B. RENDRE EFFECTIF L'ACCÈS DES PME-TPE À LA COMMANDE PUBLIQUE

Dans l'esprit de vos rapporteurs, les effets d'éviction des contrats de partenariat pour les PME et TPE doivent être réduits dans la mesure du possible.

Le caractère global du contrat de partenariat s'oppose par construction au principe d'allotissement, plus favorable aux PME et TPE. Vouloir le remettre en cause conduirait à nier la spécificité, voire les avantages, du contrat de partenariat. Du reste, la situation trouve, comme il a été dit précédemment, ses origines dans plusieurs causes dont certaines sont difficilement surmontables.

Cependant, vos rapporteurs souhaitent renforcer les règles en faveur des PME, en suivant plusieurs axes : ramener les contrats de partenariat aux projets pour lesquels ils ont été pensés et renforcer le cadre juridique en matière de recours aux PME dans le cadre d'un contrat de partenariat.

De manière générale, la personne publique peut trouver un intérêt, en sa qualité de cocontractant du partenaire privé, à laisser ce dernier gérer ses relations avec les entreprises auxquelles il fait appel, préférant ainsi ne maintenir de contact qu'avec un interlocuteur unique, le titulaire du contrat de partenariat. Toutefois, comme le résument MM. Lichère et Marty, la puissance publique peut estimer « qu'il est de sa responsabilité de promouvoir l'accès de tous les opérateurs à la commande publique ou de s'assurer du caractère équilibré des transactions », ce qui doit le conduire alors à solliciter un « droit de regard sur les transactions entre opérateurs privés ». C'est la voie privilégiée par vos rapporteurs : une personne publique ne peut totalement se désintéresser du sort des « sous-traitants » auxquels son cocontractant fait appel pour l'exécution d'un contrat qu'elle lui a confié , ne serait-ce que pour vérifier le partage des risques entre le titulaire du contrat et ses « sous-traitants ». En effet, la défaillance d'un « sous-traitant » peut évidemment avoir des conséquences sur l'exécution du contrat de partenariat.

1. Réserver le contrat de partenariat à des opérations dépassant un seuil financier

Vos rapporteurs ont constaté que le contrat de partenariat, en tant que contrat global, faisait obstacle à l'accès des PME et TPE à la sélection comme partenaire privé, y compris pour des contrats d'un montant relativement faible.

Outre cet effet d'éviction, la conclusion d'un contrat de partenariat pour un projet de faible ampleur n'apparaît pas, sur le plan théorique, comme une solution optimale, les coûts de conclusion de ce contrat (passation de la procédure, durée de la sélection, accompagnement juridique et financier du pouvoir adjudicateur, etc.) pouvant largement excéder les gains attendus de ce contrat.

En cas de recours à un contrat de partenariat pour un projet de faible ampleur, les PME sont freinées dans leur accès à la commande publique alors qu'un autre montage juridique, en particulier un marché public alloti, aurait pu leur permettre de concourir.

Cette situation n'est pourtant pas un cas d'école, notamment auprès de collectivités territoriales ayant connu un engouement pour ce type de contrat. De surcroît, contrairement à l'État, les collectivités territoriales n'ont pas de procédure interne formalisée de validation de l'évaluation préalable, n'ayant pas besoin d'obtenir l'aval de la Mappp pour conclure un contrat de partenariat.

Les quelques années d'expérience conduisent à penser que le montant des contrats de partenariat conclus par les collectivités territoriales est en moyenne largement plus faible que ceux conclus par l'État. Si, sur la période de 2004 à mi-2012, les collectivités territoriales ont conclu plus de 79 % de l'ensemble des contrats de partenariat, le volume financier de ces contrats représente, avec près de 7,5 milliards d'euros hors taxe, moins de 22 % du montant global des contrats signés. En moyenne, un contrat de partenariat signé par les collectivités territoriales a, sur cette période, représenté un montant de 62,3 millions d'euros quand l'État concluait parallèlement des contrats représentant en moyenne 827 millions d'euros. Si ces moyennes ne reflètent pas la grande diversité des situations contractuelles, elles ont pour mérite de traduire une tendance plus forte auprès des collectivités territoriales de recourir à des contrats de partenariat pour des projets plus modestes.

