Rapport d'information n° 846 (2020-2021) de M. Pascal ALLIZARD , Mme Gisèle JOURDA , MM. Édouard COURTIAL , André GATTOLIN et Jean-Noël GUÉRINI , fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, déposé le 22 septembre 2021

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N° 846

SÉNAT

SESSION EXTRAORDINAIRE DE 2020-2021

Enregistré à la Présidence du Sénat le 22 septembre 2021

RAPPORT D'INFORMATION

FAIT

au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées (1) sur La France peut-elle contribuer au réveil européen dans un XXIe siècle chinois ?,

Par M. Pascal ALLIZARD, Mme Gisèle JOURDA, MM. Édouard COURTIAL, André GATTOLIN et Jean-Noël GUÉRINI,

Sénateurs

(1) Cette commission est composée de : M. Christian Cambon , président ; MM. Pascal Allizard, Olivier Cadic, Olivier Cigolotti, Robert del Picchia, André Gattolin, Guillaume Gontard, Jean-Noël Guérini, Joël Guerriau, Pierre Laurent, Cédric Perrin, Gilbert Roger, Jean-Marc Todeschini , vice-présidents ; Mmes Hélène Conway-Mouret, Joëlle Garriaud-Maylam, MM. Philippe Paul, Hugues Saury , secrétaires ; MM. François Bonneau, Gilbert Bouchet, Mme Marie-Arlette Carlotti, MM. Alain Cazabonne, Pierre Charon, Édouard Courtial, Yves Détraigne, Mme Nicole Duranton, MM. Philippe Folliot, Bernard Fournier, Mme Sylvie Goy-Chavent, M. Jean-Pierre Grand, Mme Michelle Gréaume, MM. André Guiol, Alain Houpert, Mme Gisèle Jourda, MM. Alain Joyandet, Jean-Louis Lagourgue, Ronan Le Gleut, Jacques Le Nay, Mme Vivette Lopez, MM. Jean-Jacques Panunzi, François Patriat, Gérard Poadja, Mme Isabelle Raimond-Pavero, MM. Stéphane Ravier, Bruno Sido, Rachid Temal, Mickaël Vallet, André Vallini, Yannick Vaugrenard, Richard Yung .

« L'Europe deviendra-t-elle ce qu'elle est en réalité, c'est-à-dire un petit cap du continent asiatique ?

Ou bien l'Europe restera-t-elle ce qu'elle paraît, c'est-à-dire la partie la plus précieuse de l'univers, la perle de la sphère, le cerveau d'un vaste corps ? »

Paul Valéry

1919 , La crise de l'esprit 1 ( * )

L'ESSENTIEL

Dans son rapport de 2017 sur les nouvelles routes de la soie, la CAED s'interrogeait sur la faiblesse de la mobilisation de l'Union européenne sur les enjeux liés à la puissance chinoise. En 2021, l'engagement communautaire sur ces questions a nettement progressé. Mais la succession en trois mois de la signature de l'accord global sur les investissements UE-Chine et des premières sanctions pour violations des droits de l'homme pose question. Les positions communautaires sont-elles contradictoires ou reflètent-elles la réalité du monde complexe dans lequel elles sont prises ? Comment dépasser le « mantra d'une Chine aux trois visages » : partenaire, concurrent et rival systémique pour définir des politiques cohérentes ?

À quelques mois de la présidence française de l'Union européenne, à l'issue de plus de 30 auditions ayant permis d'entendre une cinquantaine de personnes , et après avoir collecté les réponses écrites de ceux dont la pandémie rendait l'audition impossible et des ambassades françaises dans tous les pays européens, ce rapport propose 14 recommandations pour guider la politique française et européenne vis-vis de la Chine qui s'articulent autour de quatre axes : faire face aux moyens mis en oeuvre par la Chine pour déployer sa puissance en Europe (i), réagir à l'avance technologique prise par la Chine (ii), définir une stratégie géopolitique répondant aux enjeux du XXI e siècle chinois (iii), et enfin trouver le chemin d'une relation commerciale équitable avec la Chine (iv).

A. CINQ RECOMMANDATIONS POUR FAIRE FACE AUX MOYENS MIS EN oeUVRE PAR LA CHINE POUR DÉPLOYER SA PUISSANCE EN EUROPE

1. S'agissant des investissements directs chinois

Entre 2005 et 2019

d'investissements chinois sur le sol européen

investis dans les secteurs de l'énergie
et des transports

Au profit de 5 pays membres de l'UE

Les investissements chinois dans l'Union européenne bénéficient très majoritairement à 5 États-membres de l'Union européenne : le Royaume-Uni avant le Brexit, l'Allemagne, l'Italie, la France et la Finlande. Certains pays européens souhaitent être destination d'investissement, d'autres au contraire mettent en place des dispositifs filtrage pour protéger leurs intérêts stratégiques. La Cour des comptes européenne a alerté dans un rapport de 2020 sur la méconnaissance des IDE en Europe et la nécessité pour l'Union de répondre à la stratégie d'investissement étatique de la Chine. Dans ce contexte, l'Union européenne et la France doivent s'efforcer :

- de renforcer les efforts entrepris pour obtenir le recensement le plus exact possible des investissements et des prêts chinois (en distinguant les uns des autres) réalisés en Europe, et d'actualiser régulièrement l'analyse des risques et perspectives que présentent ces investissements,

- de veiller à leur bonne articulation avec les politiques de développement économique local et de connectivité communautaire , notamment le RTE-T et le RTE-E,

- et d'encourager la Chine à appliquer les règles du Club de Paris afin que les pays qui contractent des prêts auprès de ces banques ne se retrouvent pas dans une situation telle qu'on en vienne à qualifier les interventions chinoises de « piège de la dette ».

2. Alors que l'UE est reconnue comme étant une puissance normative, la Chine investit ce champ d'action

Il convient :

- de prêter une attention soutenue aux politiques de normalisation déployées par la Chine , dans des domaines aussi variés que le numérique ou l'alimentation,

- et d'accroître les moyens humains et financiers pour renforcer la présence de la France et de l'Union dans les instances internationales (y compris les plus techniques) de normalisation. Cette présence au bon niveau doit devenir une priorité de la politique nationale et communautaire .

3. La défense de la propriété intellectuelle, des brevets, des processus de production et des savoir-faire doit être renforcée

des importations dans l'UE sont des contrefaçons

ce qui représente 120 milliards d'euros en valeur par an

de ces contrefaçons proviennent de Chine (territoire de Hong-Kong compris)

La pénétration du marché européen s'appuie sur une extraordinaire économie de la contrefaçon favorisée par le développement du commerce électronique. Pour y remédier, l'Union européenne et la France peuvent :

- renforcer, comme le fait déjà l'Office de l'Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), le dialogue avec la Chine sur la propriété intellectuelle et les exportations illégales de contrefaçons et faciliter la coopération entre douanes européennes et chinoise s pour lutter contre ce fléau que le commerce électronique a largement développé,

- et soutenir les efforts déployés par la Chine, telles que la mise en oeuvre de juridictions spécialisées sur son territoire. Ce n'est qu'à ce prix que la Chine passera d'une croissance basée sur la copie à une croissance basée sur l'innovation.

4. S'agissant du format 16+1, passé de facteur de fragilisation de l'UE à carcan pour ses membres

Ce format était déjà l'objet d'une forte attention en 2017. Il est en perte de vitesse. La Lituanie en quittant le format, s'est exposée à de fortes menaces commerciales notamment. L'intérêt du format est moins évident mais le coût pour en sortir se veut clairement dissuasif .

Il importe :

- que les pays membres de l'Union européenne participant à ce format restent attentifs au plein respect des normes communautaires , particulièrement dans les domaines de compétences partagées qui sont abordés dans le cadre de leur coopération avec la Chine,

- que des positions communautaires au sein du Format soient définies, avec le concours de la Commission européenne et du SEAE, afin de défendre au mieux les intérêts des États membres et de leur éviter de se trouver mis en concurrence sur certains sujets,

- que les réunions du format fassent l'objet en amont d'une concertation entre les pays membres de l'UE , afin que la cohérence communautaire ne soit pas prise en défaut et que les membres de l'Union veillent tous ensemble à défendre leurs intérêts communs à l'occasion de chaque rencontre avec la Chine, quel qu'en soit le format.

5. Les moyens de soft power déployés par la Chine, dans un éventail particulièrement fourni d'instruments d'action, paraissent confondre influence et ingérence

Le Front uni , émanation du parti communiste chinois, diffuse son influence en tout endroit : de la plus modeste association culturelle locale, aux médias, aux réseaux sociaux et jusqu'aux instituts Confucius, objet d'interdictions dans toujours plus de pays suite à des enquêtes pour espionnage, à des tentatives de recrutement, etc. Face à cette situation inacceptable, il est urgent :

- de renforcer les services de l'État et de l'Union européenne , tels que le SEAE, en les dotant des compétences techniques et linguistiques adéquates, afin qu'ils puissent mieux suivre toutes les actions diffuses menées par le Front uni , identifier ses modes d'actions sur le territoire européen, déceler les campagnes d'influence et de désinformation qu'il orchestre, etc.,

- de veiller à ce que les prescriptions de ces services soient suivies , tant au niveau de l'État, que des collectivités territoriales, mais aussi de toutes institutions publiques, notamment les universités,

- de développer une stratégie de dissuasion structurée permettant de répondre aux ingérences constatées, assortie de sanctions sévères ,

- d 'imposer aux médias diffusant depuis l'étranger les obligations qui s'imposent aux médias nationaux. Il est anormal de ne pas pouvoir réagir face aux chaînes diffusées par satellite.

B. QUATRE RECOMMANDATIONS FACE À L'AVANCE TECHNOLOGIQUE PRISE, OU EN PASSE D'ÊTRE PRISE, PAR LA CHINE

1. S'agissant de la participation des acteurs économiques chinois à la construction et au fonctionnement du réseau 5G

La législation française est adaptée au contexte. Mais, il convient de rester attentif à l'évolution des risques sur l'ensemble du territoire européen . Tous les pays n'ont pas le même niveau d'expertise sur ces questions. Dans cette perspective, il convient :

- de soutenir la mise en oeuvre de la boîte à outils de l'Union européenne susceptible de faciliter la mise en oeuvre de mesures nationales dans le domaine de la 5G et de veiller à l'évolution des risques ,

- de soutenir la réalisation du projet Hexa-X et toutes autres initiatives et financements communautaires susceptibles de favoriser l'émergence d'acteurs européens de premier plan dans le domaine de la 6G . La capacité de la France et de l'Europe à soutenir l'émergence d'acteurs alternatifs aux grands équipementiers non européens de cet écosystème est certainement l'une des conditions sine qua non pour garantir leur souveraineté .

2. Sur le rattrapage européen dans le domaine des batteries, la législation européenne doit éviter certains écueils

Le règlement européen sur les batteries en préparation, doit :

- bien sûr prendre en compte les objectifs de décarbonation de l'économie européenne,

- mais aussi compter au nombre de ses objectifs le rattrapage du retard européen dans le domaine de la production de batteries en Europe,

- et, à ce titre, édicter, les mêmes obligations environnementales élevées à l'égard des batteries importées en Europe.

3. Dans le domaine spatial, l'UE doit se donner les moyens de rester un acteur majeur

L'espace avait été l'un des fronts de la guerre froide entre les Etats-Unis et l'URSS, il est l'un des enjeux de la course pour la place de première puissance mondiale entre Washington et Pékin . La Chine est assurément une puissance spatiale majeure , qui mène de front des programmes d'exploration lunaire et martienne, des vols habités, des lancements de satellites à vocation scientifique, commerciale ou militaire, et la construction d'une station spatiale chinoise, Tiangong-3 , qui doit être opérationnelle en 2022. Entièrement conçue, construite et financée par la Chine, son accès à des partenaires potentiels pourrait être un levier fort pour inciter les pays concernés à respecter les lignes rouges politiques chinoises. Quatre axes d'attention se dégagent dans ce domaine :

- il apparaît nécessaire de faire preuve de la plus grande prudence en matière de transfert de technologies et d'utilisation de ces transferts en faveur du secteur militaire chinois ,

- la France, leader de l'industrie aéronautique, a un rôle moteur à jouer dans la définition d'une politique nationale et d'une politique communautaire qui prennent en compte les récents développements des ambitions chinoises dans le domaine spatial ,

- l'Union européenne doit s'efforcer de soutenir l'augmentation des budgets publics nationaux dédiés au domaine spatial, en particulier pour donner toute sa dimension au nouveau projet de constellation européenne pour la connectivité . L'UE doit également réformer la gouvernance spatiale européenne,

- enfin, fidèle à l'esprit de la stratégie de Lisbonne, l'UE doit favoriser l'innovation et la compétitivité , et encourager le développement d'un secteur privé fort en mettant en place les conditions optimales à la croissance des start-ups innovantes dans le domaine spatial.

4. La digitalisation et l'internationalisation de la monnaie chinoise doivent faire l'objet d'une attention particulière

Le Yuan fait la course de la digitalisation de la monnaie en tête

La Chine déploie rapidement sa monnaie digitale , qui pourrait être pleinement opérationnelle à court terme . Elle l'a testée en avril 2021 dans quatre grandes villes du pays et envisagerait une « certaine internationalisation » lors des jeux olympiques de Pékin en 2022 . La Chine viserait également de proposer une alternative au système de paiements bancaires internationaux SWIFT . La digitalisation des paiements avec l'application Alypay notamment et l'empreinte des BigTechs privées chinoises en la matière font l'objet d'une reprise en main qui montre l'importance que les pouvoirs chinois accordent à ce thème. La digitalisation et internationalisation du yuan, et de l'euro, sont des enjeux primordiaux et sans doute encore sous-estimés du développement financier et économique mondial de court terme. Il convient donc :

- de rester très attentifs au développement de la monnaie digitale chinoise et aux réformes de sa sphère financière et des applications de paiement en ligne chinoises,

- de suivre l'évolution des modalités de contrôle des sorties de capitaux du sol chinois et l'internationalisation du yuan , ainsi que son éventuel impact sur la détention par la Chine d'une part conséquente de la dette américaine ,

- et d'encourager l'UE à s'emparer de l'enjeu d'avenir que représente la numérisation de l'euro et son rôle dans le système monétaire international . L'UE ne doit pas prendre plus de retard dans ce domaine.

C. TROIS RECOMMANDATIONS POUR DÉFINIR UNE STRATÉGIE GÉOPOLITIQUE EUROPÉENNE EN RÉPONSE À L'ACCESSION PROCHAINE DE LA CHINE AU STATUT DE PREMIÈRE PUISSANCE MONDIALE

1. S'agissant de la boussole stratégique européenne et de la stratégie européenne dans l'indopacifique

Alors que la France sera en charge de la présidence de l'Union européenne au 1 er semestre 2022, elle devra avoir un rôle moteur afin :

- de réévaluer la relation bilatérale avec l'Australie , dans les domaines stratégiques et commerciaux, d'une part, avec les États-Unis d'autre part,

- de réaffirmer l'attachement indéfectible de la France à la maîtrise des armements et à la non-prolifération nucléaire ,

- et de r éévaluer l'analyse des menaces dans le cadre de la préparation de la boussole stratégique tant la dénonciation par l'Australie du partenariat stratégique avec la France et son équipement en sous-marins d'attaque américains, à propulsion nucléaire dans le cadre du pacte Aukus conclus avec les Etats-Unis et le Royaume-Uni est un « game changer », c'est-à-dire un profond bouleversement stratégique susceptible d'ébranler la stabilité de l'indopacifique dans son ensemble .

2. Sur l'évolution du positionnement de l'OTAN face à la Chine

La volonté des États-Unis d'affronter la Chine afin de l'empêcher de devenir la prochaine première puissance mondiale ne doit pas conduire à l'instrumentalisation de l'Alliance atlantique , qui basée sur des valeurs démocratiques serait fragilisée par un tel dévoiement de sa gouvernance . Il convient donc :

- de rappeler que l'OTAN est une institution qui doit être rééquilibrée politiquement et ne doit pas s'organiser autour de la rivalité sino-américaine mais bien pourvoir à la défense euro-atlantique . La révision du concept stratégique de l'OTAN devra aller en ce sens,

- de prôner la transparence en matière de stratégie nucléaire ,

- d'inciter tous les États dotés, Chine comprise - lorsque l'architecture de maîtrise internationale des armements a été posée pendant la guerre froide, la Chine n'avait pas été associée à hauteur du statut qui est le sien -, à participer à des discussions favorisant la non-prolifération et la maîtrise des armements nucléaires .

3. Pour que l'Union européenne s'affirme comme la puissance géostratégique qu'elle doit être

L'Union européenne dans le monde instable et dangereux de ce début de XXI e siècle voit la Chine multiplier les marqueurs de puissance, au point de devenir probablement plus vite qu'escompté la prochaine première puissance mondiale. Dans le même temps, elle assiste à la poursuite de la politique égoïste américaine, plus soucieuse de réaliser le fameux « America first » que de garantir la stabilité mondiale. L'UE doit s'affirmer comme une puissance stratégique stabilisatrice . Pour cela :

- l'Union européenne doit développer son régime de sanctions politiques comme économiques et envisager cet outil de puissance géoéconomique sous toutes ses facettes : sanctions, droit extraterritorial européen, contrôle des exportations, notamment pour ce qui concerne les technologies de rupture, lutte contre la corruption et contrôle des investissements,

- l'UE comme la France doivent continuer de mener un dialogue de haut niveau lucide et exigeant avec la Chine sur les sujets qui constituent désormais les lignes rouges de la politique étrangère chinoise : le Tibet, Hong Kong, Taïwan, le traitement des minorités musulmanes du Xinjiang, la liberté de navigation, y compris en mer de Chine, les droits de l'homme, notamment,

- enfin, les États membres de l'UE doivent veiller à leur unité sur ces sujets.

D. DEUX RECOMMANDATIONS POUR TROUVER LE CHEMIN D'UNE RELATION COMMERCIALE ÉQUITABLE AVEC LA CHINE

1. Pour favoriser un commerce équitable avec la Chine, des efforts doivent être déployés pour mieux l'arrimer aux bonnes pratiques de l'OMC et de l'OCDE

Il apparaît donc nécessaire :

- de soutenir l'adhésion de la Chine à l'accord plurilatéral sur les marchés publics de l'OMC , sous réserve que ne soient pas exclus de son champ d'application les provinces et les universités chinoises, ni les projets développés dans le cadre de la politique chinoise des nouvelles routes de la soie ,

- de poursuivre le dialogue avec la Chine sur ses surcapacités , notamment dans le cadre de l'OCDE,

- et de sensibiliser la Chine à la nécessité de réduire drastiquement son soutien financier aux exportations chinoises , en adoptant l'arrangement dédié de l'OCDE.

2. La relation bilatérale commerciale entre la Chine et l'UE doit être améliorée

Dans ce domaine, afin de mettre en oeuvre des relations commerciales équitables, équilibrées et transparentes, il convient d'avoir un niveau d'exigence élevé et :

- de rechercher un meilleur accès au marché chinois pour les investisseurs européens , notamment dans le domaine du e-commerce ,

- de mettre en oeuvre un traitement équitable entre les entreprises chinoises et européennes , et d'examiner dans cette perspective comment s'appliqueront aux entreprises européennes les lois chinoises sur le contrôle des exportations et sur la cybersécurité ,

- d'interdire les transferts forcés de technologies et de mieux protéger la propriété intellectuelle, les processus de production et les savoir-faire des entreprises européennes, y compris dans le cadre d'audits chinois,

- enfin, de renforcer la transparence des marchés chinois afin d'établir un environnement prévisible pour les entreprises européennes en matière de normes et de standards chinois.

E. LA FRANCE A UN RÔLE DÉTERMINANT À JOUER

Il faudra faire preuve de détermination et d'un certain courage pour maintenir le cap, malgré les frictions inévitables , malgré les appels du pied des États-Unis à faire front commun avec eux , sans doute, et l'épisode australien le prouve bien, en adoptant leurs seuls objectifs et en défendant leurs seuls intérêts.

La France a un rôle déterminant à jouer, elle qui plaide pour le renforcement de l'autonomie stratégique de l'Union européenne depuis longtemps, et qui considère l'OTAN pour une institution dédiée à la défense euro-atlantique dont l'unité et la cohérence se sont révélées très fragiles ces dernières années. Il conviendra également de peser sur la révision du concept stratégique de l'OTAN pour que celle-ci ne devienne pas le bras armé du pacte Aukus , dans le but de contrer toujours plus agressivement la Chine.

En charge de la présidence de l'Union européenne au premier semestre 2022, la France devra donner à l'Union l'impulsion nécessaire pour prendre en compte dans sa boussole stratégique et sa stratégie indopacifique le bouleversement stratégique ou « game changer », induit par la conclusion du pacte Aukus entre l'Australie, les États-Unis et le Royaume-Uni qui fragilise la stabilité de la zone indopacifique dont la France est une puissance à part entière, avec les départements de la Réunion et de Mayotte, les collectivités de Nouvelle-Calédonie et de Polynésie française, le territoire de Wallis et Futuna, les Terres australes et antarctiques françaises (TAAF) , regroupant une population de 1,65 million d'habitants . Cette présence dans les deux océans confère à la France la seconde zone économique exclusive (ZEE) mondiale de 10,2 millions de km 2 , dont les deux tiers environ se trouvent dans le Pacifique. La France est la seule puissance de l'UE constamment et activement présente dans la zone, y compris avec des moyens militaires permanents prépositionnés (FAZSOI à la Réunion, FANC en Nouvelle-Calédonie et FAPF en Polynésie française).

Nous devons maintenir les coopérations et le dialogue avec la Chine afin de progresser avec elle dans l'enjeu essentiel qu'est la protection de l'environnement . La fragilité de l'indopacifique face au dérèglement climatique , à la montée des eaux, à la raréfaction de la ressource halieutique notamment ne semble pas être le coeur de préoccupation du pacte Aukus. Là est pourtant l'urgence et la coopération de la Chine pour réduire les impacts négatifs de sa croissance est indispensable .

Il nous faudra mener un dialogue exigeant en termes de défense des droits de l'homme avec la Chine, et aboutir à la mise en place d'une mission d'évaluation indépendante de la situation au Xinjiang, menée par la Haute-commissaire des Nations unies aux droits de l'homme . De même, la Chine a accepté que soit menée une enquête par l'OMS sur les origines de la pandémie , elle gagnerait à fournir les éléments demandés dans ce cadre. C'est à ce prix que l'image ternie de la Chine auprès des opinions occidentales s'améliorerait.

Enfin, nous devons renouer un dialogue commercial ambitieux avec la Chine en tenant compte des attentes des acteurs économiques en la matière , notamment en termes d'ouverture du marché chinois, de transparence des marchés publics, de protection de la propriété intellectuelle.

La présidence française de l'Union européenne interviendra donc dans un moment de profond bouleversement géostratégique et devra permettre à l'Europe d'en sortir renforcée.

INTRODUCTION

Dès 2017 avec son rapport d'information intitulé « Pour la France, les nouvelles routes de la soie : simple label économique ou nouvel ordre mondial ? » 2 ( * ) , la CAED ne s'est pas contentée d'observer la transformation de la Chine, elle en a perçu et analysé le déploiement tout au long des itinéraires qu'il lui a fallu recenser et explorer 3 ( * ) des « nouvelles routes de la soie ». Elle s'est demandé comment la France pouvait se positionner face à l'expression de cette puissance chinoise aux objectifs géostratégiques conformes aux canons du parti communiste chinois mais aussi porteuse de réelles opportunités économiques, non exemptes d'ambiguïtés, et nécessitant réciprocité dans les partenariats avec la Chine, prise en compte des enjeux environnementaux et lucidité.

Quatre ans plus tard, la situation a largement évolué. La politique des nouvelles routes de la soie ne connaît pas un cours parfaitement lisible et tranquille comme en témoignent à la fois les projets d'investissement ou de réalisation d'infrastructures qui tardent à se concrétiser, les modalités de remboursement des prêts chinois et les alertes sur le niveau d'endettement paroxystique du Monténégro notamment, ou encore les retraits des investissements chinois, que ce soit à l'aéroport de Toulouse ou en Lorraine par exemple 4 ( * ) . Pour autant, sont indéniables l'augmentation des flux entre la Chine et l'Union européenne, le développement considérable du port du Pirée, investissement chinois emblématique, l'appropriation et la progression de la Chine dans des domaines de pointe tels que la 5G, l'intelligence artificielle, le spatial, le nucléaire ou la monnaie numérique.

Ainsi, en 2021, il n'est plus question, comme en 2017, de se demander si les nouvelles routes de la soie se mettront ou non en place et si les ambitions affichées par la Chine sont réalistes. Elles le sont, et celle-ci est en passe de devenir l'une des principales puissances mondiales.

En 2021, comme en 2017, en revanche, il est toujours pertinent de se poser la question de la réaction de l'Union européenne, de ses États membres et des autres pays européens face à l'affirmation de la puissance chinoise sur le continent européen. En effet, la présence chinoise en Europe est importante, protéiforme, parfois visible, parfois discrète, voire masquée. Elle est mal recensée, sous ou sur-estimée pour cette raison, et en même temps que l'image de la Chine est devenue moins positive dans les opinions publiques, cette présence pose plus de questions. La période de la pandémie de coronavirus a mis en exergue l'interdépendance des économies ouvertes, dont les économies européenne et française à l'égard du marché chinois et des modes plus assertifs d'affirmation de la puissance chinoise.

Les confrontations sont devenues ainsi plus vives entre la Chine et les organisations internationales, les États-Unis, mais aussi l'Union européenne. Ces évolutions ont rendu d'autant plus nécessaire d'interroger la puissance de la Chine en Europe.

La « fin de la guerre froide » et de l'histoire, vue comme son corollaire, ont trente ans désormais. La démocratie et l'économie libérale sont des vainqueurs moins flamboyants qu'annoncés... Les équilibres internationaux et la relative stabilité ou l'instabilité cantonnée issues de l'architecture internationale dessinée après la seconde guerre mondiale semblent appartenir aux chapitres quasiment clos de notre histoire. L'affrontement des États-puissances pose la question de la place que l'Union européenne et la France souhaitent tenir dans ce nouveau concert des nations : celle d'un membre du concert, ou celle de terrain de jeu.

Lors de la préparation du rapport sur les nouvelles routes de la soie, la faiblesse de la mobilisation de l'Union européenne sur les enjeux que cette politique chinoise faisait émerger interrogeait. En 2021, l'engagement communautaire sur ces questions a nettement progressé, en même temps que les États membres approfondissaient leur analyse des répercussions des investissements chinois sur leur territoire.

Les États européens non membres de l'Union européenne (UE) ont-ils eu une évolution similaire ? Comment considérer le format 17+1 redevenu 16+1, dans ce contexte, présenté comme une chance de relation renforcée avec la Chine pour des pays qui en étaient privés, ou comme une instance de coopération créée ad hoc pour favoriser la concurrence entre pays demandeurs d'investissements chinois et entre les pays de ce format et l'Union européenne ? Au sein même de l'Union, les différents États membres, dont certains participent au format 16+1, ont-ils bien tous les mêmes priorités vis-à-vis de la Chine ?

En décembre 2020, les Européens ont à la fois signé l'accord global UE-Chine sur les investissements et se sont dotés des outils juridiques leur permettant de prendre des sanctions pour violations des droits de l'homme. En prononçant en mars 2020 ses premières sanctions depuis la répression du mouvement démocratique de la place Tiananmen en 1989, en réaction au traitement réservé aux Ouïgours dans le Xinjiang, région du nord-ouest de la Chine, l'UE a enclenché un mouvement rendant de fait improbable l'adoption de l'accord économique. Ces positions communautaires sont-elles pour autant contradictoires ou reflètent-elles la réalité du monde complexe dans lequel elles sont prises ? Comment la définition par l'UE d'une Chine à la fois partenaire, concurrente et rivale systémique peut-elle être déclinée en politiques cohérentes ? Comment traduire la prise de conscience post-pandémie de la dépendance des économies européennes à la Chine ? Comment reconquérir une souveraineté ainsi malmenée ?

Quelle impulsion la France, qui sera en charge de la présidence tournante de l'UE à partir de janvier 2021, peut-elle donner en la matière ? Quelle position adopter face à l'enlisement de l'accord global d'investissement ? Comment enfin relever les défis géopolitiques et économiques que pose la Chine qui se positionne comme la nouvelle première puissance mondiale à l'horizon 2050 ?

Dans ce contexte, et alors que la pandémie ne permettait pas, cette année encore, d'envisager de déplacements, une trentaine d'auditions ont été menées, dont 9 en téléconférence qui ont permis d'entendre plus de 40 personnes. À cela s'ajoutent des contributions écrites ayant permis de recueillir les observations de personnes ou organisations qui ne pouvaient être entendues selon les modalités précédemment décrites. Enfin, le réseau d'ambassades françaises en Europe 5 ( * ) a été largement mobilisé, et vos rapporteurs tenaient à remercier les services qui ont ainsi contribué à leur meilleure connaissance des investissements chinois en Europe et de la perception de la puissance chinoise dans les pays concernés.

I. LE DÉPLOIEMENT DE LA PUISSANCE CHINOISE EN EUROPE

A. DES INVESTISSEMENTS CHINOIS PROTÉIFORMES AU SERVICE DE LA STRATÉGIE CHINOISE JUSQU'EN EUROPE

Les investissements chinois en Europe sont difficiles à recenser et n'ont pas toujours suscité un intérêt suffisant pour que soient mis en oeuvre les outils permettant un réel suivi.

Ils représentent pourtant des montants conséquents dans des domaines stratégiques. Leur répartition sur le territoire européen est très inégale ce qui induit des relations variées entre la Chine et les pays européens, selon qu'ils souhaitent être destination d'investissement, ou au contraire, qu'ils mettent en place des dispositifs d'information ou de protection de certains secteurs stratégiques contre les investissements chinois. Enfin, la Cour des comptes européenne a alerté dans un rapport de 2020 sur la nécessité pour l'Union de répondre à la stratégie d'investissement étatique de la Chine.

1. Des investissements chinois très dynamiques et concentrés dans des secteurs stratégiques
a) L'augmentation fulgurante des investissements chinois jusqu'en 2016

La politique d'ouverture sur l'extérieur des années 2000 s'est traduite par une augmentation des flux commerciaux et financiers entre la Chine et le reste du monde 6 ( * ) . Le stock d'investissements chinois dans le monde réduit avant 2000, atteignait 500 milliards d'euros en 2013, et après une croissance exponentielle 2 100 milliards d'euros en 2019.

L'Union européenne a été le principal récipiendaire des investissements chinois entre 2005 et 2019, comme l'illustre le tableau suivant 7 ( * ) . Sur cette période, elle a bénéficié d'un peu moins de 15 % des flux d'investissements chinois cumulés, contre 12 % pour l'ASEAN, moins de 10 % pour les États-Unis et moins de 3 % pour la Russie (soit un montant comparable aux investissements chinois réalisés en Suisse et au Canada).

Principaux récipiendaires des IDE chinois
(flux cumulés entre 2005 et 2019 en milliards de dollars)

Pays

Montant

Parts

UE (28*)

294,1

14,4%

dont : Royaume-Uni

86,4

4,2%

dont: Allemagne

47,4

2,3%

dont : France

28,1

1,4%

ASEAN

245,3

12,0%

Etats-Unis

197,5

9,7%

Amérique du sud

177,2

8,7%

Australie

115,8

5,7%

Brésil

68,6

3,4%

Suisse

61,6

3,0%

Canada

57,1

2,8%

Russie

54,5

2,7%

Total

1 271,7

62,4%

*Pour des raisons méthodologiques, et pour permettre la comparaison à moyen terme, les effets du Brexit ne sont pas ici pris en compte.

Source: China Global Investment Tracker , sous l'égide de l' American Entreprise Institute (CGIT).

Ce rattrapage n'a toutefois pas encore permis le rééquilibrage des stocks d'IDE. Ainsi le stock des investissements directs à l'étranger (IDE) français en Chine est de 28,8 milliards d'euros en 2019 selon la Banque de France, soit un montant supérieur au stock des IDE chinois en France qui s'établissait à 2,6 milliards d'euros par investisseur immédiat et 8,6 milliards d'euros par investisseur ultime 8 ( * ) en 2018 9 ( * ) . Depuis le début des années 2000, les flux d'investissements chinois se caractérisaient par un formidable dynamisme.

Ils marquent le pas depuis 2016, année où le flux d'IDE chinois s'établissait à 196 milliards de dollars (soit une progression de 35 % par rapport à 2015). En 2017, le flux d'IDE a baissé de 19 %, puis 10 % en 2018 et 4 % en 2019 pour s'établir à 136 milliards de dollars.

Cette évolution découle d'un double mouvement de contrôles renforcés dans les principaux pays récipiendaires et de l'édiction de mesures restrictives par les autorités chinoises en réaction à la chute du yuan et des réserves de change 10 ( * ) .

