C. LES RÉFUGIÉS SYRIENS : COMMENT ORGANISER ET SOUTENIR L'AIDE INTERNATIONALE ?
Depuis mars 2011, la situation des personnes affectées par le conflit syrien n'a fait que s'aggraver : 2,2 millions de Syriens, dont 1,1 million d'enfants, ont fui le pays et, en Syrie même, 6,8 millions de personnes ont besoin de l'aide humanitaire, tandis que 4,25 millions de personnes sont déplacées à l'intérieur du pays.
Dans les camps, les victimes du conflit continuent à souffrir du manque d'eau potable, de nourriture, de vêtements et d'hébergement décent, et les violences faites aux femmes et aux enfants s'accroissent.
M. Jean-Marie Bockel (Haut-Rhin - UDI-UC), rapporteur de la commission des migrations, des réfugiés et des personnes déplacées , a ainsi présenté son rapport :
« La commission des migrations, des réfugiés et des personnes déplacées, dont je salue le nouveau président Thierry Mariani, a vraiment voulu informer les collègues de la situation actuelle et, au travers de cette séance, porter haut et fort un certain nombre de messages en direction de la communauté internationale afin que celle-ci agisse mieux et plus vite. Nous avons bien travaillé en lien étroit avec mon collègue M. Diþli de la commission des questions politiques. C'est ensemble que nous sommes allés sur le terrain et avons procédé aux auditions. Je tenais à le préciser.
Monsieur le Commissaire aux droits de l'Homme, comme le disait à l'instant Mme la Présidente, nous sommes très heureux de votre présence. J'ai lu avec grand intérêt votre rapport de mission et je partage, nous partageons l'essentiel de vos conclusions.
Notre commission est extrêmement préoccupée par ce que nous avons pu observer sur le terrain et nous pensons qu'au-delà du débat de ce jour, nous devrons continuer d'informer l'Assemblée et, à travers elle, nos opinions publiques de la situation en Syrie. Les problèmes ne se règleront pas demain matin ; nous devons poursuivre nos investigations sur cette situation dramatique, notamment en ce qui concerne les personnes les plus vulnérables, les femmes et les enfants, et tout particulièrement les enfants syriens non accompagnés. Nous devons également suivre la manière dont les camps, lorsque camps il y a, sont gérés et administrés et la façon dont l'aide internationale est utilisée.
Au-delà de l'aspect de suivi, notre Assemblée permet aussi aux réfugiés syriens de ne pas se sentir complètement abandonnés. J'ai encore en mémoire les mots qu'ils m'ont adressés lors de notre visite : « Merci d'être là, cela veut dire que nous existons encore pour quelques personnes ».
C'est la raison pour laquelle je pense que nous pourrions être mandatés par l'Assemblée pour poursuivre notre travail. Nous n'avons pas pu aller en Jordanie, par exemple, où la situation est terrible, notamment à Al Zaatari, ou dans d'autres pays limitrophes. Pour ce qui est de la présence sur le terrain, ce rapport se fonde essentiellement sur deux visites, et je tiens à cet égard à remercier le Haut-Commissariat aux réfugiés, tant pour son aide à la bonne organisation de nos déplacements, que pour son implication courageuse.
Je citerai rapidement l'exemple du Liban, où nous avons visité ce qui était à l'époque des « non camps », puisque le Liban ne voulait pas entrer à nouveau dans une démarche de camps, alors qu'à l'époque - c'était il y a quelques mois - nous dénombrions déjà près de 900 000 réfugiés. Les autorités, me semble-t-il, sont en train de changer de position, car le principe de réalité s'impose et la situation, parce qu'elle n'est pas vraiment reconnue et organisée même si elle est tolérée, devient absolument insupportable. Les conditions de vie sont déplorables, indignes : eau insalubre, absence de sanitaires, aide insuffisance hors HCR et ONG - heureusement qu'elles sont là -, loyers élevés, etc. À cela, il faut ajouter, ce qui est peut-être le pire pour moi, des enfants non scolarisés, sans oublier de citer les obstacles administratifs démesurés pour renouveler les visas, l'absence d'accès aux soins en raison du coût élevé des hôpitaux. Les réfugiés manquent de tout, à commencer par les produits de première nécessité. Je ne parle pas des problèmes de difficultés financières, d'emploi, d'insuffisance de l'aide alimentaire et l'on a le sentiment que le Liban, qui est déjà dans une situation très instable, devient une véritable poudrière. Il convient de porter une attention particulière aux femmes et aux enfants qui, ne l'oublions jamais, représentent la majorité des réfugiés qui ont fui la Syrie.
