Rapport d'information n° 137 (2019-2020) de MM. Charles GUENÉ et Claude RAYNAL , fait au nom de la commission des finances, déposé le 20 novembre 2019
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AVANT-PROPOS
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PREMIÈRE PARTIE
UN CADRE FINANCIER LOCAL QUI A BEAUCOUP ÉVOLUÉ, SANS ÊTRE AUJOURD'HUI ACHEVÉ
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DEUXIÈME PARTIE
UN SYSTÈME DE PÉRÉQUATION
QUI REPOSE SUR UNE MÉTHODE ORIGINALE
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TROISIÈME PARTIE
DES CRITÈRES DE PÉRÉQUATION
QUI PEINENT À ÊTRE APPLIQUÉS
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EXAMEN EN COMMISSION
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LISTE DES PERSONNES ENTENDUES
N° 137
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 2019-2020
Enregistré à la Présidence du Sénat le 20 novembre 2019 |
RAPPORT D'INFORMATION
FAIT
au nom de la commission des finances (1)
sur la
réforme des « besoins de financement
standard »
des collectivités
italiennes
,
Par MM. Charles GUENÉ et Claude RAYNAL,
Sénateurs
(1) Cette commission est composée de : M. Vincent Éblé , président ; M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général ; MM. Éric Bocquet, Emmanuel Capus, Yvon Collin, Bernard Delcros, Philippe Dominati, Charles Guené, Jean-François Husson, Mme Christine Lavarde, MM. Georges Patient, Claude Raynal , vice-présidents ; M. Thierry Carcenac, Mme Nathalie Goulet, MM. Alain Joyandet, Marc Laménie , secrétaires ; MM. Philippe Adnot, Julien Bargeton, Jérôme Bascher, Arnaud Bazin, Jean Bizet, Yannick Botrel, Michel Canevet, Vincent Capo-Canellas, Philippe Dallier, Vincent Delahaye, Mme Frédérique Espagnac, MM. Rémi Féraud, Jean-Marc Gabouty, Jacques Genest, Alain Houpert, Éric Jeansannetas, Patrice Joly, Roger Karoutchi, Bernard Lalande, Nuihau Laurey, Antoine Lefèvre, Dominique de Legge, Gérard Longuet, Victorin Lurel, Sébastien Meurant, Claude Nougein, Didier Rambaud, Jean-François Rapin, Jean-Claude Requier, Pascal Savoldelli, Mmes Sophie Taillé-Polian, Sylvie Vermeillet, M. Jean Pierre Vogel . |
AVANT-PROPOS
Mesdames, Messieurs,
À la suite de notre rapport d'information sur l'association des collectivités territoriales à la maîtrise des finances publiques à la lumière des exemples de l'Autriche et de l'Italie, publié en 2015, nous avons souhaité revenir cette année sur le système de péréquation mis en place en Italie et en tirer des enseignements après quelques années de fonctionnement.
La méthodologie utilisée en Italie pour définir les « besoins de financement standard » est en effet intéressante à plusieurs égards.
Elle permet tout d'abord d'objectiver le coût de certains services publics, notamment ceux pouvant être évalués par un coût unitaire, tout en tenant compte des caractéristiques géographiques et socio-démographiques des territoires.
Elle permet également d'accroître la transparence de la gestion locale et de disposer d'une base de données très intéressante pour mieux connaître les services publics locaux.
Cette appréciation différenciée des charges des territoires nous semble plus conforme aux réalités actuelles que la territorialisation des ressources et les seuls critères de population, mis en place il y a un demi-siècle et qui prévalent encore largement en France.
Elle peine toutefois à être mise en oeuvre dans l'ampleur initialement prévue, compte tenu de sa complexité d'une part et de la nécessité d'autre part de définir constitutionnellement un niveau minimum de service public local, qui n'a pas trouvé d'accord politique jusqu'à présent.
Ce retard est également dû à l'attachement des collectivités à leurs compensations historiques, inhérent à toute bascule d'un système à l'autre.
