C. ÉTABLISSEMENTS D'ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR PRIVÉS : UNE RÉGLEMENTATION APPELÉE À ÉVOLUER
Comme pour les autres établissements d'enseignement, l'ouverture des établissements d'enseignement supérieur est actuellement libre , et placée sous un simple régime de déclaration (dans ses déclarations récentes, la ministre de l'Éducation nationale n'a d'ailleurs pas évoqué de durcissement de ce régime pour l'enseignement supérieur). En revanche, la contractualisation se déroule de manière assez différente.
1. Une contractualisation ouverte aux seuls établissements d'intérêt général (EESPIG)
Il appartient au recteur d'académie, en tant que représentant de l'État au niveau régional, de déterminer à quelle catégorie statutaire appartient le nouvel établissement : soit l'enseignement supérieur technique, soit l'enseignement supérieur libre, cette classification commandant en aval des solutions différentes.
Les établissements privés d'enseignement supérieur peuvent dispenser formations et des cours, mais ils ne peuvent pas délivrer de diplômes nationaux - licence, master ou doctorat - à moins d'avoir passé une convention avec une université publique ou de recourir à une seconde formule peu usitée, consistant pour les étudiants de ces établissements à faire valider les enseignements suivis par un jury rectoral sous la présidence du recteur d'académie.
La contractualisation dans l'enseignement supérieur s'opère selon le mécanisme issu de la loi n° 2013-660 du 22 juillet 2013 relative à l'enseignement supérieur et à la recherche (applicable aux établissements publics et étendu au secteur privé), qui a institué un statut d'établissement d'enseignement supérieur privé d'intérêt général (EESPIG). Le caractère d'EESPIG est reconnu d'office aux établissements d'enseignement technique supérieur - ce qui leur permet, par exemple, de recevoir des étudiants boursiers - en revanche, la situation est moins claire pour les établissements privés traitant d'autres disciplines, par exemple les sciences humaines ou, pour ce qui relève du champ d'intérêt de votre mission d'information, les disciplines en lien avec les sciences religieuses .
Sous cette réserve, les EESPIG doivent répondre à plusieurs conditions : avoir le statut d'association ou d'établissement à but non lucratif, avoir un fonctionnement indépendant, et contribuer, à travers leur organisation pédagogique et la délivrance de diplômes reconnus par l'État, aux missions du service public de l'enseignement supérieur telles que définies par la loi. En contrepartie, les EESPIG sont éligibles à la contractualisation.
Comme l'ont noté les représentants du ministère de l'Éducation nationale lors de leur audition, ce système n'offre pas la souplesse nécessaire pour répondre aux besoins spécifiques de toutes les catégories d'établissements privés d'enseignement supérieur, aussi envisagent-ils une clarification du droit plus conforme au paysage actuel de l'enseignement supérieur privé.
À supposer que la formation des imams - au moins pour sa dimension non théologique - puisse être considérée d'intérêt général au sens de la loi sur l'enseignement supérieur, cela permettrait peut-être de conforter le statut des instituts qui en sont en charge .
2. Les instituts français de formation des imams et des aumôniers : un statut à préciser et à conforter
Selon les informations recueillies par vos rapporteurs, l'Institut européen des sciences humaines (IESH - cf. supra ), qui se présente comme un établissement d'enseignement supérieur privé géré par une association de la loi de 1901 et disposant d'un conseil scientifique depuis juillet 1990, a déposé à sa création en 1989 une déclaration d'ouverture et a été reconnu comme un établissement d'enseignement supérieur de niveau premier cycle universitaire. Pour autant, cet institut n'est pas contractualisé.
Comme le déplorent ses responsables, les étudiants de l'IESH n'ont pas de statut reconnu, ce qui les pénalise : étant considérés comme étudiants ils ne peuvent percevoir les minima sociaux, mais ils n'ont par ailleurs droit à aucun des droits et avantages accordés aux étudiants des établissements de l'enseignement supérieur privé contractualisé ou de l'enseignement supérieur public.
Ce flou juridique décourage beaucoup d'étudiants français de s'engager dans des études longues et coûteuses (entre 5 500 et 6 000 euros par an, dont environ 3 500 euros réglés par l'étudiant, le reste étant pris en charge sur le budget propre de l'Institut), qui leur permettraient de se former en France dans des conditions convenables à leur future mission d'imam . Par contrecoup, cette situation entretient la pénurie d'imams et d'aumôniers musulmans français et pousse les mosquées à rechercher à l'étranger les ministres du culte qu'elles ne trouvent pas en France.
Inversement, un statut plus clair et plus homogène présenterait des avantages indéniables , comme l'a souligné M. Larabi Becheri, directeur-adjoint de l'IESH de Château-Chinon, lors de son audition du 27 avril : « Notre dossier est à l'académie de Dijon et j'espère qu'il sera accepté. Je souhaite la reconnaissance de tous les instituts qui, en France, forment les imams : je pense à l'Institut de la Grande Mosquée de Paris, à l'IESH de Paris et aussi à ceux qui vont se créer. Tous ces instituts devront se rapprocher pour parvenir à un programme commun ».