C. DÉFINIR UNE STRATÉGIE AMBITIEUSE ET COHÉRENTE
L'intérêt de définir une stratégie africaine de la France est dans le résultat autant que dans la méthode.
Faire travailler ensemble les différents départements ministériels, le Quai d'Orsay, sa direction politique en charge de l'Afrique, mais aussi la DGM et la nouvelle direction en charge des entreprises, la défense, la coopération, les finances, les opérateurs de l'Etat, l'AFD, l'Institut français, l'AEFE, l'Alliance française, France expertise internationale, ADETEF, le CIAN, le Medef international, les entreprises présentes en Afrique, les ONG sur la présence de la France en Afrique et notre politique africaine : voilà qui permettrait de dépasser les clivages administratifs, les frontières idéologiques pour analyser comment la France peut orienter sa politique dans cette Afrique en mouvement.
Plusieurs formules étaient envisageables pour créer cette synergie.
L'unité du pilotage de la politique africaine, longtemps représentée par le Secrétariat général pour les affaires africaines et malgaches, qui couvrait l'ensemble des secteurs au service d'une politique africaine unifiée tant dans ses objectifs que dans ses moyens, a laissé place à une fragmentation des centres de décision dont on mesure les inconvénients en termes de cohérence.
Cette formule est d'un autre temps, elle avait elle aussi ses inconvénients et notamment l'existence d'une politique parallèle à celle définie par chaque ministère qui faisait de l'Afrique un domaine réservé pour le meilleur et pour le pire. Elle a sans doute favorisé les dérives que l'on a dénoncées. Il reste que sa disparition a laissé une faille dans le dispositif. En dehors de réunions techniques, il n'y a plus véritablement de lieu où les différents acteurs réfléchissent à leurs intérêts communs et aux synergies qu'ils peuvent dégager.
Pour ce qui est de formuler une stratégie définie en commun par l'ensemble des acteurs : la formule du Livre blanc à la manière du Livre blanc sur la défense et la sécurité semblerait la plus adaptée. Il n'est pas nécessaire de créer une structure pérenne. En revanche, il faut pouvoir associer des responsables de haut niveau représentant l'ensemble du spectre des institutions intervenant en Afrique.
La Commission du Livre blanc sur la politique africaine pourrait comporter une quarantaine de membres représentant le Parlement, les administrations, les opérateurs, les ONG et des personnalités qualifiées françaises et étrangères et notamment africaines.
Présidée par une personnalité incontestée dotée d'une lettre de mission du Président de la République, cette commission du Livre blanc sur l'Afrique pourrait bénéficier des réflexions des groupes de travail thématiques qu'elle aurait constitués pour démultiplier son action et étendre le champ des personnalités entendues.
Elle permettrait à chacun des acteurs de s'approprier une stratégie collective et de procéder à des choix autres que sur le seul critère budgétaire.
L'exercice devrait également permettre à chacun de comprendre les préoccupations des autres intervenants et de s'approprier des objectifs communs au-delà des différences légitimes entre, par exemple, militaires et ONG, coopérants et industriels, universitaires et diplomates.
Il devrait pouvoir déboucher sur un débat large qui puisse avoir un retentissement médiatique et politique avec un débat au Parlement.
Sur le fond, il ne s'agit pas de définir une ligne politique unique pour l'ensemble du continent, mais une stratégie adaptée à un objet lui-même complexe : l'Afrique est plurielle et notre politique doit l'être aussi. Il ne peut plus y avoir une politique africaine de la France, mais des politiques de la France en Afrique.
Notre stratégie doit être modulée en fonction de nos avantages comparatifs et des enjeux spécifiques à chaque région, voire à chaque Etat partenaire. Certains Etats sont de meilleurs partenaires en bilatéral qu'en tant que membres d'une organisation régionale ; certaines organisations régionales fonctionnent, d'autres ne sont pas mûres ; l'Union Africaine est performante sur certains sujets, moins sur d'autres.
Il semble évident que l'Afrique de l'Ouest va continuer de constituer, dans les années à venir, une zone d'attention cruciale pour notre diplomatie, notre appareil de défense et nos entreprises. Parce que le centre de gravité des crises, hier plus proche de l'équateur, s'en est rapproché, mais aussi en raison des liens interpersonnels forts reliant nombre de nos concitoyens à cette région.
Il faut en prendre acte et placer la sous-région Afrique de l'Ouest au coeur d'une stratégie assumée et énoncée à l'égard du continent.
Cette priorité à l'Afrique de l'Ouest devrait s'accompagner d'un investissement résolu, centré sur l'économie, en direction des pays dynamiques des régions non francophones (Afrique du Sud, Nigeria, Kenya, Botswana, Ethiopie, Angola, Mozambique).
Une stratégie africaine devrait pouvoir articuler cette fidélité à l'Afrique francophone et cette ouverture à l'Afrique anglophone.
Elle devrait également penser les évolutions de l'Afrique de l'Ouest avec celles de l'Afrique du Nord.
De ce point de vue, il faudra penser notre relation à l'Afrique au-delà du clivage entre le Maghreb et l'Afrique subsaharienne. La question du Sahel a montré les limites de cette démarche. Les dynamiques politique, économique, voire religieuse vont dans le sens d'une interpénétration grandissante du Nord et du Sud du continent.
3) Etablir une stratégie africaine de la France sous la forme d'un Livre Blanc sur l'Afrique en associant des membres représentant le Parlement, les administrations, les opérateurs, les ONG intervenant en Afrique et des personnalités qualifiées françaises, étrangères et notamment africaines. |