2. Une transition démographique qui se fait attendre
L'Afrique n'a, en effet, que partiellement entamé la deuxième phase de sa transition démographique.
La baisse de la fécondité amorcée dans la quasi-totalité des pays africains, même si elle reste à un niveau élevé, résulte d'une multiplicité de facteurs dont l'urbanisation et le niveau de scolarisation. Comme en Europe au XX e siècle, les enquêtes montrent que les femmes africaines résidant en milieu urbain, ayant un niveau d'instruction secondaire ou plus et un revenu élevé, ont un taux de fécondité nettement inférieur à celles du monde rural. L'instruction du conjoint est également un facteur important de l'adhésion du couple à la pratique contraceptive. L'éducation intervient ainsi directement sur la fécondité par le biais de la transformation des systèmes de valeurs, par l'information et l'incitation à utiliser des méthodes contraceptives efficaces.
Tous ces indicateurs progressent en Afrique à grande vitesse. En 40 ans, l'indice de fécondité de l'Afrique subsaharienne a baissé de 1,3 enfant en moyenne. La situation est cependant variable selon les régions et à l'intérieur des régions selon les pays. La diminution du taux de fécondité a ainsi été de 3,4 enfants en Afrique australe, de 1,4 en Afrique de l'Est, mais il n'a été que de 1,2 enfant pour l'Afrique de l'Ouest.
En Afrique de l'Ouest même, la diminution de la fécondité est manifeste, elle demeure cependant très inégale selon les pays. Assez nette dans certains (Bénin, Cap Vert, Côte d'Ivoire, Gambie, Ghana, Mauritanie, Nigeria, Sénégal, Togo), elle est à peine amorcée dans d'autres (Burkina Faso, Guinée, Mali, Niger, Libéria).
Le Niger conserve, par exemple, avec un taux de fécondité de 7,2 enfants par femme, le taux le plus élevé du monde. Les conséquences, à terme, sont tout à fait frappantes. Le Niger, pays de 15 millions d'habitants, passera à 53 millions d'habitants en 2050. La population du Mali, 10 millions d'habitants en 2000, près de 15 millions aujourd'hui, passera à 50 millions en 2050.
Les hypothèses d'un doublement de la population se fondent sur une diminution du taux de fécondité à 2 enfants par femme contre 5,5 actuellement.
Avec cette hypothèse, la population aura été multipliée par plus de 10 en un siècle, de 170 millions en 1950 à 1,9 milliard en 2050. Mais, il s'agit bien de l'hypothèse la plus basse. Le scénario médian pour la même date est 2,4 milliards, si les tendances actuelles se poursuivaient, les projections s'élèveraient à plus de 2,9 milliards, soit un milliard de plus, la bagatelle !
Sur le fondement d'une hypothèse qu'on pourrait qualifier de mesurée, l'explosion démographique africaine prendra au cours de ces prochaines décennies une dimension dont on a du mal à prendre la mesure.
L'équivalent du sous-continent indien est en train de se constituer aux portes de l'Europe. Cela peut être un cauchemar ou une opportunité.
La première conséquence de cette explosion est de renverser le rapport entre le nombre d'actifs en âge de travailler et les personnes dépendantes à la charge de la société soit parce qu'ils sont trop jeunes soit parce qu'ils sont trop vieux.
Les trajectoires des pays émergents ont montré l'importance, dans l'accélération de la croissance économique, du rôle joué par la structure par âge, et en particulier de la diminution du rapport entre le nombre de personnes à charge de moins de 15 ans et de plus de 65 ans par rapport au nombre d'actifs. Ce rapport, que l'on appelle « taux de dépendance », est resté très élevé en Afrique du fait du poids des enfants. Dans cette phase de transition, il est amené pendant plusieurs décennies à diminuer.
Tous nos interlocuteurs, dans le cadre du groupe de travail, ont souligné que la transition démographique permettra à l'Afrique de bénéficier pendant une courte période de son histoire d'un dividende démographique.