L'exemple italien peut néanmoins nourrir la réflexion qui doit être menée en France sur les indicateurs de péréquation et en particulier sur les critères de charges des collectivités. La notion de « besoins de financement standard » et la méthodologie utilisée pour les définir pourraient utilement servir de support à la création de critères de charges standard en France et à la substitution d'une péréquation plus « verticalisée » à la péréquation existante, et par là-même plus consensuelle.
Les travaux qui doivent être rapidement lancés concernant les conséquences à tirer, en matière de critères de péréquation, de la réforme de la fiscalité locale telle qu'elle est proposée par le Gouvernement dans le projet de loi de finances pour 2020, rendent d'autant plus utile la comparaison avec l'expérience italienne.
PREMIÈRE PARTIE
UN
CADRE FINANCIER LOCAL QUI A BEAUCOUP ÉVOLUÉ, SANS ÊTRE
AUJOURD'HUI ACHEVÉ
I. UN PRINCIPE CONSTITUTIONNEL RÉCENT D'AUTONOMIE FINANCIÈRE ET DE FÉDÉRALISME FISCAL...
Le processus de renforcement de l'autonomie financière des collectivités locales italiennes est relativement récent en Italie. Il s'est réalisé en plusieurs phases, avant d'être interrompu par la crise.
Une première affirmation de l'autonomie financière des collectivités territoriales italiennes a eu lieu au cours des années 1990, pour les régions, grâce à la mise en place en 1997 d'une surtaxe régionale sur l'impôt sur le revenu et d'un impôt régional sur les entreprises.
En 2000, ce mouvement a été confirmé par la suppression de la quasi-totalité des transferts de l'État aux régions, compensée notamment par une part du produit de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) et une augmentation de la surtaxe régionale sur l'impôt sur le revenu. Un fonds de péréquation régionale a été créé, alimenté par une partie des recettes de TVA.
La réforme constitutionnelle de 2001, dans son volet financier, s'est inscrite dans la continuité de ces réformes, en instituant un « fédéralisme fiscal » : l'article 119 de la Constitution a en effet prévu une plus grande autonomie financière et fiscale des collectivités territoriales italiennes, et non plus des seules régions, en leur assurant des ressources fiscales propres et des ressources partagées avec l'État, appelées à se substituer aux dotations de l'État.
Il a cependant fallu attendre 2009 pour que la révision constitutionnelle connaisse une traduction législative, avec la loi du 5 mai 2009. La loi 42/2009 a en effet fixé les bases et principes de la répartition des ressources publiques, par la transition d'un système de transferts courants de l'Etat aux collectivités locales basé sur une dépense « historique » à un système basé sur des « besoins financiers standards » ( fabbisogni standard ) nécessaires pour assurer les « niveaux essentiels de prestations » (LEP) prévus par l'art. 117 m) de la Constitution.
La loi 42/2009 La loi du 5 mai 2009 a instauré une nouvelle méthode de répartition des ressources publiques. Celle-ci repose sur des besoins standards corrigés par la capacité fiscale standard des collectivités. La loi précise en outre que les administrations locales bénéficient des ressources suivantes : - des recettes fiscales propres , correspondant soit à des impôts locaux dont le produit est attribué aux collectivités locales, soit à des impôts additionnels à des impôts de l'Etat, soit à des impôts institués par des lois régionales. Il s'agit notamment de l'impôt municipal unique (IMU), qui porte sur le foncier, et de l'impôt régional sur les activités productives (IRAP) pour les régions. ; - le reversement d'une fraction des recettes fiscales des impôts de l'Etat perçues sur le territoire de la collectivité, appelées recettes de « coparticipation ». Il s'agit notamment du produit de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) ; - des ressources de péréquation : • pour les régions, deux fonds de péréquation ont été institués. Le premier, vertical, est alimenté par une fraction des recettes de TVA nationales et doit permettre d'assurer le financement des dépenses découlant des niveaux essentiels de prestations, tels que prévu à l'art. 117 m) de la Constitution. Le second, horizontal, est destiné à assurer le financement des autres dépenses dans les régions qui disposent d'une faible capacité fiscale par habitant ; • pour les provinces et les communes, deux fonds régionaux de péréquation ont été mis en place : l'un pour les communes, l'autre pour les provinces et villes métropolitaines, abondés par un fonds de péréquation national. Source : réponses au questionnaire de la commission des finances |
II. ... QUI N'A PAS ENCORE ÉTÉ VÉRITABLEMENT MIS EN PLACE
La mise en oeuvre de la loi du 5 mai 2009 a été laborieuse, notamment en raison des nombreuses mesures règlementaires nécessaires, et la crise des finances publiques de 2010 a interrompu le processus d'autonomisation fiscale des collectivités qui était en cours. Le fédéralisme fiscal constitutionnellement institué n'est donc pas encore véritablement mis en place.