En Turquie, nous avons rencontré une situation bien différente. Nous avons effectivement perçu la volonté des autorités turques de soulager au maximum les maux des réfugiés syriens.
Le gouverneur d'Hatay nous a d'ailleurs informés qu'un grand nombre de réfugiés étaient hébergés par des familles turques qui ont un lien de parenté avec eux et qui les accueillent. Mais cela commence aussi à poser des problèmes, tant leur nombre augmente. Nous l'évoquions à l'instant avec le Commissaire aux droits de l'Homme. Le Croissant-Rouge aide les réfugiés qui se trouvent dans les régions frontalières, qui sont nombreuses puisque les frontières s'étendent sur 800 kilomètres.
Le camp que nous avons visité près de Hatay est l'un des premiers à avoir été installé. Jusqu'au mois de juin 2013, la situation y était relativement calme, mais, en quelques mois, le nombre de réfugiés est passé de 250 à 6 500. Il a fallu suivre et organiser ces tentes et ces chambres familiales aménagées dans de grands halls.
Tout cela me permet de marquer l'implication de l'État turc. Un point qu'il me paraît important de souligner est que les enfants vont à l'école le matin. C'est tout de même une grande différence. Les réfugiés déplorent néanmoins le manque de soutien et de réaction de la communauté internationale. Ils estiment qu'on leur fait beaucoup de promesses, dont ils ne voient pas forcément de concrétisation à la hauteur de leurs espérances.
Le projet de résolution que la commission vous soumet aujourd'hui met l'accent sur la situation plus que précaire que connaissent les réfugiés syriens dans les pays limitrophes, spécialement au Liban. Il nous faut aussi remercier les États qui accueillent ces réfugiés, y compris en Europe, et saluer la générosité dont ils font preuve en dépit de la crise économique.
J'ai également souhaité mentionner la situation en Afrique du Nord, plus particulièrement en Égypte, qui a accueilli un grand nombre de réfugiés syriens, dont certains auraient été expulsés vers des pays tiers. Dans ce pays, des enfants réfugiés seraient également placés en rétention administrative.
Je ne reprendrai pas tous les points du projet de résolution. Nous aurons l'occasion de les évoquer par la suite. Les recommandations qu'il comporte s'adressent aussi bien aux États membres de notre Organisation qu'à des États non membres ainsi qu'aux États concernés par le conflit. Elles portent sur la nécessité d'accorder une protection temporaire ou internationale aux réfugiés, d'appliquer le principe du non-refoulement, d'assurer l'accès aux territoires et aux procédures d'asile, de prévoir un plan de contingence en cas de nouvel afflux massif de réfugiés, de veiller à ce que les enfants puissent bénéficier d'un programme d'éducation, d'apporter toute la protection possible aux femmes et aux jeunes filles.
Elles insistent également sur la générosité et la solidarité attendues de la communauté internationale, y compris en Europe et au sein de l'Union européenne. Chacun doit faire plus dans les mesures à prendre pour fournir le minimum vital à ces réfugiés.
Enfin, le texte encourage les États membres de l'Union européenne à mettre en oeuvre la directive concernant la protection temporaire en cas d'afflux massif de personnes déplacées et soutient les pays de l'Union qui accueillent les réfugiés syriens.
