4. Des intérêts économiques et stratégiques circonscrits
En 2010, la France a dégagé un excédent commercial de quelque 3,2 milliards d'euros (selon l'INSEE) et était encore le deuxième fournisseur du continent en 2010.
En 2011, le continent africain représentait 17% des exportations françaises et 13% de nos importations.
Nous importons principalement des hydrocarbures et des combustibles nucléaires depuis l'Afrique.
Les importations en pétrole brut et en gaz naturel représentent en effet près de 55% de l'ensemble des importations en provenance de l'Afrique pour l'année 2011.
Nos principaux fournisseurs dans ce domaine en Afrique subsaharienne sont l'Angola et le Nigeria. Nous importons également des fruits tropicaux et du cacao depuis les pays d'Afrique de l'Ouest.
La France exporte principalement des produits de haute technologie (aéronautique, pharmacie) qui lui permettent de rester compétitive sur le continent.
Ainsi, malgré la concurrence de la Chine, la part de marché de l'aéronautique français en Afrique a progressé de 21.7 points entre 2000 et 2010, notamment grâce à la vente d'Airbus en direction de l'Afrique du Sud. Le solde positif avec ce dernier de plus de 1,3 milliard d'euros, est le 4 e excédent avec un pays émergent ou proto émergent après l'Australie, l'Arabie Saoudite et Singapour
Nous sommes également les premiers fournisseurs de l'Afrique en céréales.
La grande similitude que l'on constate entre les cartes des exportations et des importations françaises s'explique par le fait que nous exportons également beaucoup de matériel permettant l'exploration de puits pétroliers ou de gaz naturel afin de pouvoir ensuite importer ces hydrocarbures. Ces exportations sont faites en direction des filiales des firmes françaises sur le continent.
Les marchés africains semblent donc porteurs pour les firmes françaises qui, comme leurs homologues étrangères, essaient de profiter de la croissance africaine et notamment des investissements massifs effectués ces dernières années en matière d'infrastructures ainsi que de l'augmentation de la consommation des ménages, comme en témoigne la signature récente entre Carrefour et CFAO d'un protocole d'accord visant à constituer une société commune pour développer différents formats de magasins dans huit pays d'Afrique : le Cameroun, le Congo, la Côte d'Ivoire, le Gabon, le Ghana, le Nigeria, la République démocratique du Congo et le Sénégal.
Si ces firmes bénéficiaient de certains appuis directs de l'État, comme l'aide liée qui leur a permis d'accéder à certains contrats africains dans les domaines du bâtiment et des travaux publics (Bouygues, Dumez), mais aussi dans les secteurs de l'eau et de l'électricité (Électricité de France, Lyonnaise des eaux, Vivendi) jusqu'à la fin des années 1990, ce n'est plus le cas aujourd'hui dans la mesure où la France a délié la quasi intégralité de sa coopération dans le cadre de l'OCDE .
Les entreprises françaises bénéficient cependant des avantages de la monnaie unique dans la zone Franc, de la politique de coopération monétaire ainsi que du soutien de la Compagnie française d'assurance du commerce extérieur (Coface) qui garantit les risques des exportateurs français, et des réseaux français. A titre d'exemple, la Banque nationale de Paris, la Société générale et le Crédit Lyonnais représentent à elles seules 70% du chiffre d'affaires des banques de la zone franc. Cette zone concentre également 731 filiales d'entreprises françaises.
En termes de flux d'investissement, l'Afrique subsaharienne représente un peu moins de 5 milliards par an, majoritairement au Gabon, au Cameroun, en Côte d'Ivoire, au Congo, au Nigeria et en Angola.
L'analyse sectorielle de ces investissements montre que c'est l'exploitation d'hydrocarbures qui concentre la majorité de nos intérêts économiques en Afrique aussi bien en matière d'investissement direct -c'est ainsi que s'explique le niveau de ces investissements en Angola et au Nigeria- qu'en termes d'échanges puisque 25% de nos importations en pétrole brut provenaient du continent africain en 2011.
Total est ainsi présent dans 50 pays africains par le biais de ses filiales de distribution et d'exploration. Le groupe a investi massivement sur le continent, notamment en Angola et au Nigeria.
« L'Afrique représente pour le groupe 31% de sa production, 28% de ses réserves et la moitié du potentiel d'exploration du Groupe » nous a dit Jacques Marraud des Grottes, Directeur Afrique TOTAL Exploration-Production. Ainsi 45 000 personnes travaillent chaque jour sur les installations du groupe en Afrique, en incluant le personnel des sociétés de services : un poids qui est amené à croître avec la découverte de nouveaux bassins de gisement au Soudan, au Ghana, en Ouganda, et en Mozambique. Si 50% du potentiel d'exploration conventionnel est situé dans le Golfe de Guinée, Total diversifie ses implantations passant de 11 pays à 18 en 2 ans, comme l'illustre la carte ci-après.
Mais la concurrence est de plus en plus vive, notamment avec des entreprises occidentales ENI, Exxon, Chevron, Shell, BP, Statoil, mais aussi de façon croissante avec de nouveaux acteurs dont les entreprises chinoises telles que China National Petroleum Corporation, Chinese National Off-shore Company et PetroChina.
Le renouveau de la carte pétrolière de Total
La France est également présente dans l'exploitation d'uranium en Afrique, bien qu'elle possède d'importantes réserves pour son usage civil. Elle est en particulier dépendante des seules mines du Niger pour son approvisionnement en uranium à usage stratégique militaire.
L'enjeu de la politique économique de la France en Afrique est donc, entre autres, d'assurer un accès sécurisé aux ressources énergétiques et minières dont elle a besoin.
La création du Comité pour les Métaux Stratégiques (COMES) en 2011, qui avait notamment pour objet de réfléchir à la sécurisation de l'accès des industries françaises aux ressources en métaux, illustre la volonté des pouvoirs publics de mieux coordonner la politique minière en Afrique.
Dans ce secteur la France est présente en Afrique à travers le groupe français ERAMET, leader mondial de l'exploitation des métaux d'alliage. Afin de maximiser sa présence et son exploitation des ressources africaines, ERAMET a pris part à 46% dans le groupe gabonais COMILOG (spécialiste de ferromanganèse) en 1995. Sa filiale, TIZIR, issue de l'association d'ERAMET et de l'australien Mineral Deposits Limited est également devenue l'opérateur principal du projet Grande Côte au Sénégal. Ces alliances avec des entreprises locales ou potentiellement concurrentes a permis à ERAMET de sécuriser son approvisionnement en minerai de titane et de conserver son rang de leader international.
La présence française en Afrique est importante mais finalement circonscrite à la fois sur les plans géographique et sectoriel. Elle est encore massive et diversifiée en Afrique francophone, notamment en Afrique de l'Ouest et à Madagascar. Ailleurs, elle est encore très concentrée autour des importations pétrolières et de l'exploitation d'uranium et de minerais.