En effet, en application de la loi 42/2009, des textes législatifs d'application ont été adoptés, contenant des dispositions sur l'autonomie financière des régions et des provinces (décret-législatif n°68 du 6 mai 2011) ainsi que des dispositions relatives au fédéralisme fiscal des communes (décret législatif n°23 du 14 mars 2011). Néanmoins, la mise en oeuvre des lois de 2009 et 2011 a été empêchée par l'éclatement de la crise financière qui a entraîné un renforcement des contraintes sur les finances publiques et du contrôle de l'Etat sur les ressources et les dépenses des collectivités locales. Les collectivités ont été fortement mobilisées pour contribuer à la consolidation des comptes publics : le coût de l'ensemble des mesures de redressement financier à la charge des communes, prises depuis 2010, est estimé à 7,75 milliards d'euros en 2019. Objet de modifications annuelles depuis, le cadre normatif des finances locales se caractérise par une grande volatilité.
De nombreuses interventions directes de l'Etat dans la définition des ressources fiscales des communes (allègements fiscaux imposés, limitation de l'augmentation des taux d'impôts locaux entre 2016 et 2018, etc.) ont, selon un rapport de la Cour des comptes italienne de 2016, contribué à l'établissement d'un « système de financement centralisé des communes ».
Les transferts d'autres administrations publiques aux collectivités italiennes représentaient encore 39,3 % de leurs recettes totales 1 ( * ) .
Recettes fiscales des collectivités territoriales italiennes en 2017 2 ( * )
(en milliard d'euros)
Recettes totales |
Dont recettes de production |
Dont revenus de la propriété |
Dont recettes fiscales |
Dont transferts courants entre APU |
|
Administrations publiques locales |
240,9 |
18,1 |
2,9 |
101,4 |
94,7 |
Dont régions |
157,6 |
0 |
0,6 |
69,9 |
80,9 |
Dont provinces |
8,9 |
0 |
0 |
4,5 |
3,28 |
Dont communes |
63,7 |
12 |
1,9 |
25,9 |
11 |
Dont établissements publics locaux de santé |
115,6 |
1,3 |
0 |
0 |
110,6 |
Source : base de données de l'ISTAT, comptes et agrégats économiques des administrations publiques - compilation SER
DEUXIÈME PARTIE
UN
SYSTÈME DE PÉRÉQUATION
QUI REPOSE SUR UNE
MÉTHODE ORIGINALE
I. LA MISE EN PLACE DE NOUVEAUX INDICATEURS DE CHARGES
La loi du 5 mai 2009 a prévu la mise en place d'un nouvel indicateur présidant à la péréquation verticale et horizontale : les « besoins de financement standard ». Ils mesurent précisément le coût de fourniture d'un service public local dans chaque collectivité afin de répartir en conséquence les fonds de péréquation et de financer un « niveau essentiel » de service public.
La définition de ces indicateurs a été confiée à une société privée, Soluzioni per il Sistema Economico (SOSE), détenue par le ministère des finances italien (88 %) et la Banque d'Italie (12 %). Un travail considérable de recueil de données et de traitement a été réalisé auprès de la quasi-totalité des collectivités italiennes (6 700 communes prises en compte sur les 8 071, pour des raisons de statut juridique). Ce travail a été mené en associant les représentants des collectivités territoriales et validé par la Commissione tecnica paritetica per l'attuazione del federalismo fiscale , composée de représentants de l'État et des collectivités, en décembre 2013. Cette commission a été remplacée par la Commissione tecnica per i fabbisogni standard (CTFS) en février 2016. La CTFS agit désormais comme un organe technique collégial qui a pour objectif principal de valider la mise à jour de la base de données utilisée. Un avis parlementaire est par ailleurs exigé pour l'adoption des notes méthodologiques relatives aux « besoins standards ».