Ainsi, depuis mi-2017, les autorités centrales chinoises ont adopté une série de règlementations relatives aux investissements directs étrangers sortants qui :

- vise à mieux orienter les secteurs d'investissements sortants via une catégorisation sectorielle en « feux tricolores », afin de mettre fin aux investissements qualifiés d'irrationnels, dans l'hôtellerie de luxe et des clubs de football étrangers 11 ( * ) notamment, et de faire coïncider les investissements des entreprises chinoises publiques comme privées avec les priorités économiques définies par les plans quinquennaux adoptés en session plénière du comité central du Parti communiste chinois (PCC),

- soumet les projets d'investissement à l'étranger à la supervision des autorités centrales sur les investisseurs chinois. Il s'agit d'une obligation d'enregistrement auprès de la Commission nationale du développement et de la réforme (NDRC), et, dans les secteurs qualifiés de sensibles par les autorités à une approbation préalable,

- tend à améliorer la gestion des risques. La Banque centrale chinoise et la State Administration of Foreign Exchange ( SAFE ) requièrent ainsi une autorisation pour les transactions faites à l'étranger d'un montant supérieur à 5 milliards de dollars.

b) La concentration des investissements chinois sur des secteurs stratégiques

Même si le rythme des investissements chinois a nettement ralenti, le stock des investissements chinois pose question en raison de sa concentration sur des secteurs considérés comme stratégiques, plus encore depuis que la pandémie de coronavirus a rappelé les effets de la désindustrialisation du continent européen et de l'internationalisation des chaînes d'approvisionnement en termes de dépendance et d'autonomie stratégique.

Le tableau 12 ( * ) suivant présente la répartition du stock global des IDE chinois par secteurs économiques. La prépondérance du secteur énergétique 13 ( * ) et du secteur des transports 14 ( * ) est patente, puisque ces deux secteurs représentent plus de la moitié des investissements chinois réalisés dans le monde entre 2005 et 2019 (54 %).

Source: China Global Investment Tracker , sous l'égide de l'American Entreprise Institute (CGIT).

2. Les stratégies chinoises en oeuvre dans les secteurs stratégiques des transports et de l'énergie
a) La problématique spécifique des investissements chinois dans les ports européens : le Pirée exception ou premier succès ?

Les investissements chinois ont particulièrement frappé les opinions publiques lorsqu'ils ont concerné de grandes infrastructures de transport telles que le port du Pirée en 2016.

Depuis 2013, la Chine a fait l'acquisition de parts dans 14 ports européens et a signé de nombreux protocoles d'accord avec d'autres ports européens. Établi par la place de marché Upply 15 ( * ) dédiée au transport routier en France, le tableau suivant présente un panorama des investissements chinois dans les ports européens.

Investissements chinois dans les ports européens (2013-2018)

* Estimation ** Cosco Pacific (40%), Qingdao Port (10%) *** Cosco (20%), China Merchants Group (5%*) ****China Merchants Port 26%, Cosco 26%, CIC International 13% ***** Cosco a finalisé l'acquisition des 67 % de l'Autorité portuaire du Pirée en 2016.

Source : Upply (à partir de données du site de Cosco et de différentes sources médias en accès libre, tableau présenté dans la note « Quelles leçons tirer des investissements chinois dans les ports européens ? » de Ganyi Zhang publiée le 7 mai 2019 sur le site Upply Analyses et Tendances à l'adresse suivante : https://market-insights.upply.com/fr/quelles-lecons-tirer-des-investissements-chinois-dans-les-ports-europeens .

Comme le montre ce recensement, il est difficile d'avoir une vision complète de l'ampleur des investissements chinois dans les ports européens car les intervenants sont multiples. Terminal Link par exemple est un opérateur de terminaux pour conteneurs détenu à 51 % par le Groupe CMA CGM et depuis 2013 à 49 % par le China Holdings International qui comprend China Merchants Group , dont China Merchants Port est une filiale. Ainsi les principaux investisseurs chinois dans les ports européens sont Cosco Shipping Ports et China Merchants Port , entreprises publiques chinoises qui détiennent chacun des parts dans 7 ports européens 16 ( * ) et un port en Turquie.

Ces investissements sont localisés pour 5 d'entre eux en mer du Nord et 8 en Méditerranée, conformément au caractère global de la stratégie d'investissements chinoise.

Les résultats de cette stratégie d'investissement ne semblaient pas, avant la pandémie, se lire dans l'augmentation des flux des échanges entre l'Europe et la Chine dans les ports ayant fait l'objet de ces investissements chinois. En effet, la Chine a investi dans des ports européens de taille moyenne, à l'exception de Rotterdam et d'Anvers, dans l'objectif supposé d'en faire des portes d'entrée commerciales importantes. Or les chiffres de transport de biens depuis/vers la Chine montrent que les échanges avec la Chine transitent principalement par les trois ports européens les plus importants : Rotterdam, Anvers et Hambourg, et n'irriguent pas de façon égale les autres terminaux bénéficiant d'investissements chinois. « Le Pirée, dont le volume des échanges a largement augmenté, semble, jusqu'à présent, être le seul exemple de réussite des investissements chinois en Europe » 17 ( * ) .

L'investissement chinois le plus emblématique dans ce domaine portuaire concerne le Pirée. Au terme d'un appel d'offre lancé en 2008, qui visait, grâce aux recettes attendues, l'assainissement des finances publiques grecques, Cosco a remporté l'exploitation de 30 % du port méditerranéen. L'État grec devait en contrepartie bénéficier du reversement de 24,5 % des revenus de l'activité du port ; l'investissement chinois dans les infrastructures portuaires devait atteindre 600 millions d'euros et permettre la construction du Pier III , hub pour les conteneurs équivalent vingt pieds (EVP). La livraison des équipements prévus a eu lieu en temps et en heure, et même en avance sur les termes du contrat, et a donné le coup d'envoi de la modernisation du Pirée.

Huit ans plus tard, en 2016, toujours sous l'impulsion de l'Union européenne, le gouvernement grec a lancé un nouvel appel d'offre pour privatiser 67 % de l'exploitation du Pirée (51 % en 2016 et 16 % en 2020 sous réserve de la réalisation des investissements prévus). De nouveau remporté par Cosco 18 ( * ) pour 368,7 millions d'euros et l'engagement d'investir 350 millions d'euros dans les infrastructures portuaires d'ici 2022, ce contrat semble avoir assuré la réussite du Pirée, celle-ci étant ici évaluée à l'aune de l'augmentation des volumes de flux commerciaux entre la Chine et l'Europe. Ainsi, en 10 ans, Cosco a fait du port grec le principal hub logistique chinois dans le bassin méditerranéen et le premier port à conteneurs de Méditerranée et le quatrième en Europe, avec près de 10 % des exportations chinoises pour l'Europe arrivant par le Pirée. Le trafic des containers est passé de 665 000 EVP en 2009 à 5,65 millions EVP en 2019.

Plusieurs questions se posent sur la reproductibilité et la soutenabilité de ce succès :

- l'économie chinoise peut-elle soutenir la croissance rapide des réseaux de transport dans lesquels elle a massivement investi (jusqu'en 2017 pour les ports) ? Le ralentissement économique chinois, qui a précédé la pandémie et le recentrage récent sur l'économie nationale chinoise, crée des incertitudes sur le développement de tous les ports européens dans lesquels la Chine a investi. L'absence d'investissement dans le port de Trieste, alors que l'Italie avait été le premier pays du G7 à signer un mémorandum d'adhésion aux nouvelles routes de la soie, donnait à penser à certains commentateurs que la Chine n'avait plus les moyens de sa politique des routes de la soie. L'économie chinoise devrait connaître, en 2021, un rebond de l'ordre de 8 %, et ses prévisions sont à l'avenant. À cela s'ajoute que les ports offrent un meilleur retour sur investissement que le transport maritime, qui génère de faibles marges. L'investissement portuaire a donc une rationalité économique intrinsèque pour les compagnies de transport maritime, qu'elles soient chinoises ou non ;

- les autorités chinoises implantées localement, en charge du management des investissements réalisés, parviendront-elles à s'adapter aux normes locales afin de garantir la conformité réglementaire des installations, et notamment dans le domaine social et managérial ? Là encore, la question de la performance chinoise est posée par les analystes. Au Pirée, les inquiétudes se multiplient sur le front de la défense de l'environnement, de l'application des règles de sécurité, de l'absence de retombées économiques et d'investissements dans les infrastructures de transport desservant le port, pourtant prévus, de l'absence de rénovation des chantiers navals également clause de l'appel d'offre, des différents projets d'extension, etc. 19 ( * ) . Certaines infrastructures portuaires ont été financées par des fonds communautaires.

- d'autres inquiétudes se font jour sur la présence de plus en plus importante d'acteurs chinois (investisseurs directs ou ultimes) dans les ports européens. Ainsi le think tank Clingendael China Centre ( Clingendael institut néerlandais des relations internationales), dans un rapport destiné au gouvernement néerlandais datant de 2019 20 ( * ) , s'inquiétait de la concurrence déloyale des acteurs chinois dans le domaine portuaire, appelant à vérifier les modalités de leurs investissements. « La Commission européenne devrait examiner si les opérateurs de terminaux à conteneurs chinois opérant dans l'UE ne bénéficient pas directement ou indirectement d'aides de l'État, d'une manière qui perturbe la libre concurrence » 21 ( * ) . De même, l'auteur de cette étude avertit que la présence économique chinoise pourrait se muer en levier d'influence politique. Il s'interroge sur les réactions de la Belgique et des Pays-Bas si le trafic de conteneurs de leurs principaux ports devenait un enjeu non plus seulement économique mais aussi politique ;

- enfin, la question de l'articulation des investissements chinois avec le réseau de transport multimodal de l'Union européenne, le Réseau transeuropéen de transport (RTE-T) 22 ( * ) se pose. Comme ils l'avaient déjà souligné dans leur rapport sur la politique chinoise des nouvelles routes de la soie, vos rapporteurs constatent que, si les investissements chinois sont conformes au développement des réseaux de distribution des produits chinois exportés et aux objectifs stratégiques chinois, ils ne sont que plus rarement adaptés aux enjeux locaux. Leur articulation avec les besoins d'aménagements des territoires, les politiques locales, ou en l'occurrence communautaire, de connectivité des transports et des territoires dépend largement des capacités de financement autonome du développement des territoires. C'est particulièrement vrai sur les territoires très demandeurs d'investissement pour lesquels les perspectives de développement économique et d'emplois pourraient primer sur la cohérence territoriale de leur développement.

Recommandation : Il apparaît donc nécessaire à vos rapporteurs :

- de veiller à la bonne articulation des investissements chinois avec les politiques de développement économique local et de connectivité communautaire, notamment le RTE-T,

- de poursuivre les efforts de recensement des investissements chinois dans les infrastructures de transport.

b) Pourquoi la Chine investit-elle dans les réseaux énergétiques européens ?

Certes, les investissements dans les réseaux énergétiques, secteurs régulés, sont stables et rentables et le choix d'acheter des actifs tangibles au lieu d'acheter des obligations européennes ou américaines ne paraît pas irrationnel. Mais pendant plusieurs années, la rationalité économique des investissements chinois réalisés à partir de 2012, tant dans les réseaux portugais, italien et grec, que dans différents groupes énergétiques de très nombreux pays européens (Portugal, Italie, Grèce, Royaume-Uni 23 ( * ) , Danemark, Norvège, les pays d'Europe centrale et orientale ainsi que les Balkans) ne paraissait pas évidente. Pourtant le régime d'encadrement des investissements chinois à l'étranger n'a pas visé à restreindre les sorties de capitaux vers le secteur jugé stratégique des énergies renouvelables 24 ( * ) .

Ceci s'explique si l'on considère :

- l'opportunité offerte par les aides aux énergies renouvelables et les différents régimes de soutien mis en place en Europe. Elles ont favorisé l'émergence d'acteurs économiques dans ce secteur dans le cadre des engagements communautaires en faveur de la lutte contre le réchauffement climatique. Ceux-ci ont été fragilisés par la crise de 2008 et les restrictions budgétaires qui ont découlé du niveau d'endettement public incompatible avec le pacte de stabilité européen. De réelles opportunités de rachat et d'investissements se sont ainsi ouvertes aux acteurs chinois du secteur,

- la priorité visant à faire du développement vert le moteur de la croissance chinoise. Le 11 e plan quinquennal chinois (2006-2010) tendait à répondre aux besoins conséquents en électricité de l'économie chinoise alors au plus fort de sa croissance, et à tirer les leçons des échecs passés. La révolution verte de la transition énergétique ne devait pas se faire sans la Chine. Ce plan a porté ses fruits : « conséquence des investissements massifs consentis dans ce cadre, ce pays est devenu un leader incontesté dans ce domaine. En 2017, la Chine était à l'origine de plus d'un tiers de la production mondiale de panneaux solaires et de la moitié des projets éoliens installés dans le monde. Elle a ainsi investi plus de 102 milliards de dollars dans les énergies renouvelables en 2016 et prévoit de porter à environ 360 milliards de dollars ses investissements dans les énergies renouvelables d'ici à 2020. Les entreprises chinoises de l'économie verte sont de plus en plus concurrentielles et c'est probablement l'un des tout premiers secteurs où la Chine est en pointe en matière de technologies » 25 ( * ) ,

- enfin, la vision chinoise du réseau d'énergie renouvelable mondial interconnecté du futur à l'horizon 2070. Il s'agit du projet Global Energy Interconnexion (GIE) basé sur un réseau international interconnecté de lignes électriques à Ultra Haute Tension (UHT) 26 ( * ) permettant de transporter de grandes quantités d'électricité sur de longues distances. Il répondrait également aux besoins de l'économie chinoise annoncée en très forte croissance après la pandémie. Présenté en 2015 lors du sommet des Nations unies sur le développement durable par Xi Jinping, ce projet serait alimenté principalement par des sources d'énergie renouvelables et ferait appel à l'intelligence artificielle pour optimiser l'allocation et le transport des ressources énergétiques renouvelables en fonction des besoins. L'encadré suivant présente de façon plus détaillée le GIE 27 ( * ) .

Le projet Global Energy Interconnexion (GIE)

« À l'horizon 2070, 18 lignes UHT, d'une longueur cumulée de 177 000 km, devraient assurer un quadrillage planétaire Nord-Sud et Est-Ouest afin de transporter l'électricité entre pays et continents. Pour ce faire, le plan de développement du GEI comporte trois grandes étapes :

- 2035 : interconnexion nationale. Les pays auraient un réseau national développé et efficient et seraient reliés entre eux sur leur continent. L'Asie, l'Europe et l'Afrique prendraient l'initiative de coupler leurs réseaux formant cinq réseaux horizontaux et cinq réseaux verticaux représentant un flux de capacité de 280 GW.

- 2050 : interconnexion continentale. Les interconnexions entre l'Afrique, l'Eurasie et l'Amérique seront bâties formant sept réseaux horizontaux et sept réseaux verticaux. Le flux de capacité estimé serait de 720 GW.

- 2070 : interconnexion internationale. Le réseau passant par l'Arctique sera mis en place formant un paysage énergétique mondial avec neuf réseaux horizontaux et neuf réseaux verticaux connectant les cinq continents. Les flux de capacité estimés seraient de l'ordre de 1,25 TW. »

« Le coût de développement total du projet est estimé à 38 000 milliards de dollars. La répartition serait la suivante : 27 000 milliards de dollars pour la production d'électricité et 11 000 milliards de dollars pour l'investissement dans le réseau électrique. »

« Le projet d'interconnexion des réseaux nord-asiatiques (NAEG) est la première brique du projet GEI et doit interconnecter les pays suivants : la Chine, la Russie, la Mongolie, la Corée (Sud et Nord) et le Japon.

Le NAEG est primordial pour le projet GEI puisque ces six pays représentent 24 % de la population mondiale, 26 % du PIB, 34 % de l'énergie consommée et 35 % de l'électricité produite.

Aujourd'hui, le NAEG n'en est toutefois qu'à ses balbutiements. Il existe six interconnexions : une ligne de 220 kV entre la Chine et la Mongolie, deux lignes de (110 kV et 220 kV) entre la Mongolie et la Russie, trois lignes (110 kV, 220 kV et 500 kV) entre la Chine et la Russie. La construction du NAEG repose sur deux principes qui sont de construire les interconnexions du plus facile au plus difficile et du plus proche au plus éloigné. Le plan de développement comprend trois grandes étapes :

- raccorder la Chine, la Mongolie et la Russie. L'électricité produite par les barrages russes et sibériens, l'électricité des fermes solaires et éoliennes mongoles et celle des fermes éoliennes de la Chine seraient transportées grâce à des lignes UHT en courant continu ;

- raccorder la Chine, la Corée et le Japon avec des lignes UHT ;

- relier les grands centres de production au réseau chinois en allant notamment chercher l'énergie éolienne dans la région arctique de la Russie et créer un anneau reliant la région arctique et le Japon.

Plusieurs projets de lignes UHT dont les longueurs sont comprises entre 190 km pour les plus petites et 2 360 km pour les plus longues, sont en cours de réflexion. Deux lignes sous-marines sont à prévoir reliant la Chine et la Corée ainsi que la Corée et le Japon.

Le développement du projet NAEG passerait par la construction de 12 lignes UHT et permettrait d'interconnecter six pays d'Asie du Nord-Est. Ce projet aboutirait à la mise en place d'un marché d'échange de l'électricité comme en Europe. Plusieurs avantages en faveur de ce projet ont en outre été recensés, notamment économique. La création d'un réseau interconnecté aboutirait à un marché d'échanges comme en Europe, qui permettrait à la Chine ou encore au Japon d'acheter son électricité à des coûts plus bas qu'actuellement. Étant donné le décalage horaire, les pointes de consommation entre le Japon et la Russie par exemple sont décalées et permettent d'optimiser au mieux le réseau. Les différences d'horaires entre les pays permettraient de lisser les courbes de charge et rendre le réseau moins sensible aux fortes variations de demande de puissance. »

Extraits du Mastère OSE (Optimisation des Systèmes Énergétiques) « Les projets chinois de lignes électriques à ultra haute tension », de Côme Gendron et Abdelhamid Ahajjam, du 7  janvier 2020 .

S'agissant du volet européen du projet chinois, comme pour la politique des nouvelles routes de la soie, le principe de labélisation d'investissements ou d'achats, déjà réalisés, semble fonctionner à plein et a permis d'inclure les précédents investissements chinois dans le réseau énergétique européen dans le GIE et de présenter ainsi une certaine cohérence d'ensemble.

Ces investissements se sont poursuivis, autant que le permettaient les nouvelles mesures de surveillance des investissements étrangers. En 2016, la compagnie China Three Gorges a ainsi acheté le parc éolien offshore de Meerwind , entreprise allemande. En 2018, cette même compagnie a poursuivi son investissement dans Energias de Portugal , plus grande entreprise d'énergie portugaise, pour le porter de 23,3 % à plus d'un tiers du capital, soit un apport de 2,7 milliards d'euros. State Grid Corporation of China (SGCC) a acquis en 2012 25 % de l'opérateur portugais REN ( Redes Energeticas Nacionais ), puis a fait son entrée en 2014 en Italie avec le rachat de 35 % de CDP Reti (soit 2,1 milliards d'euros). Cette filiale de la Caisse des dépôts italienne détient 30 % du groupe de transport de gaz Snam et 30 % du réseau d'électricité Terna . En 2014, les opérateurs nucléaires China General Nuclear Corporation et China National Nuclear Corporation ont été retenus avec les français EDF et Areva pour la construction d'un réacteur nucléaire dans le sud de l'Angleterre, un projet de 19 milliards d'euros, etc.

En annexe du présent rapport, figure un recensement des investissements chinois dans le secteur électrique européen 28 ( * ) . Il est intéressant de noter que les auteurs du rapport soulignent qu'« en devenant membre de TSOs [réseaux de transports] européens, les acteurs chinois sont devenus de facto membres de l' ENTSO-E [European association for the cooperation of transmission system operators (TSOs) for electricity, soit le Réseau européen des gestionnaires de réseau de transport d'électricité] et ils ont donc maintenant la possibilité de connaitre précisément les potentielles vulnérabilités de l'ensemble du système électrique européen » 29 ( * ) .

Le GEI comporte un volet européen qui a suscité la réaction de la Commission européenne en 2017 sur la possible interconnexion électrique Chine-Europe au moyen de lignes UHT (on parle ici de lignes couvrant une distance d'environ 7 500 km pour relier par exemple la France et le centre de la Chine).

Un rapport 30 ( * ) a été publié sur ce projet et envisageait trois hypothèses, pour le passage de la ligne principale : Route du Nord, Route du milieu et Route du Sud présentées ci-dessous. Deux des itinéraires envisagés traverseraient des zones de conflit. La Route du Milieu évite cet écueil mais a l'inconvénient de traverser sept pays, soit autant de démarches sur la base de règlementations différentes à mener. Les coûts de ces hypothèses s'échelonnent entre 16 et 26 milliards d'euros, ce qui paraît conséquent alors que l'Union est très loin d'avoir achevé son interconnexion électrique interne à son territoire.

Coûts, avantages et inconvénients des trois hypothèses de connexion électrique en lignes UHT entre la Chine et l'Union européenne

Source : Mastère OSE « Les projets chinois de lignes électriques à ultra haute tension », précité.

L'UE a donc étudié le GIE et ainsi analysé la stratégie globale chinoise dans le domaine de l'énergie. Elle mène, pour sa part, une politique de développement de ses infrastructures énergétiques conforme au RTE-T. Un mécanisme pour l'interconnexion en Europe ( Connecting Europe Facility ) a été mis en place en 2013 par l'Union européenne, il s'agit d'un programme de cofinancement pour accompagner le programme RTE-T. Une enveloppe budgétaire de 24,05 milliards d'euros sur la période de 2014 à 2020 a été mise en place, dont 5,35 milliards d'euros pour les infrastructures transeuropéennes d'énergie. Pour la période 2021-2027, ce mécanisme a été renouvelé à hauteur de 8,7 milliards d'euros pour les projets énergétiques.

En mars 2015, l'UE a approfondi sa réflexion en adoptant, lors de la réunion du Conseil européen, le projet dit d'« Union de l'énergie » visant à définir une politique énergétique cohérente et sécurisant l'approvisionnement énergétique. Les cinq piliers de cette Union de l'énergie sont les suivants : la pleine intégration du marché européen de l'énergie, avec, pour corollaire, la construction de réseaux gaziers et électriques transfrontaliers, la décarbonation de l'économie, l'efficacité énergétique comme moyen de modérer la demande, la sécurité énergétique, et enfin la recherche, l'innovation et la compétitivité. Cette politique trouve des applications concrètes. En 2019, la Commission européenne a ainsi accordé, au titre du mécanisme pour l'interconnexion en Europe, une subvention de 530 millions d'euros au projet d'interconnexion électrique entre la France et l'Irlande, dénommé « Celtic interconnector » 31 ( * ) .

L'interconnexion pose des défis réels, les distances et les investissements nécessaires sont gigantesques, les tensions liées à la sécurité de l'approvisionnement et à l'atteinte d'un niveau de production ou d'importation répondant aux besoins nationaux sont réelles. À cela s'ajoutent encore les défis posés par le respect des engagements climatiques. Ces projets d'interconnexion posent également des questions de sécurité et de dépendance énergétique des pays dans lesquels les investissements chinois ont atteint des proportions significatives.

3. La localisation géographique des investissements chinois au sein de l'Union européenne
a) La très forte concentration dans l'Union européenne des IDE chinois

Entre 2000 et 2019, la répartition géographique des IDE chinois dans l'UE a été très hétéroclite, mais sur cette durée il apparaît que le Royaume-Uni était de fait la première destination des IDE chinois dans l'Union européenne, cumulant 28,3 % des investissements, soit 50,3 milliards d'euros. Les pays ayant ensuite bénéficié des IDE chinois ont été l'Allemagne, puis l'Italie et enfin la France. Ces 4 pays récipiendaires ont capté nettement plus de la moitié des investissements chinois réalisés dans l'Union (soit 58 %).

Destinations principales des IDE chinois dans l'UE à 28
Entre 2000 et 2019 (en milliards d'euros)

Pays

Montant

Proportion du total des IDE chinois en Europe

Royaume-Uni*

50,3

28,3%

Allemagne

22,7

12,7%

Italie

15,9

8,9%

France

14,4

8,1%

Finlande

12

6,7%

Total

115,3

64,7%

*Pour des raisons méthodologiques, et pour permettre la comparaison à moyen terme, les effets du Brexit ne sont pas ici pris en compte.

Source : Rhodium Group

La Finlande est le 5 e pays bénéficiant le plus des investissements chinois réalisés dans l'Union européenne. Ces dernières années, les investissements dans les pays du Nord de l'UE, comprenant l'Estonie, la Lettonie, la Lituanie, l'Irlande, le Danemark, la Finlande et la Suède ont largement progressé. Alors qu'ils ne représentaient que 4 % des IDE chinois dans l'UE en 2017, ils se sont établis à 26 % en 2018, puis 53 % en 2019. L'acquisition du groupe finlandais Amer Sports 32 ( * ) par Anta pour 4,6 milliards d'euros en 2019 explique en grande partie cette progression annuelle. En annexe du rapport, un aperçu de la politique chinoise en Arctique est présenté.

En 2020, dans l'Union européenne et en Grande-Bretagne, les IDE chinois ont drastiquement diminué, de 45 % par rapport au niveau de 2019. Les investissements chinois retrouvent ainsi le même niveau qu'en 2010 (soit 6,5 milliards d'euros, selon une étude conjointe de l'institut Rhodium et du think tank Merics 33 ( * ) . C'est une évolution inverse qui était attendue, voire redoutée. Nombre de pays de l'Union européenne redoutaient que les entreprises chinoises, remises plus vite des effets de la crise sanitaire, n'achètent massivement des entreprises européennes en difficulté (comme après la crise de 2008), les investissements chinois se sont au contraire fortement contractés. Outre les régimes de surveillance chinois, sur les capitaux sortants, et européens, sur les IDE, l'incertitude liée à la situation sanitaire pourrait expliquer cette évolution. Il est donc trop tôt pour en faire une tendance installée.

En annexe du rapport, une présentation synthétique des IED chinois en Afrique est présentée. On constate que la baisse des investissements chinois a été plus tardive qu'en Europe, mais aussi plus brutale, les flux chutant à partir de 2019 de 49,8 %. La concentration des investissements chinois sur les secteurs stratégiques de l'énergie et des transports, constatée en Europe, se retrouve dans les investissements réalisés en Afrique.

b) La France est le 4e pays de l'UE à avoir le plus bénéficié des IDE chinois

Le stock des IDE chinois en France, mesuré par investisseur ultime, a bondi depuis 2014, selon les chiffres de la Banque de France. Il est passé de 1,2 milliard d'euros en 2013 à 10,1 en 2017 avant de retomber à 8,7 en 2018. Avec un stock évalué à 14,4 milliards d'euros, par le groupe Rhodium, la France a ainsi été de 2000 à 2019 la 4 e destination privilégiée des investissements chinois en Europe, comme le montre la carte suivante.

Les investissements chinois importants ont concerné plusieurs secteurs économiques, allant des semi-conducteurs au luxe, comme le montre le tableau suivant recensant les investissements supérieurs à 100 millions de dollars. Il s'agit notamment :

- en 2014 de l'achat du groupe Louvre Hôtels (Campanile, Kyriad...) par Jin Jiang pour 1,3 milliard d'euros,

- en 2016 de la prise de participation majoritaire dans la marque de vêtement de luxe SMC P 34 ( * ) par Shandong Ruyi Technology pour 1,3 milliard d'euros,

- et en 2018 de l'achat du producteur de cartes à puce Linxens par Tsinghua Unigroup pour 2,2 milliards d'euros.

Les données de CGIT, enregistrant les investissements de plus de 100 millions de dollars entre 2006 et 2019, évaluent à 24,8 milliards de dollars 35 ( * ) le montant des investissements réalisés par des entreprises chinoises en France. Le secteur principal d'investissement est l'énergie avec 6,7 milliards de dollars (et des investissements concentrés essentiellement entre 2008 et 2011), vient ensuite le secteur du tourisme avec 4,8 milliards de dollars puis celui des technologies avec 3,4 milliards de dollars. Ces trois secteurs captant à eux seuls 60 % des IDE chinois de plus de 100 millions de dollars entre 2006 et 2019.

Enfin, selon Business France, en 2019, les entreprises chinoises ont investi dans 65 projets, contre 57 en 2018, principalement dans le conseil, l'ingénierie et le services aux entreprises (pour 11 % des IDE), dans les équipements électriques, électroniques et informatiques (8 %), dans l'énergie (8 %) et enfin dans l'électronique grand public (8 %).

4. Les pays du Forum 17/16+1 sont-ils une destination privilégiée des IDE chinois ?
a) Un format en perte d'attractivité ?

En 2012 36 ( * ) , la Chine a créé un forum faisant office de cadre pour ses relations avec les pays d'Europe centrale et orientale appelé « Format 16+1 ». Ce Format donne à la Chine des interlocuteurs privilégiés dans ces pays, et offre à ceux-ci un accès direct aux autorités chinoises, renforçant ainsi leur position internationale.

Initialement les membres étaient, outre la Chine, 16 États d'Europe centrale et orientale, dont 11 sont membres de l'Union européenne : la Bulgarie, la Croatie, l'Estonie, la Hongrie, la Lettonie, la Lituanie, la Pologne, la République tchèque, la Roumanie, la Slovaquie et la Slovénie, et cinq États candidats à l'entrée dans l'UE : l'Albanie, la Bosnie-Herzégovine, la République de Macédoine du Nord, le Monténégro et la Serbie. Sont membres de l'OTAN 14 membres du format 16+1 : l'Albanie, la Bulgarie, la Croatie, l'Estonie, la Hongrie, la Lettonie, la Lituanie, le Monténégro, la Pologne, la République de Macédoine du Nord, la République tchèque, la Roumanie, la Slovaquie et la Slovénie.

Doté depuis le sommet du format de 2016 de structures permanentes réparties sur l'ensemble des États membres 37 ( * ) , le format porte sur des coopérations dans tous les domaines : culture, agriculture, finance, diplomatie, énergie, etc. Lors du même sommet, a été annoncée la mise en place du « Fonds d'Investissement Europe centrale et orientale-Chine » de 10 milliards d'euros, apportés par l'Industrial and Commercial Bank of China , destiné aux investissements chinois dans les pays du format. L'augmentation un temps annoncée du budget du Fonds à 50 milliards d'euros ne semble pas avoir eu lieu.

En avril 2019, lors du sommet de Dubrovnik, la Grèce a rejoint le format 16+1 qui devint pour l'occasion le format 17+1. La relation entre la Chine et la Grèce s'est développée de façon fructueuse à un moment où la Grèce en avait particulièrement besoin.

Ainsi, lors de la récession profonde qu'elle a traversée, la Grèce a ouvert le capital de ses infrastructures. Les offres européennes ont été rares. Le port du Pirée a bénéficié de l'offre de Cosco en 2016, ce qui a suscité un certain émoi en Europe. De même, le programme « Visa d'or », permettant aux citoyens non-européens de bénéficier d'un visa européen en échange d'un investissement dans l'immobilier à hauteur de 250 000 euros, mis en place en 2014, a rencontré l'adhésion chinoise. Sur les 17 767 permis accordés depuis 2014, 12 318 l'ont été à des investisseurs chinois et à leurs familles 38 ( * ) .

La Chine semble avoir fait de la réussite de ses investissements en Grèce et de cette relation bilatérale une priorité stratégique. Lors de la visite en Grèce du Président Xi Jinping en novembre 2019, 16 accords bilatéraux ont été signés. L'implantation de la Banque de Chine en Grèce a également été annoncée. L'adhésion de la Grèce au format avait été présentée comme un signe de son dynamisme par la Chine, et avait suscité de nombreuses interrogations au sein de l'Union européenne qui s'interrogeait sur l'impact de cette relation renforcée sur les prises de positions des autorités grecques. Après le blocage en 2017 par la Grèce d'une motion européenne à l'Organisation des Nations unies pour dénoncer les entorses aux droits de l'Homme en Chine, des inquiétudes se sont exprimées : « la Grèce n'estime certainement plus avoir la même liberté pour critiquer la Chine qu'avant les investissements chinois » 39 ( * ) .

L'attractivité du format semble pourtant doublement remise en cause. En témoignent, chacune à leur manière, l'initiative des trois mers (ITM) 40 ( * ) et la décision de la Lituanie de quitter le format 17+1.

