C. RENFORCER NOTRE POLITIQUE DE PROMOTION DE L'EXPERTISE FRANÇAISE
1. Créer un fonds dédié au financement de l'expertise et fusionner les opérateurs publics dédiés à la promotion de l'expertise française
Le groupe de travail a constaté dans les chapitres précédents, d'une part, que le renforcement des compétences, notamment en matière de politiques publiques est, nous l'avons vu, un besoin essentiel de l'Afrique. C'est notamment un levier majeur permettant de favoriser l'émergence d'institutions plus légitimes et plus efficaces et donc mieux à même de piloter les processus de développement. Il a observé, d'autre part, que les moyens de la coopération technique française étaient en très net déclin et sa gestion éclatée entre de nombreux organismes sans stratégie commune.
Dans ses pays d'intervention traditionnelle, I'AFD dispose, avec les ressources du Programme 209 du ministère des affaires étrangères, de crédits d'intervention limités lui permettant de financer ce type d'activités, dans des projets dédiés ou à travers des composantes de projets plus larges. Ces activités visent essentiellement à renforcer les capacités à concevoir, mettre en oeuvre et évaluer des politiques, programmes et projets de développement des pays les plus pauvres d'Afrique. Dans les nouveaux pays d'intervention, pays à revenu intermédiaire, l'AFD fait face à une forte demande d'expertise et d'expérience française, s'inscrivant dans une optique de coopération bilatérale et d'échanges avec des experts et des opérateurs techniques français ayant des compétences et des métiers comparables. Cette demande de mise en relation avec les savoir-faire français, qui vise à bénéficier d'approches nouvelles et innovantes, émane de nombreux acteurs (ministères et entreprises publiques, secteur privé et organisations professionnelles, collectivités locales...) et peut prendre des formes très variées.
L'AFD peine à répondre à cette demande dans les nouveaux pays d'intervention, faute d'outil financier spécifique sur dons. Elle a choisi, il y a quelques années, de prendre en charge ce type d'activités dans son budget de fonctionnement. Cette solution présente plusieurs inconvénients. Elle implique, en particulier, un niveau d'engagement modeste, compte tenu des contraintes liées au modèle financier et à la maîtrise des charges de fonctionnement de l'AFD. Elle génère une difficulté à mobiliser certaines compétences françaises, le volume d'affaires représenté par l'AFD n'étant pas suffisant pour inciter des opérateurs potentiels à développer leurs activités correspondant aux besoins identifiés.
C'est pour répondre à ce diagnostic qu'il a été proposé, depuis plus d'un an, la création d'un instrument spécifique complétant l'éventail des outils à la disposition de I'AFD : le Fonds d'expertise technique et d'échanges d'expériences. Ce fonds, annoncé par le dernier CICID, serait pour l'instant doté d'un financement provisoire de 20 millions d'euros et destiné aux pays à revenu intermédiaire 66 ( * ) .
Le groupe de travail se félicite de cette initiative, mais estime qu'il faut aller plus loin en pérennisant le financement de ce fonds par des abondement des programme 110 et 209 et en rassemblant les financements dédiés aux différentes modalités de l'assistance technique, du renforcement de capacité et des études et, notamment, le Fonds d'appui au secteur privé - Etudes (FASEP-Etudes) et, le cas échéant, la Reserve Pays émergents. Ces deux instruments d'aide liée mériteraient en effet d'être revus. Leur concentration géographique et sectorielle et la lourdeur de leurs procédures affaiblissent leur pertinence et, dans l'ensemble, le dispositif français gagnerait à une meilleure articulation entre les instruments liés et déliés, comme c'est le cas notamment aux Etats-Unis. De ce point de vue, confier la gestion des deux types d'instruments à l'AFD avec des guichets distincts présenterait l'avantage d'une meilleure articulation.
La finalité d'un fonds élargi dédié à l'expertise serait de répondre aux demandes et besoins d'expertise et d'expérience françaises émanant des pays à revenu intermédiaire, de nourrir le dialogue sur les politiques publiques tout en valorisant les savoir-faire français.
Son périmètre géographique cible en priorité les pays émergents dont l'Afrique du Sud et les pays à revenu intermédiaire au sens du Comité d'aide au développement (CAD) de l'OCDE tels que, notamment, l'Angola, le Congo, la Côte d'Ivoire, le Nigéria, le Botswana, ou le Gabon. Son champ sectoriel devrait être en cohérence avec le mandat de l'AFD dans les domaines présentant un intérêt particulier pour des opérateurs français. Le fonds n'interviendra pas exclusivement en Afrique, mais devra en faire une de ses priorités.
Ce Fonds permettra d'intervenir en amont de la réalisation de projets ou programmes, notamment d'équipements ou d'infrastructures, ou en accompagnement de ceux-ci, sans avoir vocation, en général, à financer des études de faisabilité. Grâce aux activités financées, le Fonds répondra à une demande des partenaires et permettra de les familiariser avec les solutions techniques et financières.
Ce fonds devra être géré par un guichet de l'AFD au même titre que le guichet ONG, que ces financements soient réservés à des opérateurs publics ou privés français.
Par ailleurs, le groupe de travail juge que la France ne devrait pas s'interdire de développer une offre d'expertise payante ou remboursable, comme en dispose la Banque mondiale. Selon le type d'opération et le pays, l'expertise mise à disposition serait gratuite (financée par le 110 ou le 209) ou payante, avec une grille tarifaire adaptée.
S'agissant de l'organisation institutionnelle et de la gestion de cette politique, le groupe de travail préconise que le pilotage stratégique en soit toujours confié au ministère de la coopération de plein exercice qu'il appelle de ses voeux, mais que l'AFD gère l'ensemble des crédits destinés aux assistants techniques résidents en cohérence avec la poursuite de la réforme de 1998 et des transferts de compétence. Il propose que cette politique de placement fasse l'objet d'une cartographie géographique et sectorielle et d'une stratégie élaborée conjointement entre le ministère des affaires étrangères, l'AFD et le ministère des finances pour les aspects de gouvernance financière.
49) Créer un fonds dédié à l'expertise internationale géré par l'AFD et destiné à des opérateurs privés ou publics français qui rassemble l'ensemble des financements dédiés à l'expertise à l'international. Mieux articuler les instruments d'aide liée et déliée et définir une stratégie géographique et sectorielle pour les assistants techniques. |
* 62 Rapport d'information n° 720 (2012-2013) « Sahel : pour une approche globale » de MM. Jean-Pierre CHEVÈNEMENT et Gérard LARCHER.