Je terminerai cette présentation sur un mot relatif à la conférence Genève II. S'il faut naturellement se féliciter - et certains amendements y font référence - que des représentants du régime et de la coalition nationale syrienne aient accepté de s'asseoir autour de la table des négociations, force est de constater que, jusqu'à présent, aucune solution n'a pu être trouvée, y compris sur la question importante de l'acheminement d'un convoi humanitaire à Homs. Il est pourtant essentiel que les femmes et les enfants puissent quitter au plus vite la vieille ville de Homs, assiégée par l'armée syrienne depuis juin 2012. Le régime syrien aurait accepté le principe d'une telle évacuation, mais des garanties auraient été demandées de part et d'autre avant d'y procéder. Bref, la situation est pour l'instant bloquée, y compris sur le volet humanitaire des négociations. Cela est inacceptable. Il est inacceptable que des civils, particulièrement vulnérables, soient ainsi pris en otage pour des raisons politiques, alors qu'ils ne portent aucune responsabilité dans le conflit.
Plus généralement, je pense que tous les pays membres de L'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe devraient, là où ils sont, avec la position géopolitique qui est la leur, y compris certains grands pays, peser pour que nous puissions au moins dans ce domaine trouver des solutions, sachant que la dimension humanitaire et la dimension de résolution politique du conflit sont étroitement liées. »
Mme Josette Durrieu (Hautes-Pyrénées - SOC) a insisté sur la nécessité d'une solution politique :
« Monsieur le Commissaire aux droits de l'Homme, vous avez raison : on somnole - à propos de la Syrie, comme à propos du Mali et de la Centrafrique. On se donne bonne conscience, mais il y a beaucoup d'hypocrisie et de lâcheté dans tout cela.
Les camps que vous avez visités dans la région de Hatay, en Turquie, je les connais. Vous avez raison : il faut saluer une fois de plus les efforts exceptionnels de ce pays. Le chiffre que vous avez cité - près d'1 million de réfugiés - dépasse encore celui que l'on m'avait donné. Pourtant, les résultats sont assez exceptionnels. Merci donc à la Turquie.
La situation de la Jordanie est différente. Cela fait longtemps déjà qu'elle accueille tous les réfugiés de la zone ; la population y est à 60 % constituée d'immigrés.
Tous les problèmes se cumulent : l'approvisionnement en eau, les violences, l'insécurité, les trafics. Les réfugiés ont besoin de tout, mais surtout d'hôpitaux et d'écoles. C'est un impératif, non pas de générosité, mais de solidarité.
Nous devons cependant aussi aborder le problème en termes politiques, car nous ne sommes pas une ONG. Il faut un chapeau politique à ce débat. Toute la région est emportée dans la spirale de l'affaire syrienne. La totalité des États voisins de la Syrie en subissent les conséquences : la Jordanie, la Libye, la Turquie, l'Irak, avec les problèmes que l'on sait de réfugiés et de minorités - dont les Kurdes qui viennent d'être évoqués et qui constituent aussi dans plusieurs pays une minorité importante.
La crise syrienne soulève aussi des problèmes religieux. Toutes les minorités religieuses se trouvent en difficulté. Toutefois, ce qui frappe le plus, c'est l'importance prise par le fait religieux dans une guerre qui était à l'origine d'une autre nature, mais qui est devenue une guerre entre sunnites soutenus par l'Arabie saoudite et chiites appuyés par l'Iran - bref, c'est la guerre de l'Arabie contre l'Iran par Syrie interposée.
La solution ne peut être que politique. Heureusement, les deux parties participent à la conférence de Genève II - je ne sais pas s'ils dialoguent réellement, mais ils sont présents. En revanche, l'Iran n'y participe pas, ce qui est dommage. Dans un accord nucléaire transitoire, l'Iran a poussé assez loin les concessions ; peut-être avait-il sa place à la conférence. En tout cas, c'eût été un bon signal, car il est un acteur majeur et nous aurions pu tester son sens des responsabilités.
