B. LA CONTRIBUTION ESSENTIELLE DE LA MISE EN oeUVRE DES ACCORDS DE MINSK 2 À LA LEVÉE DES SANCTIONS

Les sanctions, pour être efficaces, doivent être adossées à un processus de négociations politiques.

De ce point de vue, le Conseil européen des 19 et 20 mars 2015 a procédé à un utile rééquilibrage politique . Il est parvenu à un accord de principe pour lier le sort des sanctions à la mise en oeuvre des accords de Minsk 2 22 ( * ) jusqu'à la fin de l'année . Ses conclusions indiquent en effet que le Conseil européen « est convenu que la durée [des sanctions] devrait être clairement liée à la mise en oeuvre intégrale des accords de Minsk, étant entendu que celle-ci n'est prévue que pour le 31 décembre 2015 ».

La mention de cette échéance n'était pas nécessairement acquise, mais elle est importante car elle fait référence à deux points des accords de Minsk 2, d'une part, la mise en oeuvre par l'Ukraine d'une réforme constitutionnelle relative à la décentralisation devant garantir un statut d'autonomie aux régions de Donetsk et de Louhansk, et, d'autre part, le contrôle total par Kiev des frontières orientales du pays. Pour autant, si les chefs d'État et de gouvernement européens ont décidé de prolonger les sanctions, ils ont aussi précisé que « les décisions qui s'imposent seront prises dans les mois à venir » et que « le Conseil européen est prêt à prendre d'autres mesures si cela s'avère nécessaire ».

De fait, les sanctions feront l'objet d'une évaluation en juin 2015 , avant qu'une décision de reconduction éventuelle ne soit prise. Il convient donc d'attendre pour connaître le sort qui sera réservé aux sanctions à compter de 2016 : nouvelle reconduction, renforcement, levée ?

Les accords de Minsk 2, conclus dans le format dit « Normandie » 23 ( * ) , ont permis aux Européens de reprendre la main sur ce dossier qui les concerne au premier chef, grâce à l' action du couple franco-allemand , exerçant à nouveau son rôle de moteur de l'Europe .

La mise en oeuvre des accords de Minsk 2 se déroule dans l'ensemble comme prévu et le cessez-le-feu est globalement respecté, même si une dégradation de la situation sur le terrain peut être observée depuis quelques semaines.

Les accords de Minsk 2 et leur mise en oeuvre

Le 12 février 2015, à Minsk, les quatre chefs d'État ou de gouvernement du format dit « Normandie », François Hollande, la chancelière Angela Merkel et les présidents Poutine et Porochenko, ont engagé un processus de résolution du conflit fixé par le « Paquet de mesures pour la mise en oeuvre des accords de Minsk », ce document ayant été endossé par une déclaration conjointe des mêmes responsables politiques.

Ce « Paquet de mesures » détermine une feuille de route pour la résolution du conflit selon trois lignes directrices :

- il concerne à la fois la situation sur le terrain (cessez-le-feu, retrait des armes lourdes, contrôle de ce processus par des observateurs de l'OSCE puis rétablissement du contrôle de l'Ukraine sur sa frontière avec la Russie) et le processus politique nécessaire à la résolution de la crise (statut spécial pour les régions séparatistes, décentralisation, amnistie, élections) ;

- il fixe des échéances pour le respect des engagements de chacune des parties, dont le point de référence est le début du retrait des armes lourdes ;

- il prévoit un mécanisme de suivi en format « Normandie », au niveau des directeurs politiques, pour résoudre les difficultés d'application du Paquet de mesures et veiller à sa mise en oeuvre par l'ensemble des parties.

Ces différentes mesures poursuivent l'objectif de restaurer la souveraineté et l'intégrité territoriale de l'Ukraine, d'engager un dialogue entre Kiev et les représentants des séparatistes, de réaliser la décentralisation du pays, en prévoyant un statut spécial pour les régions de Donetsk et Louhansk, et de rétablir l'économie de l'Est de l'Ukraine, particulièrement affectée par le conflit 24 ( * ) .