Or le législateur n'exige aucun montant minimal pour conclure un tel contrat. Sans revêtir la forme d'une règle impérative pour les pouvoirs adjudicateurs, cette préoccupation n'est pourtant pas absente du droit anglais. Ainsi, la note directive ( PF 2 Guidance ) indique au Royaume-Uni que le contrat Private finance 2 (PF2) n'est pas adapté à des projets dont la valeur en capital est inférieure à 50 millions de livres sterling, soit environ 59 millions d'euros.

De même, toute collectivité territoriale - d'une ville comptant plus d'un million d'habitants à la plus petite commune - peut conclure ce type de contrat.

Pour ces raisons, il est apparu préférable à vos rapporteurs de subordonner le recours des contrats de partenariat à la condition que le montant du contrat conclu dépasse un seuil financier. Sans avancer le montant de ce plancher à ce stade, vos rapporteurs soulignent que la CAPEB propose de le fixer à 50 millions d'euros hors taxe.

Recommandation n° 4

Réserver les contrats de partenariat à des opérations
dont le coût excède un montant minimal

2. Obliger à réserver un part minimale de l'exécution du contrat aux PME et artisans

L'article 11 de l'ordonnance du 17 juin 2004 prévoit, parmi les clauses obligatoires du contrat de partenariat, celle indiquant les « conditions dans lesquelles le cocontractant fait appel à d'autres entreprises pour l'exécution du contrat, et notamment des conditions dans lesquelles il respecte son engagement d'attribuer une partie du contrat à des petites et moyennes entreprises et à des artisans ». Par prolongement, le contrat doit prévoir les sanctions et pénalités qu'encourt le partenaire privé en cas de méconnaissance de son obligation.

Si l'insertion de cette clause favorable aux PME et aux artisans est rendue obligatoire par le législateur, son contenu est cependant renvoyé à la volonté des parties. Aucun seuil minimal de participation des PME et artisans n'est exigé.

Pour vos rapporteurs, cette clause peut aboutir à une clause de style, sans véritable engagement de la part du partenaire privé à défaut de volonté de la part du pouvoir adjudicateur.

Reprenant la suggestion formulée par MM. François Lichère et Frédéric Marty, vos rapporteurs souhaitent qu'un seuil minimal d'exécution confiée à des PME et artisans soit prévue, au besoin en l'adaptant par secteur.

Recommandation n° 5

Fixer par la loi ou le règlement une part minimale de l'exécution
du contrat de partenariat confiée aux PME et artisans

3. Systématiser la garantie de paiement en faveur des « sous-traitants »

À l'inverse, le législateur a prévu un cadre plus protecteur pour l'exécution des marchés publics. L'entrepreneur principal est lié par le marché public au maître d'ouvrage. Tout sous-traitant auquel l'entrepreneur principal entend recourir pour l'exécution du marché public doit être préalablement agréé par la personne publique. Tout sous-traitant peut lui-même sous-traiter à ses propres sous-traitants ; il est alors un entrepreneur principal pour eux.

Dans ce cadre, l'article 6 de la loi n° 75-1334 du 31 décembre 1975 relative à la sous-traitance prévoit que « le sous-traitant direct du titulaire du marché qui a été accepté et dont les conditions de paiement ont été agréées par le maître de l'ouvrage, est payé directement par lui pour la part du marché dont il assure l'exécution ». Ce paiement est facilité par l'article 8 de la même loi puisque « l'entrepreneur principal dispose d'un délai de quinze jours, comptés à partir de la réception des pièces justificatives servant de base au paiement direct, pour les revêtir de son acceptation ou pour signifier au sous-traitant son refus motivé d'acceptation » et que « passé ce délai, l'entrepreneur principal est réputé avoir accepté celles des pièces justificatives ou des parties de pièces justificatives qu'il n'a pas expressément acceptées ou refusées ».