En attendant, les combats, les morts, les réfugiés, tout cela continue. La machine infernale est en marche. Nous avons réussi à obtenir l'arrêt de l'utilisation des armes chimiques et leur destruction. En revanche, nous avons failli ne pas demander aux belligérants de déposer les armes au moment même où les négociations s'engageaient - mais j'espère que l'amendement qui vous est proposé sera adopté, car ce sont les armes traditionnelles qui tuent, en Syrie. »
M. Bernard Fournier (Loire - UMP) a, lui aussi, présenté les efforts de la France envers l'opposition syrienne et a insisté sur les limites d'une approche humanitaire sans perspective politique :
« Je tiens à saluer le remarquable travail d'investigation de mon compatriote Jean-Marie Bockel, qui permet à notre Assemblée de connaître avec précision les réalités du terrain.
Ces réalités sont dramatiques pour les 2,2 millions de Syriens, dont la moitié d'enfants, que la guerre civile a contraints à l'exil, ainsi que pour les 4,5 millions de personnes déplacées à l'intérieur de leur propre pays, qui vivent dans des conditions très précaires, quand ce n'est pas dans un dénuement extrême.
Le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés, dépassé par l'afflux ininterrompu de réfugiés, est contraint de procéder à des choix douloureux. La situation est proche du point de rupture. Depuis octobre dernier, l'aide consacrée aux plus nécessiteux, insuffisante, a dû être supprimée à 30 % des réfugiés. Or les besoins sont croissants : selon l'ONU, 6,5 milliards de dollars seraient nécessaires aux réfugiés syriens en 2014. Pourtant, la conférence des donateurs, réunie au Koweït le 15 janvier dernier, n'a obtenu des engagements qu'à hauteur de 2,4 milliards de dollars, alors même que les promesses faites lors de la précédente conférence sont loin d'avoir été tenues, en particulier par les pays du Golfe.
De nombreux pays, voisins de la Syrie ou pas, apportent une aide vitale à ces réfugiés. C'est le cas de la France, qui accueille des réfugiés syriens. La France apporte aussi une assistance à la Coalition nationale syrienne (CNS), notamment en matière d'administration locale et de fourniture de services de base en matière d'énergie, de santé, d'eau et de sécurité alimentaire. Elle a également décidé de rejoindre le fonds multi-bailleurs pour la reconstruction de la Syrie mis en place par l'Allemagne et les Émirats arabes unis dans le cadre du groupe des Amis du peuple syrien. Elle livre en outre une aide militaire non létale à destination de la CNS pour la protection des populations civiles, en coordination avec ses partenaires de l'Union européenne. Enfin, elle a mis ses meilleurs experts à la disposition de l'Organisation internationale pour l'interdiction des armes chimiques dans le cadre du démantèlement de l'arsenal chimique syrien.
Néanmoins, on voit bien que l'approche humanitaire atteint rapidement ses limites. Il convient de trouver une solution politique à la situation en Syrie, où la guerre n'a que trop duré.
Le peuple syrien est en droit de déterminer son propre destin. Certains proposent la formation d'un gouvernement de transition doté des pleins pouvoirs exécutifs dans le cadre de la conférence de Genève II, mais le processus paraît bien mal engagé. L'opposition syrienne est très divisée, et confrontée à un terrible dilemme : participer à la conférence, c'est prendre le risque d'être considéré comme un traître ; ne pas y participer, c'est offrir une victoire à Bachar el-Assad et encourir l'opprobre des Amis de la Syrie. La décision de la CNS de participer à la conférence est courageuse, et elle doit être saluée. »
M. Jean-Pierre Michel (Haute-Saône - SOC) a, de son côté, déploré le soutien apporté au régime syrien par certains États membres du Conseil de l'Europe :
« Trois ans de conflit, des milliers de morts, des millions de réfugiés à l'intérieur et à l'extérieur. Ça continue, nous n'y pouvons rien. Pourquoi ? Notamment parce qu'un des pays membres du Conseil de l'Europe s'acharne à soutenir le régime de Bachar el-Assad. Nous venons d'ailleurs d'entendre un parlementaire de ce pays et nous avons pu constater à quel point la réalité a été déformée et manipulée.
