Rapport d'information n° 562 (2019-2020) de MM. Philippe BONNECARRÈRE et Jean-Yves LECONTE , fait au nom de la commission des affaires européennes, déposé le 25 juin 2020
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L'ESSENTIEL
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ANNEXE : LA COUR EUROPÉENNE DES
DROITS
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DE L'HOMME ET LE SUIVI DE
L'EXÉCUTION
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DES ARRÊTS DE LA COUR
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EXAMEN EN COMMISSION
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PERSONNES AUDITIONNÉES
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DÉPLACEMENTS
N° 562
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 2019-2020
Enregistré à la Présidence du Sénat le 25 juin 2020
RAPPORT D'INFORMATION
FAIT
au nom de la commission des affaires européennes
(1)
sur l'
adhésion
de l'
Union
européenne
à la
convention
européenne
des
droits
de
l'
Homme
,
Par MM. Philippe BONNECARRÈRE et Jean-Yves LECONTE,
Sénateurs
(1) Cette commission est composée de : M. Jean Bizet , président ; MM. Philippe Bonnecarrère, André Gattolin, Didier Marie, Mme Colette Mélot, MM. Cyril Pellevat, André Reichardt, Simon Sutour, Mme Véronique Guillotin, MM. Pierre Ouzoulias, Jean-François Rapin , vice-présidents ; M. Benoît Huré, Mme Gisèle Jourda, MM. Pierre Médevielle, René Danesi , secrétaires ; MM. Pascal Allizard, Jacques Bigot, Yannick Botrel, Pierre Cuypers, Mme Nicole Duranton, M. Christophe-André Frassa, Mme Joëlle Garriaud-Maylam, M. Daniel Gremillet, Mmes Pascale Gruny, Laurence Harribey, MM. Claude Haut, Olivier Henno, Mmes Sophie Joissains, Mireille Jouve, Claudine Kauffmann, MM. Guy-Dominique Kennel, Claude Kern, Pierre Laurent, Jean-Yves Leconte, Jean-Pierre Leleux, Mme Anne-Catherine Loisier, MM. Franck Menonville, Jean-Jacques Panunzi, Michel Raison, Claude Raynal, Mme Sylvie Robert .
L'ESSENTIEL
Plus de dix ans après l'entrée en vigueur du traité de Lisbonne, le 1 er décembre 2009, certaines des dispositions qu'il prévoit ne sont toujours pas effectives. Tel est le cas de l'adhésion de l'Union européenne à la Convention européenne des droits de l'Homme.
Le traité de Lisbonne devait permettre d'atteindre enfin cet objectif, après plus de trente ans de débats, en le consacrant politiquement et en lui donnant un fondement juridique. Toutefois, un avis de la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) de décembre 2014 en a reporté la réalisation.
Pour autant, l'Union européenne n'est pas restée inactive sur ce dossier au cours des dernières années.
Celui-ci retrouve d'ailleurs une actualité certaine . D'abord sur le plan politique, comme l'a montré le discours que le président de la République, M. Emmanuel Macron, a prononcé, le 1 er octobre 2019, à Strasbourg, devant l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe, à l'occasion de la Présidence française du Comité des ministres du Conseil de l'Europe. Sur ce sujet, le chef de l'État a ainsi déclaré qu'il convient de « reconstruire ici l'unité de notre continent sur le socle de nos valeurs communes. [Le projet de souveraineté porté par la France au sein de l'Union européenne] passe par le renforcement de l'État de droit au sein de l'Union européenne et, donc, par la prise en compte du travail réalisé par le Conseil de l'Europe et par l'adhésion de l'Union européenne à la CEDH. Nulle incompatibilité, nulle concurrence entre les projets et les organisations, au contraire. Je suis profondément convaincu que cette souveraineté européenne sera d'autant mieux portée que nous saurons poser les bases, à l'échelle continentale, d'une confiance fondée sur les valeurs qui nous réunissent au sein du Conseil de l'Europe ». Ensuite, le processus de négociations en vue de cette adhésion a repris entre l'Union européenne et le Conseil de l'Europe .
Lorsque la Cour de justice de l'Union européenne avait rendu son avis, la doctrine avait pu parler d'un positionnement de la Cour « délibérément politique » 1 ( * ) , et le concept de gouvernement par les juges de Luxembourg avait pu de nouveau être utilisé.
Néanmoins, les deux Cours, la CJUE à Luxembourg et la Cour européenne des droits de l'Homme (Cour EDH) à Strasbourg, entretiennent de bonnes relations. Les visites de travail sont fréquentes et les magistrats luxembourgeois et strasbourgeois se tiennent informés de près de leur jurisprudence respective. L'opinion selon laquelle une rivalité existerait entre les deux Cours est régulièrement émise, mais elle recouvre une réalité désormais très marginale. Néanmoins, et l'avis de décembre 2014 sur l'accord d'adhésion ou sa récente réaction à l'arrêt du Tribunal constitutionnel de Karlsruhe du 5 mai dernier l'a montré, la CJUE est très attachée à assurer l'autonomie du droit de l'Union européenne .
Les deux Cours ne sont pas en concurrence, mais en recherche de complémentarité et de convergence. D'ailleurs, l'article 52, paragraphe 3 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne prévoit un mécanisme de coordination des deux ordres juridiques : « Dans la mesure où la présente Charte contient des droits correspondant à des droits garantis par la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales, leur sens et leur portée sont les mêmes que ceux que leur confère ladite convention. Cette disposition ne fait pas obstacle à ce que le droit de l'Union accorde une protection plus étendue ». L'arrêt Bosphorus 2 ( * ) , adopté en Grande chambre, est une illustration de cette recherche de convergence : la Cour européenne des droits de l'Homme a accepté pour la première fois d'examiner au fond un grief concernant des mesures nationales d'application d'un règlement communautaire prises sans marge d'appréciation par un État. Quant à la CJUE, elle est également appelée à prendre des décisions en matière de droits fondamentaux, par exemple concernant le respect de l'État de droit en Pologne, alors que cet État membre est sous procédure dite de « l'article 7 » - qui peut aller jusqu'à suspendre le droit de vote au Conseil d'un État membre s'il est constaté que celui-ci viole de façon « grave et persistante » les valeurs européennes - depuis plusieurs années.
Les jurisprudences des deux Cours participent au phénomène de judiciarisation grandissante des sociétés européennes , observable depuis de nombreuses années désormais, ainsi qu'à l' importance croissante accordée à la question des droits fondamentaux . Les droits fondamentaux forment en effet une partie de l'identité européenne, même si le projet européen ne saurait se réduire à leur protection.
Cependant, les connaissances des citoyens européens sur les droits fondamentaux sont relativement limitées. Ainsi, dans son dernier rapport annuel sur l'application de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne 3 ( * ) , la Commission note que « la Charte n'est pas encore exploitée autant qu'elle le pourrait et reste mal connue ». Selon l'Eurobaromètre sur la connaissance de la Charte 4 ( * ) , la situation s'est certes améliorée depuis 2012, mais seuls 42 % des répondants ont entendu parler de la Charte, et seulement 12 % savent vraiment de quoi il s'agit. Autrement dit, 88 % en ignorent le contenu... Pour autant, les dispositions de la Charte sont de plus en plus appliquées par la justice des États membres. Selon le même rapport de la Commission, en 2018, la CJUE a fait référence à la Charte dans 356 affaires, contre 27 en 2010. Lorsqu'elles adressent des questions à la CJUE au titre de la procédure de renvoi préjudiciel, les juridictions nationales évoquent la Charte de manière croissante, soit à 84 reprises en 2018, contre 19 en 2010.
Aussi l'adhésion de l'Union européenne à la Convention européenne des droits de l'Homme viendrait-elle parachever cette consécration de la promotion et de la protection des droits fondamentaux en Europe, en acceptant ce contrôle externe de la Cour de Strasbourg . S'il convient de ne pas négliger le risque qu'un État puisse trouver un intérêt politique à voir l'Union européenne condamnée par la Cour de Strasbourg pour non-respect des droits de l'Homme, ce risque est pris par l'ensemble des signataires de la CEDH et constitue son utilité.
Ce rapport vise à présenter l'état des lieux du projet d'adhésion cinq ans après l'avis de la CJUE : les travaux menés alors, les solutions envisageables pour répondre aux objections de la Cour, les prochaines échéances, les obstacles éventuels qui demeurent, à commencer par celui de la longue procédure de ratification de l'accord d'adhésion, y compris par des États hors de l'Union européenne.
I. L'ADHÉSION DE L'UNION EUROPÉENNE À LA CONVENTION EUROPÉENNE DES DROITS DE L'HOMME : UN OBJECTIF ANCIEN
A. UN PROJET ÉLABORÉ DÈS LES ANNÉES 1970
1. Une préoccupation croissante pour la protection des droits fondamentaux
Les Communautés européennes ayant une nature essentiellement économique, les traités fondateurs n'évoquaient pas la protection des droits fondamentaux.
Cette préoccupation a d'abord été une construction jurisprudentielle de la Cour de justice des Communautés européennes (CJCE) qui, en 1970, a reconnu que les droits fondamentaux font partie intégrante des principes généraux du droit des Communautés 5 ( * ) . La Cour s'est alors engagée dans un processus de rapprochement avec les instruments internationaux de protection des droits de l'Homme. Les principes généraux du droit peuvent avoir pour source d'inspiration , outre les traditions constitutionnelles communes aux États membres, des instruments internationaux de protection des droits de l'Homme auxquels les États membres ont coopéré ou adhéré 6 ( * ) , dont la Convention de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales (CEDH), qui revêt une signification particulière 7 ( * ) .
Parallèlement, les États membres et les institutions des Communautés ont pris position en faveur d'une meilleure prise en compte de la protection des droits de l'Homme.
Adoptée à Copenhague, en 1973, la déclaration des Neuf sur l'identité européenne énonçait notamment qu'ils « entendent sauvegarder les principes de la démocratie représentative, du règne de la loi, de la justice sociale - finalité du progrès économique - et du respect des droits de l'Homme, qui constituent des éléments fondamentaux de l'identité européenne ». Ces éléments sont devenus des critères déterminants pour l'adhésion. Ainsi, lors du Conseil européen du 8 avril 1978, les chefs d'État et de gouvernement ont déclaré que « le respect et le maintien de la démocratie représentative et des droits de l'Homme dans chacun des États membres constituent des éléments essentiels de l'appartenance aux Communautés européennes ».
De leur côté, le Parlement européen, le Conseil et la Commission ont pris position, le 5 avril 1977, dans une déclaration commune sur la nécessité d'assurer le respect des droits fondamentaux : après avoir réaffirmé que les traités communautaires sont fondés sur le principe du respect du droit, cette déclaration soulignait l'importance capitale du respect des droits fondamentaux, sanctionnés en particulier par les constitutions des États membres et par la CEDH, ratifiée par tous les États membres.
Cependant, l'absence de catalogue écrit des droits fondamentaux a conduit les cours constitutionnelles nationales, en particulier allemande et italienne, à puiser dans leurs constitutions, remettant ainsi en cause le monopole du contrôle exercé par la CJCE sur le droit européen et le principe de primauté du droit communautaire. Dans une décision du 29 mai 1974 8 ( * ) , le Tribunal constitutionnel de Karlsruhe avait ainsi indiqué se réserver la possibilité de mesurer à l'aune des droits fondamentaux inscrits dans la Loi fondamentale allemande les actes de la Communauté que la Cour de justice aurait déclarés licites. Cet arrêt constituait une réponse à l'arrêt de la CJCE précité de 1970, qui avait confirmé que la primauté du droit communautaire s'exerçait même à l'égard des règles constitutionnelles des États membres 9 ( * ) .