Le format 16+1 n'épuise visiblement pas le besoin de développement d'infrastructures des pays membres. En 2016, alors que la participation de la Russie au format 16+1 est évoquée 41 ( * ) , la Pologne porte l'idée d'une coopération renforcée dans l'espace centre-européen entre la mer Baltique, la mer Adriatique et la mer Noire. L'initiative des trois mers réunit ainsi l'Autriche, la Bulgarie, la Croatie, la République tchèque, l'Estonie, la Hongrie, la Lettonie, la Lituanie, la Pologne, la Roumanie, la Slovaquie et la Slovénie, tous membres de l'Union européenne. Cette coopération s'appuie sur trois piliers : les infrastructures de transport et de communication, l'approvisionnement énergétique - la recherche de la diversification des sources d'approvisionnement énergétique par rapport à la prédominance de la Russie dans ce domaine est souvent présentée comme l'une des fondations essentielles de l'ITM - et la coopération scientifique et culturelle. Il s'agit notamment de favoriser un axe Nord-Sud au sein des pays concernés, complétant l'axe Est-Ouest. La réalisation d'un couloir de transport reliant la Baltique et l'Adriatique est une des ambitions de l'ITM 42 ( * ) . Parmi les projets principaux, on retrouve le projet Via Carpatia , de construction d'une autoroute reliant la Lituanie à la Grèce, le projet Via Baltica , de route allant de l'Estonie à la Pologne, et le projet de corridor gazier Nord-Sud reliant la Baltique et l'Adriatique 43 ( * ) . En 2017, le Président américain invité au sommet de l'ITM, a annoncé l'appui de son pays. Il est précisé que les projets de l'ITM viendraient en complémentarité des projets réalisés dans le cadre de l'UE. En 2017, les projets énergétiques en cours de réalisation ou planifiés dans le cadre de l'ITM figuraient sur la liste des projets d'infrastructure prioritaires de l'Union appelés projets d'intérêt commun (PIC) et bénéficient à ce titre de financements communautaires. Enfin, les pays participants ont mis en place le Forum Business des trois mers.

En mai 2021, la Lituanie a annoncé son souhait de quitter le format, redevenant pour l'occasion format 16+1, estimant qu'il était un facteur de division du point de vue de l'Union européenne. Ses relations avec la Chine étaient tendues lorsque Vilnius a choisi de confier son réseau 5G à l'entreprise suédoise Telia (et non Huawei ). Les irritants se sont multipliés avec l'annonce de l'ouverture d'un bureau de représentation commerciale lituanien à Taïwan, l'expression de doutes sur l'indépendance de l'OMS dans l'enquête menée en 2021 sur l'origine de la pandémie de covid-19 et la reconnaissance par le parlement lituanien, selon les termes de son vote, « d'un risque sérieux de génocide » perpétré contre les Ouïghours.

Les modalités de développement du commerce entre la Lituanie et Taïwan sont entendues par Pékin comme une remise en cause du principe d'une seule Chine. En conséquence, les autorités chinoises ont rappelé leur ambassadeur en Lituanie, Shen Zhifei, et exigé que l'ambassadeur de Lituanie à Pékin soit rappelé le 10 août. Le ministère chinois du Commerce a appelé le gouvernement lituanien à « corriger immédiatement sa mauvaise décision et à prendre des mesures pour favoriser la coopération économique et commerciale » entre la Chine et la Lituanie. Selon l'agence de presse de Taïwan, la Chine aurait décidé de freiner les échanges dans les secteurs de l'agriculture, de l'élevage et du bois, alors que les échanges entre la Chine et la Lituanie avaient progressé de 21 % en glissement annuel 44 ( * ) .

L'appartenance au format 17+1 (devenu depuis 16+1) ne semble pas avoir facilité le dialogue entre la Chine et la Lituanie ni avoir permis de trouver une issue favorable aux crispations de la relation bilatérale. Cependant, les sanctions appliquées par la Chine à la Lituanie devraient avoir un fort effet dissuasif pour les autres pays membres du format, ce qui pourrait être l'un de leurs objectifs.

Les résultats économiques du format ne paraissent pas non plus être à la hauteur des ambitions chinoises affichées et des espoirs des pays européens.

b) Des niveaux d'investissements chinois relativement modestes

Les engagements financiers de l'UE dans le secteur des infrastructures dépassent les engagements chinois réellement déboursés : 1 809 contre 1 662 millions d'euros en Serbie, 1 184 contre 614 millions en Bosnie-Herzégovine. Seule exception, le Monténégro : 344 contre 796 millions 45 ( * ) .

Les fonds structurels européens pour 2014-2020 s'élevaient à 86 milliards d'euros pour la Pologne, premier bénéficiaire de la politique structurelle communautaire, et 25 milliards d'euros pour la Hongrie, 6 e bénéficiaire de cette politique. À titre de comparaison, le Centre pour les Études Stratégiques et Internationales de Washington estime que, depuis 2012, la Chine a dépensé 15 milliards de dollars en direction des pays d'Europe centrale et orientale (qu'ils fassent ou non partie de l'UE).

Les pays de l'Europe centrale et orientale n'ont pas reçu en proportion de ce qu'ils attendaient. Ils ont en fait obtenu « des promesses d'infrastructures assorties de prêts à rembourser avec intérêt » 46 ( * ) . Ainsi, l'Europe de l'ouest bénéficie bien plus des investissements chinois que l'Europe orientale. Entre 2008 et 2014, parmi les 20 investissements chinois dans des entreprises européennes, un seul a été réalisé en Europe centrale (une usine chimique en Hongrie). Les investissements les plus importants ont bénéficié au Royaume-Uni (aux alentours de 40 milliards d'euros), puis à l'Allemagne, puis à l'Italie, à la France (aux alentours de 10 milliards d'euros) et au Portugal.

Les investissements chinois en Hongrie sont à la sixième place avec 2,1 milliards d'euros (contre 25 milliards d'euros au titre des fonds structurels sur la précédente période de programmation) et le reste de l'Europe centrale et orientale est situé plus bas sur cette liste 47 ( * ) . La Pologne aurait bénéficié d'un milliard d'euros d'investissements chinois, la Roumanie, 900 millions et la République tchèque, 600 millions. Selon le think tank du Parlement européen EPRS , en période de crise la Grèce a bénéficié d'investissements chinois à hauteur de 1,2 milliard d'investissements chinois, contre 6 milliards pour le Portugal.

Des chantiers menés par des entreprises chinoises sont financés par des fonds européens. Ainsi en est-il du pont de Peljesac, en Croatie, opéré par la China Road and Bridge Corporation ( CRBC ), d'une valeur de 278 millions d'euros. L'Union européenne n'est pas toujours clairement identifiée auprès des populations locales comme investisseur principal lorsque des infrastructures sont financées par des fonds européens. À l'inverse, le Sommet du format 17+1 de Dubrovnik en 2019 s'intitulait « Ouverture, innovation, partenariats - Construisons de nouveaux ponts », allusion directe au pont de Peljesac. Le Premier ministre chinois a d'ailleurs visité le chantier pour marquer la fin de la première phase des travaux.

Enfin, des projets d'investissement chinois en Europe, tels que la reconstruction de la voie ferrée entre Belgrade et Budapest, se sont heurtés à la législation européenne, en raison notamment de l'absence d'appel d'offres public.

c) Ce format crée-t-il des portes d'entrée pour la Chine au sein de l'Union Européenne ?

La relation privilégiée que semblent désormais entretenir la Grèce et la Chine n'est pas la seule à inquiéter, notamment au sein de l'Union européenne. Pour de nombreux analystes, ce format pourrait être un instrument de division et de mise en concurrence entre États membres et entre les politiques communautaires et les initiatives du format 16+1 (également appelées directives présentées lors des différents sommets, quasi annuels, du format).

Outre la Grèce, la Hongrie voit régulièrement sa relation avec la Chine interrogée 48 ( * ) . Elle pourrait devenir un hub logistique majeur dans les échanges entre la Chine et l'Europe. La Hongrie est le sixième pays de l'Union européenne à bénéficier des investissements chinois. Selon le Chinese Investment Tracker de l'American Enterprise Institute , la Hongrie est le quatrième bénéficiaire des investissements chinois dans le secteur du transport et de la logistique et le premier dans le domaine ferroviaire parmi les pays du format 17 +1. En 2020 la Chine est devenue pour la toute première fois le premier investisseur étranger de la Hongrie.

En termes de trafic intermodal, la Hongrie joue un rôle essentiel dans le projet chinois dit China-Europe Land Sea Express offrant une connexion maritime rail depuis le port du Pirée : une liaison maritime assure la liaison vers Trieste où les marchandises sont ensuite acheminées en train complet jusqu'à Budapest pour un temps de transit total compris entre 28 et 35 jours entre la Chine et Budapest. En 2020, malgré la pandémie mondiale, cette route intermodale a connu une croissance de 47 %.

La Chine construit le plus grand et le plus moderne terminal ferroviaire intermodal d'Europe, doté d'installations 5G, à Fényeslitke. En 2022, les premiers trains en provenance de Chine devraient décharger leurs conteneurs au Terminal East/West Gate , qui deviendra ainsi une nouvelle porte ferroviaire sur l'Union européenne.

Cet investissement conforte la réalisation, initiée en 2019, du chemin de fer reliant Budapest à Belgrade financée en grande partie par un prêt de la Chine. La même année, Cosco a pris une participation de 15 % au Bilk Rail Cargo Terminal . La ligne ferroviaire devrait être achevée en 2025.

La Hongrie devrait également devenir un hub du fret aérien entre la Chine et l'Europe. Une première série d'accords avec deux aéroports chinois a permis de multiplier le fret aérien en provenance de Chine entrant en Hongrie par 3,6 en 2019. En janvier 2021, un terminal exclusivement dédié au traitement des flux de fret aérien en provenance et à destination de Chine a été mis en place à l'aéroport de Budapest.

Ces investissements suscitent l'intérêt des entreprises de commerce électronique, notamment chinoises. La filiale logistique d' Ali Baba 49 ( * ) a ainsi fait de Budapest son point d'entrée pour l'Europe centrale et orientale en déployant cinq liaisons cargo aériennes par semaine. L'augmentation des flux d'ici à la fin 2021 devrait atteindre 30 %. Ceci devrait entraîner l'implantation de centres logistiques en Hongrie pour les entreprises chinoises qui cherchent à développer leurs activités sur le marché de l'Europe centrale et orientale.

Autre axe de coopération entre la Chine et la Hongrie, l'exportation des produits agricoles devrait bénéficier de l'amélioration des infrastructures de transport. Lors du sommet qui s'est tenu entre la Chine et les PECO en 2021, les autorités chinoises ont ainsi annoncé un objectif de 170 milliards de dollars d'importation de produits en provenance de l'Europe centrale et orientale dans les cinq années à venir. Dans ce contexte, la Hongrie deviendrait un point d'entrée et de sortie des échanges en provenance et vers la Chine.

Enfin, la Hongrie devrait accueillir l'université chinoise Fudan, classée 100 e au classement de Shanghaï. Un protocole d'accord a été signé en décembre 2020 pour ouvrir dans le sud de la capitale hongroise à l'horizon 2024 ce qui sera le premier campus d'une grande université chinoise en Europe. Implanté sur 130 hectares, et représentant un investissement de 2,3 millions d'euros du gouvernement hongrois, ce campus devrait accueillir entre 5 000 à 6 000 étudiants et 500 enseignants 50 ( * ) . Ce projet controversé a fait l'objet de commentaires inquiets, mais aussi de manifestations. Son coût véritable est l'objet de toutes les spéculations, faute de transparence : « le coût du projet atteindrait 1,5 milliard d'euros, dont 1,3 milliard financé par un prêt chinois. En échange, Budapest s'engagerait à faire travailler uniquement des entreprises de construction chinoises, ainsi que des ouvriers venus de l'empire du Milieu ». 51 ( * )

La position du Premier ministre Viktor Orban, très isolé au sein de l'Union européenne, n'exclut pas les provocations et les singularités. Est-ce pour ménager la Chine ou pour s'opposer à la politique communautaire qu'il s'est opposé plusieurs fois « à des prises de positions européennes communes sur la situation à Hongkong ou des Ouïgours » 52 ( * ) ?

d) Le format 16+1 ouvre-t-il l'Europe hors Union européenne à la Chine ?

Selon un rapport de l'Irsem 53 ( * ) , « sur la période 2005-2019, on estime à 14,6 milliards de dollars les investissements et contrats chinois dans les Balkans occidentaux, la Serbie dominant avec 10,3 milliards de dollars . » C'est la prise en compte des prêts qui permet d'obtenir un tel montant, les « investissements chinois » n'étant pas des IDE mais des prêts consentis par les banques chinoises.

Des travaux importants ont concerné les infrastructures, à l'image du pont Mihail Popun (Zemun-Borca) inauguré en 2015, de la construction de l'autoroute « Milos le Grand », et le secteur de l'énergie avec la modernisation de centrales thermiques et la reconstruction de la centrale thermique Kostolac près de Belgrade. De même, le 22 janvier 2021, le mémorandum d'entente a été signé sur la construction du métro de Belgrade entre le gouvernement serbe, ville de Belgrade, le groupe chinois Power China et le groupe français Alstom .

Les IDE chinois sont concentrés sur les secteurs stratégiques, matières premières comprises. Ainsi, la société RTB Bor , spécialisée dans l'extraction du cuivre, est désormais contrôlée à 63 % par des investisseurs chinois. La Serbie n'a ainsi plus le contrôle d'une matière première de première importance pour le développement de la région et son autonomie stratégique. Selon le rapport de l'Irsem précité, les investissements chinois s'avèrent peu rentables pour la Serbie car ils induisent peu de retombées économiques : les chantiers sont réalisés par des travailleurs chinois, ne créant pas ou peu d'emploi localement 54 ( * ) .

La coopération économique se traduit également par la signature de plusieurs accords économiques qui ont permis à la Serbie d'exporter des produits divers à destination de la Chine, allant du bois et du tabac à de l'acier en passant par des conducteurs électriques. La Chine est le troisième plus important partenaire commercial de la Serbie en 2020, avec une balance commerciale particulièrement déséquilibrée puisque les exportations serbes s'élèvent à 329 millions d'euros, et les importations en provenance de Chine atteignent le montant de 2,87 milliards d'euros.

La coopération entre la Chine et la Serbie s'est encore approfondie à l'occasion de la pandémie de coronavirus. Les pouvoirs publics serbes se sont largement plaints de l'absence d'aide de l'Union européenne, d'abord lorsque le manque d'équipement et de matériel médical s'est fait sentir, puis lorsque les autorités ont cherché à acheter des vaccins en vue d'une campagne de vaccination de la population. Les avions chinois chargés de matériels médicaux ont été salués par les médias et par le panachage des rues de Belgrade de grandes pancartes à la gloire du président chinois. De même, « début mars, deux millions de doses, dont le prix a été gardé secret, étaient déjà arrivées. Grâce à elles, les Serbes affichent l'un des meilleurs taux de vaccination d'Europe ». 55 ( * ) Ce sont 4 millions de vaccins chinois qui ont ainsi été achetés. La Serbie, la Chine et les Émirats arabes unis sont par ailleurs convenus de la construction d'une usine de fabrication des vaccins de la société chinoise Sinopharm en Serbie.

S'agissant du format 16+1, vos rapporteurs réitèrent la recommandation de leur rapport n° 520, précité :

Acte est donné aux pays membres de l'Union européenne qui participent au « Format 16+1 » qu'ils respectent les normes communautaires, particulièrement dans les domaines de compétences partagées qui sont abordés dans le cadre de leur coopération avec la Chine. La Commission européenne et le SEAE sont invités en tant qu'observateurs aux sommets du Format. Les pays membres de l'Union européenne pourraient s'appuyer sur eux pour définir, en tant que de besoin, des positions communautaires au sein du Format afin de défendre au mieux leurs intérêts et leur éviter ainsi de se trouver mis en concurrence sur certains sujets. Il serait souhaitable que les prochains formats 16+1 fassent l'objet d'une concertation entre les pays membres de l'Union européenne, afin que la cohérence communautaire ne soit pas prise en défaut et que les membres de l'Union veillent tous ensemble à défendre leurs intérêts communs à l'occasion de chaque rencontre avec la Chine, quel qu'en soit le format.

5. La stratégie chinoise d'investissement en Europe : risques et opportunités

Vu les montants en jeu, et la répartition des investissements chinois dans des secteurs économiques stratégiques, il importe de parvenir à caractériser les investissements/prêts chinois en Europe.

a) Les investissements chinois : action économique et/ou instruments au service d'une stratégie géopolitique chinoise ?

Selon la Cour des comptes européenne : « depuis les années 80, la Chine met en oeuvre une stratégie d'investissement qui encourage ses entreprises, tant publiques que privées, à investir à l'étranger dans des secteurs stratégiques. Ses deux principaux piliers sont l'initiative « Une ceinture, une route » 56 ( * ) , dans le domaine de la connectivité, et la stratégie industrielle « Made in China 2025 », toutes deux visant à assurer la croissance économique du pays et à asseoir son influence . » 57 ( * )

Les investissements chinois ont plus souvent été considérés comme le signe que la Chine s'insérait dans l'ordre économique libéral international et visait à rattraper son retard de développement. Puis, depuis 2017, ces investissements étaient présentés comme participant à la politique chinoise dite des nouvelles routes de la soie, dans une confusion totale entre investissements et prêts qu'il convient de souligner.

Dans les économies ouvertes, telles que la France ou plus globalement l'Union européenne, l'attractivité des territoires pour les investissements étrangers a toujours été interprétée comme un signe de dynamisme économique et une promesse d'emplois et de croissance. Enfin, au niveau microéconomique, les investissements chinois étaient lus comme l'expression de stratégies économiques d'entreprises publiques sur la voie du libéralisme ou privées visant le profit.

Pourtant la moitié des investissements chinois sont réalisés par des entreprises publiques chinoises, ce qui, conformément au droit de l'Union européenne, devrait les soumettre à la réglementation relative aux aides d'État. Dans la mesure où ce n'est pas le cas, cela fausse la concurrence sur le marché intérieur de l'Union européenne et contrarie la mise en place de conditions de concurrence équitable pour tous sur le marché européen.

Il a fallu de nombreuses années, de nombreux investissements, rachats et autres, puis l'affirmation progressive des objectifs du Président Xi Jinping d'une Chine première puissance mondiale pour que les orientations données par Deng Xiaoping d'ouverture de la Chine au monde extérieur et le mot d'ordre « Chinois enrichissez-vous ! » cessent d'être les grilles de lecture privilégiées des investissements chinois en Europe, et pour que leur insertion dans l'ensemble plus vaste d'une stratégie chinoise internationale ne s'impose.

Une étude à paraître de l'Institut de recherche stratégique de l'École militaire (Irsem) décrit cette bascule récente du régime de Pékin, « qualifiée de « moment machiavélien » : « le parti communiste chinois semble désormais convaincu qu'il est plus sûr d'être craint que d'être aimé. » 58 ( * ) .

b) L'alerte donnée par la Cour des Comptes européenne

Dans un rapport paru avant la conclusion de l'accord global d'investissement UE-Chine, la Cour des Comptes européenne a donné l'alerte sur l'absence d'analyse exhaustive des investissements chinois en Europe. Elle estime que, pour répondre de manière efficace au changement géopolitique que représente la stratégie de puissance chinoise, « l'UE devrait développer sa stratégie à l'égard de la Chine, et les États membres devraient agir de concert avec les institutions de l'UE, en tant qu'Union » 59 ( * ) .

L'Union européenne en est empêchée notamment par :

- la difficulté d'obtenir une vue d'ensemble des investissements relevant de la stratégie étatique d'investissement de la Chine en Europe, les données étant fragmentaires, incomplètes, et complexes. Il est nécessaire pour avoir une vue d'ensemble, de prendre en compte à la fois les investissements directs et les investissements ultimes (qui prennent en compte la maison mère et non les filiales, et la nationalité de cette maison mère), ainsi que les prêts financiers. La distinction entre prêt et investissement est malaisée tant l'un est employé pour l'autre, tant l'un accompagne l'autre pour des montants non comparables, etc. ;

- l'autonomie des États membres qui entretiennent une coopération économique et commerciale avec la Chine en suivant leurs propres intérêts nationaux et parfois même sans en informer la Commission, alors qu'ils seraient pourtant tenus de le faire.

Plus inquiétant, mais ce constat n'est pas une nouveauté pour vos rapporteurs qui s'étaient alarmés en 2017 et 2018 de la non-appropriation de ces problématiques par les institutions européennes, la Cour des Comptes européenne estime, en septembre 2020, que les institutions communautaires n'ont « pas encore formellement procédé à une analyse exhaustive des risques et des perspectives que représente la stratégie d'investissement chinoise ».

c) Risques et opportunités de la stratégie chinoise d'investissement : l'analyse de la Cour des comptes européenne

Le rapport de la Cour des Comptes européenne propose un inventaire des risques que la stratégie d'investissement chinoise fait peser sur l'Union européenne ainsi qu'une énumération des perspectives offertes à l'Union par cette même stratégie chinoise.

Parmi les principaux risques identifiés, présentés dans les encadrés ci-après, les suivants retiennent l'attention :

- le risque d'endettement excessif dans les pays tiers et de perte de garantie stratégique. L'exemple récent du Monténégro, candidat à l'adhésion à l'UE, est éclairant. La construction d'un tronçon d'autoroute de 42 kilomètres financé par l'entreprise chinoise d'État CRBC ( China Road and Bridge Corporation ), jamais terminé et économiquement peu rentable, met en péril la souveraineté du Monténégro qui a contracté auprès de la banque publique chinoise Exim Bank un prêt de 942 millions de dollars, remboursable sur vingt ans avec un taux d'intérêt annuel de 2 %. Les conditions léonines du contrat mettent le Monténégro dans une situation très défavorable : « Le Monténégro renonce (...) à sa souveraineté en cas de différend : c'est Pékin qui s'en chargera et non pas les instances internationales. (...) Si les emprunteurs ne sont pas en mesure de rembourser leurs crédits, les Chinois reprendraient les ressources stratégiques de l'État débiteur sous couvert d'arrangements de concessions . » 60 ( * ) . Appelée à l'aide par les autorités du Monténégro, l'Union européenne est ainsi directement confrontée aux risques que la stratégie économique chinoise induit :

- le risque pesant sur la propriété intellectuelle et le transfert de technologie. La chambre de commerce de l'Union européenne en Chine a réalisé une enquête en 2019 sur la confiance des entreprises qui montre que 20 % des personnes interrogées se sont obligées à transférer des technologies pour conserver un accès au marché chinois, soulignant l'absence de réciprocité dans les relations entre l'Union européenne et la Chine ;

- le risque de non-respect des normes environnementales de l'Union européenne par les entreprises chinoises intervenant dans le cadre de la stratégie d'investissement chinoise. Parmi les projets d'investissement chinois, figurent toujours en bonne place les centrales électriques au charbon. L'un de ces projets financés par des prêts chinois devrait voir le jour en Bosnie-Herzégovine, pays potentiellement candidat à l'adhésion à l'Union européenne,

- le risque stratégique lié à la prédominance d'un pays devenu l'un des principaux pourvoyeurs mondiaux d'infrastructures de transport. Durant la pandémie de coronavirus, le risque que les interconnexions font peser sur les systèmes de santé publique est devenu patent. Les leviers d'action dont dispose la Chine à la fois sur les chaînes de production des intrants chimiques nécessaires à la réalisation des médicaments, mais aussi sur les chaînes logistiques, ont révélé toute leur importance.

Risques que la stratégie d'investissement chinoise fait peser sur l'UE

Type

Aperçu des risques

Politique

R.1

Les investissements chinois dans des actifs sensibles/stratégiques en Europe sont susceptibles de porter atteinte à la sécurité/à l'ordre public.

R.2

Le fait que des États membres concluent individuellement des protocoles d'accord concernant la coopération dans le cadre de la BRI peut compromettre l'unité de l'UE.

R.3

Les projets relevant de la BRI peuvent saper le contrôle que les États membres exercent sur les infrastructures nationales stratégiques, ce qui aurait des implications géopolitiques.

R.4

Les investissements chinois contribuent à développer des infrastructures de connectivité transfrontalière mises à profit par le trafic/la criminalité organisé(e) transnational(e).

Économique

R.5

Absence de réciprocité dans les relations UE-Chine en raison de l'avantage économique déloyal des entreprises chinoises.

R.6

Manque de coordination entre les programmes infrastructurels de l'UE et de la Chine, ce qui peut donner lieu à des déficits en matière d'infrastructures de connectivité, ou à des situations de concurrence ou de double emploi entre projets d'investissement(*)

R.7

Les entreprises d'État chinoises financent des dettes impossibles à gérer dans l'UE et dans les pays tiers, ce qui peut entraîner une défaillance et la perte des garanties stratégiques.

R.8

Le transfert forcé de technologies vers la Chine nuit à la compétitivité à long terme de l'UE.

R.9

L'UE importe des marchandises en provenance de Chine à des prix inférieurs aux coûts de production.

R.10

L'UE subit les retombées des chocs défavorables que connaissent ses chaînes d'approvisionnement dont les fournisseurs clés sont chinois.

Social

R.11

Droits du travail et droits sociaux des salariés non respectés par les entreprises chinoises ayant investi à l'étranger

Technique

R.12

La BRI ne respecte pas suffisamment les règles de l'UE en matière de sécurité des données, l'exposant ainsi au risque de cyberattaques.

R.13

Les infrastructures de transport chinoises ne respectent pas les normes internationales ou celles de l'UE, ce qui réduit les effets positifs de ces dernières.

Juridique

R.14

Les investissements chinois ne respectent pas la réglementation financière de l'UE (par exemple sur le blanchiment d'argent).

R.15

Des projets d'infrastructure dans l'UE sont attribués de manière irrégulière à des soumissionnaires chinois présentant des offres artificiellement basses.

R.16

Le calcul des ressources propres de l'Union européenne est compromis par la fraude aux droits de douane et à la TVA lors des importations chinoises.

Environnemental

R.17

Les entreprises chinoises ne respectent pas les normes environnementales ou de gouvernance internationales ou européennes qui promeuvent la durabilité.

R.18

Les systèmes de santé publique sont touchés par les interconnexions croissantes à l'ère de la mondialisation (y compris les axes de transport chinois le long des nouvelles routes de la soie) qui accélèrent la transmission des maladies.

Remarque(*): Les services de la Commission et le SEAE jugent ce risque peu important compte tenu de la réalité politique et estiment qu'une coordination des infrastructures irait à l'encontre de la politique actuelle de l'UE.

Source : Document d'analyse n° 3/2020 - La réponse de l'UE à la stratégie d'investissement étatique de la Chine pages 29-33, Cour des Comptes Européenne.

La Cour des Comptes européenne a également répertorié les perspectives offertes à l'Union européenne par la stratégie d'investissement chinoise. Elle en compte 13, 2 de nature politique, et 11 de nature économique.

La Commission européenne et le SEAE ont bien reçu l'analyse de la Cour européenne des comptes et n'ont émis qu'une réserve au risque lié au manque de coordination entre les politiques infrastructurelles de l'Union et la Chine. Ce risque leur paraît peu important actuellement. L'idée d'une concertation avec la Chine sur la coordination des infrastructures financées par l'Union européenne « irait à l'encontre de la politique actuelle de l'UE ».

Pour leur part, vos rapporteurs ont deux remarques sur l'inventaire des risques et perspectives ouverts par la stratégie d'investissement chinoise :

- l'une est partagée par la Cour : la perspective selon laquelle certains secteurs tels que l'enseignement supérieur et la recherche pourraient « tirer parti de la coopération entre la Chine et l'Union européenne », doit être considérée sans naïveté et même avec prudence. Des cas graves de soupçons d'espionnage ont été documentés en Belgique, au Canada, en Suède, et en Norvège notamment. De nombreux instituts ont ainsi été contraints de fermer,

- l'autre concerne la perspective que les investissements chinois contribuent à la paix et à la sécurité dans le voisinage de l'UE. Cette perspective ne peut se concrétiser que si ces investissements respectent pleinement les règles communautaires, notamment sur la transparence des marchés publics. Dans le cas contraire, le risque, que l'investissement chinois soit au moins en partie détourné, alimente la corruption et fragilise ainsi les démocraties plutôt que de renforcer la paix et la sécurité, est avéré.

Perspectives offertes à l'Union européenne
par la stratégie d'investissement chinoise

Type

Aperçu des perspectives

Politique

P.1

Les investissements chinois dans l'UE peuvent favoriser le développement d'intérêts communs en renforçant la relation bilatérale.

P.2

Les investissements chinois contribuent à la paix et à la sécurité dans le voisinage de l'UE/les pays en développement.

Économique

P.3

La relation entre l'UE et la Chine augmente les capacités de prêt internationales, facilitant ainsi la croissance économique.

P.4

Les investissements chinois dans le voisinage de l'UE/les pays en développement contribuent à la réalisation des objectifs de l'UE, en renforçant la croissance économique.

P.5

L'euro s'apprécie du fait que les réserves de change chinoises sont converties pour permettre l'acquisition d'actifs libellés en euros.

P.6

La BRI stimule les échanges commerciaux en améliorant la connectivité et en abaissant les coûts de ces échanges dans l'UE et dans d'autres pays.

P.7

La BRI favorise un développement plus poussé du chemin de fer (commercial) dans l'UE comme alternative au transport aérien et maritime.

P.8

La BRI rééquilibre les flux de fret à destination ou en provenance de l'UE.

P.9

La BRI encourage la rationalisation des régimes douaniers en vue d'améliorer la connectivité.

P.10

Construction d'infrastructures de transport en Asie centrale par des entreprises de l'UE, avec partage éventuel de connaissances entre l'UE et la Chine.

P.11

L'exposition de l'UE aux technologies de pointe lui offre l'occasion de promouvoir ses normes et ses compétences en matière de numérisation.

P.12

L'UE diversifie les risques des prises de participation étrangères, réduisant sa dépendance potentielle vis-à-vis d'un pays donné.

P.13

Certains secteurs de l'UE, tels que l'enseignement supérieur, la recherche, les secteurs créatifs/culturels tirent parti de la coopération et des échanges avec la Chine.

Source : Document d'analyse n° 3/2020 - La réponse de l'UE à la stratégie d'investissement étatique de la Chine pages 29-33, Cour des Comptes Européenne.

d) Une « diplomatie des infrastructures » chinoise à mieux connaître et appréhender

La « diplomatie des infrastructures » déployée par la Chine est extrêmement efficace :

- elle est peu lisible globalement, tant le nombre de pays, de secteurs, d'acteurs économiques chinois est important,

- elle est en revanche très visible, mise en valeur, parfois jusqu'à l'outrance, par un narratif, que ce soit celui de la politique des nouvelles routes de la soie, ou du format 16+1, très dynamique et plus percutant que celui de l'Union européenne. Les fonds européens plus importants que les investissements chinois connaissent pourtant une bien moindre notoriété et reconnaissance,

- elle représente des opportunités pour chaque pays concerné. Elle permet aux autorités de gagner en popularité tout en bénéficiant d'emprunteurs peu regardant sur les politiques internes mises en oeuvre et sur le respect des normes communautaires. En 2018, la Serbie devait déjà 12 % de sa dette extérieure à la Chine, la Bosnie-Herzégovine 14 %, la République de Macédoine du Nord 20 % et le Monténégro 40 %. Depuis 2018, il est probable que ces niveaux d'endettement aient crû. Ainsi, si les achats serbes de vaccins chinois, précités, sont financés par des prêts chinois, la dette de la Serbie s'accroîtra d'autant,

- elle présente également des opportunités pour l'Union européenne qui a longtemps sous-estimé le caractère systémique de la politique chinoise déployée.

Cette diplomatie donne des leviers d'action conséquents porteurs de risques encore trop peu évalués, non seulement économiques mais aussi politiques. Comme le souligne Paul van der Putten, de l'Institut néerlandais, centre culturel des Pays-Bas en France : « le débat à l'heure actuelle porte davantage sur les implications politiques potentielles des acquisitions chinoises. On estime désormais que les investissements chinois dans des pays de la Méditerranée et d'Europe centrale risquent d'influencer les positions respectives vis-à-vis de la Chine. » 61 ( * )

Dans son analyse de la réponse de l'UE face à la stratégie d'investissement étatique de la Chine, après avoir dressé un inventaire des risques et opportunités, la Cour des comptes souligne six défis que l'Union doit relever :

- fournir des données plus complètes et actualisées sur les investissements chinois dans l'Union,

- procéder à une véritable analyse des risques et des perspectives pour améliorer la mise en oeuvre de sa propre stratégie - en particulier celles des actions qui promeuvent la réciprocité et préviennent les effets de distorsion sur le marché intérieur de l'UE - et faire face aux autres risques,

- évaluer les besoins financiers et suivre l'utilisation des fonds,

- renforcer les dispositifs de suivi, d'évaluation et d'établissement de rapports,

- mieux coordonner la réponse des institutions et des États membres de l'UE.