Quand on connaît la Syrie, on sait le déroulement des faits. Les premières révoltes contre le régime de Bachar el-Assad ont été le fait de démocrates syriens, à l'intérieur du pays. Puis, faute d'avoir été aidées, par nous, ces révoltes ont été rapidement submergées par des bandes d'islamistes, des bandes de chiites, qui sont venus en Syrie pour combattre le régime. Aujourd'hui, ceux-là sont aidés, notamment par l'Iran - on sait que l'Iran a envoyé en Syrie des instructeurs et même des soldats - et nous sommes dans l'impasse. Que nous reste-t-il sinon parler de l'aide humanitaire, de l'aide que nous devons apporter aux pays qui accueillent tous les réfugiés qui pour certains, comme la Jordanie ou le Liban, sont totalement déstabilisés par l'afflux de ces réfugiés ?
On ne peut que souscrire à l'excellent rapport de Jean-Marie Bockel, ainsi qu'aux observations et aux précisions que nous a apportées notre Commissaire aux droits de l'Homme, mais franchement, c'est humiliant pour nous ! »
M. Jean-Claude Mignon (Seine-et-Marne - UMP) a, quant à lui, souhaité revenir sur le drame vécu par les populations déplacées :
« Je voudrais tout d'abord remercier la commission des migrations, des réfugiés et des personnes déplacées et, d'une manière générale, l'ensemble des commissions de notre Assemblée qui réalisent un travail énorme. Si nous devions dire aujourd'hui laquelle de ces commissions est la plus importante, nous serions bien gênés, car force est de constater que chacune, dans son rôle, réalise un travail remarquable.
Une nouvelle fois, nous allons parler de la situation de ces femmes, des ces hommes, de ces enfants que l'on appelle « des réfugiés » ou « des personnes déplacées ». Il est incroyable qu'en 2014, une commission soit obligée de se consacrer à la situation et au devenir de ces personnes. Le mot « réfugié » est terrible. Des femmes, des hommes, des enfants sont contraints de fuir leur pays, d'être déracinés, de se réfugier pour vivre dignement et sans risquer leur vie au quotidien. Nous sommes en 2014 ! Quelles autres assemblées traitent de ce type de sujet ? Il n'y a que nous pour le faire. Reportons-nous à tous les débats que nous avons eus depuis quelques années sur la Syrie, ne serait qu'en octobre dernier au titre de la procédure d'urgence, dans cet hémicycle. Reportons-nous au travail réalisé par la commission des migrations et par la sous-commission, que j'ai accompagnées, notamment en Grèce afin de visiter des camps.
Se rend-on bien compte de la portée du mot « camp » ? Nous sommes obligés d'installer dans des camps, dans des conditions ô combien précaires, des femmes, des enfants, des hommes déracinés, qui ignorent le plus souvent ce qu'est devenue leur famille, qui ignorent s'ils ont encore une mère et un père.
J'étais avec M me Strik et bien d'autres en Grèce. Nous ne pouvons que saluer l'action de pays comme la Grèce, la Turquie, l'Italie, la Bulgarie et Malte. Ils accueillent ces réfugiés qui ne savent plus où aller. Il serait bon que nos parlements respectifs inscrivent ces mêmes sujets à leur ordre du jour et qu'ils se rendent compte de ce qui se produit, car nous ne pouvons pas nous contenter chaque jour de regarder ce qui se produit en direct à la télévision ou sur les réseaux sociaux.
Demain, nous allons commémorer un dramatique anniversaire, celui de la libération des camps. Or nous sommes en 2014 et nous - je parle aussi bien des Occidentaux que du reste du monde - ne sommes toujours pas à même de dire enfin : « Plus jamais ça ! ».