Dès lors que la primauté du droit était conditionnée par l'Allemagne au respect par l'Union européenne des bases constitutionnelles de la République fédérale d'Allemagne, et notamment à la garantie des droits fondamentaux, il fallait que l'ordre juridique communautaire garantisse une protection des droits fondamentaux équivalente à celle assurée par la Constitution allemande pour que la saisine du Tribunal constitutionnel de Karlsruhe n'ait plus lieu d'être : « aussi longtemps que » cette condition ne serait pas remplie, des recours contre une disposition de droit communautaire invoquant la violation d'un droit fondamental reconnu par la Constitution allemande resteraient recevables.
Dans ce contexte, l'idée de faire adhérer la Communauté européenne à la CEDH a été lancée à divers niveaux, notamment par le Parlement européen, à l'occasion d'une table ronde organisée par celui-ci, à Florence, en 1978, ainsi que dans une résolution du 27 avril 1979, dans laquelle il se prononçait en faveur de cette adhésion et invitait le Conseil et la Commission, en étroite coopération avec le Parlement européen, à préparer sans plus attendre cette adhésion.
Dès lors, le 2 mai 1979, la Commission a adressé au Conseil un mémorandum pour proposer l'adhésion à la CEDH. Selon elle, cette adhésion n'impliquait pas un élargissement de la compétence de la Communauté dans le domaine de la protection des droits fondamentaux. Elle a par la suite réitéré sa proposition en vue d'une adhésion en 1990, puis en 1993.
2. L'avis de la CJCE du 28 mars 1996 : la Communauté européenne dépourvue de compétences pour adhérer à la CEDH
Le 28 mars 1996, la CJCE a rendu un avis défavorable à l'adhésion de la Communauté à la CEDH 10 ( * ) .
La Cour avait été saisie par le Conseil de deux questions, la première sur la compétence de la Communauté pour conclure l'accord d'adhésion, et la seconde sur la compatibilité de l'accord d'adhésion envisagé avec les dispositions du traité, en particulier celles relatives aux compétences de la Cour. Cependant, en l'absence d'un projet d'accord d'adhésion et d'éléments suffisants sur les modalités en vertu desquelles la Communauté envisageait de se soumettre aux mécanismes de contrôle juridictionnel institués par la CEDH, la Cour a considéré qu'elle n'était pas en mesure de rendre un avis sur la seconde question. Son avis 2/94 n'a donc porté que sur la compétence de la Communauté pour adhérer à la CEDH.
En premier lieu, la Cour a rappelé que l'ordre juridique communautaire repose sur le principe des compétences d'attribution , l'action internationale de la Communauté ne pouvant résulter que de dispositions spécifiques du traité ou se déduire de façon implicite de ces dispositions. Aussi a-t-elle constaté qu' aucune disposition du traité ne conférait aux institutions communautaires le pouvoir d'édicter des règles en matière de droits de l'Homme ou de conclure des conventions internationales en ce domaine . En deuxième lieu, elle a précisé que l'article 235 du traité instituant la Communauté européenne, qui permettait de suppléer l'absence de pouvoirs d'action explicites ou implicites des institutions communautaires si de tels pouvoirs apparaissent néanmoins nécessaires pour que la Communauté puisse exercer ses fonctions en vue d'atteindre un des objectifs fixés par le traité, ne permettait pas d'élargir le domaine des compétences de la Communauté au-delà du cadre général défini par le traité, en particulier pour les missions et actions de la Communauté. Enfin, la Cour a constaté que, si le respect des droits de l'Homme constitue une condition de la légalité des actes communautaires, l'adhésion à la CEDH entraînerait un changement substantiel d'envergure constitutionnelle du régime communautaire de protection des droits de l'Homme , au travers notamment de l'insertion de la Communauté dans un système institutionnel international distinct et l'intégration de l'ensemble des dispositions de la Convention dans l'ordre juridique communautaire. Par conséquent, la Cour en a déduit que seule une modification du traité permettrait une adhésion de la Communauté à la CEDH .
Quatre ans après, l'adoption de la Charte des droits fondamentaux, le 7 décembre 2000, lors du Conseil européen de Nice, a constitué une étape déterminante : elle consacre pour la première fois les droits fondamentaux dans les textes européens. Sa valeur contraignante n'a toutefois été affirmée que par le traité de Lisbonne qui prévoit par ailleurs l'adhésion de l'Union européenne à la CEDH.
Enfin, le mémorandum d'accord entre le Conseil de l'Europe et l'Union européenne , adopté le 10 mai 2007 en réponse à la demande formulée lors du Sommet des États membres du Conseil de l'Europe de 2005, à Varsovie, dispose que « l'Union européenne considère le Conseil de l'Europe comme la source paneuropéenne de référence en matière de droits de l'Homme . Dans ce contexte, les normes pertinentes du Conseil de l'Europe seront citées comme référence dans les documents de l'Union européenne. Les décisions et conclusions de ses mécanismes de suivi seront prises en compte par les institutions de l'Union européenne lorsque cela est pertinent ». Sur l'adhésion, ce mémorandum indique qu'« une adhésion rapide de l'Union européenne à la Convention de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales favoriserait considérablement la cohérence dans le domaine des droits de l'Homme en Europe . Le Conseil de l'Europe et l'Union européenne examineront cette question plus avant ». C'est dans ce cadre que le Conseil de l'Europe et ses différents organes, en particulier la Commission de Venise ou le GRECO 11 ( * ) , apportent une expertise juridique, que l'Union européenne met à profit dans ses travaux, par exemple sur le respect des droits fondamentaux en Pologne et en Hongrie. Il convient par ailleurs de rappeler le traité de Lisbonne a donné la personnalité juridique à l'Union européenne, lui permettant ainsi d'envisager son adhésion.
B. LES AVANTAGES ATTENDUS DE L'ADHÉSION
L'adhésion de l'Union européenne à la CEDH présente une dimension politique : confirmer l'engagement de l'Union européenne en faveur de la protection des droits fondamentaux et renforcer les liens et la cohérence entre l'Union et le Conseil de l'Europe .
Sur le plan juridique , l'adhésion doit permettre de garantir une plus grande protection juridictionnelle des droits fondamentaux de l'individu dans l'ordre juridique de l'Union . Ainsi, à la fois les citoyens européens et les ressortissants d'États tiers présents sur le territoire de l'Union se prétendant victimes d'une violation de la CEDH par une institution, un organe ou un organisme de l'Union seraient en mesure de déposer une requête contre l'Union devant la Cour européenne des droits de l'Homme, dans les mêmes conditions que celles qui s'appliquent aux requêtes déposées contre les États membres. Cette adhésion aurait pour effet qu'en matière de respect des normes élémentaires dans le domaine des droits fondamentaux, l'Union elle-même se soumettra à un contrôle externe .
Cette notion de contrôle externe est fondamentale dans le dispositif de la Convention tel qu'il a été conçu : il ne saurait y avoir de protection effective des droits fondamentaux sans ce contrôle externe. Le droit de regard des autres États parties sur la façon dont les dispositions de la Convention sont mises en oeuvre est essentiel ; c'est une question d'intérêt commun qui peut, le cas échéant, justifier une intervention afin d'éviter des dérives. L'adhésion vise à soumettre l'Union européenne à un tel contrôle externe.
Le Secrétariat général du Conseil de l'Europe présentait en ces termes les avantages attendus de l'adhésion, dans un document en date du 1 er juin 2010 12 ( * ) : l'Union se trouvera dans une situation analogue à celle des États membres, qui ont pour la plupart leur propre catalogue de droits fondamentaux tout en étant aussi parties à la CEDH ; l'adhésion comblera des vides dans la protection juridique en donnant aux citoyens européens la même protection vis-à-vis des actes de l'Union que celle dont ils jouissent actuellement vis-à-vis de tous les États membres de l'Union ; grâce à l'adhésion, tous les systèmes juridiques européens seront soumis au même contrôle en ce qui concerne la protection des droits de l'Homme ; l'adhésion rassurera les citoyens en leur montrant que l'Union, tout comme ses États membres, n'est pas « au-dessus de la loi » en ce qui concerne les droits de l'Homme.
L'adhésion de l'Union a également pour objectif de garantir la cohérence des systèmes de protection des droits fondamentaux en Europe et l'évolution harmonieuse de la jurisprudence de la CJUE et de la Cour européenne des droits de l'Homme en matière de droits fondamentaux.
En l'état actuel du droit de l'Union, l'article 6, paragraphe 3, du traité sur l'Union européenne prévoit que les droits fondamentaux, tels qu'ils sont garantis par la Convention européenne des droits de l'Homme et tels qu'ils résultent des traditions constitutionnelles communes aux États membres, font partie du droit de l'Union en tant que principes généraux.
En outre, l'article 52, paragraphe 3, de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne énonce que, dans la mesure où la Charte contient des droits correspondant à des droits garantis par la Convention, leur sens et leur portée sont les mêmes que ceux que leur confère ladite Convention, cette disposition ne faisant pas obstacle à ce que le droit de l'Union accorde une protection plus étendue. Dans ce cadre, la CJUE se réfère régulièrement à la Convention et à la jurisprudence de la Cour de Strasbourg dans ses décisions, et les efforts des deux cours pour éviter les divergences d'interprétation sont réels, dans un contexte où la CJUE examine de plus en plus d'affaires ayant trait aux droits fondamentaux. Cependant, seule l'adhésion de l'Union à la Convention est considérée comme de nature à éliminer tout risque de divergence jurisprudentielle entre les deux cours et donc toute insécurité juridique .
Enfin, l'adhésion devrait permettre de remédier à certaines difficultés constatées du fait de la non-adhésion. Elle contribuerait à :
- éviter certaines lourdeurs du droit de l'Union européenne en cas d'atteinte aux droits fondamentaux limitant la saisine de la CJUE aux cas définis par les traités. Avec l'adhésion, un recours pour violation des droits fondamentaux serait directement ouvert aux personnes physiques et morales contre les actes juridiques de l'Union , dans les conditions prévues par la CEDH, et non plus seulement par le biais de la contestation des actes d'exécution des États membres, ainsi que, dans des cas limités, contre un acte PESC faisant l'objet d'une mise en oeuvre par un État membre en portant atteinte aux droits fondamentaux ;
- remédier aux difficultés tirées de la non-participation de l'Union au système juridictionnel de la CEDH lorsque la Cour européenne des droits de l'Homme était amenée à statuer indirectement sur le droit de l'Union sans que celle-ci puisse se défendre ou compter sur un juge expert en droit de l'Union ;
- étendre la protection assurée par la Charte européenne des droits fondamentaux : si l'adoption en 2000 de la Charte a représenté une avancée majeure et que le traité de Lisbonne lui a attribué une valeur juridiquement contraignante fin 2009, le texte ne s'impose aux institutions européennes que dans l'exercice de leurs compétences.
II. L'ADHÉSION : UNE EXIGENCE DU TRAITÉ DE LISBONNE, QUI S'EST TOUTEFOIS HEURTÉE À DE SÉRIEUSES DIFFICULTÉS JURIDIQUES
Tirant les conséquences de l'avis 2/94 du 28 mars 1996, le traité de Lisbonne a expressément prévu l'adhésion de l'Union européenne à la Convention européenne des droits de l'Homme. L'article 6, paragraphe 2, du traité sur l'Union européenne stipule ainsi que « l'Union adhère à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales. Cette adhésion ne modifie pas les compétences de l'Union telles qu'elles sont définies dans les traités ». Le paragraphe 3 précise que « les droits fondamentaux, tels qu'ils sont garantis par la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales et tels qu'ils résultent des traditions constitutionnelles communes aux États membres, font partie du droit de l'Union en tant que principes généraux ».