Recommandation : Il apparaît donc nécessaire à vos rapporteurs :

- de renforcer les efforts entrepris pour obtenir le recensement le plus exact possible des investissements et des prêts chinois (en distinguant les uns des autres) réalisés en Europe,

- d'actualiser régulièrement l'analyse des risques et perspectives que présentent ces investissements,

- et d'encourager la Chine à appliquer les règles du Club de Paris afin que les pays qui contractent des prêts auprès de ces banques ne se retrouvent pas dans une situation telle qu'on en vienne à qualifier les interventions chinoises de « piège de la dette ».

B. DE LA MISE EN oeUVRE D'UNE « NORMATIVITÉ AUX CARACTÉRISTIQUES CHINOISES » À UNE PLUS GRANDE ASSERTIVITÉ

1. Les grands rendez-vous chinois du XXIe : définir les ambitions d'une Chine devenue première puissance mondiale
a) La résilience de l'économie chinoise face à la pandémie renforce la Chine

La résistance et la résilience de la Chine face à la crise économique de 2008-2009 lui ont permis d'affermir son statut de deuxième puissance économique mondiale. Face à la crise sanitaire mondiale, la résilience économique chinoise devrait lui permettre de devenir la première puissance mondiale plus rapidement que prévu.

La pandémie mondiale de Covid-19 a eu des répercussions très différentes sur les économies dans le monde, même si, dans un premier temps, les confinements et l'arrêt consécutif de l'essentiel de la production ont produit partout les mêmes effets de contraction des PIB. La Chine est sortie de la crise économique avant ses voisins et les grandes économies mondiales. En 2020, la croissance chinoise s'est établie à 2 % et devrait selon les estimations de la Banque mondiale et du Fonds monétaire international s'inscrire dans une fourchette comprise entre 7,5 et 8,4 % en 2021, avant qu'elle ne retombe à 5,2 % en 2022, niveau conforme à sa tendance à long terme. L'économie chinoise est ainsi la plus rapide parmi toutes les grandes économies à renouer avec son PIB tendanciel.

Aucun autre pays du G20 ne semble en mesure d'afficher une performance comparable, ceci a deux conséquences majeures :

- l'économie chinoise sort de la pandémie confortée en tant que moteur de la croissance mondiale et devrait passer du statut de pays en développement à celui de pays développé. Selon la Banque mondiale, entrent dans cette catégorie les États dont le PIB par habitant s'élevait, en 2019, à au moins 12 536 dollars, soit environ 10 250 euros. En 2019, ce ratio était de 10 262 dollars en Chine. Les experts estiment qu'elle dépassera dès 2022 ou 2023 le seuil qui sera alors retenu par les institutions internationales. L'administration Trump prônait ce changement de statut et la suppression des avantages douaniers qui s'y rattachent au sein de l'Organisation mondiale du commerce (OMC). Lorsque la Chine a adhéré à l'OMC, en 2001, son PIB était environ sept fois inférieur à celui des Etats-Unis. Depuis, il a été multiplié par 10 alors que celui des États-Unis a doublé. Pour sa part, la Chine met en avant les disparités de développement entre ses régions -en diminution 62 ( * ) - et entre secteurs économiques ainsi que la relative faiblesse de sa classe moyenne pour conserver le statut de pays en développement 63 ( * ) . La question que posait l'ancien directeur général de l'OMC, Pascal Lamy, « de savoir si [la Chine] est encore un pays pauvre avec beaucoup de riches ou déjà un pays riche avec beaucoup de pauvres » semble bientôt ne plus devoir se poser,

- car, dans le même temps, l'économie américaine s'est contractée de plus de 3,5 % en 2020, puis a connu un fort rebond en 2021, soit une croissance de 7 %. Malgré cela, l'écart entre les deux principales puissances mondiales se réduit plus rapidement qu'anticipé. Le PIB de la Chine devrait rattraper celui des Etats-Unis dès 2028 ou 2029 64 ( * ) , bien plus tôt que ne le laissaient augurer les perspectives d'avant crise. La Chine deviendrait ainsi la première puissance économique mondiale beaucoup plus vite que prévu.

b) ...s'inscrit dans une ambition politique structurée avec 2050 pour horizon

L'émergence et l'avènement de ce statut de puissance internationale découle de ses résultats économiques, mais aussi, dans le cas de la Chine :

- d'une volonté politique claire affirmée par son Président Xi Jinping. Le discours sur le retour de la Chine sur la scène internationale à « sa juste place », après l'humiliation liée aux guerres de l'opium et aux traités inégaux qui en ont découlé 65 ( * ) , occupe une place importante dans la rhétorique du Président chinois 66 ( * ) et s'accompagne d'un discours sur le déclin de l'Occident qui laisserait ainsi place à une XXI e siècle chinois,

- d'un parti particulièrement puissant, le PCC, « parti-État » 67 ( * ) , pour mettre en oeuvre cette ambition et imposer les orientations définies pour sa réussite. « C'est peut-être cela qui distingue aujourd'hui la Chine, outre ses performances économiques, d'autres pays émergents : la détermination inébranlable du Parti communiste chinois à promouvoir le « grand renouveau de la nation chinoise » » 68 ( * ) . En 2021, la Chine a célébré les 100 ans du Parti communiste chinois fort de 95 millions d'adhérents. À cette occasion, le Président chinois a déclaré : « Seul le socialisme a pu sauver la Chine. Seul le socialisme aux caractéristiques chinoises a pu développer la Chine »,

- et enfin d'une stratégie planifiée dans le temps long, visant à la doter du statut de première puissance mondiale d'ici 2050, année du centenaire de la création de la République populaire de Chine.

Cette stratégie est déclinée au sein de plans quinquennaux adoptés pour 5 ans et présente les caractéristiques suivantes :

- la définition d'objectifs, avec souvent en ligne de mire les États-Unis que la Chine ambitionne de dépasser en 2050. Pour cela, une approche de rattrapage asymétrique conduit à privilégier les secteurs d'avenir, où le jeu de la concurrence internationale est plus ouvert que dans les secteurs où la Chine accuse un certain retard (cette stratégie contraint d'ailleurs la Chine à fournir parfois, à mesure que ses relations se tendent avec les États-Unis, des efforts conséquents pour parvenir à rattraper son retard dans des secteurs devenus stratégiques tels que les semi-conducteurs, qui font l'objet d'un développement ultérieur),

- l'allocation d'un budget conséquent dédié aux priorités définies par le plan,

- enfin, la planification d'étapes et d'objectif de moyen et long termes avec les échéances de 2025, 2035 et 2050. Ainsi le plan « Made in China » visant la transition du « fabriqué » en Chine vers le « conçu » ou « innové » en Chine portait l'ambition de la réalisation de cet objectif en 2025. Le 13 e plan quinquennal (2016-2020) mettait l'accent sur l'accès généralisé à Internet, le secteur des services et les industries stratégiques. Selon la Banque mondiale, plus de la moitié de la croissance chinoise en 2021 proviendra bien des services. Le 14 e plan quinquennal revêt une importance particulière dans la mesure où il a été adopté le 12 mars à l'occasion de la réunion annuelle de l'Assemblée populaire nationale, organe législatif chinois, alors que les relations économiques et politiques entre la Chine et les États-Unis étaient désormais marquées par la politique de l' America First menée par l'administration Trump et par les répercussions de la pandémie mondiale.

Ces deux inflexions majeures se reflètent dans le 14 e plan qui s'inscrit également dans la continuité des réformes structurelles déjà engagées lors des plans quinquennaux précédents. Il poursuit ainsi le rééquilibrage de la croissance chinoise vers la consommation privée nationale et à la montée en gamme technologique de l'économie chinoise. L'encadré suivant présente les principales caractéristiques de ce 14 e plan.

Le 14 è plan quinquennal chinois : adapté aux enjeux révélés par la pandémie et par des relations internationales plus concurrentielles

Pour mémoire, le 13 e plan fixait un objectif de croissance de +6,5 % par an en moyenne. Sans cible chiffrée de croissance du PIB, ce 14 e plan quinquennal mettrait ainsi la priorité sur qualité de la croissance (plutôt que sur le niveau d'accroissement du PIB) dans un contexte d'endettement accru de l'économie chinoise après la pandémie (en effet, les objectifs quantitatifs d'accroissement du PIB avaient pour effet induit l'incitation à l'endettement des pouvoirs locaux plus soucieux d'atteindre les cibles fixées que de maîtriser la dette publique). En 2020, l'endettement public a atteint 290 % du PIB. Pour la première fois également, ce plan quinquennal définit un objectif de taux de chômage sur l'ensemble de la période (inférieur à 5,5 % de la population active, ce qui est généralement considéré comme un taux de quasi plein emploi). Pour autant, l'absence d'objectif de croissance chiffré n'a pas rendu caduc l'objectif de doubler la taille du PIB (avec pour année de référence 2020) d'ici 2035. Il implique de fait une croissance moyenne de 4,5 % par an jusqu'en 2035 dans le but annoncé de surpasser la taille qu'aura atteint l'économie américaine à cette échéance.

L'un des axes essentiels de ce 14 e plan, et il faut sans doute y voir un effet de l'intensification de la rivalité sino-américaine, consiste à rendre prioritaire l'autosuffisance chinoise du point de vue économique, technologique et stratégique. Parmi les priorités du 14 e plan figurent ainsi : le renforcement des capacités stratégiques nationales et le contrôle des chaînes d'approvisionnement. Déjà présent dans le 13 e plan et la stratégie « Made in China 2025 », outre l'augmentation de la production de céréales et d'énergie, ces objectifs s'appuient sur la stratégie de « la double circulation » et la montée en gamme de l'économie chinoise.

Pour accroître la double circulation, il est prévu de favoriser la demande intérieure (qualifiée de « circulation interne ») et ainsi de limiter la dépendance de l'économie chinoise au dynamisme de la demande mondiale, tout en préservant un appareil exportateur performant (pour permettre la « circulation externe »). La part de la consommation privée (ou circulation interne) dans le PIB demeure inférieure à 40 % en 2019, malgré les efforts entrepris en sa faveur depuis 2013. Les politiques de soutien aux exportations lors de la pandémie ont conforté la part de la circulation externe. L'un des leviers d'action envisagé par les autorités chinoises pour améliorer la demande intérieure consiste à assouplir le système règlementant la circulation des travailleurs, le hukou. Ce permis de résidence conditionnant l'accès à un nombre important de droits et prestations sociales pour les travailleurs urbains serait supprimé pour les villes de moins de 3 millions d'habitants, et assoupli dans les villes de plus de 3 millions d'habitants. Les travailleurs non-résidents (venant des zones rurales essentiellement) verraient ainsi leur accès aux prestations sociales améliorées, ce qui augmenterait la part du revenu national allouée aux ménages.

Pour permettre la montée en gamme technologique et la substitution d'une production manufacturière nationale aux importations dans les domaines stratégiques, le 14 e plan quinquennal liste les secteurs technologiques innovants dont la part dans le PIB doit s'accroître à horizon 2025 (il s'agit notamment des semi-conducteurs, des véhicules autonomes, des circuits intégrés, des ordinateurs quantiques, du stockage de l'énergie, des énergies nouvelles en général, des domaines touchant aux neurosciences, aux biotechnologies, du domaine spatial ou encore de l'exploration de l'espace, des mers et des pôles etc.). Pour ce secteur, sont prévus, tout à la fois, des incitations fiscales, des subventions, un accès facilité au crédit à faible taux, voire des prises de participation directes. Il est assez surprenant dans ce contexte, que la cible de croissance des dépenses de recherche et développement ait été ramenée de 10 à 7 % entre le 13 e et le 14 e plan. Le niveau des dépenses de R&D de la Chine n'atteignait que 2,2 % du PIB en 2019 (contre 3,1 % pour les Etats-Unis). Un programme scientifique et technologique de 1 400 milliards de dollars destiné à assurer l'autonomie de la Chine dans les technologies avancées a été annoncé.

La couverture 5G du territoire chinois doit passer de 22 % à 56 % sur la durée du plan quinquennal. Le développement d'autres infrastructures est également prévu telle la construction de centres de données à grande échelle, de 30 aéroports, et de nouveaux réseaux ferrés. En août 2020, les chemins de fer nationaux chinois ont annoncé vouloir relier, d'ici à 2035, toutes les villes de plus de 500 000 habitants au réseau à grande vitesse, ce qui implique de porter celui-ci de 36 000 à 70 000 kilomètres.

Les objectifs relatifs à l'environnement n'ont pas le même niveau de priorité. L'objectif de décarbonation de l'économie chinoise est renvoyé à 2060. Le pic d'émission des rejets de CO2 étant prévu pour 2030. L'ambition en matière de réduction de la consommation d'énergie et de CO2 par unité de PIB ne progresse pas par rapport au plan quinquennal précédent. En revanche, la part des énergies non-fossiles doit passer de 16 à 20 % à l'issue de la période de programmation. La capacité de production d'énergie nucléaire, seul type d'énergie à faire l'objet d'une cible spécifique à ce stade, doit par ailleurs passer de 52 GW à 70 GW, un accroissement notable, mais inférieur au doublement du plan précédent. La capacité de production de charbon plaçant les préoccupations d'indépendance stratégique énergétique devant les préoccupations de protection de l'environnement.

c) Les jalons de la progression de la puissance chinoise

Pour mémoire, en 2021, la Chine a fêté le centième anniversaire du PCC et a adopté le 14 e plan quinquennal. De 2022 à 2060, les ambitions structurées de la Chine connues à ce jour sont les suivantes :

- 2022 : les jeux Olympiques d'hiver auront lieu à Pékin. Le XX e congrès du PCC se tiendra avec comme enjeu essentiel le possible (depuis la révision de la Constitution en 2018 pour mettre fin à la limite de deux mandats de secrétaire général) et probable renouvellement du mandat de secrétaire général de Xi Jinping. La probabilité est d'autant plus forte que la pensée de Xi Jinping est désormais inscrite dans la Constitution et omniprésente dans les écoles comme dans les médias. Son étude est recommandée, et les citoyens chinois, notamment en charge de postes publics, doivent régulièrement prouver leur assiduité dans cette étude, au moyen d'une application téléphonique dédiée évaluant la bonne connaissance de la pensée du secrétaire général du PCC.

- 2025 : les objectifs du plan Made in China devront être atteints et avoir abouti à faire de la Chine une puissance innovante.

- 2027 : le centenaire de la création de l'Armée populaire de libération (APL) sera fêté en Chine.

- 20XX : à quelle échéance les autorités chinoises envisagent-elles que la « Réunification » avec Taïwan ait lieu ? Cet objectif a été annoncé à de multiples reprises, et sa réalisation présentée comme prioritaire et certaine, par XI Jinping. Il a promis, lors du 100 e anniversaire du PCC d'« écraser » toute tentative d'évolution vers une indépendance formelle de l'île. À ce jour, aucune date n'est associée à cette intention.

- 2035 : la première puissance mondiale devrait être la Chine, grâce au respect et au succès des mesures prises en vue du doublement de son PIB par rapport à 2020. Le revenu par habitant devrait être au niveau de celui des pays de l'OCDE. En incluant le PIB de Hongkong, en 2035, le PIB pourrait avoisiner celui des Etats-Unis et du Japon réunis. De nombreux analystes estiment que l'installation de la Chine au rang de première puissance mondiale arrivera plus tôt que prévu, sans doute avant 2030. Cette évolution de la Chine ne devrait toutefois pas se cantonner à son versant économique. En effet, les autorités chinoises rappellent à l'envi, qu'en 2035 devront également être posées les bases de la modernisation socialiste.

- 2049 : avant le centième anniversaire de la fondation de la RPC, la Chine devrait achever sa phase de transition-modernisation et devenir un État socialiste.

- 2050 : la République populaire de Chine fêtera le centième anniversaire de sa fondation.

- 2060 : la Chine ambitionne d'avoir décarboné son économie et d'atteindre le seuil de zéro émission nette de CO2.

Ces étapes annoncées et répétées par les plus hautes autorités chinoises sont de formidables leviers de mobilisation de tout l'appareil politique et économique chinois. Par comparaison, aucune des nations du Conseil de sécurité n'affiche ses ambitions et objectifs. N'étant pas en situation de rattrapage économique et bénéficiant d'un statut international reconnu, sans doute n'en éprouvent-elles pas le besoin. Ce faisant toutefois, elles se trouvent démunies face au « récit » chinois qui accompagne ces jalons, cette planification de l'affirmation de la puissance chinoise à venir.

Le projet européen, fragilisé par le Brexit, ne peut s'imposer face à ce qu'il est désormais convenu d'appeler le « narratif chinois ». Deux récits pourraient présenter quelques similitudes avec le récit chinois en termes d'ambition, de fixation de jalons temporels et de mobilisation des acteurs concernés :

- celui des Nations unies. Les objectifs mobilisateurs du Millénaire ont été adoptés avec pour horizon 2015. Ce plan approuvé par tous les pays du monde et par toutes les grandes institutions mondiales de développement a galvanisé des efforts internationaux sans précédent pour répondre aux besoins des plus pauvres dans le monde. Pour leur succéder, l'ONU a travaillé avec les gouvernements et la société civile pour élaborer un programme ambitieux pour l'après-2015 intitulé « Transformer notre monde : le programme de développement durable à l'horizon 2030 », articulé autour de 17 objectifs mondiaux pour le développement durable. Jusqu'en 2030, sur la base de ces nouveaux objectifs qui s'appliquent à tous, les pays sont incités à mobiliser les énergies pour mettre fin à toutes les formes de pauvreté, combattre les inégalités et s'attaquer aux changements climatiques, en veillant à ne laisser personne de côté. Dans des domaines essentiels tels que la santé, l'éducation et les infrastructures prioritaires, les pays en développement à faible revenu devraient consentir chaque année des dépenses supplémentaires, atteignant 500 milliards de dollars en 2030, soit environ 15 % de leur PIB combiné (en 2030). Dès lors, comment dégager des fonds en faveur des ODD ? « La responsabilité en incombe avant tout à chaque pays, qui devra renforcer sa gestion macroéconomique, accroître ses recettes fiscales et mettre en oeuvre des plans de dépenses plus efficaces . » 69 ( * ) . L'ambition est vaste mais les fonds manquent et les acteurs de cette ambition doivent les obtenir par leurs efforts.

- celui de défense du climat, de la biodiversité et plus largement de l'environnement qui mobilise largement la jeunesse, la société civile, les institutions internationales et les États. Les rapports du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC), créé en 1988 par l'Organisation Météorologique Mondiale (OMM) et le Programme pour l'Environnement des Nations unies (PNUE), aident à définir les ambitions et la temporalité de l'action. Les moyens financiers, voire technologiques, sont là aussi de la responsabilité des États, qui définissent eux-mêmes la déclinaison des objectifs définis tels que la réduction des émissions de CO2, les moyens consacrés à la préservation de la biodiversité, etc. La participation des États-Unis au sommet sur le climat en avril 2021 a marqué le « retour » de l'Amérique dans la lutte contre le réchauffement (alors que l'administration Trump avait dénoncé l'accord de Paris). L'annonce de l'ambition de l'économie américaine d'atteindre la neutralité carbone d'ici 2050 grâce à un nouvel objectif américain doublant la réduction de ses émissions polluantes a redonné un certain élan à ce récit.

Pour sa part, la Chine participe à la réalisation des 17 objectifs mondiaux pour le développement durable et à la lutte en faveur de la préservation de l'environnement en les incluant dans son propre récit national.

d) Des limites intrinsèques aux ambitions chinoises ?

La stratégie de puissance chinoise et les ambitions affichées se heurtent toutefois à certaines limites intrinsèques. La Chine doit composer avec ses facteurs de fragilité que sont l'évolution de sa démographie, le niveau de son endettement public, sa difficulté à réduire les inégalités, les attentes du peuple chinois en termes d'amélioration de la qualité grâce à la lutte contre la pollution, enfin la dégradation de l'image de la Chine, après la pandémie, ne peut pas être ignorée.

Les tendances démographiques et leur effet sur l'accroissement tendanciel de l'endettement public chinois pèsent sur les ambitions de Pékin en termes de croissance. « À première vue, les ambitions de la Chine en matière de produit intérieur brut d'ici 2035 n'ont rien d'extraordinaire. Son économie a connu une croissance de 6,7 % par an en moyenne depuis 2015, et la Chine déclare qu'elle nécessitera une croissance moyenne de 4,7 % au cours de la présente décennie afin de doubler son PIB. Mais ainsi que l'a récemment écrit Michael Pettis, professeur de finance auprès de l'Université de Pékin, c'est un énorme défi que le pays se lance en raison du vieillissement de la population active chinoise et d'une croissance historique étroitement tributaire de l'augmentation de la dette.

Les Nations unies prévoient que la population chinoise diminuera de quelque 7 % d'ici 2035. La poursuite d'une telle surperformance nécessitera un boom massif de l'industrie et des exportations alimenté par l'investissement. Ce qui générera une augmentation de l'endettement. Alors que le PIB a doublé durant la dernière décennie, le ratio dette/PIB du pays est passé de 34 % en 2010 à plus de 63 % au troisième trimestre de 2019, selon les données de l'Institut de la finance internationale. Si l'on y ajoute la dette privée des ménages et des entreprises non financières, ce ratio passe de 178 % à 289 % pour la même période » 70 ( * )

Pour faire face à ces fragilités 71 ( * ) , le gouvernement chinois a décidé d'encourager la natalité en assouplissant en 2016 sa politique de limitation des naissances dite de l'enfant unique. Il est désormais possible d'avoir deux enfants sans encourir de sanctions. La mesure n'a pas eu l'effet escompté, sans doute en partie à cause du coût de la vie en augmentation, de l'absence de système d'allocations familiales, et du niveau d'éducation des populations. Le vieillissement de la population et la diminution de la population active rendraient nécessaire une réforme des retraites, et selon les analystes un relèvement progressif de l'âge légal permettant de faire valoir ses droits la retraite. Le 14 e plan ne comprend pas d'annonce en la matière. En revanche, les autorités ont de nouveau assoupli, en juin 2021, la politique de natalité pour autoriser les familles à avoir un troisième enfant. Il s'agissait de réagir aux effets de la pandémie sur la natalité : de 2019 à 2020, le nombre de naissances en Chine a baissé de 2,6 millions (pour un nombre de naissances de 14,65 millions de bébés en 2019), soit une réduction de 17,8 % de la natalité. À défaut d'accompagnement financier, les dernières mesures d'assouplissement de la politique du contrôle des naissances pourraient ne pas avoir beaucoup d'effet.

Le gouvernement doit composer avec les attentes du peuple chinois qui reste insatisfait au moins dans deux domaines : celui de la réduction des inégalités, notamment territoriales, et celui de la protection de l'environnement et de la réduction des niveaux de pollution records atteints dans les villes chinoises. Cet enjeu a également une portée internationale, en effet, Pékin accueille en 2022 les Jeux Olympiques d'hiver. Or, les niveaux de pollution dans la capitale chinoise restent quatre fois supérieurs aux niveaux recommandés par l'Organisation mondiale de la santé (OMS). Malgré de réels progrès en termes de diminution des particules fines et très fines et des missions de dioxyde de soufre, la qualité de l'air reste menacée, notamment par l'augmentation des niveaux d'ozone (soit une progression de 11 % entre 2015 et 2019).

Par ailleurs, les analystes estiment que les mesures prévues en termes de redistribution des revenus et des richesses restent insuffisantes. L'absence de réforme de la fiscalité, de refonte de la protection sociale et de fiscalité sur les successions ne permettent pas aux objectifs de réduction des inégalités de progresser. Un changement s'est amorcé au mois d'août 2021 : le concept de « prospérité commune » (gongtong fuyu) est mis en avant par les autorités chinoises en vue d'un « ajustement des revenus excessifs ». Les plus fortunés et les entreprises, ceux qui avaient été autorisés à « être riches avant les autres » sous Deng Xiaoping, sont ainsi invités à « rendre davantage à la société » et à redistribuer les richesses. Les enquêtes pour corruption, les amendes, les lois anti-monopole, l'encadrement de l'utilisation des algorithmes, la réduction du temps de jeux en ligne pour les mineurs se multiplient. En réponse, les géants chinois de la tech et leurs riches fondateurs créent des fonds dotés de dizaines de milliards de yuans, donations assimilées à une « troisième redistribution ». Ainsi, Tencent, société spécialisée dans les services internet et mobiles ainsi que la publicité en ligne, a ainsi promis 6,53 milliards d'euros pour alimenter un « programme de prospérité commune », Pinduoduo , plateforme d' e-commerce , a annoncé dédier 1,27 milliard d'euros à la modernisation de l'agriculture et à la revitalisation des zones rurales.

La lutte contre les disparités régionales qui doit aboutir à revitaliser les campagnes s'appuie sur la réforme du système d'enregistrement des ménages, le hukou 72 ( * ) . Mais les précédentes tentatives de réformes en la matière se sont heurtées à des coûts élevés et à une forte résistance.

Enfin, la pandémie de coronavirus et la façon dont Pékin y a répondu et a géré la crise internationale qui s'en est suivie, a largement écorné l'image de la Chine dans l'opinion internationale et auprès des populations. La politique chinoise visant à imposer une normativité compatible avec les caractéristiques chinoises et, en creux, les objectifs du PCC soulevaient déjà de nombreuses interrogations. Le caractère de plus en plus assertif de la communication et de la stratégie chinoise ont transformé ses interrogations en inquiétudes, voire en méfiance ou rejet.

2. La normativité chinoise : imposer des normes compatibles avec « les caractéristiques chinoises »

L'attention est souvent attirée par l'augmentation 73 ( * ) du budget de la défense chinois 74 ( * ) , mais la croissance du budget dédié à sa politique étrangère par Pékin est plus rapide. En 2018, ce budget a progressé de 15 %, permettant un doublement depuis 2012, pour atteindre 60 milliards de yuans (soit 7,8 milliards d'euros). Cet effort financier vise à mettre en place « une diplomatie de grande puissance » ( daguo waijiao ) afin de favoriser la réalisation des objectifs chinois et l'émergence d'un ordre mondial aux caractéristiques chinoises, comme l'avaient déjà indiqué vos rapporteurs en 2018. Les efforts des pouvoirs chinois pour redéfinir l'ordre mondial dans un sens qui leur soit plus favorable se sont approfondis.

a) La progression de la Chine au sein des organisations internationales au service de ses conceptions et normes

La posture défendue par Deng Xiaoping consistait à ne pas mettre la Chine en avant sur la scène internationale, ce qui correspondait à son double statut de puissance politique potentielle mais d'économie en développement. Au fur et à mesure que son poids économique s'est accru, notamment après que son économie ait mieux résisté à la crise économique de 2008, la Chine a élargi son influence au sein de l'ONU.

En janvier 2017, le président chinois a ainsi exprimé, lors d'un discours aux Nations unies, la volonté de la Chine d'être plus active au sein de l'ONU, ce qui coïncidait avec son passage du 9 e au 2 e rang du classement des contributeurs au budget régulier de l'ONU et au budget des opérations de maintien de la paix entre 2009 et 2017. La Chine a également pris la tête de 4 des 15 organisations onusiennes : la direction générale de l'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO) a été confiée à Qu Dongyu, celle de l'Union internationale des télécommunications à Houlin Zhao, celle de l'Organisation de l'aviation civile internationale à Fang Liu, et celle de l'Organisation des Nations unies pour le développement industriel à Li Yong. En revanche, le candidat chinois n'a pas obtenu la direction générale de l'UNESCO.

La posture de la Chine sur nombre de questions internationales, a oscillé, selon les cas, « entre préservation du statu quo, réformisme à la marge et révisionnisme radical » 75 ( * ) . Depuis quelques années, l'investissement de la Chine dans les institutions internationales correspond de moins en moins à une adhésion sans condition, Xi Jinping réclamant un « multilatéralisme à la chinoise », « l'égalité souveraine » entre États et la « non-interférence » dans les affaires intérieures d'un État. Se dessine ainsi la volonté assumée de mettre en oeuvre une normativité favorable aux stratégies chinoises.

Dans leur rapport sur la politique chinoise des nouvelles routes de la soie, vos rapporteurs avaient déjà souligné la politique active de promotion de sa stratégie par la Chine, en montrant notamment comment Pékin avait fait insérer dans la résolution 2344 du 17 mars sur l'Afghanistan 76 ( * ) des éléments de reconnaissance et de prise en compte de sa politique. Les citations concernaient notamment la « ceinture économique de la Route de la soie et route de la soie maritime du XXI e siècle », l'« avenir commun » de l'humanité, etc., comme le rappelle l'encadré suivant.

Extrait du rapport d'information intitulé « Pour la France, les nouvelles routes de la soie : simple label économique ou nouvel ordre mondial ? »

Dans ses considérants initiaux, cette résolution [sur l'Afghanistan, précitée] souligne « également qu'il est essentiel, afin de bâtir pour l'humanité un avenir commun, de favoriser la coopération régionale dans un esprit de coopération profitable à tous, vecteur efficace pour promouvoir la sécurité, la stabilité et le développement économique et social en Afghanistan et dans la région ».Cette rédaction est issue d'une action chinoise qui visait à ce que le concept chinois de« communauté de destin pour l'humanité » soit intégré dans une résolution du Conseil de sécurité de l'ONU. Selon l'ambassadeur de Chine auprès des Nations unies, Liu Jieyi 77 ( * ) , cela reflète la « reconnaissance mondiale des grandes contributions faites par la Chine à la gouvernance de la planète ».

La présentation de cette rédaction lors de la conférence de presse du 20 mars 2017 tenue par la porte-parole du Ministère des Affaires étrangères, Hua Chunying, montre toute l'importance que la Chine accorde à la reconnaissance internationale de sa politique : « La résolution exhorte les différentes parties à faire progresser davantage la construction des nouvelles routes de la soie terrestre et maritime et pose des exigences concrètes telles que le renforcement des dispositifs de sécurité. Il s'agit du développement dans la continuité des idées exprimées dans les précédentes résolutions de l'ONU et du Conseil de Sécurité au sujet de l'initiative « Ceinture et Route ». Nous entendons travailler de concert avec les autres États membres des Nations unies, agir à la lumière des résolutions du Conseil, prendre une part active à la construction de la « Ceinture et Route » et la promouvoir énergiquement, en vue de bâtir pour l'humanité un bel avenir commun qui soit ouvert, inclusif, propre et basé sur la paix durable, la sécurité partagée et la prospérité universelle » 78 ( * )

Le succès chinois est réel en la matière, les plus hautes autorités de l'ONU font référence aux nouvelles routes de la soie. Ainsi, le Secrétaire général de l'ONU, Antonio Guterres, lors d'un forum organisé en novembre 2017 en Nouvelle-Zélande a noté « de claires synergies » entre la BRI et l'Agenda 2030 de l'ONU pour le développement durable. De même, les routes de la soie ont été abondamment citées lors d'une discussion ayant abouti à l'adoption d'une déclaration présidentielle 79 ( * ) , le 19 janvier 2018, par laquelle le Conseil de sécurité 80 ( * ) encourageait la coopération régionale en Asie centrale et en Afghanistan. Le Secrétaire général de l'ONU a déclaré à cette occasion « bien que la route de la soie soit l'une des voies commerciales les plus empruntées au monde depuis des siècles, les échanges entre pays d'Asie centrale ont décliné depuis leur accession à l'indépendance il y a près de 30 ans. Les possibilités de commerce intrarégional sont importantes, et même des améliorations modestes peuvent entraîner des gains substantiels pour tous les habitants de la région » 81 ( * ) . Le Programme des Nations unies pour le développement (PNUD) a signé un mémorandum avec la commission nationale du développement et de la réforme chinoise. Le PNUD a publié un rapport sur les nouvelles routes de la soie et décline son plan d'action en la matière qui consiste essentiellement à aider la Chine à améliorer son projet des nouvelles routes de la soie par des recherches conjointes sur les besoins des pays concernés et des études sur des projets spécifiques afin de les améliorer.

La Chine oeuvre également pour changer les règles et normes ou les redéfinir en fonction de ses objectifs et conceptions. Cela se traduit notamment dans le cadre des comités en charge des droits humains et des libertés au sein des Nations unies, où Pékin cherche à développer une conception des droits humains conformes « aux caractéristiques chinoises », sensiblement différente des droits individuels et libertés publiques aujourd'hui défendus par les différents textes internationaux. La Chine agit également pour remodeler les normes relatives à l'examen par l'ONU du bilan des pays en matière de droits.

