Conclusion
Corinne Bouchoux
Je vais maintenant donner la parole à Claire Guichet et Sophie Rétif pour que chacune puisse dire un mot de conclusion après ces divers témoignages. Comment réagissez-vous à ces interventions ? Qu'est-ce qui vous a étonnées dans ces prises de parole ? Qu'est-ce qui vous a donné espoir ?
Sophie Rétif, sociologue, auteure de Logique de genre dans l'engagement associatif
J'ai retenu de ces différents témoignages une grande homogénéité des expériences. Ces parcours nous invitent à réfléchir encore aux moyens de mieux valoriser l'engagement associatif des femmes, pas seulement dans le secteur des associations, mais aussi dans le champ politique. J'ai été aussi frappée par les propos de Claire Hédon qui reconnaissait avoir pris conscience qu'elle n'avait peut-être pas su défendre ses intérêts dans son activité professionnelle de journaliste. Cette affirmation invite encore davantage à lutter contre l'intériorisation des stéréotypes de genre.
Claire Guichet, rapporteure pour la délégation aux droits des femmes du CESE de Les forces vives au féminin : les femmes dans la représentation citoyenne
Une chose m'a amusée : on demandait à des femmes de parler des femmes dans l'engagement associatif, et elles nous ont parlé d'abord et avant tout de leur association et de leur mode de fonctionnement. Ce n'est qu'à la fin de leurs interventions qu'elles osaient dire quelques mots d'elles-mêmes. Or c'était cela le sujet ! Ceci démontre que la question de la cause est essentielle. Elle est particulière au milieu associatif où la cause est placée au-dessus de tout. Ainsi, dans les associations de protection de l'environnement, on pourra entendre que l'on ne peut pas évoquer la question de la gouvernance au féminin, car c'est la protection de la nature que l'on défend avant tout. C'est cette posture qui fait que les femmes n'acceptent un poste de présidence que lorsqu'elles sont sollicitées.
J'ai entendu aussi ces femmes qui ont dit ne plus vouloir tenter l'expérience de la politique, considérant que le milieu est trop machiste. Elles préfèrent intervenir au sein d'une association qui respecte leurs valeurs. C'est une tentation que nous avons toutes et que moi aussi j'ai bien souvent. Cependant, je crois que c'est notre responsabilité, une fois que l'on s'engage, d'oser prendre des responsabilités, non seulement parce qu'il faut promouvoir la parité, mais aussi parce qu'il faut que des féministes occupent ces postes. L'enjeu est de changer la manière dont on gouverne les associations, les structures syndicales, les organisations patronales, etc. Il faut faire en sorte de gouverner autrement, comme le fait, par exemple, ATD Quart Monde qui propose d'autres modes d'entrée aux responsabilités. Il faut aussi former, comme le propose Alice Clément à la FAGE .
Pour cela, il faut à la tête de nos associations et de nos fédérations des gens conscients de cette nécessité. Je n'appelle pas les femmes à changer et à se jeter sur les postes à responsabilité comme les autres. Il faut simplement que les femmes utilisent leurs compétences pour que cette bataille ne soit plus celle de toutes les femmes, pour faire en sorte que tous les secteurs de la société civile et de la vie citoyenne soient des secteurs dans lesquels l'égalité vive.
Alice Clément disait tout à l'heure que le secteur des affaires sociales dont elle s'occupe est un poste de femmes dans les associations étudiantes. Lorsque j'ai été la vice-présidente en charge des affaires sociales de la FAGE , c'était pourtant une première. Jusqu'alors, jamais aucune femme n'avait occupé ce poste, considérant qu'il était trop politique. Mais c'est par ce poste que je suis devenue présidente de la FAGE . Je souhaite donc encourager toutes les « vice » de cette salle à devenir un jour présidente...
Reprenant pour l'adapter le slogan de la COP 21 « Changeons le système, pas le climat », j'ai envie de vous dire : changeons la gouvernance, ne changeons pas les femmes !
Corinne Bouchoux
Avant de nous quitter, je souhaite aussi saluer les hommes qui ont été parmi nous ce matin, comme le sénateur Joël Labbé et toutes les femmes de son département, le Morbihan, qui sont venues partager ce moment avec nous.
En quelques mots, je souhaite également vous inviter à lire l'ouvrage d' ATD Quart Monde : En finir avec les idées fausses sur les pauvres et la pauvreté . Profitons aussi de l'été prochain pour relire ces livres d'histoire qui nous montrent que nous avons beaucoup avancé en un siècle. Faisons en sorte de consolider la République dans un sens inclusif ! Faisons en sorte que la fraternité et la bienveillance ne soient pas une vision d'utopie, mais un projet collectif et partagé. Merci à toutes et à tous.