Mercredi 9 avril 2014
MM. Richard Olivier,
président de la direction nationale de contrôle de gestion
pour
la ligue de football professionnel - Philippe Ausseur, président de la
commission de contrôle de gestion de la direction nationale de conseil et
de contrôle de gestion pour la ligue nationale de basketball et
Jean-Christophe Rougé, membre du Conseil supérieur de la
direction nationale d'aide et de contrôle de gestion pour la ligue de
rugby
M. Michel Savin , président . - À l'heure où le nouveau Premier ministre entend engager une réforme territoriale ambitieuse et impliquer fortement les collectivités territoriales dans la recherche d'économies, le contrôle des finances des clubs est un sujet sensible. Un rapport d'une mission d'inspection publié en juillet 2013 a pointé un certain nombre de dysfonctionnements. Aussi avons-nous souhaité rencontrer des responsables de directions nationales de contrôle de gestion (DNCG).
M. Richard Olivier, président de la DNCG pour la ligue de football professionnel, est accompagné de M. Belsoeur, président du comité stratégique des stades et de Mme Cécile Huet, responsable des affaires juridiques de la commission de contrôle des clubs professionnels ; M. Philippe Ausseur, président de la commission de contrôle de gestion de la direction nationale de conseil et de contrôle de gestion pour la ligue nationale de basketball, est venu avec Mme Marie Dvorsak, contrôleur de gestion ; M. Jean-Christophe Rougé, membre du conseil supérieur de la direction nationale d'aide et de contrôle de gestion pour la ligue de rugby, avec M. Marc Le Nerrant.
M. Richard Olivier, président de la DNCG pour la ligue de football professionnel . - Nos interlocuteurs sont les clubs, davantage que les collectivités territoriales, même si celles-ci jouent un rôle important auprès d'eux. Les faillites récentes de clubs, que nous avons réussi à différer jusqu'au terme des championnats, ont eu un fort impact sur les finances locales, notamment lorsque les collectivités territoriales concernées avaient fait construire des stades.
Notre mission est de nous assurer de la pérennité des clubs, notamment pour garantir l'équité sportive des championnats. Nous supervisons une quarantaine de clubs, qui sont auditionnés deux fois par an par une commission de dix-huit personnes, comportant des fiscalistes, des juristes, d'anciens dirigeants de clubs... Cela nous donne une appréciation raisonnable de la santé financière de l'ensemble des clubs. Quand l'un d'entre eux est en difficulté, nous lui demandons d'apporter des fonds propres supplémentaires.
Nous devons également contribuer à la régulation économique des championnats. Tout le monde n'interprète pas cette mission de la même manière. Devons-nous réguler le nombre de participants ? Les présidents de clubs s'y opposent.
Pour évaluer la santé financière des clubs, nous examinons leurs comptes prévisionnels avant le début de la saison. Depuis vingt-cinq ans que nous existons, aucun club n'a fait faillite pendant un championnat. Cela pourrait arriver, cela dit. Le plus gros risque, évidemment, ce sont les stades.
M. Philippe Ausseur, président de la commission de contrôle de gestion de la direction nationale de conseil et de contrôle de gestion (DNCCG) pour la ligue nationale de basketball . - Nous sommes garants, aussi, de la pérennité des clubs, partant de l'équité des championnats : nous devons éviter la défaillance d'un club en cours de championnat. Nous avons aussi une mission de conseil, notamment sur des sujets fiscaux et sociaux. Nous centralisons les contrôles et alertons les clubs sur les risques auxquels ils sont exposés. La DNCCG comporte huit personnes, dont trois experts-comptables, un juriste et d'anciens présidents de clubs ou des personnalités du basketball, n'ayant bien sûr plus aucune fonction dans un club ou dans une instance nationale.