Par exemple, le Conseil des droits de l'homme a adopté une résolution proposée par la Chine sur la « coopération mutuellement bénéfique », qui, selon les analystes, amène à substituer aux procédures spéciales du Conseil de sécurité des Nations unies permettant de faire le point sur la situation des droits humains dans tel ou tel pays un dialogue dit constructif impliquant l'État fautif. Selon un rapport 2020 82 ( * ) du Brookings Institute, cette résolution, adoptée par 23 voix contre 16, « cherche à repositionner le droit international des droits de l'homme comme une question de relations d'État à État [...] et ne prévoit aucun rôle significatif pour la société civile ». La relative réserve du Haut-commissariat des droits de l'homme sur la situation des Ouïghours et des Hongkongais irrite les défenseurs des droits de l'homme. Les déclarations prudentes faisant état de la préoccupation de ses services sur ces thèmes et demandant un accès direct ont déclenché une réponse vive de la Chine. Liu Yuyin, le porte-parole de la mission chinoise à Genève, a dénoncé dans un courriel envoyé aux médias les « propos erronés » de Mme Bachelet sur Hongkong et le Xinjiang estimant qu'ils constituaient « une ingérence dans les affaires intérieures de la Chine » . Le diplomate a invité « la haut-commissaire à se rendre en Chine, y compris au Xinjiang » en étouffant par avance toute velléité d'enquête indépendante : « Nous avons exprimé très clairement notre position à plusieurs reprises : cette visite doit être amicale et viser à promouvoir les échanges et la coopération, plutôt que d'être une `enquête' fondée sur le principe de la présomption de culpabilité ».

b) La promotion à marche forcée de normes chinoises dans les secteurs alimentaire et numérique

Certains analystes estiment que l'intérêt de la Chine 83 ( * ) pour le poste de directeur général de la FAO, qui lui a échu en juin 2019, pouvait être au moins en partie motivé par la possibilité de peser sur les travaux du Codex Alimentarius. Ce programme commun de la FAO et de l'OMS consiste en un recueil de normes, codes d'usages, directives et autres recommandations relatifs à la production et à la transformation agroalimentaires qui ont pour objet la sécurité sanitaire des aliments, la protection des consommateurs et des travailleurs des filières alimentaires, et la préservation de l'environnement. La Commission du Codex gère les normes et les lignes directrices applicables au commerce international des produits alimentaires et élabore les documents facilitant et guidant le travail des gouvernements en matière de législation et de réglementation. La Chine pourrait ainsi orienter des pratiques, des mesures et des modes de production redéfinissant la qualité des produits alimentaires et les relations économiques.

Dans le domaine du commerce numérique, la Chine agit et impose ses normes :

- dans le domaine du paiement hors système bancaire. Elle a permis à ses fabricants d'appareils téléphoniques ( Huawei ou Xiaomi ) en collaboration avec ses plateformes de commerce en ligne ( Alibaba ou JD.com ) de développer des solutions de paiement en ligne, en un seul clic depuis des smartphones et des réseaux sociaux chinois. Doté de plus d'un milliard d'utilisateurs chacun, Alipay (du conglomérat Alibaba ) 84 ( * ) et Wechatpay (du conglomérat Tencent ) permettent également des transactions qui ne passent pas par le système bancaire en Chine et hors de Chine, notamment pour les touristes chinois à l'étranger. Ces normes chinoises s'imposent donc de fait progressivement au reste du monde,

- dans le domaine du commerce des céréales désormais sous blockchain. La Chine a créé Covantis, une plateforme qui vise à standardiser, digitaliser et moderniser les opérations de commerce international de produits agricoles et alimentaires Les céréaliers réunis sur cette plateforme ont confié à ConsenSys le développement d'une plateforme blockchain Ethereum privée pour gérer leurs échanges à l'international. La Chine dans les ports dont elle a le contrôle a édicté des normes pour que les interfaces portuaires fonctionnent de façon intégrée avec ConsenSys,

- dans le domaine de la livraison sans contact des produits alimentaires. La Chine promeut de nouvelles normes en la matière au sein de de l'Organisation internationale de la normalisation (ISO), en adéquation avec les nouveaux besoins induits par la crise sanitaire mondiale,

- dans le domaine du contrôle social numérique. La Chine a développé la reconnaissance faciale qui permet d'identifier un individu en le filmant avec une caméra, équipée d'un dispositif d'intelligence artificielle qui repère les traits d'un visage, lui associe un nom et ses télécommunications 85 ( * ) . En 2019, 20 millions de caméras étaient en service sur l'ensemble du territoire chinois. La pandémie a accéléré ce mouvement puisque le système de reconnaissance faciale a été utilisé pour lutter contre le virus. Les données recueillies sont associées à un code QR unique, pour surveiller de façon automatique les déplacements d'une personne. Si l'intérêt que ce système présente en période de grave crise sanitaire est réel, les dangers qu'il porte pour les libertés individuelles sont évidents, et les Ouïghours comme les habitants de Hong-Kong l'expérimentent à leurs dépens. Sur la base de cette reconnaissance faciale, la Chine a mis en place un système de crédit social mesurant, grâce à la reconnaissance numérique, les comportements de chaque citoyen chinois, mais aussi, potentiellement de chaque personne captée par les caméras associées. Ce crédit social donne ou interdit l'accès aux transports publics selon la note attribuée, fait sonner d'une certaine façon, immédiatement reconnaissable par tous, le smartphone du citoyen qui a trop érodé son capital social, etc. Si la compilation en temps réel de toutes les données nécessaires pour déterminer le capital social paraît aujourd'hui complexe, elle constitue un objectif ambitieux en termes technologiques. À cela s'ajoute qu'en 2019, 63 pays étaient déjà équipés en totalité ou partiellement avec la technologie chinoise de reconnaissance faciale et, pour certains d'entre eux, laissaient un accès aux bases de données de visage à la Chine. Elle dispose ainsi qu'une base de données unique lui permettant de conforter l'avance de ses technologies en la matière. Cette avance technologique lui permet d'édicter ses normes,

- et enfin dans le domaine de la monnaie numérique qui fait l'objet d'un développement ultérieur.

c) La création de normes participe de la diplomatie économique chinoise

L'Union européenne et les États-Unis sont des puissances normatives. La Chine l'est déjà devenue dans certains domaines et semble vouloir accroître son influence normative. Ainsi en est-il en Afrique et en Amérique latine, continents qui font chacun l'objet d'une annexe au présent rapport présentant leur relation avec la Chine.

Ces deux continents fournissent à la Chine matières premières et produits agricoles et sont demandeurs d'investissements directs étrangers, favorisant notamment le développement de leurs infrastructures. Par le biais de ces financements, la Chine a fait progresser sa puissance normative sur ces continents, selon certains analystes : « [l'Afrique et l'Amérique latine] sont aussi des terrains d'expression de la puissance normative chinoise, à travers les dispositifs servant aux investissements directs étrangers et au développement d'infrastructures. Plusieurs organisations non gouvernementales chinoises, qui sont en réalité sous tutelle du pouvoir central à Pékin, se font les chantres de cette nouvelle normalisation. Pour le dire autrement, ne pas respecter le cahier des charges chinois expose les interlocuteurs africains ou sud-américains à une batterie d'incertitudes sur la pérennité de l'investissement » 86 ( * ) .

La Chine qui a créé sa propre agence de notation de la dette souveraine des États, Dagong Global Credit Rating 87 ( * ) , cherche aujourd'hui à positionner ses propres agences de notation pour évaluer les performances économiques d'un certain nombre de partenaires, États comme entreprises. Ceci lui permet d'appliquer des critères différents de ceux des autres agences de notation.

Il suffit de voir le succès et l'influence du classement universitaire des universités mondiales par l'université Jiao Tong de Shanghai, dit classement de Shanghai, pour prendre la mesure du levier que représente la capacité à produire des normes qui s'imposent à tous. Le classement de Shanghai a eu un réel impact en France sur les politiques publiques françaises. Dans la mesure où le classement d'un établissement apparaissait fortement lié à sa taille, l'argument de la remontée dans le classement a parfois été invoqué en appui des stratégies de regroupement ou de fusion de nombreuses institutions universitaires françaises dans les années 2010.

Le droit et les règles américaines ont orchestré les relations géoéconomiques sur la scène internationale depuis la fin de la seconde guerre mondiale. L'Union européenne a su produire ses propres normes économiques, sociales et environnementales, sur le plus grand marché mondial qu'est son territoire, portant son influence au-delà de ses frontières tant l'accès à ce marché est un levier d'influence important. La Chine développe désormais de nouvelles formes de normalisation des affaires mondiales, qui sont conformes à ses intérêts et à ses objectifs.

3. Une assertivité renforcée de la politique chinoise
a) La mise en oeuvre d'un arsenal juridique chinois mieux adapté à l'extraterritorialité de ses normes

Il est nécessaire de prêter la plus grande attention à ces nouvelles normes chinoises pour trois raisons :

- la Chine a renforcé la solidité de son arsenal juridique ayant une portée extraterritoriale. La loi chinoise entrée en vigueur le 1 er décembre 2020 régit l'exportation de biens à double usage 88 ( * ) . Il en ressort que la Chine peut bloquer pour 2 ans un bien qui ne figure pas sur la liste des biens à double usage, non pas pour satisfaire les intérêts de défense chinois, mais très largement les intérêts chinois. Ainsi un intrant fabriqué en Chine pourrait être interdit d'exportation du jour au lendemain, bloquant la chaîne de production,

- elle s'est dotée en janvier 2021, en réponse aux restrictions américaines bloquant l'accès des entreprises chinoises placées sur liste noire à des composants américains essentiels et au décret publié en novembre 2020 interdisant aux Américains d'investir dans des entreprises chinoises soupçonnées de fournir ou de soutenir l'armée chinoise, de nouvelles règles visant à contrer « l'application extraterritoriale injustifiée de la législation et des mesures étrangères ». Les autorités chinoises pourront ainsi prendre sur cette base des ordonnances stipulant que les entreprises ne doivent pas se conformer à certaines restrictions étrangères. Ceci pourrait placer les groupes opérant mondialement dans une situation compliquée. Sans doute faut-il s'attendre à ce qu'à moyen terme la Chine prévoie de sanctionner, à l'instar des États-Unis, les entreprises non chinoises qui ne se conformeraient pas aux normes chinoises,

- les nouvelles normes édictées par la Chine se déploient dans les secteurs économiques stratégiques, d'avenir et en plein essor, et dans lesquels elle entend être leader, lorsqu'elle ne l'est pas déjà. Celui qui édicte les normes dans un secteur où il est leader conforte sa position dominante.

Recommandation : Il apparaît donc nécessaire à vos rapporteurs de :

- prêter une attention soutenue aux politiques de normalisation déployées par la Chine,

- d'accroître les moyens humains et financiers pour renforcer la présence de la France et de l'Union dans les instances internationales (y compris les plus techniques) de normalisation. Cette présence au bon niveau doit devenir une priorité de la politique nationale et communautaire.

b) Une diplomatie chinoise à l'offensive : la multiplication des lignes rouges

La pandémie de coronavirus est un accélérateur de politique interne et géopolitique. La Chine n'échappe pas à cette double constatation. Elle paraît aujourd'hui propulsée sur le devant de la scène internationale, tant par choix que du fait du repli des autres acteurs. Elle est aussi apparemment confrontée en interne aux effets secondaires, aux secousses dues à la pandémie.

Cette pandémie accentue la volonté de réaffirmation de la puissance chinoise qui s'enorgueillit d'avoir «  bien géré la crise ». Cette analyse ne fait pas l'unanimité. Accusée d'avoir tenté d'étouffer la crise et d'avoir laissé se propager le virus en influant sur l'OMS, d'une part, et sur l'organisation de l'aviation civile internationale (OACI), d'autre part, pour que la pandémie ne soit pas déclarée et que le trafic aérien avec la Chine ne soit pas interrompu, Pékin s'est depuis lancé dans une diplomatie du masque tellement agressive, qu'elle est parfois requalifiée de « diplomatie du loup guerrier », en référence au film Wolf Warrior 2, le plus grand succès du box-office chinois, sorti en 2017 89 ( * ) .

La volonté de proclamer la supériorité de la « gestion à la chinoise » de la crise sur la gestion par les démocraties occidentales ou asiatiques 90 ( * ) et de vanter l'aide sanitaire offerte par la Chine au reste du monde, en n'hésitant ni à confondre dons et ventes d'équipement médical, ni à passer sous silence les aides reçues par la Chine au tout début de l'épidémie, ont été le point de départ d'une bataille de narratifs :

- le directeur-adjoint et porte-parole du Bureau de l'information du ministère chinois des Affaires étrangères a remis en cause l'origine du virus, suggérant qu'il aurait été élaboré dans un laboratoire de l'armée américaine puis introduit en Chine,

- ce « narratif », qui est de l'ordre de la rumeur, a ensuite été relayé par le réseau diplomatique chinois à travers le monde. « À l'étranger, nombre d'ambassades et chefs de mission ont déployé une campagne de communication inédite, publiant des tribunes sur leur site internet et s'exprimant abondamment dans les médias du pays hôte, en Suède, en Allemagne, en Pologne, au Canada ; mais la France est sans doute le pays où l'attitude de la mission diplomatique a été la plus véhémente. Au printemps 2020, l'ambassade de Chine en France a publié cinq tribunes s'en prenant aux médias, experts et politiciens occidentaux, censés chercher à « calomnier » et « stigmatiser » la Chine. Parmi les propos les plus polémiques, l'ambassade affirmait que « les autorités taïwanaises, soutenues par plus de 80 parlementaires français dans une déclaration co-signée, ont même utilisé le mot `nègre' pour s'en prendre au Directeur général de l'OMS, le Dr Tedros Adhanom Ghebreyesus », ou encore que « les personnels soignants des établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) ont abandonné leurs postes du jour au lendemain, ont déserté collectivement, laissant mourir leurs pensionnaires de faim et de maladie ». Cette tribune du 12 avril (retirée depuis du site de l'ambassade) a valu à l'ambassadeur chinois convocation par le ministre français des Affaires étrangères » 91 ( * ) .

Force est de constater que la diplomatie chinoise est devenue assertive sur des thèmes de plus en plus nombreux, érigés en véritables lignes rouges par Pékin, et susceptibles de déclencher des réactions. Outre le Tibet, le Népal, et la frontière entre l'Inde et la Chine, lieu de récents affrontements 92 ( * ) , la diplomatie chinoise répond systématiquement à toute décision ou propos critique de manière immédiate et asymétrique, en particulier lorsque sont concernés :

- Hong Kong. L'adoption de la loi sur la sécurité nationale vidant de son sens le statut spécial de Hong Kong, « un pays deux systèmes », la répression des manifestations, la réduction de la liberté de la presse, la perte de 1,2 % de la population 93 ( * ) entre août 2020 et 2021 94 ( * ) suite à la fuite de 90 000 résidents sont autant de sujets qui déclenchent les mêmes réactions de dénégation outrées de la part des autorités chinoises,

- le Xinjiang et les pratiques injustifiables, abondamment documentées par les rapports académiques et la société civile 95 ( * ) , subies par les Ouïghours. Les condamnations se multiplient contre le traitement infligé à la minorité musulmane ouïghoure, et les appels au boycott international des marques utilisant dans leur chaîne de production du coton filé par le travail forcé ouïghour ont atteint leur but de sensibilisation des grandes marques de vêtements. La Chine réplique systématiquement lorsqu'une marque renonce au coton issu du Xinjiang : les médias chinois appellent au boycott de ses produits, les influenceurs chinois rompent les contrats qui les liaient à la marque concernée, ceci entraînant une chute importante des ventes. Le géant suédois H&M a expérimenté récemment ce type de réponse chinoise,

- Taïwan. La réaction chinoise à la volonté de la Lituanie de renforcer ses liens économiques avec Taïwan a déjà été évoquée. La France a également connu un épisode de tension forte, sur la question de Taïwan. En mars 2021, l'ambassadeur de Chine en France a insulté un chercheur français travaillant notamment sur Taïwan, Antoine Bondaz, un membre de la Fondation pour la recherche stratégique (FRS), et adressé une lettre à notre collègue Alain Richard, Président du Groupe d'échanges et d'études Sénat-Taïwan lui demandant de renoncer à l'organisation d'un voyage parlementaire sur l'île et le pressant d'éviter à l'avenir « tous contacts officiels avec les autorités taïwanaises » 96 ( * ) . La République tchèque a fait face au même genre de réaction qualifiée de menaçante par les analystes : « en janvier 2019, en amont de la visite du président du Sénat de la République tchèque à Taïwan, l'ambassade de Chine faisait parvenir un courrier au ton menaçant à la présidence de la République : ` Les entreprises tchèques qui ont des intérêts économiques en Chine devront payer pour la visite à Taïwan du président Kubera. ' La visite n'a finalement pas eu lieu du fait du décès de ce dernier, mais son successeur s'est rendu à Taïwan en août 2020. Le ministre chinois des Affaires étrangères, Wang Yi, en visite en Europe, déclarait alors qu'il ` paierait un lourd tribut pour son action à courte vue et sa manipulation politique ' » 97 ( * ) .

La question est parfois posée de savoir si cette communication est le fait de quelques personnalités ou une expression systémique. La deuxième option paraît devoir s'imposer : le fait que « Zhao Lijian soit un pionnier de l'utilisation des réseaux sociaux dans la diplomatie chinoise, ainsi que le premier diplomate chinois sur Twitter, et qu'il ait été promu directeur-adjoint du Département de l'information du ministère des Affaires étrangères à l'été 2019, sont autant d'éléments indiquant que sa pratique des réseaux sociaux américains est approuvée, et encouragée, par les autorités centrales » 98 ( * ) .

Enfin, la diplomatie chinoise prend la forme d'une « diplomatie comptable » 99 ( * ) cherchant à marginaliser l'Occident dans les organisations multilatérales en constituant un groupe de pays « amis », susceptibles de soutenir ses positions. La Chine traite alors différemment les pays qu'elle estime hostiles et ceux qu'elle juge utiles à la constitution de ce cercle de pays amis. Elle utilise d'ailleurs régulièrement ces soutiens en communiquant sur le nombre de pays adhérant - de près ou de loin - à ses initiatives, qu'il s'agisse de sa politique des nouvelles routes de la soie (signature de mémorandum, participation à des fora ou formats dédiés), de la Banque asiatique d'investissement pour les infrastructures (BAII). Ces pays-amis ont ainsi pu bénéficier de masques, puis de vaccins dans des conditions présentées comme très favorables, et très médiatisées par Pékin. La question a été posée de la conditionnalité de l'aide chinoise à la non-adhésion de Taïwan à l'OMS ? À l'absence de toute forme de soutien aux forces d'opposition de Hong Kong ? De même, la Chine cherchera-t-elle à tirer profit de sa position dominante dans la production des principes actifs nécessaires à la fabrication des médicaments (90 % du paracétamol mondial est produit en Chine), dans la production des masques, etc., pour obtenir des pays pétitionnaires des positions conformes à ses objectifs ?

c) Quel soft power chinois ? Les questions que pose le Front uni

Ruan shili est le mot en mandarin créé pour traduire l'expression « soft power ». Sur le terrain culturel par exemple, la Chine n'entend plus céder de terrain au leader américain. Le marché intérieur du cinéma chinois a désormais dépassé son homologue américain, avec plus de 60 000 salles, contre 40 300, et plus de mille films produits, contre 576. Ces films sont de fidèles reflets des priorités du PCC et mettent en scène un patriotisme triomphant.

Mais il ne s'agit pas tant de promouvoir une sorte de « Chinese way of life », mode de vie à la chinoise 100 ( * ) , que d'assurer le rayonnement international de la Chine, conformément aux objectifs du PCC et en usant des moyens définis par lui.

La présidence de Xi Jinping se caractérise par la sécurisation du régime politique, et l'accent mis sur la suprématie du PCC à partir du 19 e Congrès qui s'est tenu en 2017. L'Armée populaire de libération (APL), bras armé du PCC, est également largement confortée par des augmentations de budget conséquentes et régulières. Elle déploie « trois guerres » :

- la « guerre psychologique ». Elle affaiblit « la capacité d'un ennemi à mener des opérations de combat par l'intermédiaire d'opérations visant à dissuader, déstabiliser et démoraliser le personnel militaire ennemi et à soutenir les populations civiles » 101 ( * ) . Elle vise également à briser le lien de confiance entre gouvernants et gouvernés et à perturber le processus décisionnel du pays ennemi. Dans cette stratégie, l'étudiant, l'intellectuel, l'élu local ou national, le responsable des exportations d'un grand groupe, comme le simple membre d'une association culturelle, peuvent constituer, à leur insu, des cibles, des relais ou des courroies de transmission de certains des narratifs précités par exemple.

- la « guerre de l'opinion publique » sur tous types de médias, et on a vu l'utilisation que les diplomates chinois faisaient par exemple des réseaux sociaux. Il s'agit « d'influencer l'opinion publique nationale et internationale pour obtenir le soutien des actions militaires de la Chine et dissuader un adversaire de mener des actions contraires aux intérêts de la Chine » 102 ( * ) ,

- et la « guerre du droit ». Il s'agit « d'utiliser le droit international et national pour revendiquer une position de supériorité juridique ou faire valoir les intérêts chinois. (...). Elle a également pour but d'obtenir le soutien de la communauté internationale et de gérer les répercussions politiques possibles des actions militaires de la Chine » 103 ( * ) . Le plus récent exemple a consisté pour la Chine à adopter des lois ou règlementations lui permettant de répondre aux sanctions occidentales.

Pour mener à bien ces « guerres », l'APL a recours au « Front uni » ou « travail de front uni » 104 ( * ) , département du PCC, doté de douze bureaux, chargés d'autant de cibles. De nombreuses organisations se trouvent sous la responsabilité du système du Front uni, telles que le « Conseil chinois pour la promotion de la réunification nationale pacifique ». Toutes ces organisations possèdent des membres et des affiliations à l'étranger, qui ne semblent pas être sans lien avec les ambassades et consulats chinois selon les analystes 105 ( * ) .

Ce terme de « front uni » renvoie à une stratégie datant de la révolution communiste russe, puis chinoise, consistant à s'allier avec/ou rallier des ennemis de second rang pour lutter contre ceux de premier rang et utiliser des alliés provisoires - parfois des « idiots utiles » - pour remplir ses objectifs idéologiques. Rappelons que cette stratégie est loin de n'avoir été employée que par la Chine.

La plupart des activités initiées par le Front uni sont tout à fait légales et ceux qui participent à ces activités ne sont pas nécessairement au courant de leur cooptation. Le Front uni peut utiliser des associations très diverses et variées, qui se comptent par milliers, « de structures écran et d'individus affiliés à d'autres branches de l'État-parti - think tanks , médias. Mais il désigne aussi des actions menées par des milliers d'organisations, universités, associations d'amitié, journalistes chinois à l'étranger ou encore organisations religieuses officielles. N'importe quel département du PCC peut être amené à faire une action de front uni » 106 ( * ) . Le Front uni finance des opérations d'influence les plus diverses dans le reste du monde mais également en Europe.

À ce titre, son action au sein des instituts Confucius interroge. Alors que la France considérait ces instituts comme des instruments de soft power classique, comparables à ces écoles et alliances françaises, il est apparu que l'action chinoise ne se limitait pas au développement des échanges culturels et linguistiques en leur sein, mais déployait en fait les « trois guerres », en s'installant au coeur des universités, instituts technologiques ou tout autre organisme d'enseignement du pays hôte. Dès le début des années 2010, l'image des instituts commençait à se ternir : Michel Foucher notait ainsi 107 ( * ) « (...) les Instituts Han Ban ou Confucius sont aujourd'hui environ 350 dans une centaine de pays, avec plus de 300 classes du même nom et presque autant d'élèves apprenant le mandarin que dans les alliances, qui ont servi de modèle. Les pays cibles sont les Etats-Unis (70 instituts), le Canada, la France, le Royaume-Uni, l'Allemagne, la Thaïlande, la Corée du Sud et le Japon. Mais l'objectif de 1 000 établissements et de 100 millions d'apprenants en 2020 ne sera pas atteint en raison de la réserve croissante des pays hôtes face à cette influence présentée comme irénique.». En 2021, on compte environ 500 instituts, implantés dans 146 pays.

La réaction européenne est pourtant lente. En 2018, la France soutenait encore le développement des instituts Confucius sur son territoire 108 ( * ) . Pourtant les alarmes se multiplient :

- la liberté académique est inexistante dans ces instituts : le Tibet, le traitement des Ouïghours au Xinjiang ou la répression à Hong Kong sont autant de sujets tabous. La volonté de reprise en main de la liberté académique de l'institut Confucius de Lyon en 2013, suite à l'arrivée d'un nouveau directeur chinois remettant en cause les contenus pédagogiques et insistant pour intégrer plus étroitement l'institut au sein de l'Université Lyon 3, a conduit à sa fermeture,

- l'existence de contrats de travail manifestement contraires aux droits français et européen 109 ( * ) ,

- la fermeture, pendant la présidence Trump, de plus de la moitié des 110 instituts installés sur le sol américain, consécutive à la décision du Sénat américain d'interdire, au nom de la sécurité nationale, le financement des universités qui hébergeraient de tels établissements,

- l'interdiction de séjour prononcée en 2019 par la Belgique contre le directeur de l'institut Confucius installé sur le campus de l'Université libre de Bruxelles en langue néerlandaise (VUB) suite à des accusations étayées d'espionnage 110 ( * ) ,

- la suspension au printemps 2019 des 29 accords passés par les universités anglaises, avec les instituts Confucius dans l'attente d'un audit en profondeur diligenté à la demande du parti conservateur,

- l'alarme lancée en 2021 par la ministre allemande de l'Éducation en direction des universités allemandes pour qu'elles mettent fin à leur coopération avec les instituts Confucius 111 ( * ) .

En avril 2021, la Suède a fermé les portes du dernier institut Confucius sur son sol, succédant ainsi à la Norvège qui en avait fait de même en mars. L'institut Confucius installé en Belgique précité a été fermé. Une cinquantaine d'Instituts Confucius sont encore actifs à travers l'Union européenne, dont 18 en France.

Selon les informations communiquées à vos rapporteurs pendant leurs auditions, le Front uni organise également des campagnes de désinformation ou de collecte d'informations sur le territoire européen. La China Global Television Network ( CGTN ), empire chinois médiatique multilingue, diffuse dans 140 pays avec pour missions de donner un point de vue chinois sur l'actualité et d'influencer les débats publics nationaux en Europe 112 ( * ) . En février 2019, le régulateur britannique des médias, l' Office of communications ( Ofcom ) a révoqué la licence de CGTN, au motif de son absence d'indépendance, et l'a sanctionnée pour avoir diffusé la confession forcée de l'ancien journaliste Peter Humphrey. La chaîne est diffusée par satellite et la loi française ne prévoit pas d'autorisation préalable des chaînes satellitaires étrangères, l'interdiction de diffusion de CGTN n'était donc pas possible, comme l'indique la décision du CSA. Cette situation illustre l'absence de moyens déployés pour s'opposer à la propagande agressive de Pékin. Selon Reporters sans frontières, l''asymétrie entre des pays démocratiques ouverts, à information libre, et des pays fermés, à information contrôlée, exportateurs de propagande, affaiblit la fiabilité de l'information. Il est donc urgent d'y remédier.

Enfin, une augmentation préoccupante des cyberattaques contre les institutions européennes qui franchiraient les lignes rouges chinoises, a été constatée. En mai 2021, une attaque par déni de service visant des plateformes officielles belges, et bloquant une partie des outils numériques du pays, a abouti à l'annulation des visioconférences prévues par le Parlement fédéral sur le sort des Ouïghours en Chine. Cette attaque a été perpétrée alors que le Parlement belge avait notamment mis en place une commission dans l'éventualité de la reconnaissance du « crime de génocide perpétré par le gouvernement de la République populaire de Chine contre les Ouïghours ».

Recommandation : Il apparaît donc nécessaire à vos rapporteurs :

- de renforcer les services de l'État et de l'Union européenne, tels que le SEAE (en les dotant des compétences techniques et linguistiques adéquates), afin qu'ils puissent mieux suivre toutes les actions diffuses menées par le Front uni, identifier ses modes d'actions sur le territoire européen, déceler les campagnes d'influence et de désinformation qu'il orchestre, etc.,

- de prêter la plus grande attention aux recommandations des services, au niveau de l'État, des collectivités territoriales, de toutes institutions publiques, telles que les universités, notamment,

- de développer une stratégie de dissuasion structurée permettant de répondre aux ingérences constatées, assortie de sanctions sévères,

- d'imposer aux médias diffusant depuis l'étranger les obligations qui s'imposent aux médias nationaux.

4. La déclinaison de cette politique chinoise assertive en Australie et à Taïwan doit-elle être un avertissement pour l'Europe ?
a) Taïwan, laboratoire de l'action du Front uni pour influer sur des résultats électoraux en Asie

La Chine considère Taïwan comme une partie de son territoire, elle dénonce chaque visite ou projet de visite de responsables occidentaux sur l'île. Enfin, elle menace de recourir à la force en cas de proclamation formelle d'indépendance par Taipei et s'y prépare 113 ( * ) .

La campagne pour les élections régionales de 2018, puis pour les élections générales de 2020 à Taïwan ont été l'occasion pour Pékin de déployer un éventail très large d'actions visant à empêcher la candidate du Parti démocrate progressiste 114 ( * ) :

- une opération de désinformation chinoise laissant entendre que Taïwan n'aurait pas cherché à aider les passagers taïwanais bloqués à l'aéroport du Kansai après le typhon Jebi en 2018, la Chine étant présentée comme palliant cette grave carence. Cette fausse information pourrait avoir été la cause du suicide du représentant de Taïwan à Osaka au Japon,

- la diversification de Voice of the Strait , l'organe chinois de propagande radiophonique à l'attention de Taïwan, pour toucher les locuteurs de dialectes minnan et hakka,

- le rachat en 2008 de médias taïwanais, notamment le groupe China Times, regroupant trois quotidiens, trois magazines, trois chaînes de télévision et huit sites d'information en ligne. Le nouveau groupe s'est illustré « par une orientation éditoriale ouvertement prochinoise, relayant un nombre croissant de contenus « publirédactionnels » payés par le gouvernement chinois, des dépêches de l'agence Xinhua, et achetant de la publicité dans d'autres médias pour le compte d'entités chinoises. Plusieurs responsables éditoriaux vont par la suite reconnaître avoir reçu des instructions directement du bureau des affaires taïwanaises chinois »,

- la China Huayi Brodcasting Corporation agissant dans le cadre du Front uni a multiplié les événements culturels ou académiques en Chine, afin de favoriser l'adhésion aux visions chinoises des Taïwanais sensibles à la coopération entre les deux rives,

- la cooption d'une partie des entrepreneurs taïwanais qui se voit ouvrir, voire offrir, le marché chinois et deviennent ainsi plus enclins à ne pas s'opposer, voire à soutenir les objectifs chinois de réunification,

- la vague spectaculaire de popularité sur divers réseaux sociaux, dont a bénéficié un candidat du KMT à Kaoshiung, serait l'oeuvre d'une manipulation d'un cybergroupe professionnel chinois ayant usé pour cela de faux profils sur le réseau LinkedIn notamment. Ce candidat inconnu avant les élections a remporté la ville de Kaoshsiung, a gagné les primaires du KMT dont il a été le candidat aux élections de 2020,

- le soutien du candidat du parti nationaliste chinois du Kuomintang (KMT) pour la ville de Kaoshiung par un youtubeur taïwanais était une manipulation, puisque ce prétendu influenceur taïwanais se révéla être en fait un journaliste chinois de la Radio nationale chinoise,

- 66 cas de tentatives de financement de candidats aux élections ont été identifiés.

Taïwan et Hong Kong sont présentés par l'Irsem comme un terrain d'entraînement et de test de méthodes qui pourraient s'étendre à la planète entière. L'Australie subit depuis quelques années déjà une politique chinoise extrêmement agressive.

b) L'Australie, laboratoire de la Chine pour les démocraties occidentales ?

La relation de l'Australie avec la Chine est relativement complexe dans la mesure où leur relation économique est cruciale pour la croissance australienne, alors que, dans le même temps, la montée en puissance de la Chine, sa militarisation et ses actions en Mer de Chine méridionale constituent autant de facteurs d'inquiétude pour tous les voisins de la Chine y compris l'Australie.

Un « partenariat stratégique » signé en avril 2013 pour dix ans prévoyait une rencontre annuelle entre Premiers ministres chinois et australien et un dialogue ministériel sur les questions économiques, de politique étrangère et de défense. La même année, les deux pays ont signé un accord de convertibilité directe entre le dollar australien et le yuan. Le dollar australien était alors devenu la troisième monnaie à bénéficier de ce régime après le dollar américain et le yen japonais, ce qui correspondait au fait qu'en 2014, les deux tiers de la croissance des exportations australiennes étaient dues au dynamisme de la croissance chinoise, premier client et premier fournisseur de l'Australie. La Chine avait absorbé 34 % des ventes australiennes en 2014 contre à peine 12 % en 2005. La Chine était également devenue le premier investisseur en Australie et l'augmentation du pouvoir d'achat en Chine promettait de nouveaux débouchés à l'agriculture australienne. L'Australie était alors le seul pays développé ayant un excédent commercial conséquent avec la Chine de 34 milliards de dollars américains en 2013 grâce à ses exportations de matières premières, notamment de minerai de fer.