De telles garanties n'existent pas pour les « sous-traitants » dans le cadre du contrat de partenariat. À peine l'article 11 de l'ordonnance du 17 juin 2004 prévoit-il que le partenariat constitue un cautionnement auprès d'un organisme financier afin de garantir au prestataire le paiement des sommes dues. Cette garantie n'est cependant constituée qu'à la demande du « sous-traitant ». Les relations contractuelles particulièrement déséquilibrées en défaveur du « sous-traitant » peuvent le conduire à renoncer, plus ou moins volontairement, à ce droit.

Par souci d'équité, vos rapporteurs préconisent de renforcer les garanties de paiement des « sous-traitants » sans qu'il soit besoin de solliciter la constitution de telles garanties.

Recommandation n° 6

Renforcer les garanties de paiement des entreprises
auxquelles il est fait appel par le partenaire privé
pour l'exécution du contrat de partenariat

4. Exclure le choix de l'équipe d'architecture du champ du contrat de partenariat

Le choix d'un parti architectural pour un équipement public revêt une importance majeure pour des raisons liées à l'esthétique, à l'aménagement et à l'urbanisme, mais aussi au fonctionnement dudit équipement. Ainsi, l'architecture d'une prison, d'une maison d'arrêt ou d'un centre pénitentiaire ne relève pas seulement de considérations techniques : c'est toute une conception de la détention, de la vie au sein des établissements, de la préparation à la réinsertion des personnes détenues qui est nécessairement en jeu dans les choix architecturaux qui sont faits.

C'est pourquoi il apparaît inapproprié que le choix de l'équipe d'architecture soit mêlé à tous les autres choix qu'implique le recours à un contrat de partenariat : choix du financeur, des constructeurs, tous corps d'État confondus, des équipes chargées de l'exploitation, de la maintenance ou de l'entretien - ce qui entraîne le risque pour l'État ou la collectivité territoriale qui a recours à un tel partenariat de se résigner à choisir un projet architectural qui ne lui paraît pas forcément le meilleur ou le mieux adapté au motif qu'au vu des autres critères, le groupement choisi apparaît le plus performant, nonobstant la médiocre qualité - ou la qualité relativement médiocre - du projet architectural.

Cela revient, en fait, et même si dans les critères retenus la qualité de la conception architecturale tient une place significative, à déléguer au grand groupe qui sera retenu in fine , non seulement le choix d'une équipe d'architectes, mais aussi le choix d'une architecture.

L'ensemble des instances représentatives de la profession d'architectes - qui ont été entendues par vos rapporteurs - déplorent un tel état de choses, qui d'une certaine manière crée pour les architectes une situation de subordination dommageable à l'exercice de leur profession.

C'est pourquoi, conformément à plusieurs amendements présentés lors des débats parlementaires relatifs aux contrats de partenariat 33 ( * ) , vos rapporteurs préconisent que l'architecture (et donc la conception) soit exclue du champ des contrats de partenariat.

Il y aurait en premier lieu une procédure de sélection de l'équipe d'architecture selon les modalités en vigueur, pouvant donner lieu - en particulier - à un véritable concours.

Plusieurs représentants des grands groupes fréquemment retenus pour mettre en oeuvre des contrats de partenariat ont indiqué à vos rapporteurs n'avoir ni hostilité ni objection de principe à une telle procédure.

Vos rapporteurs recommandent l'exclusion du choix de l'équipe d'architecture du champ du contrat de partenariat car elle seule est de nature à garantir l'indépendance de l'acte d'architecte. Et elle seule permet à l'État ou à la collectivité publique de choisir l'équipe d'architecture en toute indépendance et sans que ce choix soit en fait déterminé par les autres facteurs entrant en ligne de compte.

Recommandation n° 7

Exclure le choix de l'équipe d'architecture du champ du contrat
de partenariat et organiser en conséquence la concurrence
pour l'établissement d'un tel contrat sur la base d'un projet architectural
préalablement défini et adopté


* 33 En ce sens : amendement n° 118 de M. Jean-Pierre-Sueur sur l'article 1 er du projet de loi relatif aux contrats de partenariat, discuté en séance publique en première lecture au Sénat les 1 er et 2 avril 2008.

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