Les collectivités territoriales sont essentiellement vues comme des sponsors, dont le calendrier financier diffère de celui des clubs, qui va du 1 er juillet au 30 juin. Nous cherchons à obtenir d'elles qu'elles confirment leurs engagements de subventions le plus tôt possible, afin que les clubs puissent construire leurs budgets.
Les équipements dont notre sport a besoin sont plus modestes que ceux nécessaires au football : il s'agit de salles, qui peuvent avoir d'autres usages. En France, il y a très peu de nouvelles salles.
M. Richard Olivier . - Le football a tout asséché !
M. Philippe Ausseur . - Exactement !
M. Richard Olivier . - En football, nous sommes tous bénévoles. Mes effectifs sont de quatre personnes, soit deux fois moins que pour le basketball. Il s'agit de deux spécialistes de finance, d'un juriste et d'un administrateur. L'essentiel, pour nous, est constitué par les auditions.
M. Philippe Ausseur . - Nous avons trois experts-comptables, mais les autres sont des bénévoles ! Notre personnel représente environ 1,5 équivalent temps plein. Nous voyons les clubs une ou deux fois par an, et leur réclamons un arrêté comptable au 31 décembre, visé par les commissaires aux comptes, sur lesquels nous nous appuyons autant que possible.
M. Jean-Christophe Rougé, membre du conseil supérieur de la direction nationale d'aide et de contrôle de gestion (DNACG) de la ligue nationale de rugby . - Créée après celle de football, la ligue nationale de rugby s'est calée sur son système de contrôle de gestion des clubs professionnels. La DNACG se compose d'une commission de contrôle des championnats professionnels comprenant dix membres (des experts-comptables et un avocat fiscaliste) et d'un conseil supérieur réunissant des personnalités issues du monde de l'entreprise ou de l'administration. La commission contrôle les documents comptables, établit les autorisations de masses salariales en début de saison, et dialogue avec la ligue nationale de rugby sur les questions de réglementation, quand le conseil participe aux principales décisions et sanctions. La commission de contrôle rend compte devant le conseil supérieur. Ses membres touchent une indemnité. Chaque expert-comptable est en charge du suivi de certains clubs pour toute la saison, et éventuellement pour la saison suivante, mais pas davantage, afin d'assurer un brassage. Des auditions régulières sont complétées par des visites sur place, qui renforcent la relation avec les conseils de chaque club, et parfois avec les représentants des collectivités territoriales.
Nous dialoguons beaucoup avec les responsables de la ligue nationale, ce qui nous a amenés à participer à l'évolution de la réglementation. Ainsi, à notre initiative, le règlement de la ligue nationale de rugby prévoit désormais pour les clubs un fonds de réserve obligatoire, proportionnel aux masses salariales engagées, afin d'amortir l'éventuelle défaillance d'un sponsor. Nous travaillons actuellement sur un salary cap , qui plafonnerait la masse salariale en valeur absolue et non plus relative. Nous réclamons aux clubs des états financiers au 31 décembre et au 31 mars, ce qui donne une vision assez précise pour l'année suivante.
Les recettes des matchs ne représentent que 19 % des produits d'exploitation des clubs professionnels de rugby. Pouvoir recevoir du public représente pour eux un atout financier considérable. Cet état de fait peut conduire à des délocalisations ou des relocalisations dont les résultats peuvent être spectaculaires, comme on le voit quand le club Bègles-Bordeaux joue au stade Chaban-Delmas.
M. Stéphane Mazars , rapporteur . - Vous adressez-vous uniquement aux clubs professionnels ? Comment les identifiez-vous ?
M. Philippe Ausseur . - En basketball, le critère est la participation aux championnats Pro A, qui concerne 16 clubs, et Pro B, qui rassemble 18 clubs.
M. Richard Olivier . - Il en va de même pour le football : les clubs qui participent au championnat de France de Ligue 1 et de Ligue 2 doivent disposer du statut professionnel. Un club rétrogradé peut conserver le statut professionnel pendant deux saisons.