Le cessez-le-feu, entré en vigueur dans la nuit du 14 au 15 février, a permis une désescalade immédiate. Une dégradation de la situation sur le terrain, notamment à l'est de Marioupol et à Donetsk, est toutefois observable depuis la mi-mars. Le retrait des armes lourdes a débuté des deux côtés de la ligne de contact, mais n'a pu être que partiellement vérifié par l'OSCE.

Le processus politique prévu dans le cadre du « Paquet de mesures » a également été lancé, avec la signature par le président Porochenko, le 3 mars, d'un décret créant une commission chargée de formuler des propositions sur la révision de la Constitution qui seront soumises à la Rada. Le Président et la coalition au pouvoir souhaitent faire adopter la réforme avant le mois d'octobre pour que la décentralisation soit en vigueur au moment de la conduite des élections locales prévues le 25 octobre 2015. L'application du statut spécial des zones séparatistes nécessite l'adoption par la Rada d'une loi définissant les zones concernées, qui a été adoptée le 17 mars. Toutefois, cette loi et les résolutions adoptées le même jour fixent des conditions à l'organisation des élections locales non prévues par le « Paquet de mesures ». Elles prévoient en particulier de n'organiser les élections qu'après le départ de tous les combattants, ce qui permettrait en effet d'assurer un climat serein pour les électeurs et les observateurs, mais a pu créer des problèmes d'interprétation du calendrier agréé dans le « Paquet de mesures » de Minsk.

S'agissant enfin des mesures de confiance, les échanges de prisonniers prévus par le « Paquet de mesures » ont débuté. L'ensemble des prisonniers n'a toutefois pas été libéré, dont la pilote et députée Nadia Savtchenko, faite prisonnière en Ukraine le 18 juin 2014 et transférée en Russie.

Source : Ministère des affaires étrangères et du développement international

Au cours de sa visite officielle en Russie, du 23 au 26 février 2015, à l'invitation de Mme Valentina Matvienko, Présidente du Conseil de la Fédération, devant lequel il s'est exprimé, le Président du Sénat a marqué la disposition de la Haute Assemblée à accompagner l'application des accords de Minsk en contribuant à un dialogue entre les parlements des quatre pays du format « Normandie » et en apportant son expertise sur la réforme constitutionnelle en Ukraine relative à la décentralisation.

Le dernier sommet Union européenne/Ukraine, le 27 avril dernier, à Kiev, a été l'occasion d'insister auprès des autorités ukrainiennes sur la mise en oeuvre des réformes, dont celle de la Constitution qui inclut la décentralisation et un statut spécial pour les régions orientales du pays, qui conditionne la bonne application des accords de Minsk.

L'OSCE a mis en place un groupe de travail sur la réforme constitutionnelle en Ukraine et le Conseil de l'Europe suit aussi la question.

Où en sont les réformes politiques et institutionnelles en Ukraine ?

Parmi les mesures ayant fait l'objet d'un accord à Minsk, le 12 février 2015, figure l'adoption d'amendements à la Constitution de l'Ukraine visant à la décentralisation et à la tenue d'élections locales dans l'Est du pays de manière à apporter une solution politique au conflit.

Un dialogue devra être engagé sur les modalités de la tenue d'élections locales conformément à la législation ukrainienne ainsi que sur le « régime futur » des arrondissements sous contrôle séparatiste. Les questions afférentes aux élections locales feront l'objet de discussions et d'un accord avec des représentants des arrondissements qui ne sont pas placés sous le contrôle du gouvernement central. Les élections devront non seulement être organisées dans le respect de la législation ukrainienne, mais également avoir lieu dans le respect des normes de l'OSCE et seront suivies par le BIDDH de l'OSCE. La question de savoir qui représentera ces régions dans les discussions sur les modalités de la tenue de ces élections demeure posée.

Dans ces régions, les élections locales se tiendront conformément à la législation ukrainienne. Des modifications du code relatif aux élections locales sont en cours, afin de remédier aux nombreuses lacunes qui ont été observées lors des élections locales de 2010. Les autorités ont exprimé le souhait que ce code révisé soit valable sur l'ensemble du territoire ukrainien, y compris dans les régions qui ne sont actuellement pas sous leur contrôle. Cela pourrait entraver, voire faire échouer l'adoption d'un code électoral acceptable à la fois par Kiev et par les leaders séparatistes. On ignore par ailleurs qui assurerait la sécurité et le secret du vote dans les régions sous contrôle séparatiste.