Cet article 6, paragraphe 2, fait l'objet du protocole n° 8 annexé aux traités, qui fixe des conditions à cette adhésion . L'article 1 er du protocole dispose ainsi que « l'accord relatif à l'adhésion de l'Union à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales [...] doit refléter la nécessité de préserver les caractéristiques spécifiques de l'Union et du droit de l'Union, notamment en ce qui concerne : a) les modalités particulières de l'éventuelle participation de l'Union aux instances de contrôle de la Convention européenne ; b) les mécanismes nécessaires pour garantir que les recours formés par des États non membres et les recours individuels soient dirigés correctement contre les États membres et/ou l'Union, selon le cas ». Son article 2 indique notamment que cet accord « doit garantir que l'adhésion de l'Union n'affecte ni les compétences de l'Union ni les attributions de ses institutions ». De même, la situation particulière des États membres à l'égard de la CEDH doit être prise en compte, par exemple s'ils ont émis des réserves. L'article 3 ajoute qu'aucune disposition de l'accord d'adhésion ne doit affecter l'article 344 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE), selon lequel les États membres s'engagent à ne pas soumettre un différend relatif à l'interprétation ou à l'application des traités à un mode de règlement autre que ceux prévus par ceux-ci.
A. UN PROJET D'ACCORD D'ADHÉSION À L'ISSUE DE LONGUES NÉGOCIATIONS
Sur le fondement des dispositions du traité de Lisbonne, le Conseil, le 4 juin 2010, a adressé à la Commission européenne des directives de négociation en vue de la conclusion d'un accord d'adhésion 13 ( * ) . Cette décision :
- autorise l'ouverture de négociations en vue de l'adhésion de l'Union européenne à la CEDH avec les parties contractantes à celle-ci ;
- désigne la Commission en tant que négociateur de l'Union ;
- nomme le groupe FREMP 14 ( * ) comme comité spécial prévu par l'article 218, paragraphe 4, du TFUE et demande à la Commission de rendre compte régulièrement à ce groupe et de lui transmettre sans délai tous les documents de négociation ;
- souligne la situation particulière résultant du fait que tous les États membres sont également parties contractantes à la Convention et appelle au respect du principe de coopération loyale.
Enfin, une annexe à la décision du Conseil comportait les directives de négociation proprement dites.
Au niveau du Conseil de l'Europe, le Comité des ministres a adopté, le 26 mai 2010, un mandat occasionnel chargeant le Comité directeur pour les droits de l'Homme (CDDH) d'élaborer, en coopération avec l'Union européenne, un instrument juridique établissant les modalités d'adhésion de l'Union à la CEDH. En conformité avec ce mandat, le CDDH a décidé, lors de sa 70 e réunion, du 15 au 18 juin 2010, de confier l'élaboration de l'accord d'adhésion à un groupe informel, le CDDH-UE, de 14 membres (7 provenant d'États membres de l'Union européenne et 7 provenant d'États tiers).
Des rencontres régulières entre les deux juridictions, Cour de justice de l'Union européenne et Cour européenne des droits de l'Homme, ont également été prévues 15 ( * ) .
Huit réunions de travail des négociateurs se sont tenues entre juillet 2010 et juin 2011. Le CDDH-UE a alors mis au point un projet d'accord d'adhésion et l'a soumis aux Hautes Parties Contractantes et à l'Union européenne pour examen.
Lors de la réunion du COREPER du 6 octobre 2011, de nombreuses délégations ont accepté le projet d'accord d'adhésion, mais les délégations française et britannique ont émis des réserves sur le contenu de ce texte , concernant en particulier : la juridiction de la Cour de Strasbourg relative aux violations alléguées liées à des actes adoptés par l'Union dans le cadre de la politique étrangère et de sécurité commune (PESC), le champ d'application du mécanisme de codéfendeur ( cf . infra ), la portée de l'implication préalable de la CJUE, les conditions dans lesquelles l'Union et ses États membres peuvent exercer leur droit de vote au sein du Comité des ministres du Conseil de l'Europe lorsque ce dernier doit contrôler l'exécution d'un arrêt rendu à l'encontre de l'Union, seule ou en tant que codéfendeur.
Lors de ses réunions des 12 au 14 octobre 2011, le CDDH a pris note du fait que l'Union n'était pas en mesure d'approuver le projet d'accord et a fait rapport en conséquence au Comité des ministres du Conseil de l'Europe, qui en a pris note.
Les discussions ont repris au sein du groupe FREMP pour trouver des solutions permettant de prendre en compte les préoccupations des délégations ayant exprimé des réserves sur le projet d'accord. Sur la base de ces travaux, le Conseil a complété ses directives de négociation lors de sa réunion des 26 et 27 avril 2012, permettant ainsi de reprendre les négociations avec le Conseil de l'Europe.
De son côté, le 13 juin 2012, le Comité des ministres du Conseil de l'Europe a donné un nouveau mandat au CDDH en vue de poursuivre les négociations avec l'Union européenne au sein d'un groupe ad hoc « 47+1 ».
Le 5 avril 2013, les négociateurs sont parvenus à un projet d'accord d'adhésion de l'Union européenne à la CEDH, ainsi qu'aux protocoles n° 1 , qui garantit le droit au respect de ses biens, à l'instruction et à des élections libres, et n° 6 , qui prévoit l'abolition de la peine de mort en temps de paix, seuls protocoles ratifiés par l'ensemble des États membres . Néanmoins, le représentant de l'Union européenne a indiqué que la signature de l'accord d'adhésion par l'Union était soumise à une série d'étapes politiques et procédurales internes à l'Union, dont une demande d'avis de la CJUE 16 ( * ) et une décision du Conseil à l'unanimité autorisant la signature de l'accord d'adhésion.
Le 4 juillet 2013, la Commission a demandé l'avis de la Cour de justice sur la compatibilité du projet d'accord d'adhésion avec les traités. En cas d'avis négatif de la Cour, l'accord envisagé ne peut entrer en vigueur, sauf modification de celui-ci ou révision des traités. Par ailleurs, le Conseil, le Parlement européen et 24 États membres, dont la France, sont intervenus dans cette procédure pour soutenir l'exigence de compatibilité. Ces prises de position ne peuvent porter que sur les conditions de l'adhésion de l'Union à la CEDH, et non sur le principe de l'adhésion, qui fait désormais partie du droit de l'Union.
Le contenu du projet d'accord d'adhésion de 2013
Les instruments permettant l'adhésion de l'Union à la Convention européenne des droits de l'Homme consistent en plusieurs documents formant un ensemble :
- un projet d'accord sur l'adhésion proprement dit ;
- un projet de déclaration de l'Union européenne à faire au moment de la signature de l'accord d'adhésion, concernant le mécanisme du codéfendeur et la possibilité pour les Parties contractantes autres que les États membres de l'Union de déposer des observations dans une procédure dans laquelle la CJUE examine la compatibilité avec la CEDH d'une disposition du droit de l'Union ;
- un projet de règle à ajouter aux Règles du Comité des ministres du Conseil de l'Europe pour la surveillance de l'exécution des arrêts et des termes des règlements amiables dans les affaires auxquelles l'Union est partie ;
- un projet de modèle de mémorandum d'accord entre l'Union européenne et un État non-membre de l'Union ;
- un projet de rapport explicatif à l'accord d'adhésion.
Le projet d'accord d'adhésion de 2013 se composait de douze articles :
- article 1 er : portée de l'adhésion et amendements à l'article 59 de la Convention : il a été convenu que l'entrée en vigueur de l'accord d'adhésion aurait comme effet à la fois d'amender la CEDH et d'inclure l'Union parmi ses Parties, sans que cette dernière n'ait à déposer un instrument d'adhésion à la Convention. La même disposition devrait s'appliquer à l'adhésion de l'Union au Protocole additionnel et au Protocole n° 6 à la Convention (à noter que l'adhésion ultérieure de l'Union à d'autres protocoles de la CEDH nécessiterait le dépôt d'instruments d'adhésion séparés) ;
- article 2 : réserves à la Convention et à ses protocoles : dans la mesure où l'Union devrait adhérer à la CEDH, dans la mesure du possible, sur un pied d'égalité avec les autres Hautes Parties contractantes, les conditions applicables à ces dernières concernant les réserves et dérogations en vertu de la Convention devraient aussi s'appliquer à l'Union. Pour des raisons de sécurité juridique, il est toutefois convenu d'inclure dans l'accord d'adhésion une disposition autorisant l'Union à formuler des réserves dans les mêmes conditions que toute autre Haute Partie contractante ;
- article 3 : mécanisme de codéfendeur : un nouveau mécanisme a été introduit afin de permettre à l'Union de devenir codéfendeur dans une procédure contre un ou plusieurs de ses États membres et, de manière similaire, de permettre aux États membres de devenir codéfendeurs dans une procédure contre l'Union ;
- article 4 : affaires entre les parties : une fois que l'Union sera partie à la CEDH, tous les États parties à la Convention pourront présenter une affaire contre l'Union, et inversement . À noter que le projet d'accord de 2013 ne réglait pas la question de savoir si le droit de l'Union autorisait la soumission à la Cour de Strasbourg de litiges concernant des questions du droit de l'Union entre les États membres de l'Union, ou entre l'Union et un de ses États membres ;
- article 5 : interprétation des articles 35 et 55 de la Convention : cet article vise à clarifier le fait que, par effet nécessaire de l'adhésion de l'Union à la Convention, les procédures devant la CJUE ne doivent pas être interprétées comme constituant des procédures internationales d'enquête ou de règlement, dont la saisine rendrait une requête irrecevable conformément à l'article 35 de la Convention. Au sujet de l'article 55 de la Convention, qui exclut d'autres modes de règlement des différends concernant l'interprétation ou l'application de la Convention, les parties conviennent que, pour ce qui concerne les États membres de l'Union, les procédures devant la CJUE ne constituent pas un « mode de règlement des différends » au sens prévu par l'article 55 de la Convention . Ainsi, ce dernier n'interdit pas l'application de la règle prévue par l'article 344 du TFUE ;
- article 6 : élection des juges : il est convenu qu'une délégation du Parlement européen aura le droit de participer, avec droit de vote, aux séances de l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe lorsque celle-ci exerce ses fonctions relatives à l'élection des juges. Par ailleurs, il n'est pas nécessaire d'amender la Convention pour permettre l'élection d'un juge au titre de l'Union ;
- article 7 : participation de l'Union européenne aux réunions du Comité des ministres du Conseil de l'Europe : la Convention attribue explicitement au Comité des ministres du Conseil de l'Europe un certain nombre de fonctions, dont la surveillance de l'exécution des arrêts de la Cour et des termes des règlements amiables. Après l'adhésion, l'Union aura le droit de participer, avec droit de vote, aux réunions du Comité des ministres lorsqu'il prendra des décisions conformément à ces dispositions. Par ailleurs, cet article régit aussi les modalités de la participation de l'Union au Comité des ministres du Conseil de l'Europe dans le cadre des fonctions non prévues explicitement par la CEDH, de la surveillance des obligations dans les affaires où l'Union est défendeur ou codéfendeur et de la surveillance des obligations dans des affaires contre une Haute Partie contractante autre que l'Union ;
- article 8 : participation de l'Union européenne aux dépenses liées à la Convention : aux termes de l'article 50 de la Convention, les frais de fonctionnement de la Cour sont à la charge du Conseil de l'Europe. À la suite de son adhésion à la Convention, l'Union devrait contribuer aux dépenses de l'ensemble du système de la Convention avec les autres Hautes Parties contractantes ;
- article 9 : relations avec d'autres accords : un certain nombre d'autres conventions et accords du Conseil de l'Europe sont strictement liés au système de la Convention, même s'il s'agit de traités autonomes. Pour cette raison, il est nécessaire de s'assurer que l'Union, en tant que partie à la Convention, respecte les dispositions pertinentes de ces instruments et qu'elle est, aux fins de leur application, traitée comme si elle était partie à ces instruments ;
- article 10 : signature et entrée en vigueur ;
- article 11 : réserves : il est convenu qu'aucune réserve n'est admise à ces dispositions. Cela est sans préjudice de la possibilité, pour l'Union, de formuler des réserves à la Convention ;
- article 12 : notifications.
