B. M. BENOÎT BORDAT, CONSEILLER MÉTROPOLITAIN DE DIJON MÉTROPOLE DÉLÉGUÉ À L'AGRICULTURE PÉRIURBAINE, EN CHARGE DU PROJET « ALIMENTATION DURABLE 2030 »
M. Benoît Bordat, conseiller métropolitain de Dijon Métropole délégué à l'agriculture périurbaine, en charge du projet « Alimentation durable 2030 ». - Au printemps dernier, le maire de Dijon, François Rebsamen, a pris un arrêté interdisant le glyphosate car, si les agents de la collectivité et les particuliers n'utilisaient plus de pesticides de synthèse, certaines entreprises ou copropriétés privées en utilisaient encore.
Avant de vous présenter notre projet « Territoires d'innovation - grande ambition » (TIGA), un mot sur l'historique. La métropole entretenait des liens étroits avec le monde agricole, la chambre d'agriculture et les syndicats, à travers le réseau Terres en ville ; nous avions institué des marchés fermiers ; établi un partenariat avec la chambre d'agriculture et la Safer. En 2015, nous avions fait l'acquisition de 300 hectares de terres agricoles dans un souci de reconquête agricole ou viticole, ce qui nous a permis de réinstaller des jeunes agriculteurs ou viticulteurs travaillant en bio. Nous possédions aussi une régie municipale pour la restauration scolaire. Faute d'une légumerie, nous sommes obligés d'acheter des légumes de 4e gamme.
Nous avons répondu à l'appel à projets de l'État « Territoires d'innovation - grande ambition » dans le cadre du programme d'investissements d'avenir, et avons eu la chance d'être retenus avec notre projet d'alimentation durable. Ce projet s'inscrit dans une durée de dix ans. Il vise à associer les partenaires qui ont un lien avec le territoire, comme les entreprises Seb, Orange, etc. Les collectivités n'ont pas l'obligation de s'occuper des questions d'alimentation. Mais les citoyens sont très vigilants sur leur alimentation et nous sollicitent. Vous disiez que l'on ne savait pas gérer les transitions en France, mais il me semble que l'on y est maintenant bien obligé car ce sont les citoyens qui nous demandent d'agir.
C'est pourquoi nous avons décidé de lancer un grand projet de transformation, en associant les entreprises locales, y compris de l'agro-alimentaire. On a noué des alliances avec les territoires agricoles environnants, rencontré des groupes d'éleveurs, des laitiers, des producteurs maraîchers. Puis, nous avons regroupé les marchés publics de tous les établissements publics de la ville. Cela représente un marché public de 14 millions de repas par an. Nous avons calculé les surfaces agricoles nécessaires ; cela représenterait 100 hectares de légumes, 50 hectares de pommes de terre, 35 hectares de légumes racines, etc. Cela semble énorme mais si l'on rapporte ce total à la surface agricole du département - 460 000 hectares --, on constate que l'effet de levier est bien modeste. Il convenait donc d'associer à notre démarche « du champ à l'assiette » les industriels, les supermarchés locaux, qui sont aussi confrontés, de leur côté, à une baisse de la fréquentation et à des changements dans les modes de consommation sous l'effet du numérique et de certaines applications comme Yuka. Nous pensons que les nouvelles applications peuvent être intéressantes, que de nouvelles technologies, comme celles développées par Seb, permettront de faciliter la transformation des produits bruts et d'inciter les gens à changer d'alimentation. Ainsi avons-nous défini 24 actions, qui doivent être déclinées sur une dizaine d'années.
On a aussi identifié un millier de familles en situation de précarité et qui ne consomment pas suffisamment de fruits et légumes. Nous allons donc tester pendant six mois un système de tickets alimentaires pour voir si l'on parvient à changer leurs habitudes.
Pour que les circuits courts fonctionnent, il faut qu'ils procurent un prix rémunérateur à l'exploitant agricole, tout en restant abordables pour le consommateur. Nous sommes en train de développer un label agro-écologique avec l'Institut national de la recherche agronomique (INRA), avec un système de flashcode, pour garantir que les produits respectent trois conditions : sociale, environnementale et locale. L'INRA de Dijon travaille aussi, par ailleurs, à des solutions alternatives au glyphosate.
Ce projet sera doté de 45 millions d'euros en dix ans. Le Premier ministre avait annoncé une grande enveloppe de 450 millions d'euros, mais en ce qui concerne le programme TIGA, nous pourrons mobiliser 26 millions d'euros du secteur privé, tandis que l'État va nous accompagner « généreusement » à hauteur de 3 millions d'euros avec éventuellement des participations de 7 à 8 millions... Nous avons la chance d'avoir des partenaires privés, je ne sais pas comment feront ceux qui n'ont pas d'autres sources de financement !
Un mot aussi sur les projets alimentaires territoriaux (PAT) : ils sont très en vogue, mais il manque un référentiel partagé. Il conviendrait de réfléchir à une trame commune.
En conclusion, je veux souligner l'importance de nouer une alliance des territoires autour de la ville. Dijon est entouré de terres d'élevage, de polyculture, de maraichers. On peut envisager de prendre des parts dans un abattoir local : pourquoi faire venir la viande de loin alors que l'on a un abattoir à proximité ? C'est aussi une question de bien-être animal.