La relation s'est tendue en plusieurs étapes successives. Au nom de « l'intérêt national du pays » ou « de la sécurité du pays », plusieurs investissements chinois ont été empêchés. Ce fut le cas en 2016 du rachat par un consortium chinois de la grande compagnie d'exploitations bovines S. Kidman and Co dans la région de l'Outback, et du rachat par deux consortiums, l'un mené par un groupe public chinois et l'autre par un groupe hongkongais, de la compagnie de distribution d'électricité détenue par l'État de Nouvelle-Galles du Sud,

Puis le livre blanc de politique étrangère australienne de 2017 relevait que l'Australie et la Chine ont « des intérêts valeurs, et systèmes politiques et légaux différents » et suggérait que la meilleure option pour l'Australie était « d'élargir et d'approfondir » son alliance avec les États-Unis. La même année, l'Australie a interdit les dons étrangers à des partis politiques australiens. Sur la période 2000-2015, 80 % de ces dons venaient de la Chine 115 ( * ) . En 2018, l'Australie s'est dotée, avant d'importantes élections partielles, d'une législation visant à réduire les ingérences étrangères. La nouvelle législation renforçait notamment les infractions liées à l'espionnage et introduisait de nouveaux délits pour réprimer les agissements ou menaces délibérées de la part d'acteurs étrangers dont l'intention était d'influencer les affaires politiques intérieures ou de leur nuire. Par ailleurs, la même année, Huawei s'est vu interdire l'accès à l'édification du réseau 5G australien. Signe de la crispation de la relation bilatérale, les investissements chinois en Australie ont chuté de 62 % en 2019, le nombre de transactions diminuant de 43 %.

Depuis juin 2020, le ministre des Finances peut, en dernier ressort, imposer des conditions ou annuler un projet d'investissement, même après le feu vert du Foreign Investment Review Board ( FIRB ), ce qui a été fait : le plan d'acquisition de l'entreprise australienne Lion Dairy par le géant chinois des produits laitiers China Mengniu Dairy a ainsi été bloqué. Enfin, l'Australie a pris position en faveur de Hong Kong, critiquant le non-respect des engagements chinois. Elle fut le premier pays à demander une enquête de l'OMS sur les origines de la pandémie de covid-19, ce qui a provoqué de violentes déclarations chinoises, la propagation de fausses informations particulièrement choquantes 116 ( * ) et la publication par l'ambassade de Chine à Canberra d'une série de 14 demandes, remettant notamment en cause la liberté de la presse et la liberté d'expression.

De très importantes mesures ont été prises par la Chine pour contraindre l'Australie à modifier sa position. En 2021, la Chine absorbe désormais 40 % des importations totales de l'Australie. L'impact sur la croissance australienne des droits de douane imposé par Pékin sur différents produits importés d'Australie 117 ( * ) , est donc particulièrement fort. Les exportations de charbon vers la Chine sont bloquées. Elle a demandé à ses industries et ports de ne plus s'approvisionner auprès des entreprises australiennes, depuis l'automne 2020, ce qui a contribué à faire chuter drastiquement le cours du charbon. Le minerai de fer pourrait connaître le même sort : depuis janvier 2021, la Chine a diminué de 12 % ses importations de fer australien 118 ( * ) , essentiellement en raison d'une chute de la production d'acier chinoise.

Enfin, le gouvernement chinois a annoncé son intention de réduire de façon drastique les flux de touristes chinois, qui représentaient, avant la pandémie de coronavirus, une ressource importante pour l'économie australienne.

Le gouvernement australien n'a pas été pris au dépourvu par cette offensive géoéconomique 119 ( * ) de la Chine, en témoigne le livre blanc des affaires étrangères de 2017, les acteurs économiques du pays ont continué de « considérer le marché chinois comme un eldorado capable d'absorber les exportations australiennes, au risque, en cas de retournement des relations politiques comme c'est le cas aujourd'hui d'en payer le prix » 120 ( * ) .

La difficulté réside pour l'Australie dans sa capacité à définir des mesures crédibles face à la Chine tant le face à face entre les deux pays est déséquilibré. Le Parlement australien a adopté une loi permettant au gouvernement d'annuler un accord commercial signé avec un pays qui ne respecterait pas ses engagements. Sur cette base, le gouvernement australien a décidé, en avril 2021, d'annuler deux contrats passés par l'État de Victoria avec Pékin dans le cadre des nouvelles routes de la Soie. Ces contrats, qui dataient de 2018 et 2019, donnaient la possibilité à la Chine d'investir dans l'État de Victoria, et aux entreprises de cet État de participer aux projets chinois à l'étranger. L'Australie devrait également plaider sa cause devant l'OMC, sans qu'il soit évident que la Chine accepte une éventuelle décision en sa défaveur, ni qu'elle se plie à son exécution.

Le coordinateur pour l'Indopacifique au conseil national de sécurité américain a annoncé que l'amélioration des relations commerciales entre les États-Unis et la Chine serait conditionnée à la levée des sanctions commerciales chinoises sur l'Australie 121 ( * ) . Le cas de l'Australie pourrait pousser d'autres pays à « se poser une série de questions longtemps négligées : comment dissuader la Chine de prendre de telles mesures ? Comment limiter l'impact potentiel de telles mesures ? Comment réagir de façon coordonnée face à ces mesures ? etc. ».

II. LA LENTE PRISE DE CONSCIENCE EUROPÉENNE À L'ORÉE DU XXIE SIÈCLE CHINOIS

A. L'ÉMERGENCE D'UNE COMPRÉHENSION EUROPÉENNE DU PROJET CHINOIS

En adoptant le traité de Lisbonne en 2007, les États membres ont manifesté leur volonté de rendre plus cohérente leur politique étrangère et de sécurité, en créant, notamment un nouvel organe diplomatique, le service européen pour l'action extérieure (SEAE) et en faisant succéder au « ministre des affaires étrangères de l'Union », un « Haut Représentant de l'Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité ». Ces prémisses indispensables n'étaient cependant pas suffisantes.

En 2017 et 2018, lors de l'élaboration de leur rapport sur les nouvelles routes de la soie, précité, vos rapporteurs ont cherché en vain la réponse de l'Union à la politique internationale que déployait la Chine depuis 2013-2014 122 ( * ) .

Tous les niveaux de l'Union européenne semblaient mobilisés : la commission, les commissions du Parlement européen, le SEAE, et différentes directions de la commission. Pour autant, ou peut-être à cause de la multiplicité des acteurs, un discours clair sur la position européenne sur les nouvelles routes de la soie ne paraissait pas immédiatement lisible. Ce sont d'ailleurs les ambassadeurs des États membres, en poste à Pékin, qui ont rédigé les « messages communs 123 ( * ) » afin que l'Union européenne s'exprime d'une seule voix les 14 et 15 mai 2017 lorsque s'est tenu à Pékin le sommet des routes de la soie qui réunissait 29 chefs d'État ou de gouvernement et 69 pays. Cette manière originale de procéder a été efficace, mais ne pouvait se substituer à une position plus globale de l'Union européenne. Vos rapporteurs ont alors eu l'impression que la Chine donnait le tempo et que l'Union européenne suivait l'impulsion donnée, ce qui n'a jamais fait une politique étrangère et de sécurité cohérente. Le changement en 2021 est réel, mais l'émergence de l'Europe a été lente et n'est sans doute pas encore complètement achevée.

1. Les relations UE-Chine et le lent réveil européen
a) En 2015, l'Union considère la Chine comme porteuse d'opportunité de développement économique

Les relations commerciales entre la Chine et l'Union européenne se sont constamment renforcées depuis l'ouverture économique chinoise à la fin des années 1970. L'Union européenne est le premier partenaire commercial de la Chine et, si le marché américain est le premier débouché pour l'Union européenne, il ne constitue plus son premier fournisseur. Ce rôle est désormais dévolu à la Chine. La croissance des échanges commerciaux et des investissements depuis l'entrée de la Chine à l'OMC fin 2001 a considérablement accentué l'interdépendance économique entre ces deux puissances économiques. Cette relation est caractérisée par un déséquilibre au profit de la Chine, avec un déficit commercial européen s'élevant pour 2015 à 161,9 milliards d'euros.

La vision communautaire des nouvelles routes de la soie consiste à reconnaître les nouvelles opportunités économiques que cette stratégie chinoise pourrait offrir aux pays européens à condition que le partenariat noué soit ouvert et équitable. Une certaine prudence reste de mise, l'Union européenne choisissant de ne pas signer de mémorandum avec la Chine.

En 2015, la Chine était le premier État non membre de l'UE à annoncer sa volonté de contribuer au Plan d'investissement pour l'Europe, ce qui a conduit à la mise en place d'un groupe de travail conjoint, dit « Plateforme sur la connectivité UE-Chine », en septembre 2015. Il s'agissait d'explorer les opportunités de synergies entre ces deux initiatives ainsi que les possibilités de co-financement pour des projets d'infrastructures spécifiques 124 ( * ) et d'inciter la Chine à financer des projets d'infrastructures en Europe par des apports directs en capitaux propres et non plus simplement par des prêts, afin de favoriser la réciprocité et l'application des règles et standards européens. La même année, le lancement de la banque asiatique d'investissement pour les infrastructures est un succès, et alors que les États-Unis s'opposaient à cette initiative chinoise, la plupart des pays européens y ont adhéré. La Chine est alors clairement moteur de la relation avec l'Union.

b) En 2016, l'Union définit un nouveau cadre stratégique pour sa relation avec la Chine

Le 24 juin 2016, la Commission de l'UE et la Haute Représentante pour les Affaires étrangères et la politique de sécurité ont adressé une note politique conjointe au Parlement européen et au Conseil européen, définissant les éléments pour une nouvelle stratégie de l'Union à l'égard de la Chine. Soulignant les opportunités et les attentes suscitées par la relation entre la Chine et l'Union, ce document évoquait la nécessaire solidarité des membres de l'UE à l'international et affirmait la nécessité pour les pays de l'Union d'agir en « bloc cohérent et avec efficacité » afin, « de promouvoir les intérêts de l'Europe et de ses citoyens », comme le rappelle l'encadré suivant reprenant les principales recommandations de la stratégie.

La communication conjointe au Parlement européen et au Conseil pour une nouvelle stratégie de l'Union à l'égard de la Chine du 22 juin 2016 125 ( * )

La communication conjointe au Parlement européen et au Conseil propose des éléments pour l'adoption d'une nouvelle stratégie de l'UE à l'égard de la Chine. Celle-ci est destinée à constituer la dimension chinoise de la mise en oeuvre des orientations politiques de la Commission Juncker, en contribuant au programme relatif à l'emploi, à la croissance et aux investissements ainsi qu'au renforcement du rôle de l'UE en tant qu'acteur mondial. Elle vient compléter la stratégie «Le commerce pour tous » de la Commission européenne et tient compte des avis émis par le Parlement européen dans son rapport de décembre 2015 sur les relations UE-Chine, qui vise à définir un cadre stratégique pour ces relations pour les cinq prochaines années. Ses principales propositions sont que l'UE :

- profite de nouvelles ouvertures pour renforcer sa relation avec la Chine ;

- engage le dialogue avec la Chine sur son processus de réforme par des moyens pratiques qui génèrent des bénéfices mutuels pour nos relations dans les domaines, entre autres, de l'économie, du commerce, des investissements, de la société et de l'environnement ;

- promeuve la réciprocité de règles du jeu équitables et une concurrence loyale dans tous les domaines de coopération ;

- encourage l'achèvement en temps utile des négociations concernant un accord global sur les investissements et une approche ambitieuse en matière d'ouverture de nouveaux débouchés commerciaux ;

- fasse progresser la connectivité entre l'Europe et la Chine, tant au niveau des infrastructures et des échanges que sur le plan numérique et dans sa dimension interpersonnelle, sur la base d'une plateforme ouverte fondée sur des règles qui seront profitables à tous les pays le long des itinéraires proposés ;

- promeuve les biens publics mondiaux, le développement durable et la sécurité internationale, conformément à nos responsabilités respectives dans le cadre de l'ONU et du G20 ;

-  promeuve le respect de l'état de droit et des droits de l'homme en Chine et dans le monde ;

- et maximise la cohésion et l'efficacité de l'UE dans ses relations avec la Chine.

Le 18 e sommet UE-Chine s'est tenu à Pékin en juillet 2016 dans une ambiance inhabituellement tendue et sans adoption de déclaration conjointe. La Chine souhaitait obtenir que l'Union européenne ouvre des négociations sur un accord de libre-échange UE-Chine et qu'elle lui reconnaisse le statut d'économie de marché 126 ( * ) . L'Union pour sa part cherchait la conclusion d'un accord global d'investissement entre l'Union et la Chine, comprenant un accès réciproque au marché, et un accord sur la protection des indications géographiques. « La stratégie de la Chine, consistant à forcer la Commission à lui concéder le statut d'économie de marché en faisant pression sur les États membres, s'est faite de plus en plus agressive. Avec, finalement, l'effet inverse, puisqu'elle a contribué à unifier l'UE plutôt que la diviser » 127 ( * ) . La même année, l'achat du fabricant allemand d'équipements robotiques Kuka par l'entreprise chinoise Midas attirait l'attention sur le recentrage des investissements chinois sur les entreprises de haute technologie en Europe et induisait la proposition de la Commission en faveur d'un mécanisme de contrôle des investissements, qui est finalement entré en vigueur en 2020.

c) En 2018, l'Union inscrit sa relation bilatérale avec la Chine dans le cadre plus global de l'Asie

En juin 2017, s'est tenu le 19 e sommet entre l'Union européenne et la Chine, qui a été l'occasion de la signature d'un protocole d'accord afin d'entamer un dialogue sur le contrôle des aides d'État et d'un cadre stratégique de coopération douanière pour la période 2018-2020. Il y a également été décidé de financer au titre de l'instrument de partenariat une nouvelle phase de l'arrangement administratif relatif à la coopération concernant la protection et le respect des droits de propriété intellectuelle. Ce programme est depuis 2013 le principal instrument dont la Commission européenne dispose pour régler les problèmes juridiques auxquels sont confrontées les entreprises communautaires en Chine. À l'occasion de ce sommet, Pékin a cependant refusé de signer une déclaration commune sur le climat proposée par Bruxelles.

En octobre 2018, le Conseil a adopté des conclusions sur le thème « Relier l'Europe à l'Asie - Éléments fondamentaux d'une stratégie de l'UE » 128 ( * ) , à la suite de la communication conjointe présentée par la Commission et la haute représentante 129 ( * ) . L'UE associera une approche de principe de la connectivité à la prise en compte du fait que l'Asie englobe différentes régions, qui abritent des pays très divers en matière de modèles économiques et de niveau de développement, avec des actions concrètes fondées sur les trois volets, détaillés dans l'encadré suivant :

- mettre en place des liaisons de transport et des réseaux énergétiques, numériques et humains ;

- proposer des partenariats en matière de connectivité aux pays d'Asie et aux organisations ;

- promouvoir un financement durable en recourant à divers instruments financiers.

Cette stratégie peut être vue comme une réponse à la politique chinoise des nouvelles routes de la soie. La connectivité décrite, et que l'Union européenne entend mettre en oeuvre, s'appuie ainsi sur des volets qui reprennent à la fois les objectifs européens et répondent aux critiques parfois adressées aux nouvelles routes de la soie : ne pas tenir compte des besoins de connectivité des territoires traversés (au profit des corridors commerciaux nécessaires à la Chine), favoriser le surendettement par un accès aux prêts sans mesure avec la rentabilité réelle des infrastructures réalisées, enfin, par un bilatéralisme de masse, évincer les organisations internationales et les règles de bonne gouvernance qu'elles portent.

Relier l'Europe à l'Asie - Éléments fondamentaux d'une stratégie de l'UE

Les trois volets de la stratégie de 2018 sont les suivants :

- mettre sur pied des réseaux transfrontières. Les réseaux transeuropéens de transport (RTE-T) de l'UE sont ainsi étendus en Asie. Ceci concerne aussi les réseaux numériques. Le marché unique numérique de l'UE jette les bases du renforcement des échanges dans le domaine des services numériques, tandis que sa stratégie concernant le numérique au service du développement, « Digital4Development strategy », favorise le développement. L'Union souhaite soutenir la mise en place de marchés régionaux de l'énergie libéralisés, en mettant l'accent sur la transition induite par le marché vers une énergie propre ;

- mettre en place des partenariats solides, tant bilatéraux que mondiaux, en matière de connectivité. Forte d'un marché intérieur à la fois équitable, transparent et fondé sur des règles, l'Union européenne engage le dialogue avec des partenaires par-delà ses frontières, en vue de promouvoir des approches similaires visant à rendre durable la connectivité. L'UE annonce qu'elle mettra en oeuvre des partenariats bilatéraux en matière de connectivité tels que la plateforme de connectivité UE-Chine, « qui doit aider les deux parties à créer des synergies et à traiter leurs divergences de points de vue » 130 ( * ) . Enfin, l'UE cherche, dans le cadre d'un dialogue avec les organisations internationales, à fixer des normes internationales applicables à la connectivité ;

- promouvoir un financement durable de l'investissement de connectivité. Les besoins de l'Asie en matière d'investissements dans des infrastructures étant estimés à 1,3 billion d'euros par an, des perspectives considérables s'ouvrent aux entreprises de l'UE, pour autant que des cadres juridiques solides soient en place. L'UE s'emploiera à combiner des sources de financement provenant d'institutions financières internationales, de banques multilatérales de développement et du secteur privé, de manière à garantir un financement national et international durable de la connectivité, tout en garantissant aux entreprises la transparence requise et des conditions de concurrence équitables. Le Fonds européen pour les investissements stratégiques y participe.

La communication conjointe servira de base au dialogue entre l'UE et ses partenaires, pays couverts par la politique de voisinage ou pays du Pacifique, en procurant des avantages aux peuples de l'Europe et de ces pays qui savent toute la valeur de l'approche de l'Union en matière de connectivité.

d) En 2019, l'Union qualifie pour la première fois la Chine de rivale systémique

La communication conjointe du 12 mars 2019 131 ( * ) de la Commission européenne et de la Haute représentante montrait une réelle prise de conscience du fait que l'équilibre entre les défis et les opportunités que présente la Chine a évolué. La Chine est décrite à la fois comme un partenaire de coopération dont les objectifs concordent largement avec ceux de l'UE, un partenaire de négociation avec lequel l'UE doit parvenir à un équilibre d'intérêts, mais aussi un concurrent économique qui ambitionne la primauté et la supériorité technologique et enfin un rival systémique qui promeut d'autres modèles de gouvernance.

Certains commentateurs estiment que l'évolution de l'Union européenne de 2019 tient, certainement à la prise de conscience des ambitions chinoises et de ses modalités d'action, mais aussi à la nécessité de trouver sa propre voie pour défendre ses intérêts, hors du soutien des États-Unis, son allié historique engagé pour sa part dans une confrontation commerciale et géostratégique de plus en plus dure avec la Chine dès 2017. L'administration Trump a ainsi mis en lumière les déséquilibres persistants dans la relation commerciale et grandissants dans la relation technologique avec la Chine, mais en choisissant une voie non coordonnée avec l'Union.

La stratégie de l'UE s'articule autour de 10 mesures, présentées dans l'encadré suivant, et répondant aux trois objectifs suivants :

- consolider l'engagement de l'Union avec la Chine pour promouvoir leurs intérêts communs au niveau mondial en s'appuyant sur des intérêts et des principes clairement définis. Ceci se traduit par une invite de la Chine, d'une part, notamment à assumer pleinement ses responsabilités sur les trois piliers des Nations unies : droits de l'homme, paix et sécurité et développement et à appuyer le plan d'action global pour l'Iran et, d'autre part, à plafonner ses émissions avant 2030. À l'heure actuelle, la Chine envisage au contraire de continuer d'augmenter ses émissions de CO2 jusqu'à 2030, elle annonce ensuite leur diminution,

- s'employer plus activement à instaurer des relations économiques plus équilibrées et fondées sur la réciprocité. Il s'agit là d'inciter la Chine à tenir les engagements conjoints UE-Chine tels que la réforme de l'OMC, en particulier pour les subventions et les transferts de technologie forcés. L'objectif porte également sur la conclusion d'accords bilatéraux sur les investissements et les indications géographiques,

- et renforcer les politiques intérieures et la base industrielle communautaires, dans certains domaines, pour maintenir à long terme sa prospérité, ses valeurs et son modèle social. Il est ici fait référence à la nécessité d'une approche commune de l'UE dans les domaines de la sécurité des réseaux 5G et du filtrage des investissements étrangers dans des actifs, technologies et infrastructures critiques.

Les 10 mesures proposées par la communication
« Relation UE-Chine - Une vision systémique »

Mesure 1 : l'UE renforcera sa coopération avec la Chine afin d'assumer les responsabilités communes sur l'ensemble des trois piliers des Nations unies, à savoir les droits de l'homme, la paix et la sécurité, et le développement.

Mesure 2 : afin de lutter plus efficacement contre le changement climatique, l'UE appelle la Chine à plafonner ses émissions avant 2030, conformément aux objectifs de l'accord de Paris

Mesure 3 : l'UE approfondira le dialogue sur les questions de la paix et de la sécurité, en s'appuyant sur la coopération positive en faveur du plan d'action global commun pour l'Iran.

Mesure 4 : afin de préserver son intérêt en matière de stabilité, de développement économique durable et de bonne gouvernance dans les pays partenaires, l'UE appliquera plus vigoureusement les accords bilatéraux et les instruments financiers existants, et collaborera avec la Chine pour suivre les mêmes principes dans le cadre de la mise en oeuvre de la stratégie de l'UE visant à relier l'Europe à l'Asie.

Mesure 5 : afin de parvenir à une relation économique plus équilibrée et réciproque, l'UE invite la Chine à tenir les engagements conjoints UE-Chine pris. Figurent parmi ces engagements, la réforme de l'Organisation mondiale du commerce, en particulier pour ce qui est des subventions et des transferts de technologie forcés, ainsi que la conclusion d'accords bilatéraux sur les investissements d'ici 2020, sur les indications géographiques rapidement, et sur la sécurité aérienne dans les semaines à venir.

Mesure 6 : afin de promouvoir la réciprocité et de créer des possibilités de passation de marchés en Chine, le Parlement européen et le Conseil devraient adopter l'instrument international sur les marchés publics avant la fin de 2019.

Mesure 7 : afin de garantir la prise en compte, non seulement des prix, mais également de la sévérité des normes en matière de travail et d'environnement, la Commission publiera des orientations d'ici la mi-2019 au sujet de la participation de soumissionnaires et de biens étrangers dans le domaine des marchés publics de l'UE. La Commission passera en revue, conjointement avec les États membres, la mise en oeuvre du cadre actuel afin de recenser les lacunes avant la fin de 2019.

Mesure 8 : afin de remédier pleinement aux effets de distorsion que produisent les prises de participation par des pays tiers et les financements publics étrangers sur le marché intérieur, la Commission déterminera, avant la fin de 2019, la manière de combler les lacunes constatées dans la législation de l'UE.

Mesure 9 : afin de prévenir les éventuelles sérieuses implications pour la sécurité des infrastructures numériques critiques, une approche commune de l'UE s'impose dans le domaine de la sécurité des réseaux 5G. La Commission européenne publiera une recommandation à l'issue du Conseil européen en vue de donner le coup d'envoi à cette mesure.

Mesure 10 : afin de détecter les risques que posent, pour la sécurité, les investissements étrangers dans des actifs, technologies et infrastructures critiques et sensibiliser à leur sujet, les États membres devraient garantir la mise en oeuvre rapide, complète et effective du règlement sur le filtrage des investissements directs étrangers.

Cette vision systémique est l'aboutissement d'une longue maturation, reflet des arcanes bruxelloises et de la difficulté de définir une politique étrangère et de sécurité dans le cadre d'institutions fonctionnant par consensus. Le tableau suivant, publié dans le rapport de la Cour des comptes européenne précité, retrace cette lente évolution.

Selon la Cour européenne des comptes, les actions prévues dans ces documents stratégiques couvrent la quasi-totalité des risques et des perspectives, précédemment décrits, à l'exception de trois risques :

- le risque d'un manque de coordination entre les programmes infrastructurels de l'UE et de la Chine, ce qui peut donner lieu à des déficits en matière d'infrastructures de connectivité, ou à des situations de concurrence ou de double emploi entre projets d'investissement. Toutefois, ce risque ne paraît pas avéré en l'état de la situation, et l'UE ne souhaite pas modifier ses modalités de prise de décision en matière de connectivité et d'infrastructure,

- le risque que l'économie de l'UE pâtisse des chocs subis par ses chaînes d'approvisionnement, dont les fournisseurs clés sont chinois,

-  et le risque que les systèmes de santé publique soient touchés par les interconnexions croissantes à l'ère de la mondialisation (y compris les axes de transport chinois le long des nouvelles routes de la soie), accélérant la transmission des maladies.

D'autres analyses doivent également être considérées :

- la vision systémique est vue comme un facteur de fragilisation de la cohérence globale de la position communautaire face à la Chine, soulignant la difficulté pour une direction de la Commission de traiter la Chine en partenaire, pendant qu'une autre direction ou la même doit, sur un autre thème, considérer le concurrent ou le rival chinois. S'il ne faut pas sous-estimer cette potentielle difficulté, il semble que les préfets ou ambassadeurs soient déjà placés régulièrement dans de telles situations, traitant un acteur d'une façon ou d'une autre en fonction du dossier considéré, sans perdre ni en cohérence ni en efficacité ;

- le risque de systématiser la remontée pour arbitrage des moindres projets de coopération pour évaluer le traitement à leur appliquer. Les délais ainsi rallongés pourraient conduire à la politisation et à l'utilisation du dossier par la partie chinoise.

Les résultats de cette vision systémique sont encore mitigés et assez variés. Ils dépendent notamment du fait qu'ils sont examinés dans un domaine de compétence nationale exclusive, partagée ou communautaire.

2. La 5G : un enjeu qui a trouvé les États membres en ordre dispersé
a) Une nouvelle génération de réseaux aux enjeux décuplés

La 5G, dernière génération de réseaux, est en cours de déploiement et représente des enjeux économiques mais aussi stratégiques et souverains bien supérieurs aux générations précédentes 132 ( * ) car elle est plus qu'une progression incrémentale par rapport à la 4G. Elle représente un saut technologique qui :

- modifiera en profondeur les processus de production industrielle, les services publics, la médecine, la gestion et distribution d'eau, de gaz, d'électricité, etc., domaines sensibles et stratégiques par excellence,

- permettra d'offrir de très nombreux nouveaux services aux consommateurs,

- conduira à la création d'un nouvel écosystème numérique et de ses grands acteurs. Comme pour Internet, les premiers à investir ces nouveaux secteurs auront de fortes chances d'en devenir les leaders, probablement en situation quasi monopolistique tant les sauts technologiques deviennent déterminants et difficiles à rattraper.

Dans ce contexte, des actes de cyberattaques pourraient avoir des conséquences jamais atteintes dans le monde régi par la 4G, chaque État souhaite donc garder le contrôle sur la sécurité du réseau 5G.

De même, la confiance dans les équipementiers devient déterminante. Puisqu'il faut imaginer un monde où tous les réseaux (transport, énergie, communication) seront interconnectés et piloteront les secteurs de la santé, de la production industrielle, etc., il n'est pas possible d'ignorer la menace d'une prise de contrôle ou coupure à distance du réseau. Le risque existe qu'un équipementier insère dans le code informatique du réseau 5G une porte d'entrée dérobée dite back door lui permettant, dans le scénario le plus extrême, de couper le réseau à distance (shutdown). Dans un scénario moins extrême mais dont les conséquences pourraient être tout aussi graves, les équipementiers pourraient également espionner les données, de plus en plus nombreuses, sensibles et stratégiques, passant sur le réseau 5G.

Enfin, la 5G impactera les infrastructures critiques qui comprennent les entités publiques et privées qui fournissent des biens et services indispensables à la Nation ou peuvent présenter un danger grave pour la population. Cette définition recouvre généralement l'approvisionnement en énergie, les communications électroniques, les systèmes de transport, les services financiers, la santé publique, la gestion de l'eau et les services publics indispensables. La France a ainsi défini douze secteurs d'activité d'importance vitale et identifié plus de 200 opérateurs d'importance vitale (OIV) dont la liste est un document classifié. Le secteur des communications électroniques, de l'audiovisuel et de l'information étant reconnu comme un secteur d'activités d'importance vitale, on peut estimer que les principaux opérateurs de télécommunication, et notamment ceux exploitant des réseaux radioélectriques mobiles, figurent parmi ces OIV. La 5G est donc un enjeu de sécurité national.

La 5G est également une norme 133 ( * ) : « chaque réseau ou appareil qui entend l'exploiter doit respecter ses spécifications techniques, ce qui passe nécessairement par l'utilisation de technologies brevetées. Un smartphone moderne avec Wi-Fi, écran tactile, processeur, etc., est protégé au bas mot par 250 000 brevets (ce chiffre de 2015 est vraisemblablement plus élevé aujourd'hui). Selon une estimation de 2013, 130 000 de ces brevets seraient des `brevets essentiels à une norme' ou BEN (en anglais Standard-Essential Patents, SEP), ainsi qu'on qualifie ceux qui permettent de se conformer à une norme technique comme la 5G. Dans le domaine des technologies mobiles, le nombre et la distribution géographique de détenteurs de BEN ont évolué aux dépens de l'Amérique et de l'Europe occidentale, et au profit des pays asiatiques. (...). Huawei compte désormais parmi les plus gros détenteurs de BEN liés à la 5G. (...). Si, en 1998, les entreprises américaines touchaient 26,8 fois plus de redevances que leurs homologues chinoises [au titre des BEN] , en 2019 le rapport n'était plus que de 1,7. Logiquement, Pékin commence aussi à peser davantage dans les organismes mondiaux de normalisation. La Commission électrotechnique internationale (IEC) et l'Union internationale des télécommunications (ITU) sont dirigées par des Chinois, et le mandat de trois ans du premier président chinois de l'Organisation internationale de normalisation (ISO) a pris fin en 2018. »

La 5G est donc également un enjeu financier important et une bataille pour le contrôle des normes, d'autant plus important qu'il assoit souvent la puissance d'un opérateur pour la génération de réseaux suivante.

b) Évaluation des risques, boîte à outils, 6G : l'UE dynamique mais non contraignante

Les États membres ont pris conscience des enjeux autour de ces nouveaux réseaux, mais ont réagi en ordre dispersé. Les conditions du déploiement de la 5G relèvent d'une compétence nationale exclusive. La souveraineté et la sécurité des États, entreprises et sociétés civiles dans le contexte du déploiement des réseaux 5G dépend donc de la façon dont chaque État appréhende ses intérêts économiques, ses impératifs de sécurité nationale, la nécessité d'une autonomie nationale dans ces domaines sensibles, mais aussi de sa relation aux États-Unis. Les États-Unis appellent en effet les pays européens à interdire aux opérateurs chinois de participer au déploiement des réseaux 5G, ce qui s'est traduit :

- par l'interdiction en mai 2019 pour les entreprises américaines de commercer avec Huawei , qui, ainsi privé de ses fournisseurs américains, pourrait peiner à se maintenir dans les pays où il est déjà présent dans l'architecture 5G,

- par le renforcement du programme Réseau propre (Clean Network), « qui vise à purger Internet de l'« influence néfaste » du Parti communiste chinois (...), en réaction (...) la Chine vient également d'annoncer le lancement de son propre réseau international, la Global Data Security Initiative, destinée à contrer la surveillance et l'espionnage américains. » 134 ( * ) .

En mars 2019, le Conseil européen 135 ( * ) a appelé la Commission à publier une recommandation relative à une approche concertée en matière de sécurité des réseaux de 5G. Il souhaitait que soit accordée une attention particulière à l'accès aux données, à leur partage et à leur utilisation, à la sécurité des données et à l'intelligence artificielle. La Commission a publié, le même mois, une série de recommandations qui, sans interdire le recours aux équipementiers chinois incitait les États membres à la vigilance. Ces recommandations visaient à s'assurer qu'il n'y aurait pas de « maillon faible » sur le territoire européen. Cette série de recommandations, présentée par le chef du numérique de l'UE comme une combinaison d'instruments législatifs et de moyens d'action destinés à protéger nos économies, nos sociétés et nos systèmes démocratiques.

Au niveau national, la Commission recommandait que chaque État membre évalue les risques liés aux infrastructures des réseaux 5G avant juin 2019, en tenant compte de différents facteurs, tels que « les risques techniques et les risques liés au comportement des fournisseurs ou des opérateurs, y compris ceux de pays tiers », puis mette à jour ses exigences de sécurité pour les fournisseurs de réseaux ainsi que les conditions d'octroi des droits d'utilisation des fréquences dans les bandes qui seront ouvertes pour la 5G. La Commission encourageait la mise en place des mesures nécessaires pour garantir l'obligation renforcée, pour les fournisseurs et les opérateurs, de garantir la sécurité des réseaux de 5G. Ainsi les autorités compétentes à l'échelle nationale pourront, d'une part, demander la communication de toute information leur paraissant nécessaire avant toute modification des réseaux de communications électroniques par un acteur du secteur et, d'autre part, contraindre, pour des raisons de sécurité et d'intégrité des réseaux, les fournisseurs et les opérateurs à utiliser des équipements et des systèmes de traitement de l'information préalablement testés.