B. L'AVIS DE LA COUR DE JUSTICE DE L'UNION EUROPÉENNE DE 2014 : UN COUP D'ARRÊT À L'ADHÉSION
La CJUE, par son avis 2/13 rendu en assemblée plénière le 18 décembre 2014, a jugé que le projet d'accord d'adhésion n'était pas compatible avec le droit de l'Union européenne.
Il convient de noter que, dans sa prise de position , présentée le 13 juin 2014, l'avocat général, Mme Juliane Kokott, avait, quant à elle, estimé que le projet d'accord était compatible avec les traités, assortissant son propos d'un certain nombre de réserves d'interprétation.
Cette décision s'est traduite de facto par un arrêt du processus d'adhésion de l'Union européenne à la Convention européenne des droits de l'Homme, qui avait déjà duré cinq ans - selon certains auteurs, cet avis de la CJUE « renvoie aux calendes grecques toute perspective d'adhésion de l'Union à la CEDH » 17 ( * ) . Elle est d'autant plus notable que les dispositions rendant possible cette adhésion avaient été introduites dans le traité de Lisbonne, comme l'avait requis l'avis de la Cour de 1996.
Dans son avis 2/13, la CJUE a relevé sept motifs d'incompatibilité du projet d'accord d'adhésion avec le droit de l'Union.
En premier lieu , elle a observé que le projet d'accord n'assure pas de coordination entre l'article 53 de la CEDH et l'article 53 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, qui autorisent tous deux des standards nationaux de protection des droits fondamentaux plus élevés que ceux qu'ils prévoient . Or, la Cour a jugé que la primauté, l'unité et l'effectivité du droit de l'Union pouvaient limiter la faculté des États membres de prévoir des standards nationaux de protection des droits fondamentaux plus élevés que ceux de la Charte, de sorte qu'une coordination entre la mise en oeuvre de ces deux dispositions est nécessaire, en cas de conflit entre les deux niveaux de protection. Alors que la Cour européenne des droits de l'Homme exige dans certains cas qu'un État vérifie le respect des droits fondamentaux par un autre État 18 ( * ) , la CJUE a cherché à éviter le risque de neutralisation de sa jurisprudence Melloni 19 ( * ) , selon laquelle le niveau de protection des droits fondamentaux garanti par le droit interne d'un État membre ne doit pas être supérieur à celui que garantit le droit de l'Union.
Deuxièmement , alors que le principe de confiance mutuelle entre les États membres a une importance fondamentale dans l'Union européenne, ce qui exclut en principe qu'un État membre, plus particulièrement pour ce qui concerne l'espace de liberté, de sécurité et de justice, vérifie le respect des droits fondamentaux par un autre État membre, le projet d'accord d'adhésion ne prend pas en compte cette spécificité de l'ordre juridique de l'Union.
En troisième lieu , le protocole n° 16 à la CEDH, qui permet aux plus hautes juridictions des États membres d'adresser à la Cour européenne des droits de l'Homme des demandes d'avis consultatif, pourrait amener ces juridictions à interroger plutôt la Cour de Strasbourg par cette voie que la Cour de Luxembourg par la voie de la procédure du renvoi préjudiciel classique , prévue à l'article 267 du TFUE, même quand leurs questions sont en relation avec le droit de l'Union. Faute d'une articulation entre les dispositions du protocole n° 16 et celles de l'article 267, la CJUE a écarté le risque de contournement du renvoi préjudiciel .
Le quatrième motif d'incompatibilité tient à ce que la CJUE considère que le projet d'accord d'adhésion porte atteinte à l'article 344 du TFUE, qui interdit aux États membres de régler leurs différends portant sur le droit de l'Union devant d'autres juridictions internationales qu'elle-même. En effet, le projet d'accord d'adhésion n'exclut pas la possibilité pour deux États membres de l'Union de porter devant la Cour européenne des droits de l'Homme un différend relatif au droit de l'Union. La Cour a ainsi cherché à préserver sa compétence exclusive en la matière. Elle a en effet estimé que l'article 33 de la CEDH autoriserait un État membre de l'Union européenne à poursuivre en manquement un autre État membre devant la Cour européenne des droits de l'Homme pour résoudre un litige en droit de l'Union soulevant une question d'application de la CEDH.
En cinquième lieu , la CJUE considère que le mécanisme du codéfendeur , création du projet d'accord permettant, en particulier, à l'Union de se porter également défendeur dans un litige dirigé contre un État membre et mettant en cause le droit de l'Union, pourrait amener la Cour de Strasbourg à se prononcer sur la répartition des compétences entre l'Union et ses États membres . D'une part, le projet d'accord d'adhésion prévoit que la Cour européenne des droits de l'Homme vérifie la « plausibilité » des arguments mis en avant pour démontrer que le droit de l'Union est effectivement en cause. D'autre part, si, en principe, cette Cour doit condamner solidairement l'Union et l'État membre en cause, le projet d'accord d'adhésion permet à la Cour de Strasbourg de décider que seul l'un d'entre eux est responsable de la violation. Pour la CJUE, la Cour de Strasbourg ne saurait pouvoir se substituer à elle pour régler une question relevant de sa compétence exclusive.
Sixièmement , la CJUE considère que le mécanisme de l'implication préalable , qui lui permet, lorsqu'elle n'en a pas déjà eu l'occasion, de se prononcer sur la compatibilité d'une disposition du droit de l'Union avec la CEDH avant que la Cour européenne des droits de l'Homme ne statue sur le litige, devrait être étendu . D'une part, le projet d'accord d'adhésion n'exclut pas la possibilité que la Cour de Strasbourg interprète elle-même la jurisprudence de la Cour de Luxembourg afin d'apprécier si cette dernière s'est déjà prononcée sur la compatibilité de la disposition du droit de l'Union en cause avec les droits fondamentaux, et donc s'il convient de faire usage du mécanisme de l'implication préalable. D'autre part, si le projet d'accord d'adhésion prévoit la saisine de la CJUE au moyen de la procédure de l'implication préalable, afin qu'elle se prononce sur une question de validité du droit dérivé ou d'interprétation des traités de l'Union, il n'envisage pas une telle saisine afin qu'elle se prononce sur une question d'interprétation du droit dérivé. Par ailleurs, la CJUE exige une communication automatique de toute affaire pendante devant la Cour européenne des droits de l'Homme afin de pouvoir elle-même apprécier si elle a déjà statué sur la même question.
Enfin, en septième lieu , la CJUE considère que le projet d'accord d'adhésion habiliterait la Cour européenne des droits de l'Homme, qui est un organe externe à l'Union, à contrôler la conformité aux droits fondamentaux de l'ensemble de la PESC, y compris les actes et comportements qui échappent à la compétence de la CJUE en vertu des traités. Celle-ci estime que cela reviendrait à attribuer un contrôle exclusif à la Cour de Strasbourg dans le domaine de la PESC .
Au total, l'avis 2/13 met en avant une vingtaine de fois l'autonomie du droit de l'Union européenne, qui serait mise à mal par le projet d'accord d'adhésion, et que la CJUE cherche à préserver.
Ces motifs d'incompatibilité ont été abondamment commentés et critiqués par la doctrine qui a pu relever le caractère défensif de l'avis de la CJUE, qualifié de « grande déception » par la Cour de Strasbourg. Par exemple, d'aucuns ont pu parler d'une « obsession du contrôle. Car derrière la longue liste de griefs qu'adresse la Cour au projet de la Commission, semble se dissimuler une aversion profonde à l'idée de céder la moindre parcelle de souveraineté juridictionnelle sur le droit de l'Union » 20 ( * ) . D'autres ont reproché à la Cour « embourgeoisement, autosatisfaction ou manque de courage » 21 ( * ) ou ont déploré « une attitude résolument défensive » et « le manque de confiance [de la Cour] dans l'aptitude des juridictions suprêmes nationales à se soumettre pleinement aux obligations des traités », ainsi que « le faible crédit accordé à Strasbourg pour prendre en compte les particularités du système juridictionnel de l'Union » 22 ( * ) . Toutefois, certains auteurs ont aussi soutenu l'avis de la Cour, qui met en évidence « un esprit de cohérence témoignant d'une vision globale » 23 ( * ) .
Pour autant, l'avis 2/13 indique comment le projet d'accord d'adhésion devra être modifié de manière à écarter ces différents motifs d'incompatibilité. Il constitue donc le cadre de référence pour la relance du processus d'adhésion. Mais il met également en évidence des difficultés importantes délicates à surmonter, en particulier sur le mécanisme de codéfendeur et la PESC.
C. LA QUESTION DE L'ADHÉSION DE L'UNION EUROPÉENNE AU CONSEIL DE L'EUROPE
L'adhésion de l'Union européenne à la Convention européenne des droits de l'Homme n'implique pas son adhésion au Conseil de l'Europe .
Il n'en demeure pas moins que cette dernière avait parfois été évoquée comme un objectif à atteindre également. Ainsi, M. Jean-Claude Juncker, alors Premier ministre luxembourgeois, dans son rapport du 11 avril 2006 24 ( * ) , considérait qu'« un pas supplémentaire doit être envisagé dans cette relation dès que l'Union européenne aura été dotée d'une personnalité juridique : l'adhésion de l'Union européenne au Conseil de l'Europe d'ici 2010 » et recommandait explicitement cette adhésion.
Le Statut du Conseil de l'Europe, issu du traité de Londres du 5 mai 1949, prévoit que l'Organisation est constituée par les gouvernements des États fondateurs. L'article 4 du Statut précise que « tout État européen considéré capable de se conformer aux dispositions de l'article 3 et comme en ayant la volonté peut être invité par le Comité des ministres à devenir membre du Conseil de l'Europe. Tout État ainsi invité aura la qualité de membre dès qu'un instrument d'adhésion au présent Statut aura été remis en son nom au Secrétaire Général ». Le Statut ne prévoit en revanche pas qu'une organisation internationale ou régionale telle que l'Union européenne puisse adhérer au Conseil de l'Europe.
Pour sa part, l'article 59, paragraphe 2, de la CEDH dispose que « l'Union européenne peut adhérer à la Convention », alors que le paragraphe 1 du même article prévoit que la Convention « est ouverte à la signature des membres du Conseil de l'Europe ». Aussi l'Union européenne peut-elle adhérer à la CEDH sans devenir membre du Conseil de l'Europe.
D'ailleurs, le projet de rapport explicatif au projet d'accord d'adhésion excluait explicitement l'adhésion de l'Union européenne au Conseil de l'Europe. Ainsi, son paragraphe 3 disposait que « la Convention, telle qu'amendée par les Protocoles n° 11 [...] et 14, a été rédigée en vue de s'appliquer uniquement à des Parties contractantes qui étaient également des États membres du Conseil de l'Europe. L'adhésion de l'Union, qui n'est ni un État ni un membre du Conseil de l'Europe, et qui est dotée d'un système juridique spécifique, demande des adaptations au système de la Convention ».
Le futur accord d'adhésion a ainsi vocation à traiter des questions résultant de la non-appartenance de l'Union européenne au Conseil de l'Europe.
III. LA REPRISE DES NÉGOCIATIONS, MAIS PAS ENCORE D'ADHÉSION EN VUE
A. UN NOUVEAU MANDAT DE NÉGOCIATION
Au cours de sa réunion des 8 et 9 octobre 2015, le Conseil JAI a réaffirmé son attachement à l'adhésion de l'Union européenne à la CEDH et invité la Commission à travailler sur une analyse des questions juridiques soulevées par la CJUE dans son avis 2/13.