Méthodologie de calcul des « besoins de financement standards » Les « besoins de financement standards » sont calculés pour six types de dépenses correspondant aux services publics suivants : instruction publique, gestion des déchets, crèches, police locale, services d'utilité publique (circulation, illumination publique, protection civile, service d'urbanisme etc.), transport public local et services sociaux. La méthode de calcul appliquée à chacune de ces catégories de dépenses consiste à mesurer les besoins financiers des collectivités locales pour assurer les niveaux essentiels de prestations (dits « LEP ») en prenant en compte les caractéristiques territoriales et sociodémographiques du territoire. Pour chaque secteur de dépense, des estimations économétriques sont réalisées pour prendre en considération les variables pouvant influer dessus. Le calcul des « besoins standards » est réalisé par la société publique SOSE à partir d'une base de données de références issue de questionnaires renseignés par chaque collectivité. Toutes les analyses relatives aux « besoins standards » sont réalisées en partenariat scientifique avec l'Institut pour la Finance et l'Économie Locale (IFEL) de l'Association Nationale des Communes Italiennes (ANCI). |
II. L'ÉVALUATION DE LA CAPACITÉ FISCALE DE LA COLLECTIVITÉ
En complément des « besoins standards », la capacité fiscale de chaque territoire est calculée.
Dans la littérature, la capacité fiscale est définie comme la valeur actualisée maximale des recettes provenant des recettes propres produites par une autorité locale à long terme.
La « capacité fiscale standard » par commune n'est en effet pas déterminée par une approche économétrique mais par l'application d'un taux standard national à la base imposable locale (la valeur cadastrale de l'habitation, par exemple). Elle est ensuite rapportée au nombre d'habitants pour disposer d'une recette théorique par habitant.
La méthode de calcul prend en compte les ressources propres de la collectivité (produits de la fiscalité locale, recettes de production, revenus de propriétés), le montant estimé du « manque à gagner » fiscal, le rapport entre les dépenses courantes et les dépenses totales ainsi que d'autres caractéristiques territoriales, économiques et sociodémographiques.
III. LA PRISE EN COMPTE DE CES DEUX CATÉGORIES D'INDICATEURS DANS LA RÉPARTITION DU FONDS COMMUNAL DE PÉRÉQUATION
Le Fonds de solidarité communal (FSC) a été créé en urgence par la loi de finances 2013 (n°228/2012), en remplacement d'un « fonds expérimental de rééquilibrage » créé l'année précédente, afin d'assurer une distribution équitable des ressources aux communes. Il est abondé par une part de l'IMU - équivalent de la taxe d'habitation en France - de l'ensemble des communes (22,4 %) qu'il répartit entre les communes selon des critères reposant sur les « besoins de financement standard » ( critères de péréquation ) ainsi qu'en fonction du montant de la compensation découlant de la suppression du précédent fonds ( critères de compensation ).
Le fonds de solidarité communal (FSC) Le fonds était abondé, en 2017, à hauteur de 25,2 milliards d'euros par les communes et à hauteur d'1,1 milliard d'euros par l'État. Au total, il s'élevait donc à 26,3 milliards d'euros. La contribution très importante des communes s'explique par le fait qu'elles mettent en commun la quasi-totalité de leurs recettes fiscales, qui leur sont ensuite reversées en fonction des critères du fonds, développés ci-après. Les critères de péréquation ne s'appliquent en réalité qu'à moins d'1 milliard d'euros au titre de la péréquation horizontale 3 ( * ) et à 1,1 milliard d'euros au titre de la péréquation verticale. |
Le fonds répond donc à trois objectifs :
- compenser les ressources historiques des communes (50 % du total redistribué) ;
- péréquer les ressources des communes en tenant compte de la différence entre les « besoins de financement standard » et la capacité fiscale de chaque commune (40 % du total redistribué) ;
- péréquer les ressources des communes en tenant compte de la capacité fiscale de chaque commune par rapport à la moyenne (10 % du total redistribué).
