C. LE RAPPORT ANNUEL D'ACTIVITÉ ET L'ORGANISATION DES SERVICES DE RENSEIGNEMENT
Si le premier rapport annuel de synthèse des crédits a été élaboré dès l'année qui a suivi le vote de la LPM, le premier rapport d'activité des services de renseignement n'a en revanche pas trouvé de concrétisation à ce jour. Parmi les six services qui composent aujourd'hui la communauté du renseignement, un seul publie chaque année un rapport d'activité complet, TRACFIN, tandis que les résultats obtenus par la DNRED sont agrégés dans le résultat de la direction générale des douanes et des droits indirects.
L'année 2015 a cependant été mise à profit par l'inspection des services de renseignement, saisie en ce sens par le cabinet du Premier ministre, pour réfléchir à ce que devraient être les contours de ce futur rapport d'activité 88 ( * ) .
L'inspection des services de renseignement Prévue par le Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale de 2013, l'inspection des services de renseignement a été créée par le décret n° 2014-833 du 24 juillet 2014. Placée sous l'autorité directe du Premier ministre, elle réalise « des missions de contrôle, d'audit, d'étude, de conseil et d'évaluation à l'égard des services spécialisés de renseignement ainsi que de l'Académie du renseignement » selon l'article 2 du décret. Ses membres sont désignés parmi les différents corps d'inspection des ministères concernés (contrôle général des armées, inspection générale de l'administration, inspection générale des finances...) par le Premier ministre, après avis du Coordonnateur national du renseignement, sur proposition de leurs ministres de tutelle. Ils continuent à exercer leurs attributions au sein de leurs corps d'appartenance respectifs. Pour chaque mission, le Premier ministre désigne un chef de mission, le mandat et la composition de l'équipe. Le secrétariat de l'inspection est assuré par la Coordination nationale du renseignement. La DPR, en vertu de l'article 6 nonies de l'ordonnance du 17 novembre 1958, peut solliciter la communication de tout ou partie des rapports de l'inspection. En 2015, deux lui ont été transmis : celui sur le rapport d'activité des services et un autre sur ***. Dans son rapport d'activité 2014, la DPR proposait que l'inspection se dote d'un véritable chef, afin qu'il incarne « une certaine permanence en dépit de l'absence d'un corps d'inspection pérenne » 89 ( * ) . Cette disposition n'a malheureusement pas été mise en oeuvre à ce jour mais elle ne semble pas exclue à l'avenir. La délégation parlementaire au renseignement souhaiterait également que, sur le modèle de coopération instauré de longue date entre la Cour des comptes et le Parlement, elle puisse demander à l'inspection des services de renseignement de réaliser des études pour son compte. Il ne s'agirait naturellement de placer cette inspection sous sa tutelle mais de pouvoir simplement bénéficier d'une partie de son ordre du jour afin de compléter, sur des points précis, le travail accompli par la délégation. |
La DPR réitère sa demande de nomination d'un chef de service à la tête de l'inspection des services de renseignement ( Proposition n°26 ). Elle souhaite pouvoir saisir l'inspection des services de renseignement de thèmes d'études (Proposition n°27 ). |
Les membres de la délégation parlementaire au renseignement ont exprimé, au cours de leur réunion du 16 juillet 2015, leur point de vue sur le contenu de ce futur rapport et transmis, par l'intermédiaire de son président, M. Jean-Pierre Raffarin, leurs attentes à l'inspection des services.
Aux yeux de la délégation, le rapport d'activité doit notamment comprendre :
« 1. Un rappel des objectifs fixés par la stratégie nationale du renseignement et par le plan national d'orientation du renseignement. Une présentation des objectifs nouveaux assignés aux services, par rapport à ces textes cadres, pour l'année concernée » ;
« 2. Une présentation de l'activité de chacun des services [...] qui s'efforcera de mettre en exergue les productions concrètes des services à partir d'outils statistiques (indicateurs d'activité) qui pourraient être issus de leurs tableaux de bord internes et en établissant des comparaisons avec les exercices antérieurs [...]. Elle pourra être illustrée par des cas concrets à l'image des cas typologiques présentés dans le rapport d'activité de TRACFIN » ;
« 3. Une présentation des moyens (budgétaires, humains, matériels) comprenant des éléments statistiques avec des comparaisons avec les exercices antérieurs [...]. Une présentation des politiques RH de recrutement, de déroulement de carrière et de formation des personnels [...]. Une présentation des politiques d'investissements (acquisition, recherche) » ;
« 4. Une présentation transversale de la coordination entre les services à travers une description des modes de coopération institués ou occasionnels et des éléments statistiques. »
« 5. Une présentation des activités de coopération internationale ».