M. Jean-Christophe Rougé . - Pour le rugby, seuls les clubs qui participent aux championnats professionnels (14 en première division ; 16 en deuxième division) sont concernés. Nous échangeons avec la commission de contrôle de niveau fédéral pour homogénéiser nos analyses.
M. Philippe Ausseur . - Même chose pour le basketball.
M. Stéphane Mazars , rapporteur . - Quelle est la situation financière actuelle des clubs ? Que représentent pour eux les apports des collectivités territoriales ?
M. Philippe Ausseur . - Le millésime 2012-2013 a été bon : les situations nettes et les résultats nets ont tous deux progressé. Pour la première fois, les résultats cumulés de la Pro A et de la Pro B étaient positifs. Espérons que nous y sommes pour quelque chose ! Nous avons alerté les clubs sur les aléas que la crise faisait peser sur les recettes de sponsoring , qui représentent environ 48 % du total, quand les recettes des matchs s'élèvent à 15 % en Pro A. Les subventions des collectivités territoriales, elles, constituent 29 % des budgets. Les résultats sont équivalents en Pro B.
M. Richard Olivier . - Les résultats ont été un peu meilleurs que l'année passée, mais ils peuvent se détériorer les années prochaines. Le football vit des entreprises : une grande partie des recettes est constituée par des abandons de créances qu'elles consentent. Sans cela, tout le système s'effondre. Voilà pourquoi nous nous opposons au fair-play financier.
Le coût des stades est une variable majeure. La plupart des clubs doivent faire appel aux collectivités territoriales pour les financer. Celles-ci considèrent ensuite - à juste titre - qu'elles en sont propriétaires, et qu'elles doivent les gérer. Les clubs se sentent alors privés de leur principal outil.
M. Jean-Christophe Rougé . - En Top 14, les subventions des collectivités territoriales ont représenté 4 % du budget en 2012-2013. Les contrats de prestation de service atteignent un montant à peu près équivalent : les collectivités territoriales privilégient le sport comme support de communication. En deuxième division, la part des subventions des collectivités territoriales est double. Ces montants incluent la société professionnelle et l'association, de manière à ce que celle-ci ne vienne pas trop en aide à celle-là.
Peu de clubs ont effectué des investissements dans des stades, suite à une expérience malheureuse en ce domaine. Les outils réglementaires et financiers nécessaires à de tels investissements ne sont souvent pas à leur portée. Pour un tel investissement, les banques prêtent à douze ou quinze ans, de sorte que l'amortissement financier ne coïncide pas avec l'amortissement comptable. Le bail emphytéotique concerne plutôt le terrain.
M. Stéphane Mazars , rapporteur . - Vous avez évoqué un salary cap dans le rugby. Quels sont les points de vue sur la question dans les milieux du football et du basketball ? Comment articuler les exigences du fair-play financier et les vôtres ?
M. Richard Olivier . - Nous ne sommes pas favorables à un salary cap car la loi nous permet d'adapter à chaque club les contraintes que nous lui fixons. La contrainte de salary cap n'est pas assez complète : il faudrait l'étendre aux frais d'exploitation pour éviter les détournements. Mieux vaut adapter les contraintes à chaque club, et y inclure les frais d'exploitation, en en retranchant les frais de formation, parce que les centres de formation équilibrent leurs comptes, et que les indemnités de mutation sont normées.
M. Alain Belsoeur, président du comité stratégique des stades . - Il nous arrive de limiter la masse salariale des joueurs sous contrat d'un club, puisque ces contrats doivent être homologués par la ligue. Le montant des subventions des collectivités territoriales représente 1 % en Ligue 1 et 8 % en Ligue 2.
M. Philippe Ausseur . - Bien que la notion de salary cap vienne du basketball américain, la ligue française y est opposée. Nous disposons déjà de mesures claires de limitation de la masse salariale. Un salary cap est une sanction pour certains, un danger pour d'autres. Mieux vaut respecter l'économie propre de chaque club.