Ces critères de péréquation ont été introduits en 2015 et sont progressivement appliqués à une part croissante du fonds . L'augmentation prévue en 2019 (60 %, contre 45 % en 2018) de la part du fonds répartie en fonction de critères péréquateurs a toutefois été suspendue par la loi de finances. L'objectif d'une application intégrale en 2021 demeure pour l'instant.
TROISIÈME PARTIE
DES
CRITÈRES DE PÉRÉQUATION
QUI PEINENT À ÊTRE
APPLIQUÉS
I. UNE PÉRÉQUATION ESSENTIELLEMENT HORIZONTALE, À ENVELOPPE FERMÉE
Le système de péréquation mis en place pour les communes repose essentiellement sur des transferts horizontaux entre communes, compte tenu de la faible contribution de l'Etat au fonds de solidarité communal (1,1 milliard d'euros en 2017).
Or la réforme telle qu'elle était initialement envisagée visait à affecter au fonds de péréquation des ressources correspondant aux niveaux essentiels de service public devant exister en tout point du territoire. Elle supposait par conséquent que la péréquation entre communes ne soit pas faite à enveloppe fermée mais puisse évoluer en fonction de la nécessité de « rattrapage » des communes n'offrant pas le niveau de service public requis.
Le système actuel des « besoins de financement standard » ne fonctionne donc pas comme il aurait dû le faire. Dans la mesure où il ne prend pas en compte les besoins de financement nécessaires à l'atteinte d'un niveau de service prédéfini mais, en grande partie, les dépenses existantes, il perpétue les inégalités de répartition de la richesse entre communes et les choix historiques faits par certaines communes qui n'ont jamais proposé certains services (crèche pas exemple) et qui ne peuvent disposer de versements supplémentaires pour le faire.
Cette prévalence de la péréquation horizontale, dans une enveloppe fermée, renforce les résistances des communes contributrices nettes (environ 1 000 communes).
II. DES EFFETS REDISTRIBUTIFS LIMITÉS
Le bilan du fonctionnement du fonds de solidarité communal dressé par l' Ufficio Parlamentare di Bilancio (UPB) montre que ses effets redistributifs sont limités. La différence observée, en matière de ressources, entre les communes des régions du Nord et celles des régions du centre et du Sud de l'Italie, est toujours aussi marquée, avant et après péréquation. Les communes des régions du Nord sont débitrices nettes du fonds, tandis que les communes du Centre et du Sud (exception faite de la Campanie et du Lazio et de la ville de Rome) sont bénéficiaires nettes mais les transferts du Nord vers le Sud sont faibles.
D'après la même étude, les principales difficultés rencontrées par le système de péréquation mis en place sont de trois ordres :
- certaines ressources des communes ne transitent pas par le fonds. Par exemple, les compensations d'exonération de l'IMU et de la TASI étaient, à hauteur de 8 milliards d'euros, exclues du fonds de solidarité communal en 2017. Or ces ressources représentaient 17 % des recettes des communes ;
- la révision constitutionnelle de 2009 prévoyait que soient définis des niveaux minima de service public pour l'ensemble des communes (LEP). Or cette définition n'a pas été réalisée jusqu'à présent. Elle pourrait pourtant entraîner, dans de nombreux cas, une remise à niveau des services publics actuels, associée à un transfert de ressources supplémentaires ;
- enfin, les paramètres de péréquation choisis en réduisent d'emblée la portée : 50 % des ressources transitant par le fonds sont réparties en fonction du montant des dépenses historiques des communes et correspondent donc à des transferts de compensation et non de péréquation ; par ailleurs, la phase transitoire d'entrée en vigueur du mécanisme de péréquation est très longue, puisqu'elle a été initiée en 2015 et n'était mise en oeuvre, en 2019, qu'à hauteur de 45 %. Enfin des mécanismes de correction visant à limiter à 4 % les variations annuelles de ressources liées à la péréquation ont été mis en place.
