3. ..mais aussi par l'émergence d'une classe moyenne africaine
Nombreux sont ceux qui considèrent que, plus que sa richesse en ressources naturelles, le véritable pilote de la croissance africaine demeurera l'émergence de sa classe moyenne.
L'industrie extractive représente encore indéniablement une part importante de l'économie du continent, et les exportations de matières premières ont soutenu la croissance de manière considérable au cours de la dernière décennie. Une nouvelle tendance se fait néanmoins jour avec une croissance dans le domaine agricole, dans l'industrie légère, dans l'informatique et les services, qui est tirée par la consommation des ménages les plus aisés. Ce phénomène est d'autant plus important qu'il jette les bases d'une croissance endogène moins dépendante de la demande extérieure.
Une décomposition plus fine montre que des secteurs à forte croissance ont émergé en dehors du secteur extractif qui ne représente au total que 32 % du PIB africain.
Force est de constater que la croissance du secteur manufacturier est identique à celle du reste du secteur industriel. Il en va ainsi de la vente en gros et en détail (13 % du changement dans le PIB réel entre 2002 et 2007), de la construction et des services qui y sont associés (12 %), du transport et des télécommunications (10 %) ou de l'intermédiation financière (6 %). L'ensemble de ces secteurs sont responsables de plus d'un tiers de la croissance africaine et affichaient des taux de croissance de plus de 6% par an.
Ces secteurs sont portés par une demande interne croissante et par l'émergence de classes moyennes africaines : le PIB total de l'Afrique est aujourd'hui comparable à celui de la Russie ou du Brésil et le nombre de ménages avec des revenus de plus de 20 000 dollars par an est déjà supérieur à celui de l'Inde.
Une classe moyenne africaine comparable à celle de la Chine ou de l'Inde ?
D'après les calculs de la Banque africaine de développement (BAD), la classe moyenne africaine rassemble 326 millions de consommateurs qui dépensent entre 2 et 20 dollars par jour, dont plus de la moitié dans une « classe moyenne flottante » qui vit avec 2 à 4 dollars par jour.
Avec cette approche, la taille de la classe moyenne africaine serait comparable à celle de la Chine ou de l'Inde, bien qu'elle soit plus pauvre et moins homogène.
La définition de cette classe moyenne, selon l'intervalle de revenu retenu, varie considérablement. Mais ce qui est en jeu c'est l'apparition d'une part croissante de la population qui sort de l'urgence de la satisfaction des besoins primaires pour acquérir des biens durables, voire épargner, tout en restant exposée aux aléas économiques.
Une nouvelle tendance fondamentale apparaît dans les analyses publiées sur l'Afrique par les grands cabinets de consultants. Ils conseillent à leurs clients internationaux de réviser leurs stratégies. Ils prédisent que la production mondiale devra être réajustée pour satisfaire les besoins d'une classe moyenne africaine en croissance, en partie avec des revenus probablement limités, dans les pays en voie de développement.
Une stratégie industrielle gagnante : cibler le bas de la pyramide
D'après Ernst & Young, les futures stratégies d'entreprise devront absolument être ajustées à l'expansion de la demande des catégories moyennes en s'assurant que leur modèle économique est « adapté à une clientèle à faibles revenus ». De fait, la stratégie consistant à cibler le bas de la pyramide est désormais étudiée par de nombreuses multinationales notamment dans l'industrie pharmaceutique.
Le moteur de la croissance africaine repose désormais en partie sur la consommation. Nous avons été à Pretoria et au Cap. La dépendance de l'Afrique du Sud à l'égard des ressources naturelles, par exemple, est tout à fait marginale. Désormais, son secteur des TIC contribue à plus de 7 % du PIB, à comparer aux 6 % des industries minières. En Tunisie et en Tanzanie, les TIC atteignent respectivement 10 et 20 % du PIB.
Le développement de la consommation par les classes moyennes africaines va être soutenu par les deux processus de long terme que sont l'urbanisation et l'augmentation des actifs.
Ainsi pour McKinsey Global institute 21 ( * ) : « la croissance à long terme de l'Afrique va reposer davantage aussi sur des ressorts internes : des tendances sociales et démographiques interdépendantes qui vont entraîner de nouveaux moteurs de croissance domestique. Les principales sont l'urbanisation et l'ascension des consommateurs africains des classes moyennes. En 1980, à peine 28 % de la population africaine vivait en ville. »
Aujourd'hui, on compte 40 % de citadins, un pourcentage proche de celui de la Chine et supérieur à celui de l'Inde - et ce taux devrait continuer à progresser. Lorsque le nombre d'Africains délaissant les travaux agricoles pour des emplois urbains augmente, leurs revenus suivent la même tendance.
* 21 « L'heure des Lions » : L'Afrique à l'aube d'une croissance pérenne