M. Jean-Christophe Rougé . - J'approuve ces analyses. Il faut aussi prendre en compte le droit à l'image donné à chaque joueur. Le rugby est confronté à une croissance trop rapide des salaires, dont le marché s'est emballé. Un salary cap était devenu indispensable. Le plafond a été déterminé en fonction du montant maximal engagé par le club qui a la plus forte masse salariale : il s'agit d'une valeur absolue. Bien sûr, nous tenons compte de la spécificité de chaque club. L'an dernier, nous avons prononcé sept mesures de limitation salariale à titre provisoire, sur un total de trente clubs et nous en avons maintenu trois.
M. Richard Olivier . - Mieux vaut le fair-play a priori , qui consiste à contrôler la masse salariale sur la base des comptes prévisionnels - ce que font les DNCG. Le contrôle a posteriori du fair-play fait par l'UEFA intervient quand il est trop tard.
M. Stéphane Mazars , rapporteur . - En 2013, un rapport formulait des interrogations sur l'indépendance des DNCG. Il la qualifiait de « fragile », car ne reposant que « sur l'éthique individuelle des experts et des dirigeants des organisations sportives » ; il pointait encore « un risque élevé de conflits d'intérêts dans des organisations où le pouvoir de décision, tant en matière de règles que de mise en oeuvre des contrôles, appartient à ceux qui doivent observer ces règles et sont soumis à ces contrôles . » Êtes-vous suffisamment indépendants ?
M. Richard Olivier . - Cela vise-t-il le sport amateur ou professionnel ? Nous avons eu ce débat avec la ligue. Il s'est accentué ces dernières années. J'ai toujours considéré qu'il ne fallait pas toucher à une construction fragile : le mieux est l'ennemi du bien. Le système de DNCG marche superbement : aucune faillite n'est intervenue depuis vingt-cinq ans. Les auditions n'ont jamais posé problème, et ont évité tout incident de parcours pendant le championnat. Les relations au jour le jour avec les ligues ont sans doute donné lieu à quelques tiraillements. Il n'empêche que ce système étant au coeur du football, il sent ses évolutions mieux que ne le ferait une instance éloignée. L'essentiel est que les clubs puissent effectuer toute la saison.
M. Philippe Ausseur . - Le basketball est le premier sport à avoir mis en place un contrôle de gestion. Depuis vingt ans, la DNCCG est devenue vraiment indépendante, aussi bien par rapport aux clubs que par rapport à la ligue, dont aucun représentant ne siège à la DNCCG. Les décisions de la DNCCG sont souveraines. Le premier appel se fait devant elle, le deuxième devant la fédération : la ligue n'a pas le moindre pouvoir sur ses décisions. De plus, l'une de nos missions est d'anticiper les problèmes et d'apporter du conseil. Les permanents de la ligue nationale nous aident dans cette tâche. Nous allons ainsi beaucoup plus loin.
M. Jean-Christophe Rougé . - Je suis entré à l'organisme qui a préparé la ligue professionnelle sous l'égide de la fédération française de rugby en 1996. J'ai connu trois présidents de cette ligue. À chaque changement, j'ai remis ma démission ; à chaque fois, elle m'a été refusée. Il n'y a jamais eu d'intervention politique de la ligue ou de la fédération dans les décisions ou les sanctions que la DNACG a prises. Si nous avons pu alerter les dirigeants de ces instances de problèmes qui apparaissaient, ils ne sont pas intervenus pour autant. Seules deux des quinze personnes qui composent le conseil supérieur ont eu une pratique du rugby dans leur jeunesse. Sept des dix membres de la commission de contrôle découvrent le rugby à travers leur fonction.
Mme Cécile Huet, responsable des affaires juridiques de la commission de contrôle des clubs professionnels . - Le cadre légal préserve bien cette indépendance : la DNACG garde la main sur les objectifs qu'il fixe.
