B. LA QUESTION MIGRATOIRE
La Commission européenne a présenté, en décembre 2018, une communication sur la réciprocité en matière de visas , inscrite dans son programme de travail pour 2019 16 ( * ) . Il s'agit pour elle d'évaluer les voies à suivre en ce qui concerne la situation de non-réciprocité avec les États-Unis dans le domaine des visas. Le document a valeur de rapport d'étape sur les contacts noués avec les autorités américaines en vue de renforcer leur coopération avec cinq États membres pour lesquels la réciprocité n'est pas totale en matière de visas (Bulgarie, Croatie, Chypre, Pologne et Roumanie). La Commission européenne entend continuer à soutenir activement ces États afin de les aider à remplir les exigences du programme américain d'exemption de visa. Ce soutien passe notamment par une assistance financière. La Commission ne souhaite pas, pour autant, faire pression sur les États-Unis en adoptant un acte délégué suspendant temporairement l'exemption de visa pour les ressortissants américains. Cette position serait, à ses yeux, contre-productive. Elle est cependant susceptible d'être revue en fonction de l'évolution de la situation.
Au-delà de ce texte, la priorité pour la Commission européenne sera en 2019 la concrétisation des propositions présentées au cours des exercices précédents . La mise en place d'un régime d'asile européen est ainsi primordiale tant elle doit permettre de s'adapter à l'évolution constante des filières migratoires et des routes empruntées, la Méditerranée occidentale faisant aujourd'hui figure de voie d'accès privilégiée. Cinq des sept textes présentés par la Commission en ce sens ont été au moins partiellement avalisés par les législateurs. Il s'agit désormais de renforcer les capacités opérationnelles de l'Agence de l'Union européenne et de trouver un accord sur la réforme du système dit de Dublin et le règlement sur les procédures d'asile.
Parallèlement, la Commission européenne entend voir aboutir ses propositions visant la réforme de la directive dite « retour » et l'augmentation des moyens humains et juridiques de l'Agence européenne des gardes-frontières et de gardes-côtes (Frontex).
Votre commission des affaires européennes s'est exprimée récemment sur les dernières propositions de la Commission européenne, en regrettant vivement le blocage constaté sur la réforme du règlement de Dublin et en appelant à trouver un juste équilibre entre la responsabilité de l'État membre de première entrée et la solidarité au sein de l'Union européenne en cas de crise 17 ( * ) . Elle est ainsi à l'initiative d'une résolution européenne du Sénat appelant à préciser les concepts de plateformes régionales de débarquement et de centres contrôlés, qui doivent être envisagés comme des instruments complémentaires de la solidarité européenne 18 ( * ) . Elle insiste pour que la révision de la directive « procédures » permette que l'application par les États membres de la notion de « pays tiers sûr » reste facultative mais souhaite plus largement une adaptation de la législation européenne en matière de réadmission afin de favoriser celle-ci. Le Sénat a relevé à cette occasion que le renforcement des frontières extérieures de l'Union européenne et la maîtrise des flux migratoires ne pourraient progresser sans une coopération approfondie et fructueuse avec les pays d'origine et de transit des migrants et sans la mise en oeuvre effective des instruments financiers créés par l'Union européenne à cet effet. La gestion intégrée des frontières extérieures de l'Union européenne demeure, pour le Sénat, une priorité en vue des négociations sur le cadre financier pluriannuel 2021-2027. Avant celui-ci, il s'agit de concrétiser, dès 2020, l'augmentation attendue des moyens et des effectifs à cet égard, l'augmentation de moyens et des effectifs de l'agence Frontex, pour atteindre le nombre de 10 000 agents.
La Commission européenne souhaite également parvenir en 2019 à un accord sur la révision du système de carte bleue européenne, afin d'attirer plus facilement les ressortissants des pays tiers hautement qualifiés.
Plus largement, vos rapporteurs appuient le projet d'une nouvelle alliance entre l'Union européenne et l'Afrique, telle qu'annoncée dans son discours de l'état de l'Union en septembre dernier par le président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker. Le plan d'investissement extérieur de l'Union européenne, lancé en 2017, qui est en partie orienté vers le continent africain et est doté de 4,1 milliards d'euros, constitue, en tout état de cause, une réponse au défi démographique à venir. L'Afrique devrait compter 2,5 milliards d'habitants d'ici à 2050. Il s'agit en effet de dépasser la logique traditionnelle d'aide au développement pour favoriser l'émergence d'une économie africaine plus structurée, apte à créer des emplois et donc à garantir une existence décente aux Africains sur leur continent.
* 16 Communication de la Commission au Parlement européen et au Conseil - État des lieux de la situation de non-réciprocité et voie à suivre à cet égard dans le domaine de la politique des visas, COM(2018) 855 final, 19 décembre 2018.
* 17 Où en est Schengen ? Suivi des conclusions de la commission d'enquête sénatoriale, Rapport d'information n° 62 (2018-2019) de MM. Olivier Henno, Jean-Yves Leconte et André Reichardt, au nom de la commission des affaires européennes, 19 novembre 2018.
* 18 Résolution européenne du Sénat n° 32 (2018-2019) sur le suivi des conclusions de la commission d'enquête sur Schengen, 30 novembre 2018.