Les accords de Minsk appellent à l'adoption d'une réforme constitutionnelle pour mettre en oeuvre la décentralisation du gouvernement, ainsi qu'à l'adoption d'une législation permanente sur le statut des régions sous contrôle séparatiste. Les spécificités de « certains arrondissements des régions de Donetsk et de Louhansk » devront être définies en accord avec les représentants de ceux-ci. Les réformes constitutionnelles ne se limitent pas à la décentralisation, mais sont également censées aborder des questions importantes telles que la répartition des pouvoirs entre le Président, le gouvernement et la Rada, ainsi que le cadre de l'indépendance de la magistrature. D'intenses négociations politiques et des compromis entre les intérêts des différentes forces politiques en présence en Ukraine seront dès lors nécessaires pour obtenir la majorité des deux tiers requise pour l'adoption d'amendements à la Constitution. Ce processus pourrait être compliqué par le fait que les accords soumettent le rétablissement des frontières extérieures de l'Ukraine avec la Russie à un certain nombre de conditions, dont l'existence d'un accord sur le chapitre « décentralisation » de la Constitution et sur la loi relative au statut spécial des régions sous contrôle séparatiste. Le souhait des forces séparatistes et des autorités russes de conserver le contrôle de la frontière pourrait bien devenir un obstacle à un tel accord.

Il existe une relation d'interdépendance entre le processus de réforme et la perspective d'une solution politique au conflit dans l'Est de l'Ukraine : tandis que le programme de réforme est largement conditionné par le processus de paix, la réussite du processus de paix dépend de la mise en oeuvre effective de plusieurs volets du programme de réforme.

Pour ce qui concerne le processus de réforme constitutionnelle, une commission constitutionnelle chargée de l'élaboration d'amendements à la Constitution a été établie par le Président Porochenko le 3 mars 2015. Cette commission est présidée par le Président du Parlement. Trois groupes de travail ont également été créés, correspondant aux priorités de la commission : le premier sur la réforme judiciaire, le deuxième sur la décentralisation et le troisième sur les droits de l'Homme et les libertés fondamentales. Un quatrième groupe de travail chargé de l'équilibre des pouvoirs aurait été proposé par le Premier ministre, mais rejeté par l'administration présidentielle.

Source : Note d'information (document AS/Mon(2015)13) des co-rapporteurs de la « commission de suivi » de l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe, Mme Mailis Reps (Estonie - ADLE) et M. Jean-Claude Mignon (France - PPE/DC), sur leur visite à Kiev du 25 au 27 mars 2015

La France et l'Allemagne continuent d'apporter des solutions pour la bonne application des accords de Minsk 2 et ainsi améliorer les relations entre l'Union européenne et la Russie. De manière à aller plus loin dans l'application de ces accords, le Président François Hollande, en liaison avec la Chancelière Angela Merkel, a proposé au Président Poutine, lors de leur rencontre à Erevan, à l'occasion de la commémoration du 100 e anniversaire du génocide arménien, de mettre en oeuvre quatre groupes de travail prévus par les accords, portant sur l'économie, la situation humanitaire, la sécurité et la politique.

Le 6 mai dernier, à Minsk, des représentants ukrainiens, russes et de l'OSCE se sont rencontrés dans le cadre du groupe de contact trilatéral, avec des émissaires des séparatistes de l'Est de l'Ukraine, pour la première fois depuis la signature des accords de Minsk 2.


* 22 Le texte de ces accords est annexé au présent rapport.

* 23 Ce format de négociation diplomatique, qui rassemble la France, l'Allemagne, la Russie et l'Ukraine, tient son nom d'une réunion quadripartite ayant eu lieu le 6 juin 2014, au château de Bénouville, en marge des cérémonies de célébration du 70 e anniversaire du Débarquement en Normandie, pour tenter de trouver une solution au conflit en Ukraine.

* 24 Avant le conflit, le Donbass représentait 16,5 % du PIB et près de 15 % de la population de l'Ukraine. Cette région industrielle majeure représentait une part considérable dans la production nationale ukrainienne : 30 % de l'énergie thermique, 45 % de la métallurgie et 50 % du charbon.

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