M. Alain Néri . - Le libellé de vos fonctions est clair : qu'il ajoute au contrôle de gestion le conseil ou l'aide, votre rôle est de salubrité publique. C'est important pour les clubs, comme pour leur environnement : il leur faut faire face à la pression grandissante des supporteurs qui aiment sans compter...
M. Richard Olivier . - Tout à fait !
M. Alain Néri . - Vous avez un rôle primordial lorsque la passion l'emporte sur la raison. J'ai entendu des voix dernièrement s'indignant que le Paris Saint-Germain (PSG) ait perdu le match avec un budget de 100 millions d'euros. Heureusement que le budget ne détermine pas le résultat !
Je suis favorable à l'encadrement de ces entreprises un peu particulières, qui vivent certes peu des subventions publiques, mais beaucoup du sponsoring , c'est-à-dire de subventions privées. Des DNCG européennes, voire mondiales ne correspondraient-elles pas davantage au sport d'aujourd'hui ? Je le vois près de chez moi : même dans le rugby, le club de Montferrand, qui ne comptait que des joueurs du cru, n'en compte plus qu'un ou deux. Il faudrait, comme pour le dopage, étendre ce modèle à l'Europe, puis au monde.
M. Philippe Ausseur . - Il y a beaucoup d'autres entreprises qui fonctionnent sur un modèle atypique : les journaux gratuits, qui dépendent exclusivement de la publicité...
M. Alain Néri . - Je n'ai pas dit que j'étais favorable aux journaux gratuits !
M. Philippe Ausseur . - L'important, c'est la manière dont le club fait face à l'aléa sportif, qui détermine le retour sur investissement d'une collectivité ou d'une personne privée comme M. Aulas. Dans ma discipline, le basketball, les États-Unis ont résolu le problème en créant une ligue fermée, ce qui garantit que l'outil sera bien exploité.
M. Alain Néri . - Mais du point de vue de l'éthique ...
M. Philippe Ausseur . - Quant à l'extension des DNCG, elle me semble compromise par un cadre juridique, des charges sociales et des règles concernant les subventions propres à chaque État. Ce qui n'empêche pas qu'il en faudrait dans tous les pays.
M. Richard Olivier . - Il y aurait aussi un problème de gouvernance : qui fixerait les critères ?
M. Maurice Vincent . - À Lyon, M. Aulas n'investit pas 400 millions d'euros comme vous le dites, mais 135 en commun avec M. Seydoux, le reste étant financé par des emprunts bancaires garantis par le département et la métropole.
M. Richard Olivier . - C'est juste. J'aurais dû parler de fonds propres.
M. Maurice Vincent . - D'après vous, quel que soit le modèle choisi (maîtrise d'ouvrage publique ou PPP), l'idée des collectivités qui réalisent un investissement est de faire du stade un objet qui leur soit propre, ce qui pose des problèmes dans la gestion par le club. Au contraire, je crois qu'elles cherchent à concilier l'intérêt du club avec les règles de la comptabilité publique et le retour sur investissement, ce qui passe par la redevance d'occupation du stade.
M. Richard Olivier . - Le rôle de Vinci n'est pas clair.
M. Maurice Vincent . - Les élus recherchent l'équilibre.
M. Alain Belsoeur . - Je suis président du comité stratégique des stades de la ligue de football professionnel : les clubs n'obtiennent pas, loin s'en faut, le surplus de bénéfices qu'ils pouvaient espérer de stades plus grands : Lille, passé de 15 000 à 35 000 spectateurs, ne touche pas un centime de plus.