Entre octobre 2015 et octobre 2018, la Commission a ainsi produit trois contributions écrites, discutées en groupe FREMP, visant à apporter des réponses aux objections de la Cour.
Puis, le 5 juin 2019 , elle a diffusé aux États membres une contribution technique globale sur l'adhésion, comportant des propositions d'amendements aux instruments qui avaient été négociés. Ce texte a permis de relancer les travaux au niveau du Conseil, sous l'impulsion de la Présidence finlandaise, qui avait inscrit l'adhésion de l'Union à la CEDH parmi ses priorités . Une majorité d'États membres a soutenu la reprise rapide des négociations avec le Conseil de l'Europe, certains d'entre eux estimant que certaines questions devaient être approfondies, en particulier la confiance mutuelle et la PESC. Plusieurs États membres, dont la France, ont appelé à l'élaboration de règles internes avant de reprendre les négociations.
La Présidence finlandaise est parvenue à un accord du Conseil sur une position de négociation de l'Union. Un document consolidé, tenant compte des commentaires des États membres, a ainsi été validé au COREPER du 25 septembre 2019. Celui-ci a donné mandat au groupe RELEX 25 ( * ) , auquel le groupe FREMP est associé, pour les travaux sur les règles internes relatives aux actes relevant de la PESC.
Le 7 octobre 2019, le Conseil JAI a exprimé son engagement en faveur d'une reprise rapide des négociations avec le Conseil de l'Europe sur l'adhésion de l'Union européenne à la CEDH , adopté à l'unanimité des directives de négociation complémentaires 26 ( * ) et pris note du résultat des discussions en groupe FREMP et au COREPER, en particulier concernant les principes de base des futures règles internes à l'Union. En effet, ces dernières doivent faire l'objet d'un travail plus approfondi, en particulier pour les actes relevant de la PESC.
Lors de cette réunion du Conseil, la Commission a formulé une déclaration rappelant notamment les termes de l'article 218, paragraphe 11, du TFUE, qui permet à tout État membre, au Parlement européen, au Conseil ou à la Commission de saisir la CJUE d'une demande d'avis. Elle a ainsi considéré qu'il était indispensable de garantir la compatibilité du nouvel accord d'adhésion avec le droit de l'Union européenne . Dans sa propre déclaration, la Hongrie a interprété la déclaration de la Commission comme un engagement à saisir la CJUE, ajoutant que toute solution procédurale qui aboutirait à l'adoption de l'accord d'adhésion sans avis positif préalable de la CJUE serait politiquement et juridiquement inacceptable. La France a relevé qu'une telle saisine de la CJUE serait logique, une fois les négociations achevées.
B. LES SOLUTIONS ENVISAGÉES POUR ÉCARTER LES MOTIFS D'INCOMPATIBILITÉ SOULEVÉS PAR LA CJUE
Pour répondre aux objections de la CJUE dans son avis 2/13, les solutions suivantes sont envisagées :
- sur le mécanisme du codéfendeur : pour le contrôle de plausibilité, il est proposé que la Cour européenne des droits de l'Homme informe systématiquement l'Union et ses États membres en cas de recours les concernant, et que ceux-ci disposent d'un droit inconditionnel, sur simple demande, à devenir codéfendeur. Il est également prévu d'exclure la possibilité pour cette Cour de déroger de sa propre initiative à la règle de la responsabilité conjointe du défendeur et du codéfendeur, ce qui permet de répondre à l'autre objection soulevée par la CJUE. Certaines exceptions à la règle de la responsabilité conjointe seraient toutefois prévues : d'une part, le codéfendeur pourrait se retirer de la procédure de sa propre initiative ; d'autre part, dans le cas où un État membre aurait émis une réserve sur la disposition dont la violation est alléguée, il ne pourrait être tenu responsable de cette violation en tant que codéfendeur. En tout état de cause, un tel État membre ne pourrait être mis en cause en tant que défendeur ;
- sur le mécanisme de l'implication préalable : la solution proposée prévoit que, lorsque l'Union est codéfendeur, elle dispose d'un droit inconditionnel à demander la mise en oeuvre de l'implication préalable. En outre, il est précisé que le mécanisme de l'implication préalable ne concerne pas seulement la validité, mais également l'interprétation du droit dérivé ;
- sur l'articulation entre l'article 344 du TFUE et les procédures prévues à l'article 33 de la CEDH et le Protocole n° 16 de la CEDH : une information de l'Union est prévue dans l'hypothèse où un recours serait introduit par un État membre contre un autre sur le fondement de l'article 33 de la CEDH ou un avis serait demandé par une juridiction d'un État membre sur le fondement du Protocole n° 16. En outre, la procédure devant la Cour européenne des droits de l'Homme serait suspendue si l'Union lui faisait savoir qu'une procédure en manquement a été introduite contre l'État membre à l'origine du recours. Dans ce cas, l'Union informerait la Cour de l'issue de cette procédure en manquement. En cas de constat que l'État membre en cause a manqué à ses obligations au titre du droit de l'Union en introduisant le recours devant la Cour de Strasbourg, le litige devant cette Cour devrait être radié. Dans le cas inverse, la procédure devant la Cour reprendrait. Le mécanisme de l'implication préalable ne s'appliquerait pas dans le cas d'une demande d'avis consultatif sur le fondement du Protocole n° 16 ;
- sur la coordination entre l'article 53 de la CEDH et l'article 53 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : il est proposé de préciser que l'utilisation des pouvoirs conférés aux États membres par l'article 53 de la CEDH est limitée par les obligations découlant du droit de l'Union, telles qu'interprétées par la CJUE ;
- sur le principe de confiance mutuelle : il est proposé de reconnaître l'importance fondamentale du principe de confiance mutuelle entre les États membres de l'Union et de prévoir qu'en application de ce principe, lorsqu'ils mettent en oeuvre le droit de l'Union, les États membres peuvent être tenus, en vertu de ce même droit, de présumer le respect des droits fondamentaux par les autres États membres ;
- sur la PESC : il est prévu que l'Union et un État membre puissent faire une déclaration commune permettant de considérer qu'un acte de l'Union est un acte de cet État membre. Dans ce cas, il est prévu que le recours contre cet acte devant la Cour européenne des droits de l'Homme soit considéré comme dirigé contre cet État membre. La procédure devant cette Cour serait alors suspendue pour une durée à déterminer et s'étendant jusqu'à l'épuisement des voies de recours internes si un tel recours est introduit. Cette solution permettrait de soustraire l'Union au contrôle de la Cour de Strasbourg pour les actes PESC qui échappent à la compétence de la CJUE, en prévoyant un mécanisme par lequel un ou des États membres se substituent à l'Union comme défendeur. Afin d'éviter qu'en raison de cette réattribution du litige à un État membre en lieu et place de l'Union, le requérant se voit opposer la règle de l'épuisement préalable des voies de recours internes, une suspension de la procédure de la Cour européenne des droits de l'Homme est prévue le temps nécessaire à la résolution du litige par les juridictions nationales.
De nombreux interlocuteurs, tant bruxellois que strasbourgeois, rencontrés par les rapporteurs ont insisté sur l' importance des effets du contrôle externe des actes PESC dans un contexte marqué par l'imbrication croissante de compétences entre l'Union européenne et ses États membres, qui pourrait donner lieu à de nouveaux contentieux . Plusieurs d'entre eux ont notamment cité les activités de Frontex, dont beaucoup ont un lien étroit avec le respect des droits fondamentaux. Or, il existe actuellement des incertitudes sur la responsabilité de Frontex dans l'hypothèse où, par exemple, cette agence européenne bafouerait les droits fondamentaux d'un migrant au cours d'une opération.
C. LES PROCHAINES ÉCHÉANCES : « ENCORE UN LONG PROCESSUS »
Sur cette base, la reprise des négociations entre la Commission et le Conseil de l'Europe a été préparée.
Le 31 octobre 2019 , le président de la Commission, M. Jean-Claude Juncker, et le premier vice-président, M. Frans Timmermans, ont informé la Secrétaire générale du Conseil de l'Europe que l'Union européenne était prête à reprendre les négociations sur son adhésion à la CEDH . En parallèle, les groupes FREMP et RELEX du Conseil poursuivent les travaux pour établir un projet de règles internes. Deux discussions ont déjà eu lieu à ce sujet depuis l'adoption des nouvelles directives de négociations, lors du groupe RELEX du 10 octobre 2019, pour les règles liées à la PESC, et lors du groupe FREMP du 24 octobre.
Le 13 novembre 2019, la Secrétaire générale a informé les délégués des ministres du souhait de la Commission de reprendre les négociations et a indiqué qu'elle leur ferait des propositions sur le format selon lequel ces négociations pourraient être menées, ainsi que sur les implications financières de ces travaux. Lors de sa 92 e réunion, du 26 au 29 novembre suivant, le CDDH a proposé un ensemble de dispositions pour la continuation des négociations au sein d'un groupe ad hoc composé des 47 États membres du Conseil de l'Europe et d'un représentant de l'Union européenne (« 47+1 »), et présidé par la Norvégienne Tonje Meinich.
Le 15 janvier 2020, les délégués des ministres ont approuvé la continuation du mandat occasionnel du CDDH en vue de l'adhésion.
Des réunions de négociations étaient prévues du 27 au 29 mai 2020, mais ont été reportées du 29 septembre au 2 octobre suivant du fait de la crise sanitaire liée au Covid-19, et une autre réunion a été programmées du 24 au 27 novembre. Afin de ne pas perdre trop de temps, et pour marquer la reprise des négociations, une réunion virtuelle informelle du groupe de négociation « 47+1 » s'est tenue le lundi 22 juin et a donné lieu à une présentation par la Commission européenne de son document de position.
Si la CJUE rend un avis positif , la signature et la conclusion de l'accord d'adhésion pourront être envisagées.
Les règles internes, tout comme les décisions autorisant la signature et la conclusion de l'accord d'adhésion, devront être adoptées par le Conseil statuant à l'unanimité , conformément à l'article 218, paragraphe 8, du TFUE.
En outre, la décision concernant la conclusion de l'accord devra être ratifiée par tous les États membres conformément à leurs règles constitutionnelles respectives. Cette étape risque d'être longue. L'accord d'adhésion devra en effet être ratifié non seulement par le Parlement européen, mais aussi par les parlements nationaux des 47 États parties à la CEDH.
Les instances du Conseil de l'Europe devront aussi l'approuver.
Comme l'a dit aux rapporteurs l'un de leurs interlocuteurs bruxellois très au fait du dossier, « l'adhésion sera encore un long processus » ...
Il n'est pas exclu, dès lors que les problèmes juridiques seraient surmontés, de se heurter à un nouveau problème, de nature politique celui-ci .
Au cours de ces nouvelles négociations, il faudra se garder de donner l'impression aux 20 États non-membres de l'Union européenne que celle-ci cherche à obtenir un statut privilégié au sein du système conventionnel, alors même que la prise en compte des objections de la CJUE ne peut conduire qu'à des spécificités pour l'Union . Ce sera l'enjeu principal de ces nouvelles négociations : jusqu'où l'Union européenne pourra-t-elle aller pour sauvegarder l'autonomie de son ordre juridique et jusqu'où le Conseil de l'Europe, de son côté, pourra-t-il aller pour garantir l'égalité des parties à la CEDH et l'intégrité du fonctionnement de la Cour de Strasbourg ?