L'échec de l'articulation souhaitée entre
la définition d'un niveau minimum
Le niveau de service minimum devant être rendu dans chaque commune, qui doit être défini au niveau constitutionnel, ne l'a jamais été. Alors que les « besoins de financement standard » devaient être calculés à partir de ces niveaux de services essentiels, pour permettre à chaque commune de disposer des ressources nécessaires pour les assurer, ils ont en réalité été définis à partir des services effectivement rendus et intègrent donc des données sur la dépense historique. Par exemple, une commune riche disposant historiquement de ressources importantes a toujours pu proposer et fournir plus de services. Ses « besoins de financement standard » sont par conséquent relativement élevés, avec un effet favorable sur les dotations de péréquation. Tel qu'il existe actuellement, le mécanisme de péréquation reposant sur les « besoins de financement standard » contribue donc à donner des ressources supplémentaires aux communes qui en avaient déjà. Cet effet contrebalance l'effet redistributif de la prise en compte de la capacité fiscale de chaque commune par rapport à la moyenne et obère la capacité redistributive globale du système. |
III. UNE NETTE AMÉLIORATION DE LA TRANSPARENCE DES COMPTES LOCAUX ET DES ÉCHANGES DE BONNES PRATIQUES
Les « besoins de financement standard » ont également permis une très importante opération de transparence, puisque l'intégralité des données est publiée sur un site internet (OpenCivitas). Ils ont en outre été complétés par des indicateurs de mesure de la qualité du service rendu, qui permet de comparer moyens alloués et résultats obtenus et de décerner des « notes » à chaque collectivité. Ainsi, les citoyens peuvent mesurer la performance de leur collectivité et la comparer à celle d'autres communes. Ils peuvent constater par exemple que les communes de Naples et de Bari ont des niveaux de services assez faibles alors qu'elles ont un niveau de dépenses moyen. A l'inverse, Bologne a un niveau de services maximal sans pour autant avoir le niveau de dépenses le plus élevé.
Ces données peuvent également être utilisées par les collectivités comme une sorte de « contrôle de gestion » mis à leur disposition. Les communes peuvent en effet comparer leur coût de production de certains services publics à celui d'autres collectivités.
IV. QUELS ENSEIGNEMENTS EN TIRER POUR LE SYSTÈME FRANÇAIS ?
La méthodologie utilisée pour définir les « besoins de financement standard » est intéressante à plusieurs égards.
Elle permet tout d'abord d'objectiver le coût de certains services publics, notamment ceux pouvant être évalués par un coût unitaire, tout en tenant compte des caractéristiques géographiques et socio-démographiques des territoires.
Elle a été élaborée par des experts et a fait l'objet d'un consensus, avant d'être validée par la Commissione tecnica paritetica per l'attuazione del federalismo fiscale . La base de données est désormais actualisée par la Commissione tecnica per i fabbisogni standard (CTFS) et les ajustements de la méthodologie sont soumis pour avis au Parlement.
Elle a enfin permis d'accroître la transparence de la gestion locale et de disposer d'une base de données très intéressante pour mieux connaître les services publics locaux.
Cette appréciation différenciée des charges des territoires nous semble plus conforme aux réalités actuelles que la territorialisation des ressources et les seuls critères de population, mis en place il y a un demi-siècle et qui prévalent encore largement en France.
Elle peine toutefois à être mise en oeuvre dans l'ampleur initialement prévue, compte tenu de sa complexité d'une part et de la nécessité d'autre part de définir constitutionnellement un niveau minimum de service public local, qui n'a pas trouvé d'accord politique jusqu'à présent.
Ce retard est également dû à l'attachement des collectivités à leurs compensations historiques, inhérent à toute bascule d'un système à l'autre.
L'exemple italien peut toutefois nourrir la réflexion qui doit être menée en France sur les indicateurs de péréquation, et en particulier sur les critères de charges des collectivités. La notion de « besoins de financement standard » et la méthodologie utilisée pour les définir pourraient utilement servir de support à la création de critères de charges standard en France et à la substitution d'une péréquation plus « verticalisée » à la péréquation existante, et par là-même plus consensuelle.
Les travaux qui doivent être rapidement lancés concernant les conséquences à tirer, en matière de critères de péréquation, de la réforme de la fiscalité locale telle qu'elle est proposée par le Gouvernement dans le projet de loi de finances pour 2020, rendent d'autant plus utile la comparaison avec l'expérience italienne.
