inégalités de traitement injustifiées entre départements et de redonner à l'Etat, services centraux comme services déconcentrés, la capacité de piloter un dispositif qui a été jusque-là largement laissé à l'appréciation des gestionnaires locaux.
* 14 La Seine-Saint-Denis est le troisième département comptant le plus de bénéficiaires du RSA (74 730) après le département du Nord (112 498) et celui des Bouches-du-Rhône (83 707) en 2012.