M. René Rouquet (Val-de-Marne - SRC), président de la délégation française , a plus particulièrement détaillé l'action du HCR :
« Monsieur le rapporteur, je vous remercie pour cet important travail qui nous rappelle combien le conflit syrien est, plus que jamais, la plus grande catastrophe humanitaire de ce début de XXI e siècle. La solidarité exemplaire dont font preuve les pays voisins de la Syrie ne doit pas nous faire oublier que le drame syrien nous concerne tous !
La situation des déplacés internes, qui représenteraient plus de 4 millions de personnes, m'inquiète particulièrement.
Certes, le HCR a lancé un Plan national de réponse et d'assistance humanitaire pour la Syrie, destiné à pourvoir aux besoins d'urgence en matière de soins de santé, d'abris et de fournitures de protection contre le froid hivernal, à l'exception de l'aide alimentaire laissée au soin d'organisations régionales. Toutefois, le conflit et l'intensité des combats rendent très difficiles les opérations destinées aux déplacés internes. L'insécurité restreint considérablement les déplacements à travers le pays, les communications sont souvent interrompues et l'accès du HCR aux populations ciblées par l'aide s'en trouve limité.
C'est la raison pour laquelle le HCR s'appuie sur des partenaires nationaux, notamment le Croissant-Rouge arabe syrien, et sur les ONG implantées localement pour prendre le relais sur le terrain. Sans le courage de ces hommes et de ces femmes qui tentent d'acheminer l'aide jusqu'aux déplacés internes, souvent au péril de leur vie, la solidarité internationale serait un vain mot !
À ces difficultés, s'ajoute le nombre important de déplacés syriens - de plus de 250 000, selon les estimations du HCR -, qui vivent dans une situation d'assiégés dans des zones de combats intenses et qui sont donc totalement hors de portée de toute opération d'aide humanitaire.
Malgré tous ces obstacles, le HCR espère en 2014 apporter son assistance à plus de 3 millions de personnes déplacées sur un total estimé de 4,2 millions.
Monsieur le rapporteur, vous rappelez le soutien de notre Assemblée à l'appel de M. Beyani aux parties en conflit afin de permettre d'aider les personnes déplacées. La « tractation de Homs », obtenue par le médiateur de l'Onu, M. Brahimi, ces derniers jours à Genève, est peut-être un premier pas pour que les convois humanitaires puissent, enfin, accéder aux populations assiégées. Je regrette d'ailleurs que seul le cas de Homs ait été évoqué pendant la Conférence Genève II.
La tragédie humanitaire que vit le peuple syrien ne sera, bien sûr, résolue que si la paix revient, mais chaque jour, chaque minute, des hommes, des femmes, des enfants syriens sont contraints de quitter leur pays, de se terrer sous les bombes et, malheureusement, beaucoup meurent. Il devient urgent d'agir ! »
M. Jean-Marie Bockel (Haut-Rhin - UDI-UC), rapporteur de la commission des migrations, des réfugiés et des personnes déplacées , a ensuite répondu aux différents intervenants :
« Il est encourageant de constater que la plupart des interventions sont allées dans le même sens. Cela conforte l'unité d'expression de notre Assemblée sur ce sujet majeur, qui appelle de ma part quelques remarques.
Le Commissaire aux droits de l'Homme a évoqué la question du devoir d'accueil en Europe d'un certain nombre de réfugiés. Certains pays se sont engagés peu ou prou, pas assez. C'est une vraie question. Nous devons avoir à l'esprit que la plupart des réfugiés n'ont sans doute pas vocation à rester en Europe et retourneront chez eux. Mais, à court terme, la question humanitaire se pose pour ces millions de personnes.
On a parlé du couloir humanitaire d'Homs. De tels couloirs sont nécessaires à d'autres endroits. Le problème doit être mis sur la table à la Conférence Genève II.
