LA NÉCESSAIRE RECONNAISSANCE DES TERRITOIRES RURAUX, PAR MME RACHEL PAILLARD, VICE-PRÉSIDENTE ET RAPPORTEURE DE LA COMMISSION DES TERRITOIRES DE L'ASSOCIATION DES MAIRES DE FRANCE, MAIRE DE BOUZY
Monsieur le président, Monsieur le président de la Délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation, Messieurs les rapporteurs, Mesdames et Messieurs les sénateurs, Mesdames et Messieurs les élus, cher Monsieur Bockel,
Je vous remercie pour votre invitation. Je suis honorée et ravie d'être aujourd'hui avec vous au Sénat pour participer aux travaux de votre colloque « les collectivités territoriales, leviers de développement des ruralités ». Le lien entre l'Association des Maires de France (AMF) et le Sénat est primordial pour conforter et défendre l'échelon local dans une organisation territoriale et politique de plus en plus complexe. Cet après-midi, je m'exprime en qualité de vice-présidente de l'Association des maires de France et de rapporteure de la commission des territoires de l'AMF, dont le travail se nourrit de la diversité démographique, politique et géographique de ses membres. Défendre la nécessaire reconnaissance des territoires ruraux, est-ce un légitime combat, ancré dans l'histoire de la République, ou est-ce une posture passéiste ?
Je voudrais commencer par faire un point sur le moral des maires, les sentinelles de la République. Ils terminent un mandat éprouvant. Ce mandat 2014-2020 actera, financièrement, un tournant de baisse sans précédent des moyens des collectivités, et la perspective de la suppression de la taxe d'habitation en 2023 génère de nouvelles incertitudes. Ce mandat aura également été marqué par de fortes interrogations sur la place de la commune dans la République - certains projetaient notre disparition. Puis ce fut la création de grandes communautés de communes, un véritable « big bang » qui laissera des traces et des séquelles dans le coeur des maires de communes rurales.
Aujourd'hui, l'AMF porte un regard bienveillant et vigilant sur toutes les initiatives du Président de la République et du Gouvernement pour remettre en confiance les maires, pour conforter leur action au plus près des habitants, pour retrouver l'esprit d'une intercommunalité choisie et non imposée. Le projet de loi « Engagement et proximité », les mesures de l'Agenda rural vont dans le bon sens.
Un paradoxe doit être souligné au terme de ce mandat : malgré tous ces épisodes tumultueux, les habitants plébiscitent leurs maires et leur accordent encore leur confiance. Plus la commune est petite et plus la popularité est grande. Nous savons, nous, élus de l'échelon local, ce que nous avons donné aux habitants pour réparer la cohésion territoriale et sociale, pour porter des projets à bout de bras, parfois dans des conditions incompréhensibles pour un citoyen qui n'a pas eu d'expérience municipale. La demande sociétale d'équité territoriale est extrêmement prégnante.
Nous sommes dubitatifs pour l'avenir. Nous savons que demain, il faudra faire avec des moyens durablement plus faibles, des services plus rares, des attentes toujours plus fortes et la nécessité de donner à penser à tous les citoyens que chacun compte et que tous sont importants.
Il faudra que la commune retrouve son rôle historique de laboratoire de la cohésion nationale, trouve une nouvelle place dans la communauté de communes. Il faudra expérimenter de nouvelles méthodes de travail entre élus, moins lourdes, avec une accélération des réponses à apporter et valoriser l'arrivée du numérique. Il faudra insister encore et encore sur les nouveaux leviers dont disposent ou devraient disposer les maires et présidents de communautés de communes pour favoriser les dynamiques positives du territoire, la collaboration, la coopération équitable entre les collectivités territoriales, la nécessité de l'appui d'un État facilitateur, l'accès à des ingénieries adaptées.
Je voudrais illustrer mon propos en citant un dispositif dynamique, l'ORT, opération de revitalisation de territoires, que nous avons examiné en commission en portant sur lui un regard rural. Il se concrétise par une convention entre le bourg-centre et les centralités de la communauté de communes, avec le soutien bienveillant de l'État et une ingénierie dynamique apportée par la Banque des Territoires. Il s'agit en fait de réfléchir autrement, librement, la gouvernance, pour porter des projets et initiatives, en partenariat, en synergie, en alliance. Les Français comptent sur leur maire et sur leurs élus locaux pour explorer de nouvelles pistes, s'aventurer hors des sentiers battus, forcer les portes du destin, la tête haute et le coeur battant, reprendre des marges de manoeuvre de mille et une façons, en ouverture vis-à-vis du monde qui les entoure.
Les Français aiment la ville radieuse et expriment de nouveau leur intérêt pour une ruralité généreuse dans une France connectée. Les élus des communes et des territoires ruraux ont un bel avenir s'ils ont le désir de capter, analyser, intégrer ces nouvelles aspirations des Français vis-à-vis de la ruralité, s'ils savent préserver la convivialité et la simplicité des relations et des décisions avec la complicité et le respect des hommes de la Terre nourricière.
Je crois à ce précepte de Montaigne qui résume et valorise l'ADN des élus des campagnes : « C'est une belle harmonie quand le faire et le dire vont ensemble ». Chaque jour, nous constatons combien l'harmonie peut devenir colère. La reconnaissance des territoires ruraux est alors bien plus que nécessaire. Elle est salutaire et espérée, en particulier par les 22 millions d'habitants qui résident dans ces territoires. Elle doit être une priorité immédiate et au long cours des législateurs et des gouvernants, en symbiose avec les collectivités territoriales, l'AMF et les associations d'élus. Il s'agit de retrouver les chemins de la confiance en posant tous les sujets avec un prisme rural.