M. Jean-Marie Vanlerenberghe . - Vous m'étonnez !
M. Alain Belsoeur . - Je parle du résultat net.
M. Dominique Bailly . - C'est à cause du PPP !
M. Alain Belsoeur . - Pas seulement, mais c'est un vrai problème. L'US Valenciennes nous dit que son nouveau stade lui coûte plus cher. La France a été candidate à l'Euro 2016 pour moderniser ses équipements, comme l'Allemagne avec la coupe du monde 2006. Mais que faisons-nous collectivement pour suivre son modèle ? Entre 2000 et maintenant, sa Ligue 1 est passée de 20 000 spectateurs - comme nous aujourd'hui en comptant les 20 % de places gratuites - à 45 000. Attention à notre modèle économique : nous risquons de nous retrouver avec des éléphants blancs. Le football français est financé à 11 % seulement par l'activité sportive, contre 25 à 30 % en Allemagne ou en Grande-Bretagne. La différence de chiffre d'affaires entre Bundesliga et Ligue 1 est de 500 millions : c'est énorme ! Les Français sont 10 à 11 millions à se dire passionnés par le football, mais ils ne viennent pas au stade. Il nous faut par conséquent nous inspirer des bonnes pratiques en matière d'accueil, de prestations, de sécurité pour leur donner envie de venir. C'est un travail d'intérêt national qui concerne bien entendu les collectivités.
M. Jean-Marie Vanlerenberghe . - Les services de contrôle de gestion des clubs sont essentiels pour les collectivités, mais à la seule condition qu'elles aient avec eux un dialogue direct. Leur travail, présenté par les clubs eux-mêmes, donne toujours le même résultat : tout va très bien. Nous aurions besoin de votre aide lorsque nous devons prendre une décision d'investissement. J'ai ainsi dû résister à un président de club qui n'était pas même encore en Pro D2, et qui me demandait de lui construire un stade. Vous avez un rôle important à jouer.
M. Dominique Bailly . - M. Todeschini et moi sommes les auteurs d'un rapport sur le financement public des grandes infrastructures sportives. Un point pose problème : une collectivité qui construit un équipement veut percevoir une redevance du club occupant. Mais ce dernier devrait pour augmenter ses bénéfices l'utiliser à des fins autres que sportives et organiser des concerts ou des fêtes. Or si le stade est construit en PPP, il ne le peut pas. Il est donc préférable que les actionnaires de la société de gestion et du club soient les mêmes. Le stade Océane du Havre est en ce domaine un modèle. C'est pourquoi la conclusion de notre rapport était : non aux PPP.
M. Michel Savin , président . - Pouvez-vous donner des conseils aux collectivités avant un investissement, et le faites-vous ?
M. Richard Olivier . - Il faudrait encore qu'on nous le demande.
M. Philippe Ausseur . - On ne s'adresse à nous que lorsqu'il est trop tard. Vous avez raison, il arrive que certains clubs n'aient même pas la jouissance des buvettes pendant les matchs. Doit-on s'immiscer dans les décisions des collectivités ? Je ne le crois pas : certaines préféreront les PPP, d'autres la maîtrise d'oeuvre publique, d'autres l'investissement privé... Et nous sommes conseils des clubs. Nous sommes intervenus à Villeurbanne, car il s'agissait d'un projet du club.
M. Jean-Christophe Rougé . - Il nous est interdit de nous immiscer dans les décisions de gestion des clubs, qui ont des conseils, comme les collectivités territoriales. Nous pouvons en revanche participer à une réflexion collective. Ce qui manque, ce sont les échanges. Certes nous en avons avec les clubs, et, informellement, avec les élus. Or nous en avons besoin pour définir un modèle économique, avec les conseils des clubs, experts-comptables et commissaires aux comptes - même s'il ne faudrait peut-être pas compter ces derniers comme des conseils...
M. Richard Olivier . - Cela se discute.
M. Jean-Christophe Rougé . - Nous devons parfois leur rappeler que nous ne sommes plus à la kermesse, mais face à des entreprises.
M. Michel Savin , président . - Ce sera le mot de la fin. Je vous remercie.