Ce point d'équilibre pourra-t-il être trouvé ? Si, au sein du Comité des ministres du Conseil de l'Europe, les 27 États membres de l'Union européenne développent une politique d'action concertée - qui n'existe pas actuellement selon divers observateurs -, ils seront majoritaires au sein du Comité, face aux 20 autres États parties à la CEDH, qui ont toujours été sourcilleux sur le risque de « doubles standards ». L'équilibre politique au sein du Comité des ministres pourrait dès lors s'en trouver modifié. Cela peut avoir des conséquences, en particulier au cours de la procédure de suivi de l'exécution des arrêts de la Cour de Strasbourg , l'article 46 de la Convention donnant force obligatoire aux arrêts et organisant le suivi de leur exécution, qui peut aller, à la majorité des deux tiers, jusqu'à une procédure en manquement sur le fondement de l'article 46-4, comme on l'a vu récemment pour l'Azerbaïdjan 27 ( * ) .
Or, comme l'ont fait remarquer plusieurs interlocuteurs rencontrés par les rapporteurs à Strasbourg, le contexte de ces négociations est plus difficile pour l'Union européenne que lors des précédentes négociations qui profitaient encore de la dynamique lancée par le mémorandum d'accord de 2007.
Désormais, le Brexit a eu lieu et le Royaume-Uni ne fait plus partie des États membres de l'Union européenne ; il a rejoint le groupe des États parties à la CEDH. La Russie et la Turquie sont aujourd'hui dans une position plus défensive par rapport à la Cour européenne des droits de l'Homme : la Russie a adopté une loi affirmant la primauté de la Constitution russe sur le droit international, et donc sur la CEDH, et Vladimir Poutine a fait état de nouveaux amendements constitutionnels en ce sens en janvier dernier, tandis que les relations se sont tendues avec la Turquie à la suite de la réponse apportée par les autorités turques au coup d'État manqué du 15 juillet 2016. Rappelons que le parlement russe a mis des années avant de ratifier le protocole n° 14 à la CEDH, qui comportait des dispositions indispensables au désengorgement, et donc au bon fonctionnement, de la Cour européenne des droits de l'Homme...
Les entretiens que les rapporteurs ont eus, à Strasbourg, avec les ambassadeurs de Turquie et de Russie auprès du Conseil de l'Europe ont confirmé ce climat. L'ambassadeur turc, après avoir affirmé le fort attachement de son pays à l'intégrité et à l'efficacité du Conseil de l'Europe, a noté que le blocage était venu d'une institution de l'Union européenne et que seules des clauses d'exception pourraient le lever, au prix de déséquilibres entre les Cours de Strasbourg et de Luxembourg et entre les États parties à la CEDH, avec un risque de fragmentation entre les jurisprudences en matière de droits de l'Homme. Quant à l'ambassadeur russe, il a tenu un discours à la tonalité proche, faisant observer que, dans les négociations, « le diable est dans les détails ». Il a insisté sur la nécessité de maintenir l'égalité entre l'ensemble des États parties et a écarté toute négociation aboutissant à un double système. La Russie considérait le projet d'accord de 2013 comme « balancé » ; il ne fallait donc pas bouleverser son équilibre général uniquement pour prendre en compte l'avis de la CJUE.
Lorsque l'Union européenne aura adhéré à la CEDH, le Parlement européen désignera une délégation, sans doute de dix-huit membres comme les États les plus peuplés, à l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe (APCE) en vue de procéder à l'élection du juge représentant l'Union européenne à la Cour européenne des droits de l'Homme. Or, il conviendrait que cette délégation puisse participer à l'élection des 48 juges. En effet, actuellement, l'ensemble des délégations nationales à l'APCE participent à l'élection des 47 juges. Au-delà de cette question, il paraît probable - ce serait du reste plutôt légitime - que les députés européens qui siègeront à l'APCE cherchent à participer aux débats de chacune des quatre parties de session annuelle de cette Assemblée. Plus largement, l'Union européenne participera également aux mécanismes de suivi de l'exécution des arrêts de la Cour européenne des droits de l'Homme, qui est l'une des compétences du Comité des ministres du Conseil de l'Europe.
ANNEXE : LA COUR EUROPÉENNE DES DROITS
DE L'HOMME ET LE SUIVI DE L'EXÉCUTION
DES ARRÊTS DE LA COUR
I. Le fonctionnement de la Cour européenne des droits de l'Homme
? Instituée en 1959, la Cour européenne des droits de l'Homme est une juridiction internationale compétente pour statuer sur des requêtes individuelles ou interétatiques alléguant des violations des droits civils et politiques énoncés par la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et libertés fondamentales, plus connue sous le nom de Convention européenne des droits de l'Homme (CEDH).
En application de l'article 33 de la CEDH, « toute Haute Partie contractante peut saisir la Cour de tout manquement aux dispositions de la Convention et de ses protocoles qu'elle croira pouvoir être imputé à une autre Haute Partie contractante ». En application de son article 34, « la Cour peut être saisie d'une requête par toute personne physique, toute organisation non gouvernementale ou tout groupe de particuliers qui se prétend victime d'une violation par l'une des Hautes Parties contractantes des droits reconnus dans la Convention ou ses protocoles. Les Hautes Parties contractantes s'engagent à n'entraver par aucune mesure l'exercice efficace de ce droit ».
Les 820 millions de ressortissants des États membres du Conseil de l'Europe peuvent ainsi saisir la Cour, sous certaines conditions ( cf . infra ). La Cour peut également être saisie par toute personne relevant de la juridiction des États parties à la Convention. Saisie par des migrants, elle a ainsi imposé certaines limitations aux droits des États de refuser l'accès à leurs frontières. Elle a également été amenée à se prononcer sur des actions menées par des États étrangers sur le sol d'États parties, en violation de la Convention (prisons secrètes de la CIA par exemple).
? Les droits fondamentaux garantis par la Cour sont ceux définis par le titre I de la CEDH. Celle-ci garantit notamment le droit à la vie, le droit à un procès équitable, le droit au respect de la vie privée et familiale, la liberté d'expression, la liberté de pensée, de conscience et de religion, le droit au respect de ses biens. Elle interdit notamment la torture et les peines ou traitements inhumains ou dégradants, l'esclavage et le travail forcé, la détention arbitraire et illégale, et les discriminations dans la jouissance des droits et libertés reconnus par la Convention.
La philosophie générale de la Convention et de la Cour repose sur le principe de subsidiarité : il appartient aux États parties de se conformer aux principes de la Convention et aux décisions ou arrêts de la Cour. De même, la saisine de la Cour ne peut intervenir qu'après épuisement des voies de recours internes.
? La Cour se compose d'autant de juges que d'États membres du Conseil de l'Europe, soit 47 aujourd'hui 28 ( * ) .
Les juges sont élus, à la majorité simple, par l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe (APCE), pour un mandat de neuf ans non renouvelable, à partir d'une liste de trois noms proposés par chaque État.
Les trois candidats proposés sont auditionnés par la commission sur l'élection des juges à la Cour européenne des droits de l'Homme de l'APCE. Si elle considère que toutes les conditions sont réunies, la commission formule à l'attention de l'Assemblée une recommandation indiquant quel candidat elle considère le plus qualifié. Dans le cas contraire, la commission peut recommander qu'un État membre soit invité à soumettre une nouvelle liste (ce fut le cas pour la France en 2011). En janvier 2020, l'APCE a élu M. Mattias Guyomar juge français ; il a remplacé M. André Potocki, le 21 juin.
? La procédure devant la Cour peut être résumée comme suit :
• Examen de la recevabilité de la requête : cet examen comprend une étape purement formelle (vérification que toutes les pièces ou informations requises sont jointes à la requête) puis un examen technique.
Si l'affaire est clairement irrecevable, la décision d'irrecevabilité est rendue par un juge unique, procédure mise en place il y a 10 ans, à un moment où la Cour était très engorgée (protocole n° 14, entré en vigueur en juin 2010). La décision d'irrecevabilité n'est pas susceptible de recours et n'est pas motivée.
• Lorsque la requête est recevable, elle est renvoyée :
o à un comité de trois juges lorsque l'affaire est considérée comme « répétitive », c'est-à-dire faisant l'objet d'une jurisprudence établie de la Cour ;
o à une chambre de sept juges lorsque l'affaire n'est pas considérée comme « répétitive ». La chambre est composée du président de la section à laquelle l'affaire a été attribuée, du juge élu au titre de l'État contre lequel la requête a été introduite, et de cinq autres juges désignés par le président de la section selon un système de rotation.
À ce stade, le comité ou la chambre peut encore rendre une décision d'irrecevabilité.
o à la Grande Chambre de dix-sept juges, dans trois cas de figure :
§ à la suite d'un renvoi demandé par l'une des parties, dans les trois mois suivant le prononcé de l'arrêt de chambre. C'est le collège de la Grande Chambre, composé de cinq juges, qui décide s'il y a lieu de renvoyer ou non l'affaire devant la Grande Chambre pour un nouvel examen ;
§ par voie de dessaisissement d'une chambre, si l'affaire soulève une question grave relative à l'interprétation de la Convention (sujets totalement nouveaux notamment) ou s'il y a un risque de conflit de jurisprudence ;
§ lorsqu'elle est saisie, en application du protocole n° 16 à la Convention, par les plus hautes juridictions d'un État, dans le cadre d'une affaire dont elles sont saisies, pour une demande d'avis consultatif « sur des questions de principe relatives à l'interprétation ou à l'application des droits et libertés définis par la Convention ou ses protocoles ». Le collège de la Grande Chambre se prononce sur l'acceptation de la demande d'avis. La Cour de cassation a été la première juridiction nationale à recourir à cette procédure 29 ( * ) .
La Grande Chambre comprend le Président de la Cour, les vice-présidents, les présidents de section, le juge national et des juges tirés au sort. Les juges qui siègent dans une chambre ayant rendu un arrêt ne peuvent siéger en Grande Chambre lorsque celle-ci statue sur renvoi.
La procédure est essentiellement écrite. La Cour tient toutefois des audiences dans une minorité d'affaires de chambre ou Grande Chambre.
Deux points particuliers doivent être relevés :
- la Cour procède à une priorisation de certaines affaires : c'est en particulier le cas lorsque l'affaire concerne un risque d'expulsion vers un pays dans lequel la torture est pratiquée ou lorsque la vie du requérant est en jeu ;
- lorsqu'un grand nombre de requêtes ont la même origine, la Cour a mis en place une procédure dite d' « arrêt pilote ». Dans le cadre de cette procédure, le but de la Cour n'est pas seulement de se prononcer sur la question de savoir s'il y a eu ou non violation de la Convention dans telle ou telle affaire. Il est aussi d'identifier le problème systémique et de donner au gouvernement concerné des indications claires sur les mesures de redressement qu'il doit prendre pour y remédier. La Cour peut alors ajourner pendant un certain temps les affaires qui relèvent de cette procédure, à condition que le gouvernement concerné prenne rapidement les mesures internes requises pour se conformer à l'arrêt. Toutefois, la Cour peut reprendre l'examen des affaires ajournées chaque fois que l'intérêt de la justice l'exige.
Lorsque la Cour rend un arrêt de « non-violation », l'affaire est close. Lorsqu'elle rend un arrêt de violation définitif, le dossier est transmis au Comité des ministres du Conseil de l'Europe, qui va assurer le suivi de l'exécution des arrêts.
? La Cour européenne des droits de l'Homme dispose également d'un département de l'exécution des arrêts.
Ce département assiste à la fois le Comité des ministres dans la surveillance de l'exécution des arrêts en lui fournissant des expertises juridiques et les États parties en leur apportant des avis sur ce qui est attendu d'eux après l'arrêt rendu.
Le département de l'exécution des arrêts entretient également des relations avec le ministère de la justice, ou des affaires étrangères, des États parties sur la mise en oeuvre des arrêts de la Cour. Son contact au sein des ministères nationaux joue le rôle d'un « facilitateur » qui peut faire avancer la mise en oeuvre des arrêts, qui implique l'ensemble des pouvoirs publics de son pays.
