VI. LA SITUATION INTERNATIONALE
A. LA SITUATION HUMANITAIRE DES RÉFUGIÉS ET DES PERSONNES DÉPLACÉES UKRAINIENS
Ce débat a été l'occasion pour M. Nils Muiúnieks, Commissaire aux droits de l'Homme du Conseil de l'Europe, d'intervenir devant l'Assemblée parlementaire.
La situation de toutes les personnes touchées par le conflit dans les régions du sud-est de l'Ukraine, notamment des personnes déplacées et des réfugiés, ainsi que de celles vivant dans les régions contrôlées par les forces séparatistes, est particulièrement préoccupante. De nombreux rapports font état de graves violations de droits de l'Homme qui auraient été commises au cours des hostilités armées : ces violations doivent faire l'objet d'enquêtes objectives et leurs auteurs doivent être traduits en justice. La situation des droits de l'Homme en Crimée s'est également détériorée. Des centaines de milliers de personnes ont ainsi été déplacées à l'intérieur de l'Ukraine ou ont fui vers la Fédération de Russie ; plusieurs milliers ont cherché protection dans d'autres pays européens. Plus de deux millions de personnes sont restées dans les régions contrôlées par les forces séparatistes, exposées à l'insécurité, à de graves violations des droits de l'Homme et à des conditions de vie inadéquates.
Le rapport se félicite de certaines mesures prises par les autorités ukrainiennes et russes pour répondre aux besoins des personnes déplacées et salue le travail d'organisations internationales, comme le HCR, tout en soulignant que seule une solution politique durable fondée sur le respect de l'indépendance, de la souveraineté et de l'intégrité territoriale de l'Ukraine peut conduire à une amélioration de la situation humanitaire.
Le rapport exhorte toutes les parties au conflit à prendre des mesures spécifiques dans le contexte de la poursuite des combats et de ses conséquences pour les populations concernées. Il demande par ailleurs aux autorités ukrainiennes et russes de prendre des dispositions concrètes pour la protection des personnes déplacées et à la communauté internationale de continuer à les aider et à les soutenir. Enfin, le rapport invite la Banque de développement du Conseil de l'Europe à envisager d'intervenir.
Mme Nicole Duranton (Eure - UMP) a souligné la situation humanitaire dramatique des réfugiés et des personnes déplacées en Ukraine et ailleurs. Rappelant les chiffres fournis par le rapport, elle a appelé l'attention sur les réalités humaines qu'ils dissimulent. Elle a évoqué la situation en Crimée, qui est particulièrement inquiétante, non seulement pour la minorité tatare, mais aussi pour tous ceux qui, comme en Russie, ont la mauvaise idée de s'opposer aux autorités et qui subissent le même traitement fait de multiples atteintes aux libertés fondamentales. Elle a fait observer que, dans le Donbass, les combats entre l'armée ukrainienne et les milices des Républiques autoproclamées de Donetsk et de Lougansk, armées par la Russie, avaient fait des milliers de morts et conduit des centaines de milliers de personnes à abandonner leur domicile bombardé, et que la population restée sur place vivait dans des conditions particulièrement difficiles. Elle a indiqué que les autorités ukrainiennes avaient d'abord été complètement dépassées par l'ampleur des événements, d'autant plus que ce pays présente des faiblesses structurelles envers lesquelles le Conseil de l'Europe et son Assemblée s'étaient montrés trop indulgents, n'incitant pas suffisamment l'Ukraine à se réformer. Elle s'est toutefois félicitée de ce que la loi adoptée par le Parlement ukrainien en octobre dernier, qui accorde un statut aux personnes déplacées dans leur propre pays, avec des aides qui lui sont liées, était particulièrement bienvenue.
