2. Pour une meilleure prise en compte de la dimension régionale
Nous avons fait le constat dans le premier chapitre que les problématiques de sécurité et de croissance de la majorité des pays africains se posaient à une échelle régionale.
C'est le cas des zones de conflits au Sahel, dans la Corne de l'Afrique et dans la région des Grands Lacs, c'est le cas en matière d'infrastructures de transports, d'énergie, c'est le cas en matière de commerce avec la création d'espaces économiques communs.
L'approche régionale, aujourd'hui notoirement négligée par nos partenaires africains, aiderait à réduire les failles de la gouvernance économique.
C'est également vrai dans la lutte contre les trafics qui se jouent des frontières dans l'espace ouest-africain et sahélo-saharien et dans l'exploitation rationnelle des ressources naturelles, agricoles et minières, qui exige notamment la réalisation d'infrastructures de transports et d'énergie communes.
Or l'organisation de la relation avec l'Afrique est, en France, encore presque exclusivement bilatérale, comme en témoignent les difficultées à produire collectivement une stratégie pour le Sahel ou pour le Lac Tchad.
D'une part, nous investissons très peu les organisations continentales ou régionales en dehors des financements qui transitent par l'Union européenne.
D'autre part, nous ne structurons pas notre action par région, ni en matière de sécurité, où les bases prépositionnées ou les point d'appui des OPEX ne sont pas pas véritablement organisés par niveau régional, ni dans le réseau diplomatique où il n'y a pas de struturation regionale des ambassades, ni au niveau de la coopération, même si l'AFD pratique depuis longtemps des projets à l'échelle régionale.
Les deux aspects sont en partie liés dans la mesure où la France ne consacre que peu de moyens aux institutions régionales. Ces questions sont suivies par les services de l'ambassade du pays de résidence de l'organisation régionale sans qu'ils bénéficient de moyens supplémentaires. C'est le cas à Addis Abbeba où l'ambassade de France en Ethiopie ne peut consacrer qu'un agent au suivi de l'Union Africaine.
La question n'est pas seulement l'investissement mis dans le suivi et la coopération dans les instances régionales, au demeurant trop faible, mais la prise en compte de la dimension régionale dans la gestion quotidienne de nos relations avec les pays africains.
C'est pourquoi, nous proposons de désigner dans chaque région une ambassade chef de file pour coordonner les réflexions et les actions qui ont des implications régionales.
Ces ambassades devraient être désignées en fonction du caractère central du pays de résidence et du siège de l'organisation régionale dominante.
De même, concernant les points d'appui et les bases militaires françaises, dans chacune des zones, une base devrait être désignée comme chef de file, notamment dans la coopération avec les organisations régionales qui participent à la formation des forces africaines en attente. Dans le domaine militaire, cette structuration aurait le mérite de prendre en considération le projet d'architecture de sécurité africaine et de légitimer notre présence par cet arrimage.
Une structuration régionale de notre dispositif civil et militaire permettrait, sans remettre en cause les relations bilatérales dont le rôle reste essentiel, de mieux identifier les sujets qui méritent un traitement plus régional.
Cet effort de réorganisation devrait se fonder sur une analyse des risques et des opportunités entre les ambassades et des services centraux concernés et devrait se traduire par la mise à jour régulière de «stratégies-régions» validées au niveau interministériel.
Actuellement, ambassadeurs et services d'une même région se parlent. Il y a une réunion annuelle des ambassadeurs sous-région par sous-région, chaque année dans un pays différent. Mais l'institutionalisation de ce dialogue et la possibilité de faire des choix en définissant des priorités et des moyens à l'échelle régionale permettrait, dans un contexte de contrainte budgétaire forte, d'allier une plus grande adéquation aux évolutions locales avec une rationalisation des moyens qui s'imposera de toute façon.
En ce qui concerne l'universalité du réseau, il faut par ailleurs ne s'interdire aucune hypothèse, notamment étudier celle de mutualiser des moyens avec certains partenaires européens - dont l'Allemagne, voire de déléguer notre représentation à l'Union européenne. Le principe d'ambassades communes pourrait être testé dans certains pays d'Afrique comme la Namibie ou le Botswana. Ca ne voudrait pas dire réduire nos moyens, mais au contraire les accroitre en les mutualisant. Cela mènerait logiquement à une politique commune d'aide au commerce extérieur, et donc à des joint-ventures franco-allemandes - ce dont nous avons besoin pour être à la hauteur des enjeux d'un point de vue volumétrique.
7) Instaurer une structuration régionale de notre dispositif diplomatique avec la nomination d'ambassades chefs de file régionaux et la mise à jour régulière de «stratégies-régions» validées au niveau interministériel. 8) Etudier la possibilité dans certains pays de mutualiser notre dispositif diplomatique avec certains partenaires européens ou avec l'Union européenne avec la constitution d'ambassades communes. |