II. Le suivi par le Comité des ministres de l'exécution des arrêts de la CEDH
Ø Le rôle du Comité des ministres
Il appartient aux États parties d'exécuter les arrêts de la Cour constatant une violation des droits garantis par la Convention.
Lorsqu'un arrêt de violation est rendu, le dossier est transmis au Comité des ministres qui examine, dans le cadre de sa formation « droits de l'Homme », les obligations de l'État condamné (paiment d'une indemnité, adoption de mesures générales ou de mesures individuelles) et surveille l'exécution des arrêts, en application de l'article 46 § 2 de la Convention.
En pratique, ces séances du Comité des ministres sont préparées par le service pour l'exécution des arrêts de la Cour européenne des droits de l'Homme. Ce service a en effet pour fonction de conseiller et d'assister le Comité des ministres dans son suivi de l'exécution des arrêts, mais aussi d'apporter son soutien aux États parties dans leurs efforts pour aboutir à une bonne exécution des arrêts. Les États doivent en effet présenter un plan d'action puis un bilan d'action, une fois les mesures prises.
Les affaires restent sous surveillance jusqu'à l'adoption de l'ensemble des mesures requises : le dossier est alors clos par une résolution finale. La plupart des plans d'action présentés par les États font l'objet d'une procédure de surveillance standard.
Les affaires requérant des mesures individuelles urgentes ou qui révèlent des problèmes structurels importants (en particulier les arrêts pilotes), de même que les affaires interétatiques, font l'objet d'une inscription en procédure soutenue.
Compte tenu du délai entre la saisine de la justice dans le pays d'origine de l'affaire et le jugement de la CEDH, il peut arriver que les circonstances de l'affaire ne puissent plus se reproduire. L'intérêt pour le requérant est alors moral et pécuniaire (compensation financière accordée par la Cour), mais il n'y a plus d'enjeu systémique pour l'État faisant l'objet d'une condamnation.
À l'inverse, il arrive également que les États ne prennent pas les mesures nécessaires pour se conformer aux arrêts de la Cour. Ce fut notamment le cas de l'Azerbaïdjan dans l'affaire « Mammadov ». Ceci a conduit, pour la première fois en 2017, le Comité des ministres à saisir, en application de l'article 46 § 4 de la Convention et à la majorité des deux tiers, la Cour du non-respect par cet État de son obligation de se conformer aux arrêts définitifs de la Cour.
Ø La situation de la France
Le nombre de saisines de la Cour européenne des droits de l'Homme à l'encontre de la France est faible (1 100 dossiers enregistrés du 1 er janvier à la fin septembre 2019) et le nombre de requêtes aboutissant à un jugement au fond est minime : 40 % des requêtes sont rejetées après une analyse purement administrative car les formalités requises ne sont pas correctement remplies ; sur les 60 % restants, 95 % des dossiers sont rejetés par un juge unique car ils sont considérés comme irrecevables.
La France est peu condamnée : six arrêts de condamnation ont été rendus à son encontre depuis le début de l'année 2019. Sur la dernière année, la moitié des affaires jugées ont abouti à un arrêt de violation, la moitié à un arrêt de non violation.
Le dialogue des juges dans le cadre du réseau des cours supérieures est important et suivi. L'action de la Commission nationale consultative des droits de l'Homme, du Défenseur des droits et du Contrôleur général des lieux de privation de liberté a été citée en exemple. La France apparaît ainsi globalement comme un « bon élève » en matière d'exécution des arrêts de la Cour de Strasbourg.
Ø Les modalités de suivi des arrêts de la CEDH par les parlements nationaux : une singularité française ?
Si la surveillance de la mise en oeuvre des arrêts de la Cour relève de la compétence du Comité des ministres, il n'en demeure pas moins que les parlements nationaux ont eux aussi un rôle important à jouer, en premier lieu en examinant et adoptant les projets ou propositions de loi qui permettent d'adapter les législations nationales à ces arrêts.
Selon des statistiques de 2018, les niveaux de conformité aux arrêts des États parties à la Convention sont très inégaux. Si le taux de conformité moyen s'établit à 72 %, et si quinze États présentent un taux de conformité de 90 %, ce taux est de 26 % en Russie, de 23 % en Albanie, de moins de 15 % en Ukraine et de 1,5 % en Azerbaïdjan...
La commission des questions juridiques et des droits de l'Homme de l'APCE établit tous les deux ans un rapport sur l'exécution des arrêts de la Cour européenne des droits de l'Homme ; elle en a jusqu'à présent publié neuf. Ces rapports mettent en évidence des problèmes structurels graves au sein, plus particulièrement, de dix États parties, dont la Russie, la Moldavie, la Roumanie, la Bulgarie, la Pologne, l'Italie ou encore la Grèce.
En juin 2011, l'APCE a adopté la résolution 1823 (2011), intitulée Les parlements nationaux : garants des droits de l'Homme en Europe, dont le premier alinéa dispose que « l'Assemblée parlementaire rappelle qu'il incombe aux États membres du Conseil de l'Europe de mettre en oeuvre de manière effective les normes internationales applicables en matière de droits de l'Homme auxquelles ils ont adhéré, et notamment les normes de la Convention européenne des droits de l'Homme. Cette obligation lie tous les organes de l'État, au sein des pouvoirs aussi bien exécutif, judiciaire que législatif ».
Le rapport sur le fondement duquel cette résolution avait été adoptée précisait qu'entre quinze et dix-huit parlements nationaux participaient à l'exécution des arrêts de la Cour de Strasbourg, selon trois principales modalités différentes :
1°) des commissions ou sous-commissions spécialisées sur le sujet des droits de l'Homme. C'est le cas notamment au parlement britannique, où il existe une commission conjointe aux deux chambres, créée en 2001 et comprenant deux fois six membres, et qui est compétente aussi pour engager des enquêtes sur des sujets tels que les violences à l'encontre des femmes, la lutte contre le terrorisme ou l'usage des drones ; le gouvernement est dans l'obligation d'apporter des réponses aux enquêtes de cette commission conjointe. Ce modèle se retrouve au sein des parlements hongrois, monténégrin, irlandais, roumain et polonais (mais la sous-commission instituée dans ce dernier en 2014 n'a pas été reconstituée en 2015) ;
2°) l'absence de structures spécialisées. Les questions relatives aux droits de l'Homme sont traitées par les différentes commissions parlementaires permanentes. C'est le cas au Danemark, en Russie, en Suède, au Luxembourg, aux Pays-Bas, en Estonie, en Islande ou encore en Norvège. Par exemple, en 2006, le parlement néerlandais a demandé que le rapport sur la mise en oeuvre des arrêts de la Cour européenne des droits de l'Homme établi à l'attention du Premier ministre soit également transmis à la commission des lois des deux chambres ;
3°) des dispositifs hybrides, que l'on retrouve dans les parlements arménien, chypriote, géorgien, allemand, italien ou encore lituanien. Par exemple, depuis 2004, le ministre allemand de la justice transmet le rapport sur l'exécution des arrêts de la Cour à deux commissions permanentes du Bundestag ; ce rapport gouvernemental est complété par des commentaires d'universitaires.
Le rapport précité de l'APCE a aussi mentionné certaines bonnes pratiques qui permettent de renforcer l'intervention des parlements dans l'exécution des arrêts de la Cour. Ainsi, aux Pays-Bas, le gouvernement fournit, dans l'étude d'impact accompagnant les projets de loi, une analyse sur la compatibilité de la législation avec les arrêts de la Cour dont il est proposé de tirer les conséquences.
Annexe
Depuis l'entrée en vigueur des réformes prévues par le protocole n° 14, le nombre d'affaires pendantes a très fortement diminué - il avait atteint le pic de plus de 120 000 en 2010.
EXAMEN EN COMMISSION
La commission des affaires européennes s'est réunie le jeudi 25 juin 2020 pour l'examen du présent rapport. À l'issue de la présentation faite par MM. Philippe Bonnecarrère et Jean-Yves Leconte, le débat suivant s'est engagé :
M. Jean Bizet , président . - Merci, je retiens deux mots forts de votre intervention : « propulser » - j'ai bien compris que l'horizon est lointain, voire très lointain - et « plénitude » - de l'architecture de la CJUE et de ses décisions récentes. Que ce soit sur la Hongrie ou sur le Royaume-Uni, restons-en aux fondamentaux que vous avez évoqués. Je comprends que vous n'ayez pas voulu vous engager dans une proposition de résolution européenne. La CJUE a un rôle important. J'apprécie beaucoup cette analyse, et c'est un sujet sur lequel je suis prudent. Je tiens à saluer la finesse de votre analyse et de vos conclusions.
M. Jean-Yves Leconte , rapporteur. - Comme vous l'avez peut-être compris, si nous n'avons pas souhaité faire de PPRE, c'est parce que, avec Philippe Bonnecarrère, nous sommes d'accord sur nos désaccords. Il était difficile de proposer une PPRE qui marque une direction très précise car nous avons des sensibilités différentes sur ce point.
Je me permets d'ajouter qu'il y a quand même un sujet sur lequel nous sommes vraiment en désaccord avec Philippe Bonnecarrère : la primauté du droit communautaire est un combat de la CJUE, qui manifeste des résistances et en manifestera toujours. Le Brexit met cette primauté sous tension. Contrairement à la position qui consiste à penser que, c'est en réaffirmant la primauté du droit communautaire que l'on donne de la robustesse à l'Union européenne, je pense que c'est en affrontant toutes les contradictions que l'on a entre nous et avec l'extérieur, et en affrontant le contrôle externe que l'on consolidera l'UE. La perception d'une Union européenne nous obligeant à aller à l'encontre de notre Constitution est un sujet sensible ; par conséquent, il ne faut pas considérer que la CJUE se trouve au sommet d'une pyramide et que tout ce qui la remettrait en cause est un danger pour l'Union. Je ne conteste pas son rôle essentiel. Encore la semaine dernière, sur le fait d'affirmer la liberté académique en Hongrie, la CJUE a joué son rôle. Mais je pense que le dialogue doit être favorisé, et non la préservation à tout prix d'une hiérarchie. Aussi, si nous voulons faire en sorte que les droits de l'Homme soient défendus en Turquie et en Russie, l'Union européenne ne peut pas être sur la réserve face à la Cour de Strasbourg, qui n'est pas un groupe de juges qui ne feraient que condamner les États par rapport à des requêtes de leurs citoyens. Bien au contraire, les juges nationaux ont un rôle particulier et il serait utile que l'Union européenne dispose d'un juge siégeant à la Cour de Strasbourg.
M. André Gattolin . - Je veux féliciter les deux rapporteurs pour leur travail, mais j'ai un double regret : nous sommes législateurs, et nous sommes dans un conflit de doctrine sur la hiérarchie des normes en Europe, entre la CJUE et la Cour européenne des droits de l'Homme. C'est un des principaux problèmes. Nous sommes aussi des responsables politiques et à travers nos actes, nous faisons passer un message au niveau européen, de nature géopolitique. Je suis assez désappointé par le choix des rapporteurs, dont je salue la qualité bien sûr, mais je rappelle que nous avons une délégation française à l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe (APCE), que plusieurs membres de la commission des affaires européennes en font partie et nous aurions pu envisager un binôme membre / non membre. D'ailleurs, plusieurs collègues de l'APCE s'étonnent que la délégation, sur un sujet si important et concernant le Conseil de l'Europe, ne soit pas représentée dans ce rapport. La délégation française à l'APCE comprend deux tiers de députés et un tiers de sénateurs, et nous avons pourtant des difficultés à être reconnus dans notre pays. Donc je trouve vraiment dommage que nous envoyions ce signal, en dépit de la qualité du rapport et du fait que j'approuve l'essentiel des conclusions, y compris des non-conclusions de nos rapporteurs.
