2. La confiance retrouvée des investisseurs
Compte tenu de la remarquable croissance qu'il enregistre depuis 2000, le continent est désormais regardé par beaucoup comme une « nouvelle frontière », un pôle mondial potentiel de croissance.
« Finie la famine, vive la croissance » semble dire le cortège d'études menées par des organisations internationales et des cabinets de conseil de premier plan qui pointent toutes vers un « moment africain ». Ce nouveau narratif a installé un début de confiance. Et la confiance, à son tour, les investisseurs.
Ainsi les banquiers, économistes et investisseurs entendus par le groupe de travail ont, à l'unanimité, souligné les opportunités d'un décollage durable du continent fondé sur des facteurs structurels.
De concert, chacun a souligné que les conflits politiques étaient en recul, la croissance économique vigoureuse et la gestion économique, la gouvernance et la stabilité politique améliorées.
Matthieu Pigasse, président de la Banque Lazard, a expliqué son choix d'ouvrir une branche africaine : « C'est le fruit de notre expérience. Depuis des décennies, Lazard conseille les gouvernements africains ..... Nous y avons acquis la conviction que l'Afrique subsaharienne dispose de potentialités extraordinaires. .... Aujourd'hui, le continent représente 4 % de la richesse mondiale ; en 2030, il en pèsera 7 %, et 12 % en 2050. Il sera alors plus riche que l'Europe et pèsera les deux tiers des États-Unis et de l'Europe réunis... » .Et de conclure : « le 21 è siècle sera africain ».
A Addis Abeba, à 15 jours du 50 e anniversaire de la création de l'Union Africaine, on nous a répété que toutes les mutations en cours ont contribué à modifier profondément la perception que l'Afrique a de son avenir, le pessimisme cédant la place à un espoir immense et les puissances économiques traditionnelles comme nouvelles se faisant entendre pour proposer leur partenariat.
Madame Nkosazana Dlamini-Zuma, Présidente de la Commission de l'Union africaine, nous a même clairement affirmé que « L'Afrique n'a plus à attendre que l'initiative vienne de l'extérieur, elle n'a plus besoin d'aide, même si elle est la bienvenue, mais d'investissement ». Et force est de constater que le niveau des investissements directs étrangers fait aujourd'hui jeu égal avec les montants de l'aide au développement.
Abandonner l'aide au profit des investissements ? C'est sans doute aller vite en besogne. C'est ignorer nombre de fragilités, notamment dans ce qu'on appelle « l'environnement des affaires » et les infrastructures. C'est ignorer que dans les PMA, l'intervention des bailleurs de fonds internationaux reste une source essentielle de financements extérieurs. Reste que poser la question, c'est déjà changer d'époque et de regard.
Le parcours de deux des plus hauts responsables de l'aide publique française entendu par le groupe de travail est illustratif de cette évolution. M. Jean-Michel Severino, ancien vice-président de la Banque mondiale, ancien directeur général de l'AFD est aujourd'hui président d'« Investisseurs et Partenaires pour le développement », un fonds d'investissements dans les PME africaines. Luc Rigouzzo, ancien directeur de cabinet du ministre de la coopération, ancien directeur général de Proparco, filiale de l'AFD, est aujourd'hui président d'une société de conseil en financement et investissement pour l'Afrique.
Pour beaucoup, il ne s'agit pas seulement d'un changement de rythme, mais d'un changement de nature, fondé sur des éléments structurels tels que l'urbanisation, l'émergence d'une classe moyenne, l'éducation et les évolutions démographiques.
Point de doute pour Luc Rigouzzo : « une grande partie des économies du continent subsaharien est en passe de se transformer d'économies de comptoirs assises sur les exportations de ressources naturelles en économies endogènes diversifiées et nourries par un marché intérieur en croissance continue. »
Force est de reconnaître que les investissements sont là. Des investisseurs étrangers, qui n'auraient jamais pensé à l'Afrique il y a une décennie, affluent désormais en quête de nouvelles opportunités. Les échanges s'accroissent plus rapidement encore avec l'intégration croissante des entreprises aux marchés mondiaux.
D'après un rapport de la Conférence des Nations unies pour le commerce et le développement (CNUCED) sur les tendances en matière d'investissements, les IDE en Afrique ont été multipliés par 7 entre 2000 et 2008 pour atteindre un record de 62 milliards de dollars en 2008.
Ces investissements restent mal répartis, les dix principaux pays de destination (Nigeria, Égypte, Afrique du Sud, Maroc, Libye, Soudan, Guinée Équatoriale, Algérie, Tunisie et Madagascar) en absorbant une très grande partie destinée aux secteurs du pétrole et des ressources minérales. Leur allocation à des secteurs porteurs d'une croissance pérenne et fortement créatrice d'emplois est un enjeu considérable.
Ces prédictions ont généré une certaine euphorie économique, qui est naturellement bienvenue, mais qui ne devrait néanmoins pas nous faire oublier l'autre réalité africaine, celle de la pauvreté, celle des défis complexes concernant la sécurité des populations.