B. DES DÉPENSES DONT L'URGENCE EST MANIFESTE, MAIS PAS L'IMPRÉVISIBILITÉ
1. L'urgence : nécessité et imprévisibilité
L'article 13 de la LOLF dispose que les décrets d'avance sont pris « en cas d'urgence ». Le critère d'urgence répond selon la Cour des comptes 2 ( * ) « aux deux conditions que sont la nécessité , constatée au moment où est préparé le décret d'avance, et l' imprévisibilité des dépenses auxquelles ce dernier doit faire face ».
Ces deux composantes ne sont pas précisées explicitement dans la LOLF, mais elles se déduisent du caractère dérogatoire du décret d'avance. En effet, l'urgence ne saurait s'apprécier au seul regard de la nécessité d'ouvrir les crédits dans un délai contraint : toutes les dépenses du budget de l'État pourraient alors être considérées, à un moment ou à un autre de l'année, « urgentes ». En outre, le décret d'avance est défini comme un dispositif « exceptionnel » puisqu'il contrevient au principe selon lequel les crédits budgétaires ne peuvent être modifiés que par une loi de finances . Le caractère dérogatoire du décret d'avance implique donc que les dépenses qu'il finance n'auraient pas pu être intégrées à une loi de finances.
À ce titre, l'urgence est manifeste mais ne découle pas forcément d'évènements imprévisibles : dans le cas de l'ADA et de l'indemnisation des vétérinaires sanitaires, les dépenses étaient sous-budgétées en loi de finances initiale pour 2016.
2. Des dépenses qui auraient pu et dû être budgétisées en loi de finances initiale et débattues par le Parlement
L'usage répété de la procédure du décret d'avance ainsi que la mise en réserve toujours plus importante de crédits conduisent à réduire la portée et le sens de l'autorisation parlementaire : les crédits réellement disponibles pour les gestionnaires publics sont loin d'être égaux aux montants votés, et souvent âprement débattus, lors de l'examen des textes budgétaires .
Des ouvertures budgétaires d'une telle ampleur auraient pu et dû être inscrites au projet de loi de finances pour 2016 afin que le Parlement puisse en débattre. En effet, les ouvertures sont pour l'essentiel liées à la mise en place du plan d'urgence pour l'emploi, que le Président de la République François Hollande a annoncé moins de trois semaines après la promulgation de la loi de finances initiale pour 2016 .
* 2 Cour des comptes, « Rapport sur les crédits du budget de l'État ouverts par décret d'avance », décembre 2014, p. 12.