Par ailleurs, j'ai un second regret. Nous avons un éminent ancien membre de cette commission, Denis Badré, qui avait fait un travail considérable lorsqu'il avait été nommé parlementaire en mission par le Premier ministre François Fillon et avait remis un rapport sur la relation entre l'Union européenne et le Conseil de l'Europe, dans lequel il abordait cette question de l'adhésion. Il avait proposé des avancées en vue d'une adhésion finale. Je regrette que son nom et ses travaux ne soient pas évoqués.
Ce débat entre la CJUE et la Cour européenne des droits de l'Homme pose des questions de nature juridique, de hiérarchie des normes, voire de conflits entre des juges à la complémentarité évidente parce que la CJUE dispose d'une arme forte - les pénalités économiques - que la Cour EDH n'a pas, mais qui a la capacité géopolitique du « name and shame » qui fait qu'un État condamné par la Cour EDH est pointé du doigt. On l'a vu récemment sur la polémique au sujet de la libération anticipée d'un certain nombre de détenus pendant la crise du Covid-19 ou résultant des condamnations multiples de la Cour à l'égard de la France concernant sa surpopulation carcérale. La Cour repose sur un système de représentation spécifique - un juge par État partie - soulevant des questions géopolitiques. Pour être membre de la commission des questions juridiques et des droits de l'Homme de l'APCE, je peux vous dire qu'avec la montée des États illibéraux, par exemple avec le retour actif de la Russie, nous nous battons à chaque réunion lorsque nous avons des résolutions sensibles à adopter sur des rapports, pour avoir une majorité de deux voix dans cette commission, pour ne pas avoir une majorité russe, turque, azérie ou ukrainienne qui nous conduirait à des résolutions parfois illibérales. Nous sommes sur une question de périmètre de compétence juridique et nous sommes aussi sur des questions géopolitiques. Si nous avons des États illibéraux au sein de l'Union européenne, nous en avons davantage au sein du Conseil de l'Europe. Je rappelle aussi qu'on nous regarde et que si nous voulons avoir une délégation française qui pèse, c'est dans la manière de la traiter et de la représenter au sein de nos parlements nationaux que cela se joue aussi.
M. Philippe Bonnecarrère , rapporteur. - J'entends très bien toutes les observations géopolitiques formulées par André Gattolin avec sa fougue et sa passion habituelles. Vous dites regretter que nous n'ayons pas de position politique. Elle l'est fortement : en vous faisant part de mon approche personnelle sur le marché unique, la monnaie unique et la juridiction unique, je plaide pour favoriser les conditions d'une intégration européenne plus importante. Je récuse l'idée que notre approche serait purement technique, mais la balance avantages-inconvénients que je vous ai dessinée penche en faveur de la CJUE, et se trouve plus défavorable à la Cour EDH : l'orientation très claire est de continuer à travailler à une plus forte intégration européenne.
M. Jean Bizet , président. - Merci Philippe Bonnecarrère. Je remercie les rapporteurs, et je rappelle à André Gattolin que la désignation des rapporteurs n'a fait l'objet d'aucune contestation en commission. Nos collègues membres de l'APCE ne sont pas intervenus sur ce point, mais ils seront les bienvenus à s'y pencher car le sujet va durer un certain temps... André Gattolin a fait référence au rapport de Denis Badré qui fut un grand européen au sein de cette commission. Son rapport n'était pas un rapport du Sénat, mais celui d'un parlementaire en mission, riche d'informations. Je rappelle à l'intention de nos collègues membres de l'APCE que nous rendons désormais régulièrement compte, au sein de cette commission, des travaux de cette Assemblée. Enfin, je considère que c'est important de mettre en lumière le travail du Conseil de l'Europe. Pour ce qui est de la conclusion politique de nos rapporteurs, j'estime qu'elle ne réside pas dans votre souci de ne pas fragiliser une architecture déjà affectée aujourd'hui. Essayons de prendre un peu de hauteur, c'est un sujet extrêmement important, propulsons nous dans un certain temps.
À l'issue du débat, la commission autorise, à l'unanimité, la publication du rapport d'information .
PERSONNES AUDITIONNÉES
Mercredi 6 novembre 2019 : Cour européenne des droits de l'Homme
Mme Françoise Tulkens , ancienne vice-présidente, et M. Johan Callewaert , greffier adjoint de la Grande chambre
Mercredi 13 novembre 2019 : Secrétariat général des affaires européennes
M. Cyrille Baumgartner , secrétaire général adjoint des affaires européennes, Mmes Clémence Olsina , conseillère juridique, et Yasmine Beauvinon el Boustani , adjointe à la conseillère juridique, et MM. Renaud Halem , chef du secteur espace judiciaire européen, et David Michel , adjoint à la cheffe du secteur parlements
Mercredi 20 novembre 2019 : Ministère de l'Europe et des affaires étrangères
M. Nicolas Thiriet , sous-directeur des politiques internes et des questions institutionnelles à la direction de l'Union européenne, Mmes Alix Maisonnave , conseillère à la sous-direction des politiques internes et des questions institutionnelles, Anne-Laure Desjonquères , sous-directrice du droit de l'Union européenne et du droit international économique à la direction des affaires juridiques, Églantine Leblond , conseillère à la sous-direction des droits de l'Homme de la direction des affaires juridiques, et Florence Cormon-Veyssière , sous-directrice des droits de l'Homme et des affaires humanitaires à la direction des Nations Unies, des organisations internationales, des droits de l'Homme et de la francophonie, et M. Vladimir Deliry , rédacteur à la sous-direction des droits de l'Homme et des affaire humanitaires
DÉPLACEMENTS
Déplacement à Bruxelles : lundi 9 décembre 2019
Mmes Pauline Dubarry , conseillère justice et droits fondamentaux, et Maylis Lange , conseillère juridique à la Représentation permanente de la France auprès de l'Union européenne
M. Humbert de Biolley , représentant adjoint du Conseil de l'Europe auprès de l'Union européenne
M. Hannes Kraemer , conseiller juridique à l'unité « Institutions » du service juridique de la Commission européenne
Déplacement à Strasbourg : lundi 10 février 2020
Mme Florence Benoît-Rohmer , professeure à la faculté de droit de l'université de Strasbourg
M. Christos Giakoumopoulos, directeur général des droits de l'Homme et de l'État de droit du Conseil de l'Europe
Déjeuner de travail avec S.E.M. Jean-Baptiste Mattéi , ambassadeur, représentant permanent de la France auprès du Conseil de l'Europe, M. Sébastien Potaufeu , représentant permanent adjoint, Mme Gaëlle Taillé , adjointe au représentant permanent, M. Maxime Huot , adjoint au représentant permanent, S.E.M. Roeland Böcker , représentant permanent des Pays-Bas auprès du Conseil de l'Europe et ancien membre du CDDH, MM. Christos Giakoumopoulos , directeur général des droits de l'Homme et de l'État de droit du Conseil de l'Europe, Jörg Polakiewicz , jurisconsulte du Conseil de l'Europe, Wojciech Sawicki , secrétaire général de l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe, Alfonso De Salas , secrétaire du CDDH, et Per Ibold , conseiller juridique à la représentation permanente de l'Union européenne auprès du Conseil de l'Europe
S.E.M. Kaan Esener , ambassadeur, représentant permanent de la Turquie auprès du Conseil de l'Europe, et Mmes Esra Dogan Grajover , représentante permanente adjointe, et Aysen Emuler , conseillère juridique
S.E.M. Ivan Soltanovsky , ambassadeur, représentant permanent de la Fédération de Russie auprès du Conseil de l'Europe, et MM. Vladislav Ermakov et Stanislas Kovpak , conseillers
MM. Linos-Alexandre Sicilianos , président de la Cour européenne des droits de l'Homme, André Potocki , juge au titre de la France, Roderick Liddell , greffier de la Cour, et Patrick Titiun , chef du cabinet du président de la Cour
* 1 Henri Labayle, La guerre des juges n'aura pas lieu. Tant mieux ? Libres propos sur l'avis 2/13 de la Cour de justice relatif à l'adhésion de l'Union à la CEDH , 22 décembre 2014, Groupe de recherche ELSJ.
* 2 Cour EDH, arrêt Bosphorus Airways c. Irlande (n° 45036/98) du 30 juin 2005 .
* 3 Texte COM (2019) 257 final du 5 juin 2019.
* 4 Eurobaromètre spécial 487b , mars 2019.
* 5 Voir en particulier l'arrêt du 17 décembre 1970, Internationale Handelsgesellschaft , C-11/70.
* 6 Arrêt du 14 mai 1974, Nold KG / Commission, C-4/73.
* 7 Voir, notamment, les arrêts du 15 mai 1986, Johnston, C-222/84, et du 18 juin 1991, ERT, C-260/89.
* 8 Arrêt dit So lange I.
* 9 Cet arrêt faisant lui-même suite à l'important arrêt Costa c/Enel du 15 juillet 1964 par lequel la CJCE a posé le principe de primauté absolue du droit communautaire sur le droit national.
* 10 Avis 2/94 du 28 mars 1996.
* 11 Groupe d'États contre la corruption du Conseil de l'Europe.
* 12 Adhésion de l'Union européenne à la Convention européenne des droits de l'Homme - Réponses à des questions fréquemment posées .
* 13 Ces négociations se sont déroulées selon la procédure prévue à l'article 218 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne.
* 14 Groupe de travail du Conseil sur les droits fondamentaux, les droits des citoyens et la libre circulation des personnes.
* 15 Le 17 janvier 2011, les présidents des deux juridictions européennes ont présenté une communication commune résumant le résultat des discussions entre celles-ci et fournissant une référence et des orientations pour les négociations.
* 16 Comme l'article 218, paragraphe 11, du TFUE en prévoit la possibilité.
* 17 Nicolas Petit et Joëlle Pilorge-Vrancken, Avis 2/13 de la CJUE : l'obsession du contrôle ? , RAE - LEA 2014/4.
* 18 Cour EDH, arrêt Tarakhel du 4 novembre 2014 ( n° 29217/12 ), portant sur l'application du règlement de Dublin.
* 19 CJUE, arrêt Melloni du 26 février 2013 ( aff. C-399/11 ).
* 20 Nicolas Petit et Joëlle Pilorge-Vrancken, op. cit.
* 21 Henri Labayle, op. cit.
* 22 Jean Paul Jacqué, Non à l'adhésion à la Convention européenne des droits de l'Homme ? , 23 décembre 2014, www.droit-union-europeenne.be
* 23 Fabrice Picod, La Cour de justice a dit non à l'adhésion de l'Union européenne à la Convention EDH. Le mieux est l'ennemi du bien, selon les sages du plateau de Kirchberg , La Semaine juridique, n° 6, 2015, pages 230-234.
* 24 Rapport intitulé Conseil de l'Europe - Union européenne : une même ambition pour le continent européen , établi à l'attention des chefs d'État et de gouvernement des États membres du Conseil de l'Europe.
* 25 Groupe de travail du Conseil sur les relations extérieures.
* 26 Les directives de négociation complémentaires font l'objet d'un document à diffusion restreinte à ce stade.
* 27 Cour EDH, arrêt Ilgar Mammadov c./Azerbaïdjan (n° 15172/13) du 29 mai 2019.
* 28 Ni la Biélorussie, qui continue d'appliquer la peine de mort, ni le Kosovo, dont l'indépendance n'est pas reconnue par plusieurs États membres, ne sont membres du Conseil de l'Europe.
* 29 Demande d'avis consultatif quant à la nécessité, au regard de l'article 8 de la CEDH, d'une transcription d'un acte de naissance d'enfant né d'une GPA, en ce que cet acte désignerait la « mère d'intention », indépendamment de toute réalité biologique.