Enfin, la Commission affirmait clairement le droit, pour les États membres de l'Union européenne, « d'exclure des prestataires ou des fournisseurs de leurs marchés pour des raisons de sécurité nationale » en se référant à la prise en compte dans l'évaluation des risques pesant sur les réseaux 5G de l'influence qu'un « pays tiers » pourrait exercer sur les équipementiers. Elle invitait également les États membres à partager davantage de données de façon à réduire, avec le soutien de la Commission et de l'Agence de l'Union européenne pour la cybersécurité, les risques de cybersécurité liés au réseau de cinquième génération.

Après la phase d'évaluation des risques en 2019, 2020 devait permettre l'élaboration d'une « boîte à outils » susceptible de faciliter la mise en oeuvre de mesures nationales. En janvier 2020, la boîte à outils commune de mesures d'atténuation de l'UE a été approuvée par les États membres et par une communication de la Commission 136 ( * ) . Cette boîte à outils établit une stratégie commune fondée sur une évaluation objective des risques recensés 137 ( * ) , présentés dans le tableau suivant, et sur des mesures d'atténuation proportionnées pour faire face aux risques en matière de sécurité liés au déploiement de la 5G, la cinquième génération de réseaux mobiles.

Les risques recensés par l'Union européenne sur la 5G

La boîte à outils recommande notamment que la Commission et les États membres contribuent à maintenir une chaîne d'approvisionnement et de valeur durable et diversifiée dans le domaine de la 5G, en vue d'éviter une dépendance à long terme, et facilitent la coordination entre les États membres dans le domaine de la normalisation afin d'atteindre des objectifs spécifiques en matière de sécurité et élaborer des systèmes de certification pertinents à l'échelle de l'UE pour promouvoir des produits et des processus plus sûrs.

Aux termes du rapport publié en juillet 2020 sur l'état d'avancement de la mise en oeuvre des mesures de la boîte à outils au niveau national si des progrès avaient déjà été réalisés dans les domaines présentés dans l'encadré suivant, d'autres domaines nécessitaient encore de réels progrès.

Les progrès enregistrés dans la mise en oeuvre des mesures de la boîte à outils
au niveau national 138 ( * )

1. Les pouvoirs des autorités réglementaires nationales pour réglementer la sécurité de la 5G ont été renforcés ou sont sur le point de l'être dans une large majorité d'États membres, y compris ceux nécessaires pour encadrer l'acquisition des équipements et services de réseau par les opérateurs.

2. Des mesures visant à restreindre la participation des fournisseurs selon leur profil de risque sont déjà en place dans quelques États membres et à un stade avancé de préparation dans beaucoup d'autres. Le rapport invite les autres États membres à aller de l'avant et à achever ce processus dans les mois à venir. En ce qui concerne la portée exacte de ces restrictions, le rapport souligne qu'il importe d'examiner le réseau dans son ensemble et d'en aborder les éléments essentiels, ainsi que d'autres éléments critiques et très sensibles, y compris les fonctions de gestion et le réseau d'accès radio, et d'imposer des restrictions concernant d'autres actifs essentiels, comme des zones géographiques définies, le gouvernement ou d'autres entités critiques. Il préconise la mise en place de périodes de transition pour les opérateurs ayant déjà passé un contrat avec un vendeur à haut risque.

3. Les exigences de sécurité et de résilience s'appliquant aux opérateurs de réseau mobile font l'objet d'un réexamen dans une majorité d'États membres. Le rapport souligne qu'il faut veiller à ce que ces exigences soient renforcées, qu'elles suivent les pratiques les plus avancées et que leur mise en oeuvre par les opérateurs soit effectivement contrôlée.

Des mesures tardent à être mises en place et des progrès doivent être réalisés de façon urgente pour :

- atténuer le risque de dépendance vis-à-vis de fournisseurs à haut risque et pour réduire les dépendances au niveau de l'Union. Cette démarche devrait se fonder sur un inventaire exhaustif de la chaîne d'approvisionnement des réseaux et suppose un suivi de l'évolution de la situation,

- concevoir et appliquer des stratégies multifournisseurs. Les différents opérateurs au niveau national semblent rencontrer des difficultés techniques ou opérationnelles dans ce domaine dues par exemple au manque d'interopérabilité ou à la taille du pays,

- filtrer les IDE. Il est recommandé d'instaurer sans délai le mécanisme de filtrage (voir infra) dans les 13 États membres qui n'en ont pas encore.

L'UE recommande, outre de poursuivre la mise en oeuvre de la boîte à outils et l'échange d'informations, d'investir dans les capacités de l'UE en matière de technologies 5G et post-5G et de garantir que les projets de réseaux de 5G bénéficiant d'un financement public tiennent bien compte des risques pour la cybersécurité. Enfin, dans une recommandation de septembre 2020, la Commission incitait à fournir un accès en temps utile au spectre radioélectrique pour la 5G, à encourager les opérateurs à investir dans le développement des infrastructures de réseaux, à réduire le coût du déploiement des réseaux à très haute capacité et à l'accélérer, notamment en supprimant les obstacles administratifs inutiles. Enfin, elle souhaitait que soit renforcée la coordination transfrontalière pour l'assignation des radiofréquences, afin de soutenir des services 5G innovants, en particulier dans les secteurs de l'industrie et des transports.

Au début de l'année 2021, l'UE a pris date dans la course à la 6G en lançant dans le cadre d'Horizon, son programme-cadre de recherche et d'innovation, le projet Hexa-X, qui doit lui permettre de faire émerger de nouveaux cas d'usages pour la 6G 139 ( * ) . Ce programme de deux ans et demi doit permettre d'imaginer des cas et des scénarios d'utilisation de la 6G, de développer des technologies fondamentales et de définir une nouvelle architecture pour un tissu intelligent qui intègre les principaux facilitateurs de la technologie 6G. L'objectif fixé est celui de la commercialisation de premiers équipements compatibles avec la 6G d'ici à 2030. L'opérateur Nokia est chargé de coordonner le consortium chargé de ce projet réunissant de grands opérateurs de la technologie européenne ou internationale, tels que Orange, Telefonica, Intel, Atos et Siemens, et des universités, notamment les universités d'Oulu, en Finlande et de Pise, en Italie.

Recommandation : Il apparaît donc nécessaire à vos rapporteurs :

- de rester attentifs à la mise en oeuvre de la boîte à outils susceptible de faciliter la mise en oeuvre de mesures nationales dans le domaine de la 5G et à l'évolution des risques,

- de soutenir la réalisation du projet Hexa-X et toutes autres initiatives et financements communautaires susceptibles de favoriser l'émergence d'acteurs européens de premier plan dans le domaine de la 6G. La capacité de la France et de l'Europe à soutenir l'émergence d'acteurs alternatifs aux grands équipementiers non européens de cet écosystème est certainement l'une des conditions sine qua non pour garantir leur souveraineté.

c) Le choix français de soumettre le réseau de 5G à autorisation

En juillet 2020, le Royaume-Uni a annoncé sa décision d'expurger son réseau 5G de tout équipement produit par Huawei en raison d'un risque pour la sécurité. L'achat de nouveaux équipements Huawei devait être de plus interdit après le 31 décembre 2020 et les équipements existants être retirés d'ici 2027.

En France, les opérateurs déjà soumis à des obligations de sécurité des réseaux qu'ils opèrent et leurs systèmes d'information, à un régime d'autorisation centré sur l'analyse des équipements au regard du principe de secret des correspondances 140 ( * ) , sont désormais soumis, depuis la loi de 2019 visant à préserver les intérêts de la défense et de la sécurité nationale de la France dans le cadre de l'exploitation des réseaux radioélectriques mobiles 141 ( * ) à un nouveau régime d'autorisation préalable à l'exploitation de certains équipements dans le but de protéger les intérêts de la défense et de la sécurité nationale. Seuls les opérateurs d'importance vitale sont concernés. L'État s'est ainsi doté, sans interdire à aucun équipementier ab initio , d'un moyen de contrôler les modalités de déploiement et d'exploitation des équipements nécessaires à la mise en place du réseau 5G. Il a ainsi été estimé que la 5G requérait d'effectuer une analyse de la sécurité du réseau « de bout en bout », au-delà du seul examen des équipements.

Les règlementations de l'UE et des pays membres ont eu pour conséquence un net recul de Huawei , qui, selon le cabinet LightCounting , a perdu 40 contrats 5G dans sa base installée en Europe au profit d'Ericsson et de Nokia . Le reflux du grand équipementier télécoms chinois en Europe devrait se poursuivre au profit, non seulement de ses deux concurrents européens, mais aussi de Samsung , NEC et les équipementiers émergents 142 ( * ) .

3. Un mécanisme de filtrage des IDE qui se renforce mais reste fragile
a) Le règlement établissant un cadre pour le filtrage des investissements directs étrangers dans l'Union

Les investissements chinois ont fait l'objet d'une vigilance renforcée de la part de nombreux pays récipiendaires. Ces mécanismes ont été renforcés à partir de 2017, le plan « Made in China 2025 » et sa traduction par l'accélération des achats d'entreprises high-tech par les investisseurs chinois ne sont pas étrangers à cette évolution. Les Etats-Unis, le Canada, l'Australie, l'Inde, le Japon, le Royaume-Uni, l'Union européenne et douze de ses États membres ont notamment renforcé leurs mécanismes de screening à partir de 2017, puis en 2020 dans le contexte de crise économique consécutive à la pandémie mondiale. Certains analystes estiment que les effets de ces mécanismes de contrôle expliquent en grande partie la réduction des investissements des entreprises chinoises d'État, de 121,9 milliards de dollars en 2017 à 46,6 milliards de dollars en 2019 143 ( * ) .

Outre les procédures anti-dumping que l'Union européenne a mises en oeuvre et qui concernent de fait les échanges commerciaux avec la Chine, elle s'est dotée d'un dispositif de filtrage des investissements étrangers qui, là encore, trouvera à s'appliquer aux investissements chinois. Il doit permettre aux États membres de filtrer les investissements directs étrangers pour des motifs de sécurité et d'ordre public et définit les exigences de procédure fondamentales que doivent respecter les mécanismes de filtrage des États membres, tels que la transparence, la non-discrimination entre différents pays tiers et l'existence d'un recours en justice. L'Union européenne a ainsi adopté le règlement établissant un cadre pour le filtrage des investissements directs étrangers dans l'Union 144 ( * ) , entré en vigueur le 10 avril 2019 et applicable à partir du 11 octobre 2020.

Les articles 4 et 8 du règlement précisent son champ d'application et sont reproduits dans l'encadré suivant :

Le champ d'application du règlement
tel que prévu par les articles 4 et 8 du règlement

L'article 4 liste précisément les facteurs susceptibles d'être pris en considération comme constitutifs d'atteintes à la sécurité ou à l'ordre public :

« 1. Pour déterminer si un investissement direct étranger est susceptible de porter atteinte à la sécurité ou à l'ordre public, les États membres et la Commission peuvent prendre en considération ses effets potentiels, entre autres, sur :

a) les infrastructures critiques, qu'elles soient physiques ou virtuelles, y compris les infrastructures concernant l'énergie, les transports, l'eau, la santé, les communications, les médias, le traitement ou le stockage de données, l'aérospatiale, la défense, les infrastructures électorales ou financières et les installations sensibles ainsi que les terrains et les biens immobiliers essentiels pour l'utilisation desdites infrastructures ;

b) les technologies critiques et les biens à double usage (...), y compris les technologies concernant l'intelligence artificielle, la robotique, les semi-conducteurs, la cybersécurité, l'aérospatiale, la défense, le stockage de l'énergie, les technologies quantiques et nucléaires, ainsi que les nanotechnologies et les biotechnologies ;

c) l'approvisionnement en intrants essentiels, y compris l'énergie ou les matières premières, ainsi que la sécurité alimentaire ;

d) l'accès à des informations sensibles, y compris des données à caractère personnel, ou la capacité de contrôler de telles informations ;

e) la liberté et le pluralisme des médias ;

Pour déterminer si un investissement direct étranger est susceptible de porter atteinte à la sécurité ou à l'ordre public, les États membres et la Commission peuvent aussi prendre en compte, en particulier :

a) le fait que l'investisseur étranger soit contrôlé directement ou indirectement par le gouvernement, y compris des organismes publics ou les forces armées, d'un pays tiers, notamment à travers la structure de propriété ou un appui financier significatif ;

b) le fait que l'investisseur étranger ait déjà participé à des activités portant atteinte à la sécurité ou à l'ordre public dans un État membre ;

c) le fait qu'il existe un risque grave que l'investisseur étranger exerce des activités illégales ou criminelles. »

L'annexe du règlement détaille les programmes présentant un intérêt pour l'Union (article 8 du règlement):

1. Programmes GNSS européens (Galileo et EGNOS)

2. Copernicus

3. Horizon 2020

4. Réseaux transeuropéens de transport (RTE-T)

5. Réseaux transeuropéens d'énergie (RTE-E)

6. Réseaux transeuropéens de télécommunications

7. Programme européen de développement industriel dans le domaine de la défense

8. Coopération structurée permanente (CSP)

Le critère fondamental de filtrage établi par ce règlement repose sur le risque d'atteinte à la sécurité ou à l'ordre public d'un IDE. Les secteurs économiques stratégiques doivent ainsi être protégés, il s'agit des domaines :

- des hautes technologies, dont les technologies clés génériques comme l'intelligence artificielle, la robotique, les semi-conducteurs et la cybersécurité,

- de l'énergie,

- et de la défense.

La protection des données personnelles ainsi que la liberté et le pluralisme des médias sont inclus dans les domaines de surveillance des IDE. Les projets ou programmes présentant un intérêt pour l'Union, tels que Galileo 145 ( * ) , Horizon 2020 146 ( * ) , programme-cadre pour l'innovation dans les hautes technologies, ou encore les RTE-T et RT-E. Il n'est prévu aucun seuil minimal pour l'application du règlement, qui peut trouver à s'appliquer à une opération dont la valeur financière est relativement limitée, mais dont l'importance stratégique est majeure, comme en matière de recherche et technologies ou de défense.

Enfin, une vigilance accrue est recommandée en cas de contrôle direct ou indirect de l'investisseur étranger par le gouvernement d'un pays tiers, c'est-à-dire lorsque l'investisseur étranger est identifié comme une entreprise publique notamment. La difficulté de distinguer l'investisseur de l'investisseur ultime devrait inciter à la plus grande attention en la matière.

La plupart des secteurs prioritaires du plan Made in China 2025 sont de fait inclus dans la liste des secteurs sensibles. D'après le groupe Rhodium, en 2018, 42 % des IDE chinois dans l'UE étaient « sensibles », au sens du règlement, 58 % étaient dans des secteurs liés au plan Made in China 2025, 24 % proviendraient d'entreprises publiques chinoises.

Le mécanisme de filtrage n'a cependant pas valeur contraignante, la compétence de blocage d'investissements reste nationale. Ce mécanisme reste donc fragile car à ce jour 14 États membres seulement ont transcrit en droit interne le règlement et disposent de législations nationales d'examens des investissements étrangers. La crise sanitaire et économique mondiale a conduit au renforcement du mécanisme de surveillance et de filtrage dans 12 de ces États.

Un mécanisme de coopération entre l'ensemble des États membres et la Commission est prévu pour pallier cette fragilité du système de filtrage : les articles 7 et 8 du règlement prévoient un dispositif de coopération concernant les investissements directs étrangers ne faisant pas l'objet d'un filtrage. Il permet aux États membres et à la Commission de faire état de leurs préoccupations sur la réalisation potentielle ou effective de certains investissements en provenance d'États tiers dans un pays membre n'ayant pas mis en place le mécanisme de filtrage. Ces avis n'ont cependant qu'un caractère consultatif et la décision finale incombe in fine à l'État membre concerné. La coopération se traduit également par la notification, par chaque État membre, de tout IDE qui, sur son territoire, fait l'objet d'un contrôle, à l'attention de la Commission et aux autres États membres, afin que ceux-ci puissent le cas échéant solliciter des informations complémentaires ou émettre des commentaires ou un avis.

Enfin, le règlement fixe un cadre commun minimal à suivre par les mécanismes de filtrage effectifs au niveau national :

- transparence et non-discrimination entre les pays tiers sont de mise,

- les modalités de communication entre États membres entre eux ou avec la Commission, tant en ce qui concerne les délais d'échanges d'information et d'avis que la confidentialité des informations échangées, doivent être prévues, pour que le mécanisme de coopération soit efficace,

- la possibilité de former un recours contre les décisions de filtrage des autorités nationales doit être ouverte aux investisseurs étrangers.

b) Un mécanisme de filtrage des IDE en France encore renforcé

La France dispose d'un des mécanismes de contrôle des investissements étrangers parmi les plus stricts au sein de l'Union. En 2019, il a été renforcé par la loi PACTE 147 ( * ) et le décret du 31 décembre 2019 148 ( * ) . Ils ont complété le dispositif 149 ( * ) en renforçant les pouvoirs de police et de sanction du ministre chargé de l'économie et en étendant la liste des secteurs concernés par le dispositif de contrôle des IDE. Le déclenchement du processus d'autorisation d'un IDE 150 ( * ) a également été abaissé, passant de 33,33 % de participation au capital ou de droits de vote d'une entreprise française à 25 % 151 ( * ) . Le champ des activités entrant dans le dispositif de contrôle a été élargi à la presse écrite et les services de presse en ligne d'information politique et générale, la sécurité alimentaire, le stockage d'énergie et les technologies quantiques, comme le détaille l'encadré suivant.

Extension et unification du champ des activités soumises à contrôle

Les activités visées par l'article R. 151-3 du code monétaire et financier (CMF) incluent désormais les secteurs suivants :

- armes, munitions et substances explosives,

- biens et technologies à double usage,

- activités exercées par les entités dépositaires de secret de la défense nationale,

- sécurité des systèmes d'information,

- interception des communications, captation de données informatiques,

- activités exercées par les entités ayant conclu un contrat au profit du ministère de la défense pour la réalisation d'un bien ou service relevant d'une activité sensible,

- cryptologie,

- jeux d'argent - à l'exception des casinos,

- activités destinées à faire face à l'utilisation illicite d'agents pathogènes ou toxiques,

- traitement, transmission ou stockage de données dont la compromission ou la divulgation est de nature à porter atteinte à l'exercice des activités sensibles,

- activités de R&D portant sur les technologies critiques (cybersécurité, intelligence artificielle, robotique, fabrication additive, semi-conducteurs, technologies quantiques, stockage d'énergie et biotechnologies),

- activités portant sur des infrastructures, biens ou services essentiels pour garantir :

* l'approvisionnement en énergie ou en eau

* l'exploitation des réseaux et services de transport

* l'exploitation des réseaux et des services de communications électroniques

* les opérations spatiales

* l'exercice des missions de la police nationale, de la gendarmerie, des services de sécurité civile, ainsi que l'exercice des missions de sécurité publique de la douane et de celles des sociétés agréées de sécurité privée

* l'exploitation des établissements, installations et ouvrages d'importance vitale (et leurs systèmes d'information)

* la protection de la santé publique

* la sécurité alimentaire

* et l'édition, l'impression ou la distribution des publications de presse d'information politique et générale.

Un nouveau dispositif de sanctions pécuniaires a été défini qui se veut dissuasif. Il est applicable en cas de réalisation d'un investissement sans autorisation préalable ou en cas d'obtention frauduleuse de l'autorisation préalable requise. Le montant de la sanction est plafonné à la plus élevée des sommes suivantes : le double du montant de l'investissement irrégulier, 10 % du chiffre d'affaires annuel hors taxes de l'entreprise faisant l'objet de l'investissement, 5 millions d'euros pour les personnes morales et 1 million d'euros pour les personnes physiques. La réalisation d'un investissement sans autorisation préalable ou le non-respect des conditions dont l'autorisation est assortie sont également passibles des sanctions prévues par l'article 459 du code des douanes, soit une peine d'emprisonnement pour les personnes physiques, la confiscation des biens et avoirs qui sont le produit de l'infraction, amende, peines prévues à l'article 131-39 du code pénal pour les personnes morales.

c) Le renforcement des mécanismes de filtrage communautaire et français en 2020

En mars 2020, la Commission a publié une communication à l'attention des États membres dans la perspective de l'application du règlement de 2019 qui a été l'occasion de revenir sur la situation d'urgence liée à la pandémie, ses effets sur l'économie et les industries européennes, ainsi que sur les réponses à apporter au regard des investissements étrangers dans l'UE. Les États membres ont ainsi été invités à la plus grande vigilance, afin d'éviter des cessions massives d'actifs d'entreprises et industries européennes. La Commission a ainsi incité les États Membres à faire pleinement usage de leurs mécanismes nationaux de contrôle des IDE, ou à mettre en place un mécanisme complet de filtrage pour les États qui n'en disposaient pas et, dans l'intervalle, à envisager toutes les options en vue de traiter les situations dans lesquelles un IDE engendrerait un risque pour la sécurité sanitaire, la sécurité ou l'ordre public dans l'UE.

En mars 2020, la France a fait connaître au Royaume-Uni ses plus vives réserves à la reprise des activités du sidérurgiste British Steel, en faillite, comprenant notamment l'usine française d'Hayange, principal fournisseur de rails de la SNCF, par le groupe sidérurgique chinois Jingye. La reprise sera finalement le fait de la société britannique de sidérurgie Liberty Steel.

En France, dès le mois d'avril 2020, le dispositif national de filtrage a été renforcé 152 ( * ) . En substance, il a été procédé à une extension du champ des activités protégées aux biotechnologies 153 ( * ) et à un nouvel abaissement du seuil déclenchant la procédure d'autorisation pour un IDE, à 10 % des droits de vote 154 ( * ) dans les sociétés françaises exerçant des activités sensibles et dont les actions sont admises aux négociations sur un marché réglementé. Ce dispositif qui devait initialement cesser fin décembre 2020 a été prorogé au moins jusqu'au 31 décembre 2021.

Ceci traduit bien la prise de conscience et la volonté accrue de la France et de l'UE de préserver des actifs considérés comme stratégiques en étendant le champ du contrôle des investissements étrangers.

Les IDE sont aussi le reflet de l'attractivité des entreprises françaises et européennes et contribuent à leur croissance. Le ministre de l'économie rappelle d'ailleurs que la France reste un pays ouvert aux IDE, sous réserve d'un encadrement dans le respect des principes de nécessité et de proportionnalité pour les secteurs stratégiques.

B. L'ACCORD GLOBAL D'INVESTISSEMENT ENTRE L'UNION EUROPÉENNE ET LA CHINE EN SUSPEND

1. La conclusion inattendue d'un accord en négociation depuis 7 ans
a) L'aboutissement de sept ans de négociation

Le 21 e sommet UE-Chine s'est tenu en avril 2019 dans la foulée de l'adoption de la nouvelle vision systémique de l'Union européenne ajoutant la dimension de rival systémique à sa relation avec la Chine. Lors de ce sommet, l'Europe a réaffirmé vouloir mettre en place une relation économique plus équilibrée avec la Chine, tout en approfondissant toujours plus le dialogue sur les questions mondiales et multilatérales, y compris la réforme de l'OMC.

Outre la déclaration commune prononcée à l'issue du sommet, d'autres résultats concrets ont été convenus au sommet. Il s'agit notamment d'un protocole d'accord sur un dialogue en ce qui concerne le contrôle des aides d'État et le système d'analyse de l'équité de la concurrence, d'un accord sur les termes du mandat pour le dialogue sur la politique de la concurrence entre l'UE et la Chine, d'une déclaration conjointe sur la mise en oeuvre de la coopération UE-Chine en matière d'énergie et d'un accord sur les modalités d'une étude conjointe visant à définir des corridors de transport durables axés sur le transport ferroviaire entre l'Europe et la Chine.

D'accord global sur les investissements il n'est alors pas question. Il n'en sera pas plus question lors du 22 ème sommet UE-Chine de juin 2020 155 ( * ) . Malgré la volonté d'afficher un rapprochement, les sujets de désaccord sont restés nombreux et, sans parvenir à aboutir à une déclaration commune, les parties ont souligné leurs préoccupations respectives :

- du côté chinois, sur le fait que la situation de Hong Kong relève des affaires internes de la Chine notamment,

- et du côté européen, sur la situation des droits de l'homme en Chine, les campagnes de désinformation et les cyberattaques menées depuis la Chine contre l'UE et sa gestion du coronavirus, et enfin, l'absence d'ambition chinoise sur la conclusion d'un accord global d'investissement avec l'Union. La négociation sur une protection réciproque des investissements n'avance pas et l'Union européenne disposer désormais de mesures contre les subventions étrangères pour protéger ses entreprises notamment de rachats en période de crise économique et pour garantir la libre concurrence.

b) La conjonction d'enjeux différents

La surprise fut donc l'annonce de la conclusion de cet accord en décembre 2020, après un sommet des dirigeants en septembre 2020 qui avait préparé ce résultat. Ces échanges en format restreint entre le président chinois Xi Jinping et les trois dirigeants européens, Ursula von der Leyen, présidente de la Commission européenne, Charles Michel, président du Conseil européen et la chancelière allemande Angela Merkel, à la présidence tournante du Conseil, ont permis de faire aboutir cet accord, qui ne progressait guère depuis plusieurs années.

Ce dénouement inattendu a toutefois suscité des réactions :

- la coïncidence de plusieurs dates a été remarquée : l'administration Biden n'était pas encore installée, et la Chine souhaitait afficher son partenariat avec l'UE au plus haut niveau avant un éventuel rapprochement entre occidentaux (après les années de distension de l'alliance traditionnelle sous l'administration Trump). La présidence tournante allemande du Conseil touchait à son terme, et les industriels allemands, notamment dans le secteur automobile, exerçaient une pression très forte en faveur de la signature de cet accord d'investissement. Ceci était vrai des entreprises et plus largement des secteurs économiques de tous les États membres implantés en Chine, ou souhaitant accéder à cet immense marché chinois,

- vu comme un succès de la présidence allemande, il a ravivé chez certains pays membres de l'UE le sentiment d'être relégué au second plan, derrière le couple franco-allemand, alors même que l'Allemagne 156 ( * ) et la France font partie des pays qui manifestent le plus de réserve face au format 16+1.

2. Un accord global d'investissement UE-Chine au contenu diversement apprécié

Dans leur rapport sur les nouvelles routes de la soie précité, vos rapporteurs soutenaient la conclusion d'un accord d'investissement global UE-Chine (AGI) afin de remédier à l'asymétrie d'accès au marché entre la Chine et l'UE.

Recommandation présentée dans le rapport n° 520 : Soutenir l'action de l'Union européenne en vue d'obtenir un accord global sur les investissements, la réciprocité de l'ouverture du marché chinois, et un accord sur les indications géographiques, si importantes pour l'économie de nos territoires.

a) Succès ou compilation de mesures anciennes ?

L'accord global UE-Chine sur les investissements (AGI) est présenté par l'Union comme « le plus ambitieux jamais conclu par la Chine avec un pays tiers. Outre les règles contre les transferts de technologie forcés, l'AGI sera aussi le premier accord à mettre en place des obligations en matière de comportement des entreprises publiques, des règles globales de transparence concernant les subventions ainsi que des engagements en matière de développement durable » 157 ( * ) .

L'une des raisons pour lesquelles cet accord est présenté comme un succès est que du côté de l'Union, le marché étant déjà ouvert et faisant l'objet d'engagements importants pour les secteurs des services dans le cadre de l'Accord général sur le commerce des services (AGCS), les concessions ayant permis d'aboutir à la signature de l'accord viennent d'efforts consentis par la Chine. De plus, les éléments sensibles pour l'Union, par exemple dans les domaines de l'énergie, de l'agriculture, de la pêche, de l'audiovisuel ou des services publics, sont tous préservés dans l'AGI.

L'un des raisons pour lesquelles cet accord n'est pas considéré comme une grande avancée est que l'essentiel de son contenu revient à compiler les précédentes libéralisations des investissements consenties par la Chine ces 20 dernières années. L'UE s'estime ainsi prémunie contre toute remise en question ou retour en arrière de la partie chinoise, faisant peu de cas de l'exemple australien précédemment traité. L'AGI « empêche tout retour en arrière. En conséquence, les conditions d'accès au marché pour les entreprises de l'Union sont claires et indépendantes des politiques internes de la Chine. L'accord prévoit également un mécanisme de règlement des litiges auquel l'Union peut recourir si la Chine enfreint ses engagement » 158 ( * ) . La Chine a ainsi accepté un mécanisme d'exécution, c'est-à-dire de règlement des différends entre États, semblable au mécanisme habituellement inclus dans les accords commerciaux de l'UE. Il est précisé que ce mécanisme d'exécution est renforcé par un mécanisme de suivi au cours de la phase précontentieuse, au niveau politique, permettant de soulever les problèmes au fur et à mesure de leur apparition, au moyen, notamment, d'une procédure d'urgence.

L'iconographie suivante permet d'avoir une vision générale de l'AGI.

Source : Direction du commerce de la Commission

b) L'ouverture de nouveaux marchés aux investissements européens

Outre ces mécanismes, les avancées de l'AGI concerne l'ouverture de nouveaux marchés, l'amélioration des conditions de fonctionnement de la concurrence, l'intégration du développement durable dans cet accord commercial, conformément aux priorités communautaires, et enfin la ratification de conventions internationales de l'organisation internationale du travail (OIT).

L'UE a ainsi négocié de nouvelles ouvertures et de nouveaux engagements en matière d'accès aux marchés, tels que l'élimination des restrictions quantitatives, des plafonds de participation ou des exigences en matière de coentreprise dans un certain nombre de secteurs. Ce dernier point constitue sans doute l'avancée la plus importante, tant ses restrictions entravaient les activités des entreprises européennes en Chine. L'encadré suivant reproduit les exemples d'engagements consentis par la Chine en matière d'accès aux marchés. La clause de la « nation la plus favorisée » de l'OMC s'applique aux secteurs des services, mais ce n'est pas le cas du secteur manufacturier. Les avancées de l'AGI seraient donc accessibles à l'ensemble des pays membres de l'OMC, celles relatives au secteur manufacturier ne bénéficieraient qu'aux acteurs économiques européens.

Présentation par l'UE d'exemples d'engagements de la Chine
en matière d'accès aux marchés
159 ( * )

Industrie manufacturière : La Chine a pris des engagements globaux avec des exclusions très limitées (en particulier dans les secteurs présentant une surcapacité importante), dont le niveau d'ambition est comparable à l'ouverture de l'Union. Environ la moitié des IDE de l'Union concernent le secteur manufacturier (par exemple, les équipements de transport et de télécommunication, les produits chimiques, les équipements médicaux, etc.). La Chine n'a pris des engagements aussi ambitieux en matière d'accès aux marchés avec aucun autre partenaire.

Secteur automobile : La Chine a accepté de supprimer et d'éliminer progressivement les exigences en matière de coentreprise. La Chine s'engagera à ouvrir son marché aux véhicules à nouvelles énergies.

Services financiers : La Chine, qui avait déjà commencé à libéraliser progressivement le secteur des services financiers, accordera et s'engagera à maintenir cette ouverture aux investisseurs de l'Union. Les exigences en matière de coentreprise et les plafonds de participation étrangère ont été supprimés pour les opérations bancaires, pour la négociation de valeurs mobilières et d'assurances (y compris la réassurance) ainsi que pour la gestion d'actifs.

Santé (hôpitaux privés) : La Chine offrira un nouvel accès au marché en supprimant les exigences en matière de coentreprise pour les hôpitaux privés dans les principales villes chinoises, dont Beijing, Shanghai, Tianjin, Guangzhou et Shenzhen.

R&D (ressources biologiques) : La Chine ne s'était jamais engagée à ouvrir son marché aux investissements étrangers en R&D dans les ressources biologiques. Elle a accepté de ne pas introduire de nouvelles restrictions et d'accorder à l'Union toute levée des restrictions actuelles dans ce domaine qui pourrait se produire à l'avenir.

Services de télécommunications/en nuage : La Chine a accepté de lever l'interdiction d'investissement dans les services en nuage. Ceux-ci seront désormais ouverts aux investisseurs de l'Union jusqu'à une participation maximale de 50 %.

Services informatiques : La Chine a accepté de s'engager à donner accès au marché des services informatiques, ce qui représente une amélioration importante par rapport à la situation actuelle. De plus, elle inclura une clause de « neutralité technologique », qui garantira que les plafonds de participation imposés aux services de télécommunications à valeur ajoutée ne s'appliqueront pas à d'autres services tels que les services financiers, logistiques, médicaux, etc., s'ils sont proposés en ligne.