EXAMEN EN COMMISSION
Réunie le mercredi 20 novembre 2019 sous la présidence de M. Vincent Éblé, président, la commission a entendu une communication de MM. Charles Guené et Claude Raynal, rapporteurs spéciaux, sur le suivi du contrôle budgétaire sur la réforme des « besoins de financement standard » des collectivités italiennes.
M. Charles Guené , rapporteur spécial . - À la suite de notre rapport d'information sur l'association des collectivités territoriales à la maîtrise des finances publiques à la lumière des exemples de l'Autriche et de l'Italie, publié en 2015, nous avons souhaité revenir cette année sur le système de péréquation mis en place en Italie et en tirer des enseignements après quelques années de fonctionnement.
La méthodologie utilisée en Italie pour définir les « besoins de financement standard » est en effet intéressante à plusieurs égards.
Elle permet tout d'abord d'objectiver le coût de certains services publics, notamment ceux qui peuvent être évalués par un coût unitaire, tout en tenant compte des caractéristiques géographiques et sociodémographiques des territoires. Elle permet ensuite d'accroître la transparence de la gestion locale et de disposer d'une base de données très intéressante pour mieux connaître les services publics locaux.
Cette appréciation différenciée des charges des territoires nous semble plus conforme aux réalités actuelles que la territorialisation des ressources et les seuls critères de population mis en place il y a un demi-siècle et qui prévalent encore largement en France. Elle peine toutefois à être mise en oeuvre dans l'ampleur initialement prévue, compte tenu de sa complexité, d'une part, et de la nécessité, d'autre part, de définir constitutionnellement un niveau minimum de service public local, qui n'a pas trouvé d'accord politique jusqu'à présent.
Ce retard est également dû à l'attachement des collectivités à leurs compensations historiques, inhérent à toute bascule d'un système à l'autre.
L'exemple italien peut néanmoins nourrir la réflexion qui doit être menée en France sur les indicateurs de péréquation et en particulier sur les critères de charges des collectivités. La notion de « besoins de financement standard » et la méthodologie utilisée pour les définir pourraient utilement servir de support à la création de critères de charges standard en France et à la substitution d'une péréquation plus « verticale » à la péréquation existante, et par là même plus consensuelle.
Les travaux qui doivent être rapidement lancés concernant les conséquences à tirer, en matière de critères de péréquation, de la réforme de la fiscalité locale telle qu'elle est proposée par le Gouvernement dans le projet de loi de finances pour 2020 rendent d'autant plus utile la comparaison avec l'expérience italienne.
Nous vous proposerons donc d'ailleurs, avec Claude Raynal, de nous emparer dès le début de l'année 2020 du sujet de la réforme des indicateurs servant à établir les dotations et fonds de péréquation, pour faire oeuvre utile dans la concertation qui s'annonce sur ce sujet.
La commission a autorisé la publication de la communication de MM. Charles Guené et Claude Raynal, rapporteurs spéciaux, sous la forme d'un rapport d'information.
LISTE DES PERSONNES ENTENDUES
Déplacement à Rome :
Ambassade de France en Italie
- M. Christian MASSET, ambassadeur ;
- Mme Laura TORREBRUNO, conseillère économique, adjointe au chef de Service économique régional ;
- M. Benoît LEMONNIER, attaché financier.
Commission technique des besoins de financement standard (CTFS)
- M. Giampaolo ARACHI, président.
Institut des finances et de l'économie locale (IFEL)
- M. Fabrizio FAZIOLI, responsable du bureau « Personnel et services », département des finances locales.
Association nationale des communes italiennes (ANCI)
- M. Andrea FERRI, responsable du département « Finances locales et cadastre ».
Ufficio Parlamentare di Bilancio (UPB)
- M. Luca RIZZUTO, directeur général.
Inspection générale des finances de l'administration publique (IGEPA) - Ragioneria dello Stato
- M. Salvatore BILARDO, directeur.
Sose SpA (Soluzioni per il sistema economica SpA)
- M. Vincenzo ATELLA, administrateur délégué et directeur général.
* 1 Source : SER à partir des données ISTAT 2017.
* 2 Dernières données disponibles.
* 3 Lorsque la dotation de péréquation fonctionnera à plein régime - en 2021 d'après le calendrier actuel - la péréquation horizontale représentera 1,7 milliard d'euros.