Le président Jean-Pierre Raffarin précisait également dans le courrier adressé au chef de mission de l'inspection des services de renseignement que la forme du rapport devait être exhaustive et que les données et outils statistiques mis en place devaient « permettre la constitution de séries et comparaisons d'un exercice à l'autre ».
Là est en effet bien l'enjeu de ce futur rapport d'activité pour la DPR : disposer d'éléments chiffrés, standardisés d'un service à l'autre et comparables année après année pour évaluer la politique du Gouvernement dans le domaine du renseignement.
Au stade actuel de la réflexion, il pourrait être prévu une élaboration en plusieurs temps : chaque service élaborerait son propre rapport d'activité, qui serait ensuite transmis au Coordonnateur national du renseignement (CNR). Celui-ci élaborerait alors un document de synthèse qui serait ensuite transmis à la DPR, après relecture par les services et leurs ministres de tutelle et validation par le Conseil national du renseignement.
Les services de renseignement utiliseraient une trame pour l'élaboration de leurs rapports :
- une première partie serait consacrée à la synthèse de leur activité, en rappelant les principales évolutions intervenues dans l'année (menaces, missions, moyens humains et techniques, organisation, évolutions juridiques et technologiques), les forces et les faiblesses du service, l'adéquation des moyens aux missions, l'état de la coordination avec le deuxième cercle de la communauté ainsi que le respect de la réglementation ;
- une deuxième partie serait plus spécifiquement dédiée à la mesure de la performance, aux résultats, aux activités et moyens au regard des différentes rubriques du PNOR. Chaque partie du PNOR serait ainsi associée à un indicateur de performance (nombre de notes diffusées sur la thématique concernée, nombre d'actions d'entraves, nombre d'interceptions autorisées, nombre de signalements...), ou si cela n'était pas possible, à un cas concret. Les services pourraient également s'attacher à préciser les suites ayant prolongé leur activité : nombre de judiciarisations, nombre d'actions de préventions. Il n'existe pas de difficulté particulière des services à présenter techniquement leur contribution aux priorités qui leur ont été dévolues, tous disposant ou ayant progressivement construit des tableaux de bord internes ou à destination de leur ministre permettant de suivre leur activité en lien avec les priorités du PNOR .
- les activités non couvertes par le PNOR, telles que les missions spécifiques, les échanges et rencontres avec les services étrangers ainsi que les actions de formation feraient enfin l'objet d'une partie spécifique.
Le rapport transmis à la DPR reprendrait les éléments de ces rapports d'activité auxquels le CNR ajouterait une appréciation sur l'état de la coordination entre les différents services ainsi qu'une synthèse générale.
Il est proposé que le rapport d'activité de l'année N soit transmis à la DPR au printemps (mars-avril) de l'année suivante. Il est proposé que le premier rapport porte sur l'année 2015, ce à quoi la délégation souscrit totalement.
La DPR demande que le rapport annuel d'activité des services de renseignement lui soit présenté au cours du premier semestre de l'année N+1 ( Proposition n°28). |
Il est envisagé également l'élaboration d'un document destiné à être rendu public, afin de mieux faire connaître l'activité des services de renseignement et renforcer la culture du renseignement en France, qui fait encore défaut. Les membres de la délégation parlementaire au renseignement 90 ( * ) , qui travaillent depuis plusieurs années à l'émergence de cette politique publique, ne peuvent que se féliciter de cette initiative, qui viendra compléter l'information qu'elle délivre elle-même chaque année dans ses rapports d'activité.
La DPR demande l'élaboration et la diffusion d'un rapport public élaboré par le CNR, afin de mieux faire connaître l'activité des services de renseignement et de développer la culture du renseignement ( Proposition n°29 ). |
Tel qu'il est envisagé ***, le rapport d'activité semble donc correspondre aux attentes de la délégation parlementaire au renseignement. Il convient toutefois de souligner que depuis que l'inspection a été saisie, le vote de la loi du 24 juillet 2015 impose désormais que ce rapport d'activité traite également des services du « second cercle » qui mettent en oeuvre les techniques de renseignement prévues par cette même loi, pour ce qui concerne leurs activités de renseignement.
La délimitation étendue du « second cercle », retenue par le décret du 11 décembre 2015, ne saurait justifier un nouveau retard dans la mise au point du rapport annuel d'activité des services de renseignement et sa communication à la DPR.
* 88 Établissement d'un rapport d'activité des services de la communauté du renseignement, rapport au Premier ministre - novembre 2015.
* 89 Rapport d'activité 2014, op. cit. , p. 72.
* 90 Cf. par exemple, Pour un « État secret » au service de notre démocratie , rapport d'information n° 1022 de MM. Jean-Jacques Urvoas et Patrice Verchère au nom de la commission des lois de l'Assemblée nationale, 14 mai 2013.