II. Echange avec la salle
Yassir BOUSSELAM, Violoncelliste et doctorant en ethno-musicologie
Quelle est la place accordée à la création et à la créativité au sein de l'Orchestre Philarmonique du Maroc et dans le cadre du festival Gnaoua ?
Farid BENSAID, fondateur de l'Orchestre Philharmonique du Maroc
La vocation d'un orchestre philarmonique est de produire des oeuvres de musique classique. Cependant, nous travaillons sur des fusions pour permettre la rencontre de genres musicaux différents mais ce type d'opération reste marginal. Un grand orchestre se doit d'accorder une place à la création d'oeuvres, ce que nous avons fait avec le grand compositeur Ahmed Sayyad, mais ces projets sont coûteux car ils nécessitent l'achat de plusieurs centaines d'heures de travail.
Neila TAZI, Vice-Présidente de la Chambre des Conseillers, directrice-productrice du Festival Gnaoua-musiques du monde d'Essaouira
La question de la création est au coeur du festival Gnaoua-musiques du monde. Depuis vingt ans, nous tentons de maintenir ce festival et de le développer. Cependant, pour améliorer le concept de ce festival qui s'appuie sur la fusion des musiques et rehausser le niveau artistique, nous avons besoin d'étendre la durée des résidences d'artistes.
Rachid BELMOKHTAR, Ministre de l'éducation nationale et de la formation professionnelle
Le centre culturel de Sidi Moumen réalise un travail formidable que nous apprécions beaucoup. Le livre et le film nous ont fait découvrir ce quartier. Nous nous y sommes rendus ; le quartier de Sidi Moumen a beaucoup changé. Le projet de lycée le plus significatif qui sera lancé dans le cadre de nos réformes sera basé dans ce quartier. Nous nous sommes inspirés d'un projet initié à New-York par la société IBM dans un quartier marqué par le trafic de drogue et la criminalité. Ce lycée a pour ambition de conduire les jeunes vers l'enseignement supérieur. Le projet qui sera mis en place avec IBM débutera avec 60 jeunes déscolarisés, l'objectif étant fixé à 300. Un deuxième lycée sera ouvert à Khourigba avec le soutien d'OCP Group et un troisième à El Jadida en partenariat avec Al Tijari Wafa Bank. Grâce aux associations telles que le centre culturel des Etoiles de Sidi Moumen, nous pouvons réaliser des actions de cette envergure.
III. Synthèse et mise en perspective
Bruno FOUCHER, Président de l'Institut français
La culture est un sujet majeur et sérieux. Le monde change vite. Il est porteur de progrès et d'espoir mais des vents mauvais soufflent. Or la culture est le meilleur des antidotes pour éviter le repli identitaire et l'intolérance. Ce sujet est donc parfaitement d'actualité dans ce monde où l'on voit naître des mouvements inquiétants.
Contrairement à une idée reçue, la culture ne va pas de soi. S'il manque des structures et des publics, les artistes ne peuvent se produire et la culture tourne à vide. L'Institut français dispose d'un petit budget pour remplir ses missions. Les politiques publiques sont donc nécessaires pour faire fonctionner la culture. Le Maroc est le réseau le plus important de l'Institut français et reste une de nos grandes priorités en matière de coopération culturelle.
Les talents n'émergent pas seuls. Il faut donc les mettre au contact de professionnels de la culture issus de différents pays afin de développer un vivier de créateurs. Par ailleurs, les structures sont essentielles. Un modèle doit être inventé pour former des générations de managers de lieux culturels qui jouent un rôle fondamental dans la promotion des artistes.
Le délitement de la connaissance du Maghreb en France, évoqué par M. l'Ambassadeur, est un sujet qui nous préoccupe. Nous rencontrons le même problème dans le cadre du couple franco-allemand. Les éditeurs des deux pays ne se parlent plus. Les traductions se font donc de plus en plus rares. Or les guerres naissent toujours d'imperceptibles impolitesses, comme le soulignait un des personnages de « La Guerre de Troie n'aura pas lieu » de Jean Giraudoux.
Il est donc nécessaire de former les publics en faisant circuler les artistes. En France, le passeport « compétences et talents » permet aux artistes de s'installer durablement dans un pays où ils peuvent construire leurs oeuvres et les enrichir. Des temps forts peuvent être créés entre deux pays. Le jumelage de festivals est également envisageable. Il faut s'appuyer, en outre, sur les étudiants qui circulent entre les deux rives de la Méditerranée.
Par ailleurs, il ne faut pas hésiter à confronter les points de vue. L'Institut français a ainsi organisé « La Nuit des Idées » le 26 janvier dernier. 200 000 personnes dans le monde ont participé à une centaine de Nuits des Idées dont trois au Maroc autour du thème « un monde commun ». Enfin, le Maroc est un grand pays francophone. Or la langue est un vecteur d'échanges entre les deux rives de la Méditerranée. Il faut, par conséquent, continuer à oeuvrer pour une politique éducative de qualité afin de préserver ces échanges entre toutes les générations marocaines et françaises.