M. René Rouquet (Val-de-Marne - SRC), président de la délégation française, a fait part de son pessimisme sur l'évolution de la situation humanitaire dans l'est de l'Ukraine, alors que les combats continuent. Il a dit craindre que cette situation humanitaire ne crée des tensions au sein de certaines régions frontalières des zones de combat, notamment dans la région de Kharkiv en Ukraine et de Rostov en Russie. Il a considéré que seule une paix durable pourrait améliorer la situation humanitaire et le respect des droits de l'Homme et a donc appelé à l'application de l'accord de Minsk, ce qui passe par la fin des offensives de la part des séparatistes et des vagues successives de mobilisation de la part de l'Ukraine. Il a formé le voeu que la Russie entreprenne de convaincre les séparatistes et aide à la désescalade, non seulement par des déclarations, mais aussi par des actes forts. Il a appelé ses collègues russes et ukrainiens à oeuvrer en ce sens, en conformité avec les valeurs du Conseil de l'Europe.
M. Bernard Fournier (Loire - UMP) a rappelé qu'il y a encore un an, l'Ukraine était en proie à une grave crise politique liée aux divisions internes sur l'orientation européenne du pays, mais certainement pas le théâtre de scènes de guerre. Il a fait observer que la situation s'y était fortement dégradée à tel point que la crise en Ukraine était la plus grave que l'Europe ait connue depuis la fin de la guerre froide. Il a mis en évidence le coût terrible de la guerre en Ukraine : annexion d'une partie de son territoire, combats dans l'est du pays, effondrement de son économie, destructions de toutes sortes dans le Donbass, morts se comptant par milliers, etc. Il a regretté que cette catastrophe humanitaire fût le résultat d'une entreprise de déstabilisation engagée pour empêcher un État souverain de prendre en main son destin et d'engager les réformes qu'il juge nécessaires et indiqué que ces réformes étaient aujourd'hui au point mort. Rappelant l'affaire du convoi prétendument humanitaire russe au mois d'août dernier, il a déploré l'instrumentalisation de la politique humanitaire et s'est interrogé sur les véritables intentions de Moscou.
M. Jean-Marie Bockel (Haut-Rhin - UDI-UC) a fait observer que le sort des populations déplacées ou réfugiées mettait en lumière un volet dramatique de la crise actuelle entre la Russie et l'Ukraine. Il a considéré que cette situation soulignait la nécessité pour le gouvernement ukrainien de réinventer un nouveau mode de gouvernance du territoire où les russophones auraient toute leur place, sans qu'il soit question de légitimer la sécession dans le Donbass. Il a rappelé que l'Union européenne avait réitéré en septembre dernier son soutien à l'Ukraine et insisté sur la nécessité d'un partenariat durable, au plan politique comme au niveau économique. De ce point de vue, il s'est félicité de la signature par l'Ukraine d'un accord d'association avec l'Union européenne, cet ancrage européen de l'Ukraine devant aller de pair avec la mise en place de structures politiques permettant de juguler définitivement la guerre civile. Il s'est demandé si l'Union européenne n'avait pas mésestimé les divisions profondes de l'Ukraine en ne la saisissant qu'au travers du prisme du mouvement de Maïdan et a souligné l'expertise du Conseil de l'Europe en matière de consolidation des institutions démocratiques. Il a estimé que celle-ci passait par une meilleure association des populations de l'est du pays à la prise de décision centrale. Il a formé le voeu que le Conseil de l'Europe non seulement aide les autorités ukrainiennes à bâtir des ponts politiques avec l'est du pays, mais aussi oeuvre directement en faveur de la paix entre Kiev et Moscou, l'Organisation de Strasbourg ne répondant pas à la même logique que l'Union européenne.
M. Thierry Mariani (Français établis hors de France - UMP), président de la commission des migrations, des réfugiés et des personnes déplacées , s'est félicité de ce que l'examen de ce rapport ait pu constituer l'occasion d'un débat humanitaire entre les délégations russe et ukrainienne. Il a rappelé qu'on comptait 920 000 personnes déplacées à l'intérieur de l'Ukraine, 520 000 réfugiés en Russie, 32 000 en Pologne et un peu plus au Bélarus, c'est-à-dire une crise humanitaire sans précédent en Europe depuis l'éclatement de la Yougoslavie. Il a formé le voeu que l'Assemblée parlementaire fasse avancer le traitement de ces réfugiés qui ont également à souffrir des conséquences de la crise économique qui sévit en Ukraine et en Russie.