J'ai parlé dans ma présentation de grands pays pouvant faire pression sur le régime syrien au sujet des questions humanitaires et politiques. Plusieurs d'entre vous ont été plus explicites en citant la Russie. Ils ont eu raison. Nous attendons beaucoup de ces pressions.
Monsieur Osborne et un collègue autrichien ont parlé de la situation des femmes, particulièrement des violences sexuelles, des mariages forcés, de la prostitution, y compris des mineures. C'est un drame dans le drame qui nécessite des réponses spécifiques et rapides.
Plusieurs collègues ont insisté sur la nécessité d'une bonne coordination européenne pour l'aide aux pays concernés, en tenant compte de ce que chacun peut faire. C'est aussi un vrai sujet.
Monsieur Fournier a évoqué l'insuffisance de l'aide humanitaire de base, à savoir l'aide alimentaire, le HCR étant arrivé à la limite de ses moyens. Certains réfugiés se retrouvent privés d'aide alimentaire. C'est une question urgente.
Je ne reviens pas sur les propos marginaux de certains orateurs, rares au demeurant, faisant l'amalgame entre réfugiés et terroristes. Ce n'est pas la peine de donner de l'importance à cela.
Dans le contexte de Genève II, la question humanitaire nous amène à parler politique, ce qui est une bonne chose, car nous sommes ainsi dans notre rôle. Il faut s'assurer que les aides arrivent à destination et les suivre. J'espère que le Conseil de l'Europe aura toujours un mandat pour ce travail de suivi, en complément de votre engagement très fort qui nous a marqués aujourd'hui, Monsieur le Commissaire.
Monsieur Rouquet a évoqué la question des déplacés internes : elle est majeure et nous ramène à la politique et aux pressions. Il faut le souligner très fortement ce soir.
Madame Johnsen a rendu hommage aux humanitaires. Nous pouvons exprimer notre admiration pour leur courage et l'efficacité de leurs efforts. M me Muliæ a eu raison de souligner la différence majeure entre les camps où les enfants peuvent aller à l'école et ceux où ils ne le peuvent pas. Pour l'avenir, cela nous oblige.
Ce qui a été dit par un de nos collègues palestiniens sur la spécificité de ces réfugiés doit être souligné. Enfin, je salue l'engagement remarquable du Maroc, notamment sur le plan sanitaire. Plusieurs collègues l'ont constaté, notamment en Jordanie. »
M. Thierry Mariani (Français établis hors de France - UMP) , président de la commission des migrations, des réfugiés et des personnes déplacées , a insisté sur la nécessité pour l'Assemblée de poursuivre ses travaux sur les réfugiés syriens :
« Je remercie les orateurs pour leur intervention, et plus spécialement le Commissaire aux droits de l'Homme et mon compatriote Jean-Marie Bockel, ainsi que le rapporteur de la commission des questions politiques pour son avis très pertinent et pour les amendements qui vont compléter le texte à bon escient. Notre commission les a examinés aujourd'hui et approuvés.
Le conflit syrien entre dans sa quatrième année. Force est de constater que les réfugiés continuent à arriver de plus en plus nombreux. Selon les chiffres du HCR qui ont été rappelés, leur nombre a augmenté de 340 % en 2013. Comme plusieurs des orateurs, je lance un appel à la solidarité des États. Il ne s'agit pas seulement d'aide humanitaire, mais aussi de tenter de préserver la fragile stabilité d'une région stratégique, menacée par tous les extrémismes, aux frontières de notre continent.
J'insiste sur la nécessité de continuer à examiner la situation des réfugiés syriens notamment celle des groupes vulnérables, en particulier des enfants migrants non-accompagnés et des femmes qui subissent des violences. Nous avons entendu des témoignages qui ne doivent pas nous laisser indifférents. Il nous appartient en tant qu'organisation pour la défense des droits de l'Homme de continuer à nous battre pour que ces violences cessent. »