Transport maritime international : La Chine autorisera les investissements dans les activités auxiliaires terrestres pertinentes, ce qui permettra aux entreprises de l'Union d'investir sans restriction dans la manutention du fret, les dépôts et gares de conteneurs, les agences maritimes, etc. Les entreprises de l'Union pourront ainsi organiser une gamme complète de transports multimodaux de porte à porte, y compris le tronçon intérieur du transport maritime international.

Services liés au transport aérien : Bien que l'AGI ne traite pas des droits de trafic parce que ceux-ci font l'objet d'accords aériens distincts, la Chine s'ouvrira dans les domaines clés que sont les systèmes informatiques de réservation, l'assistance en escale et les services de vente et de commercialisation. La Chine a également supprimé son exigence de capital minimal pour la location et le leasing d'aéronefs sans équipage, allant ainsi au-delà de l'AGCS.

Services aux entreprises : La Chine éliminera les exigences en matière de coentreprise dans les services immobiliers, les services de location et de leasing, les services de réparation et d'entretien pour les transports, la publicité, les études de marché, les services de conseil en gestion et de traduction, etc.

Services environnementaux : La Chine supprimera les exigences en matière de coentreprise dans des services environnementaux tels que la gestion des eaux usées, la réduction du bruit, l'élimination des déchets solides, le nettoyage des gaz d'échappement, la protection de la nature et du paysage, l'assainissement et d'autres encore.

Services de construction : La Chine éliminera les limites de projet faisant actuellement l'objet de réserves dans ses engagements au titre de l'AGCS.

Salariés des investisseurs de l'Union : Les dirigeants et les experts des entreprises de l'Union seront autorisés à travailler jusqu'à trois ans dans des filiales chinoises, sans restrictions comme des quotas ou des priorités pour la main-d'oeuvre nationale. Les représentants des investisseurs de l'Union seront autorisés à se rendre librement sur place avant d'effectuer un investissement.

Les ouvertures du marché chinois qui ne reprennent pas des accords passés concernent en particulier le domaine de la santé, et l'automobile électrique, mais dans une approche très encadrée et qui pourrait de fait se limiter en pratique aux groupes déjà présent en Chine et les services de consultance. Les ouvertures du marché européen sont limitées à la distribution en gros et en détail de l'énergie, à l'exclusion des réseaux et de la production d'énergie et a souhaité protéger ses secteurs sensibles 160 ( * ) .

c) L'amélioration des conditions de concurrence

Les efforts en la matière visaient à améliorer les conditions de concurrence et à rendre les investissements plus équitables, notamment lorsqu'ils sont réalisés par les entreprises publiques chinoises. L'AGI cherche à discipliner le comportement de ces entreprises publiques en les obligeant à « agir conformément à des considérations commerciales » 161 ( * ) et en leur interdisant toute discrimination dans leurs achats et ventes de biens ou de services. La Chine s'engage à fournir, sur demande, des informations spécifiques permettant justement d'évaluer si le comportement d'une entreprise donnée est conforme aux obligations convenues au titre de l'AGI. Dans le cas contraire, les mécanismes de règlement des conflits précédemment évoqués pourront être mis en oeuvre.

Sur ce second pilier de l'AGI, plusieurs experts notent que les concessions importantes faites par la Chine répondent aux attentes de l'UE, mais restent assez vagues et devront faire l'objet d'un suivi pour s'assurer de la réalité de leur mise en oeuvre. En revanche, la définition « d'entreprise chinoise publique » est large, ce qui peut être considéré comme un réel succès.

L'AGI comble également une lacune importante dans les règles de l'OMC en imposant des obligations de transparence aux subventions consenties dans les secteurs des services. La Chine devra ainsi participer à des consultations avec l'UE afin de fournir des informations supplémentaires sur les subventions susceptibles d'avoir des effets négatifs sur les intérêts de l'Union en matière d'investissement. L'AGI prévoit que la délivrance d'informations ne suffira pas, la Chine est également tenue de participer à des consultations pour tenter de remédier aux effets négatifs de subventions dans les secteurs des services.

Enfin, l'AGI prévoit d'importants progrès pour mettre un terme tant aux transferts de technologie forcés qu'à l'opacité en termes de normes et d'autorisations opposées aux entreprises européennes tentant d'accéder au marché chinois. La Chine doit s'engager à respecter les règles de l'OMC sur l'interdiction de transfert forcé de technologie, définies par l'accord TRIPS - Trade-Related Aspects of Intellectual Property Rights sur la propriété intellectuelle. L'AGI interdit :

- toute obligation de transférer des technologies au partenaire d'une coentreprise,

- et toute atteinte à la liberté contractuelle en matière d'octroi de licences de technologie,

- mais aussi toute divulgation non autorisée les informations commerciales confidentielles collectées par les organes administratifs, par exemple aux fins de la certification d'un bien ou d'un service. Ces disciplines vont au-delà des disciplines de l'OMC en la matière.

Enfin, l'AGI répond à d'autres demandes anciennes de l'industrie de l'Union sur l'égal accès accordé aux organismes de normalisation. Il vise la transparence, la prévisibilité et l'équité des autorisations. L'AGI comprendra des règles de transparence concernant les mesures réglementaires et administratives visant à renforcer la prévisibilité et la sécurité juridique, et concernant l'équité procédurale et le droit à un contrôle juridictionnel, y compris dans les affaires de concurrence. Sur ce point, aucune sanction ni mécanisme contraignant n'est prévu par l'AGI.

d) L'intégration du développement durable dans l'accord d'investissement

Conformément aux engagements de l'UE en faveur de l'environnement, désormais les accords commerciaux qu'elle conclue doivent intégrer des objectifs de développement durable : « contrairement à d'autres accords conclus par la Chine, l'AGI engage les parties dans une relation d'investissement fondée sur des valeurs, s'appuyant sur les principes du développement durable » 162 ( * ) . Selon l'accord la Chine s'engage, « dans les domaines du travail et de l'environnement, à ne pas abaisser les normes de protection pour attirer les investissements, à ne pas utiliser les normes en matière de travail et d'environnement à des fins protectionnistes, ainsi qu'à respecter les obligations internationales qui lui incombent en vertu des traités. La Chine soutiendra l'adoption, par ses entreprises, des principes de la responsabilité sociale des entreprises. (...) l'AGI comporte également des engagements en matière d'environnement et de climat, y compris la mise en oeuvre effective de l'accord de Paris sur le climat » 163 ( * ) .

Le mécanisme de règlement des différends prévu pour les ouvertures de marchés ne s'applique pas aux engagements pris en matière de développement durable. Il n'est prévu qu'un arbitrage amiable, sans sanctions, dans le cadre d'une réunion annuelle de haut niveau politique. Le niveau de dialogue prévu par l'AGI peut être vu comme une victoire statutaire, mais ses effets pratiques réels seront à vérifier.

3. La décision du Parlement européen de geler la procédure de ratification de l'accord global d'investissement
a) La question du travail forcé au Xinjiang

Aux termes de l'AGI, la Chine s'engageait également à « oeuvrer en faveur de la ratification » des conventions fondamentales de l'Organisation internationale du travail (OIT) en suspens et notamment les deux conventions fondamentales de l'OIT sur le travail forcé qu'elle n'a pas encore ratifiées. De nombreux commentateurs ont noté le caractère extrêmement peu contraignant de l'AGI : un « engagement à oeuvrer en faveur de la ratification » souligne la distance qui reste à parcourir avant la ratification elle-même.

Alors que l'Union annonçait la signature de l'AGI, les États-Unis accusait Pékin de mener une campagne de répression contre les Ouïghours, les Kazakhs et les membres d'autres groupes minoritaires musulmans. En conséquence l'administration Biden a placé plus d'une dizaine de sociétés chinoises sur sa liste noire sur le commerce, interdit l'importation de matériaux pour panneaux solaires fabriqués par une société chinoise, l'importation de produits capillaires, de coton, de pièces informatiques ou de textile fabriqués par des entreprises du Xinjiang.

Selon François Godement 164 ( * ) : « Il s'agit en réalité du pire moment, d'un point de vue géopolitique, pour conclure un accord avec la Chine en invoquant des valeurs que l'Europe défendrait dans ce texte, puisque la Chine n'a jamais été autant à rebours de ces valeurs : enfermement et travail forcé dans le Xinjiang, violation claire du traité international organisant depuis 1997 l'autonomie de Hong Kong - et transformation de Hong Kong en une ville chinoise "comme les autres" près de 27 ans avant 2047, date jusqu'à laquelle son autonomie devait être garantie par ce même traité -, mise au pas des entreprises privées et des entrepreneurs les plus en vue en Chine... ce sans compter la diplomatie extérieure de la Chine ou encore ses rapports avec l'Inde » 165 ( * ) .

b) La mise en oeuvre du régime mondial de sanctions de l'UE en matière de droits de l'homme et les contre-sanctions chinoises

Le 7 décembre 2020, l'Union européenne s'est dotée d'un régime mondial de sanctions en matière de droits de l'homme dit « loi Magnitsky » 166 ( * ) européenne permettant de sanctionner des personnes physiques ou morales, étatiques ou non, qui auraient violé les droits de l'homme, quelle que soit leur nationalité ou le pays où elles ont commis leurs exactions. Les auteurs des actes de violation graves des droits de l'homme et leurs complices peuvent se voir interdire l'entrée sur le territoire de l'UE. Leurs avoirs dans l'UE peuvent être gelés. Enfin, il peut être interdit aux citoyens de l'UE de mettre à leur disposition des fonds et des ressources économiques 167 ( * ) .

Le 22 mars, l'UE 168 ( * ) a inscrit une entité chinoise, le Bureau de la sécurité publique du corps de production et de construction du Xinjiang, et quatre individus chinois, le directeur du Bureau de la sécurité publique du Xinjiang, l'ancien responsable de cette province et deux hauts responsables chinois sur la liste de son régime mondial de sanctions en matière de droits de l'homme, à cause de leur implication dans plusieurs violations des droits de l'homme à l'encontre des Ouïghours et de plusieurs minorités ethniques musulmanes dans la province chinoise du Xinjiang.

Les violations des droits de l'homme relevé concernent notamment des atteintes systématiques à la liberté religieuse, des détentions arbitraires et des traitements dégradants infligés. Les sanctions européennes consistent en une interdiction de se rendre dans l'UE et un gel des avoirs détenus dans l'Union européenne.

Le ministère chinois des affaires étrangères a vivement réagi, appelant l'UE à ne pas interférer dans les affaires internes chinoises sur la base de mensonges et de désinformations. La Chine dément en effet régulièrement toute atteinte aux droits de l'homme au Xinjiang et affirme que ce les ONG et journalistes identifient comme des camps a minima d'internement seraient en fait des camps de travail permettant de fournir une formation professionnelle aux populations locales et de lutter contre l'extrémisme et le terrorisme.

La Chine a prononcé le même jour des « contre-sanctions » 169 ( * ) contre :

- quatre entités dont l'Alliance des démocraties, institution danoise dirigée par l'ancien secrétaire général de l'Otan Anders Fogh Rasmussen, le Comité Politique et de sécurité (COPS), structure permanente du Conseil de l'UE réunissant les ambassadeurs des États membres à Bruxelles qui a préparé les sanctions européennes, le Sous-comité aux droits humains du Parlement européen, et l'Institut Mercator pour les études chinoises, basé à Berlin,

- dix responsables européens accusés de « graves atteintes à la souveraineté et aux intérêts chinois, ainsi que de répandre des mensonges et des fausses informations malveillantes » 170 ( * ) . Parmi ces personnalités figurent :

- 5 eurodéputés qui ont des responsabilités et ont pris des positions incompatibles avec les lignes rouges de la Chine (le Bulgare Ilhan Kyuchyuk, les Allemands Reinhard Bütikofer, président de la délégation pour les relations avec la Chine du Parlement européen, et Michael Gahler, président des groupes d'amitié de Taïwan au Parlement européen, le Français Raphaël Glucksmann, président de la commission spéciale du Parlement européen sur l'ingérence étrangère dans l'ensemble des processus démocratiques de l'UE, y compris la désinformation, et la Slovaque Miriam Lexmann),

- 3 parlementaires nationaux connus pour avoir pris des positions critiques sur la politique chinoise (le député fédéral belge Samuel Cogolati, qui a déposé, en février 2021, une proposition de loi au Parlement fédéral pour qualifier de « génocide » le sort réservé aux Ouïghours en Chine, le député néerlandais Sjoerd Wiemer Sjoerdsma, le député lituanien Dovile Sakaliene),

- et 2 chercheurs dont les travaux ont fait l'objet de vives contestations de la part de Pékin, le chercheur anthropologue allemand Adrian Zenz, connu pour ses rapports sur le sort des Ouïghours dans la province du Xinjiang et le directeur du Swedish National China Centre, Björn Jerdén, spécialiste de relations internationales.

c) Le gel de la ratification de l'AGI

L'AGI concluait sept années de négociations et l'UE souhaitait que le processus de ratification soit achevé d'ici 2022. La réponse chinoise aux sanctions prises dans le cadre du régime mondial de sanctions de l'UE en matière de droits de l'homme a profondément choqué l'ensemble de la classe politique des États membres de l'UE. Le fait que des parlementaires et des chercheurs aient été ainsi visés a déclenché une réponse ferme.

Les députés du Parlement européen ont adopté 171 ( * ) le 20 mai 2021 une résolution condamnant dans les termes les plus vifs les « sanctions sans fondement et arbitraires » 172 ( * ) imposées par la Chine à plusieurs entités et individus européens, notamment cinq eurodéputés. Ils y affirmaient que la décision chinoise constituait une attaque contre les libertés fondamentales et exhortaient les autorités chinoises à lever ces mesures restrictives injustifiées.

La résolution souligne que tout examen par le Parlement de l'accord global UE-Chine sur les investissements, qui a fait l'objet d'un accord de principe entre les deux parties en décembre 2020, ainsi que toute discussion sur sa ratification obligatoire par les eurodéputés, sont « à juste titre gelés » à cause de la mise en place de ces sanctions chinoises. Lors de leurs auditions, vos rapporteurs ont d'ailleurs entendu à de nombreuses reprises et de façon unanime que l'accord « était gelé », « congelé », ou « placé au congélateur ».

Le Parlement européen exige que la Chine lève ces sanctions avant d'examiner l'accord, « sans préjudice du résultat final du processus de ratification de l'AGI ».

Cette résolution était également l'occasion de rappeler à la Commission européenne que le Parlement européen prendra en compte la situation des droits de l'homme en Chine, notamment à Hong Kong, lorsqu'il s'agira d'approuver ou non l'accord. Ceci visait à rappeler le peu d'enthousiasme suscité par l'AGI au Parlement européen.

d) La vision du Parlement européen d'une nouvelle stratégie UE-Chine

Le 16 septembre 2021, le Parlement européen a pris l'initiative de définir sa vision d'une nouvelle stratégie UE-Chine 173 ( * ) :

- il recommande au Haut représentant de l'Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité et au Conseil d'élaborer une stratégie UE-Chine plus affirmée, complète et cohérente, qui unisse tous les États membres et façonne les relations avec la Chine dans l'intérêt de l'Union dans son ensemble, en plaçant la défense de nos valeurs au coeur de cette stratégie et en promouvant un ordre multilatéral fondé sur des règles; souligne que la stratégie doit tenir compte du caractère multiforme de la relation de l'Union avec la Chine; met en avant le fait que la Chine est un partenaire de coopération et de négociation pour l'Union, mais aussi un concurrent économique et un rival systémique dans un nombre croissant de domaines;

- il proposer que cette stratégie soit fondée sur les six piliers suivants : un dialogue et une coopération ouverts sur les défis mondiaux (i), une action accrue en faveur des valeurs universelles, des normes internationales et des droits de l'homme (ii), une analyse et une détermination des risques, des vulnérabilités et des défis (iii), la mise en place de partenariats avec des acteurs partageant les mêmes valeurs (iv), la promotion d'une autonomie stratégique ouverte, y compris dans les relations de commerce et d'investissement (v), la défense et la promotion des valeurs et intérêts européens fondamentaux en faisant de l'UE un acteur géopolitique plus efficace (vi).

Le Parlement européen estime que si le dialogue avec la Chine doit se poursuivre sur des sujets tels que le climat et les crises sanitaires la question des droits de l'homme doit être l'objet d'une attention particulière, plaçant ainsi l'UE face à l'une des lignes de crête que recèle la définition d'une Chine aux trois visages : partenaire sur les grands enjeux, concurrent économique, voire stratégique et rival systémique.

C. LES QUESTIONS POLITIQUES ET GÉOSTRATÉGIQUES POSÉES À L'UNION

Dans le contexte d'affirmation de la puissance chinoise en Europe et dans le monde, l'action de l'Union européenne doit s'inscrire dans une lecture lucide de la réorganisation de l'ordre mondial, sans surestimer ses faiblesses ni sous-estimer ses forces, et en pesant les termes de sa relation avec les États-Unis dont la politique « America First » paraît avoir survécu à son initiateur.

1. L'UE doit combiner dialogue ferme et négociation sans naïveté
a) Une défense ferme et lucide des droits de l'homme

Les contre-sanctions chinoises, répondant aux sanctions européennes prises dans le cadre de son régime mondial de sanctions en matière de droits de l'homme, ont été le signal clair d'une volonté chinoise d'impressionner, voire d'inquiéter. Elles constituent en effet une formidable escalade : ont été prononcées quasiment trois fois plus de contre-sanctions chinoises que de sanctions européennes. Ceci a démontré ce que les Européens savaient déjà, c'est-à-dire que leur conception en triptyque de la Chine ne résout pas à elle seule la complexité d'une relation bilatérale protéiforme.

La Chine s'oppose régulièrement dans ses déclarations officielles à cette définition en trois pans de sa relation avec l'Union, et plus particulièrement à son assimilation, désormais « inscrite dans le marbre » pour reprendre les propos de la Présidente de la Commission, à un rival systémique. La Chine redoute et dénonce déjà la formation d'un « front occidental » contre sa montée en puissance. Pékin n'est, en effet, pas avare en féroces critiques contre le multilatéralisme, qu'il soutient pourtant, lorsqu'il favorise ses objectifs et intérêts. Les organisations internationales sont alors présentées comme un « front occidental » uni contre la Chine.

En 2018, ni Xi Jinping, ni Narendra Modi, ni Vladimir Poutine n'étaient présents à l'Assemblée générale des Nations unies à New York, cette absence était un véritable signal d'alarme : « Ces absences font mieux que souligner en creux la perte d'influence de l'organisation, elles mettent en lumière un fait majeur : un autre ordre multilatéral est en train de naître, dont l'Occident sera cette fois le parent pauvre. (...) [ Cette situation est rendue ] possible grâce à la formidable locomotive qu'est devenue la Chine, derrière laquelle beaucoup de pays souhaitent s'arrimer. En quarante ans, elle s'est profondément enrichie et transformée. Sa nouvelle puissance lui permet de réorganiser l'ordre international comme elle le voit, autour de l'empire du Milieu. Elle veut devenir le leader technologique du XXIe siècle, se réarme et se crée des obligés et des débouchés sur la moitié de la planète avec son programme « one belt, one road 174 ( * ) ».

Cette analyse est confortée en juillet 2020, lors de la 44 e session du Conseil des droits de l'homme de l'ONU. Le 30 juin une déclaration commune, émise par le Royaume-Uni et signée par 27 pays 175 ( * ) , dont 15 pays de l'UE, interpellait la Haute-Commissaire des Nations unies aux droits de l'homme et le gouvernement chinois sur la situation des Ouïghours dans le Xinjiang, ainsi que sur la nouvelle loi sur la sécurité nationale à Hongkong. Le 1 er juillet, une déclaration conjointe, émise par la Biélorussie et signée de 46 pays 176 ( * ) appuyait l'action de la Chine dans le Xinjiang. La Chine « compte » 177 ( * ) et multiplie ses soutiens dans sa vision des droits de l'homme différente de celle traditionnellement soutenue par l'Union européenne, plus basée sur le développement économique que sur les libertés individuelles.

Dans ce contexte, les contres-sanctions chinoises étaient anticipées par l'UE, même si leur cible a pu surprendre, tant il est évident que les autorités chinoises avaient sous-estimé l'émoi que des sanctions contre des parlementaires, parfaitement indépendants du pouvoir exécutif en vertu de la séparation des pouvoirs, et des chercheurs, parfaitement indépendants également en vertu de la liberté académique et de la liberté de la recherche, auraient dans des régimes démocratiques. Les contre-sanctions ont été accueillies avec une certaine bravache par les cibles visées 178 ( * ) , et ont fédéré, comme sans doute rien n'aurait pu le faire, les forces politiques, les opinions publiques et les forces économiques. Elles ont entraîné la suspension de la procédure de ratification de l'AGI, le Parlement européen conditionnant sa reprise à la levée des sanctions chinoises. Cette position ne semble pas avoir été anticipée par la Chine où les commentateurs la qualifient de « farce politique » et semblent penser que la « dépendance de son commerce avec la Chine » obligerait les eurodéputés à modifier la résolution votée 179 ( * ) .

Trois remarques s'imposent :

- le Parlement européen est souverain et la nécessité de défendre les droits de l'homme a été réaffirmée lors des négociations de l'AGI notamment par les représentants du pouvoir exécutif de l'UE. Il n'y a donc là aucune divergence d'appréciation entre pouvoir législatif et pouvoir exécutif, dans le respect de leur indépendance. En effet, lors de la réunion des dirigeants européens et chinois de septembre 2020, le Président de l'UE a rappelé que « la loi sur la sécurité nationale à Hong Kong continue de susciter de graves préoccupations » et a « réitéré des inquiétudes sur le traitement par la Chine des minorités au Xinjiang et au Tibet, ainsi que sur le sort réservé aux défenseurs des droits de l'homme et des journalistes ». De même, lors de son discours sur l'état de l'Union prononcé le 16 septembre 2020 en session plénière du Parlement européen, la Présidente de la Commission a déclaré au sujet de la rivalité systémique avec la Chine : « il est incontestable que les systèmes de gouvernance et de société que nous promouvons sont très différents. Nous croyons à la valeur universelle de la démocratie et aux droits de l'individu. L'Europe a elle aussi ses problèmes - pensons par exemple à l'antisémitisme. Mais nous en débattons dans la sphère publique. Non seulement la critique et l'opposition sont acceptées, mais elles sont protégées par la loi. Nous devons donc toujours dénoncer les violations des droits de l'homme lorsqu'elles se produisent et où que ce soit, à Hong Kong ou chez les Ouïghours 180 ( * ) »,

- les forces économiques de l'UE ont subi un double boycott : des consommateurs occidentaux et notamment européens, qui ont dénoncé l'usage de coton potentiellement issu du travail forcé des minorités musulmanes du Xinjiang, puis des consommateurs chinois lorsque des marques ont refusé d'utiliser dans leurs chaînes les produits issus de ce travail forcé,

- l'UE n'a pas participé à l'escalade initiée par les contre-sanctions chinoises. Elle a prononcé des sanctions sur une base légale claire et s'en est tenue à cette position. Il ressort des différentes auditions de vos rapporteurs que l'Union devrait développer son régime de sanctions politiques comme économiques. La Chine, la Russie mais aussi les États-Unis utilisent pleinement cet outil de puissance géoéconomique. L'UE aurait donc intérêt à envisager le développement d'une palette de moyens défensifs pour contenir l'impact des instruments qui pourraient lui être opposés à l'avenir et exprimer ainsi sa propre puissance. « L'arme des sanctions pourrait en effet s'accompagner de l'arme du droit extraterritorial, du contrôle des exportations, notamment pour ce qui concerne les technologies de rupture (« emerging and foundational technologies ») (...), l'arme de la lutte contre la corruption et du contrôle des investissements » 181 ( * ) .

Recommandation : Il apparaît donc nécessaire à vos rapporteurs que :

- l'Union européenne étudie les moyens de développer son régime de sanctions politiques comme économiques et qu'elle envisage cet outil de puissance géoéconomique sous toutes ses facettes : sanctions, droit extraterritorial européen, contrôle des exportations, notamment pour ce qui concerne les technologies de rupture, lutte contre la corruption et contrôle des investissements,

- l'UE comme la France continuent de mener un dialogue de haut niveau lucide et exigeant avec la Chine sur les sujets qui constituent désormais les lignes rouges de la politique étrangère chinoise : le Tibet, Hong-Kong, Taïwan, le traitement des minorités musulmanes du Xinjiang, la liberté de navigation, y compris en mer de Chine, les droits de l'homme, notamment,

- les États membres de l'UE veillent à leur unité sur ces sujets.

L'Union aura d'autant plus de poids dans son dialogue avec la Chine qu'elle se sera dotée des moyens juridiques d'exprimer sa puissance, ce qui implique d'avoir surmonté son ambiguïté en la matière. L'élection en 2019 de la nouvelle Présidente de la Commission et du nouveau Président du Conseil européen a donné une impulsion en ce sens. La définition d'une nouvelle boussole stratégique européenne l'approfondira.

b) Le bouleversement stratégique venu d'Australie, la stabilité indopacifique fragilisée

La boussole stratégique européenne a fait l'objet d'un rapport de notre commission cette année 182 ( * ) .

L'Allemagne a proposé en 2019 l'élaboration d'une « boussole stratégique », forme de livre blanc pour la sécurité et la défense de l'UE 183 ( * ) , qui a été initiée sous sa présidence tournante de l'UE au 2 nd semestre 2020. Pour cela a été organisé, à une échelle inédite, l'échange entre experts et représentants des exécutifs de l'ensemble des États membres, en commençant par une analyse des risques établie sur la base des contributions de leurs services de renseignement. Le SEAE a finalisé cette analyse classifiée qui est devenue la base d'une réflexion organisée en 4 « paniers » devant aboutir au 1 er semestre 2022, sous présidence française du Conseil européen, à une réponse exhaustive aux menaces.

La Chine constitue pour l'UE un défi croissant, surtout sur des sujets de résilience : souveraineté numérique, désinformation, capacité industrielle, compétitivité, accès au marché, risque de déni d'accès aux voies maritimes, notamment dans les détroits. Il devient de plus en plus évident que l'Europe doit présenter un « front uni ». Comme le note le rapport de notre commission, l'Europe doit « ' jouer collectif ' face à une Chine décrite comme étant à la fois rivale, concurrente et partenaire, et que dessert un hubris devenu ostensible. L'écueil serait de ne traiter la « question chinoise » que via l'OTAN, au risque d'une immixtion américaine dans la politique commerciale de l'UE. [L'UE] doit donc vite affiner une ligne stratégique, qui devra passer par une exigence de réciprocité en matière économique. Il se pourrait, ainsi, que la Chine relaie l'ancien président Trump comme moteur de la `géopolitisation' de l'UE » .

La stratégie indopacifique dans le cadre de la réflexion sur la boussole stratégique est présentée comme la zone de fort enjeu, qu'elle est hébergeant 60 % de la population mondiale et les PIB les plus dynamiques de la planète ; 30 % du commerce maritime mondial transitent par le détroit de Malacca en direction du canal de Suez, ce qui en fait une zone vitale pour les approvisionnements européens. Plus d'un tiers des exportations françaises, hors Union européenne, sont à destination de la région indopacifique. C'est aussi dans cette zone, qui compte plusieurs pays nucléarisés, qu'ont été enregistrés au cours des dix dernières années les plus gros efforts d'investissements de défense. Enfin, le déficit de régulation et l'absence de consensus multilatéral sur les conditions d'accès et d'utilisation des espaces communs facilitent l'exercice de rapports de force entre États, ou à l'encontre d'acteurs non-étatiques, dans l'ensemble de la zone.

L'UE pourrait oeuvrer au renforcement de son positionnement dans la région en soutenant la conclusion d'un partenariat stratégique avec l'ASEAN, son admission au Sommet de l'Asie de l'Est (EAS), la reprise des négociations en vue d'accords de libre-échange - notamment avec certains pays de l'ASEAN - dans la perspective d'un accord bi-régional ambitieux, une redynamisation du dialogue Europe-Asie dit « ASEM » (Asia Europe Meeting), appelé à devenir un espace d'expression de l'ambition européenne en Asie, la mise en oeuvre de la stratégie européenne de connectivité entre l'UE et l'Asie et surtout la détermination d'une stratégie européenne dans le Pacifique, qui s'annonce comme un enjeu majeur de la PFUE.

La capacité d'intervention de l'UE dans la zone est cependant limitée en matière de sécurité et de défense. La France est le seul État membre avec les Pays-Bas et l'Allemagne à montrer une disponibilité maritime dans l'Indopacifique, sachant que ces deux pays déploient chacun une seule frégate, et encore, seulement une partie de l'année. De plus, les partenariats stratégiques que la France a noués dans cette région dont elle est partie prenante et riveraine en vue de renforcer une présence occidentale pacifique et fédérative, ont connu un développement extrêmement regrettable lorsque l'Australie a dénoncé le 16 septembre le partenariat stratégique qui la liait à la France. Il conviendra d'analyser :

- l'impact qu'aura le rejet du partenariat stratégique par l'Australie sur les négociations commerciales en cours entre elle et l'UE 184 ( * ) et sur la définition de la stratégie indopacifique de l'UE. L'Australie souhaitait par ce partenariat éviter le tête-à-tête entre les États-Unis et la Chine. Sa dénonciation du contrat de fournitures de sous-marins conventionnels, construits pour l'essentiel dans les chantiers navals d'Adélaïde 185 ( * ) est un « game changer ». La conclusion du pacte AUKUS, regroupant les États-Unis, le Royaume-Uni, qui trouve là un moyen de conforter sa nouvelle stratégie « Global Britain » et l'Australie ne laisse plus de doute sur la constitution d'un front anti-Chine,

-  l'impact qu'aura la diffusion de technologies nucléaires militaires à un pays non doté, l'Australie. Les États-Unis et le Royaume-Uni fourniront, dans des délais et à des montants non connus à ce jour, des sous-marins d'attaque, à propulsion nucléaire. « ' Le besoin d'une alliance solide pour contrer Pékin est si pressant qu'il a relégué au second plan les anciennes réserves [des États-Unis] quant au partage d'informations confidentielles sur les technologies nucléaires .' Jusqu'à présent, seul le Royaume-Uni y avait accès, en vertu d'un accord signé en 1958 » 186 ( * ) . Le Japon et la Corée du Sud y verront-ils la porte ouverte à l'adoption de tels équipements à leur tour ? Quelle position adoptera le Canada sur cette question ? Les nations de l'Océanie, la Nouvelle-Zélande en tête, farouchement opposées à l'énergie nucléaire, vont-elles distendre leurs relations politiques et économiques avec l'Australie ? La réaction de la Chine, pour sa part, ne laisse guère de place à l'interrogation, elle a immédiatement dénoncé ce qu'elle considère comme une escalade des menaces.

Le rapport de votre commission sur la boussole stratégique notait déjà que « l'Indopacifique(...), vaste sujet de sécurité et de défense pour l'UE, risque d'apparaître comme pouvant être plus adéquatement traité dans le cadre de l'OTAN, en compagnie des puissances maritimes que sont les États-Unis et le Royaume-Uni, au risque de réduire l'autonomie de la politique de l'UE vis-à-vis de la Chine ». Le constat était juste et inquiétant. La stabilité de l'indopacifique est fragilisée, voire menacée, par le bouleversement stratégique que constitue la dénonciation du partenariat stratégique avec la France par l'Australie et la conclusion du pacte Aukus.

Recommandation : Il apparaît donc absolument nécessaire à vos rapporteurs :

- de réévaluer la relation bilatérale avec l'Australie d'une part, avec les États-Unis d'autre part,

- de réaffirmer l'attachement indéfectible de la France à la maîtrise des armements et à la non-prolifération nucléaire,

- et de réévaluer l'analyse des menaces dans le cadre de la préparation de la boussole stratégique tant la dénonciation par l'Australie du partenariat stratégique avec la France et son équipement en sous-marins d'attaque américains, à propulsion nucléaire dans le cadre du pacte Aukus conclus avec les Etats-Unis et le Royaume-Uni est un « game changer », c'est-à-dire un profond bouleversement stratégique susceptible d'ébranler la stabilité de l'indopacifique dans son ensemble.

2. L'évolution récente de l'OTAN sur la Chine : la prise en compte d'une puissance chinoise de plus en plus assertive
a) 2019 : la prise en compte des politiques internationales de la Chine

En 2019, pour la première fois, le communiqué publié à l'issue du sommet des chefs d'État et de gouvernement participant au Conseil de l'Atlantique Nord (CAN), tenu en décembre à Londres en 2019, évoquait « l'influence croissante et les politiques internationales de la Chine ... [vues] à la fois [comme des] opportunités et des défis » appelant une réponse des Alliés.

Outre la stratégie chinoise même, la proximité entre Moscou et Pékin est également analysée comme une potentielle nouvelle source de dangers pour l'Alliance. En 2020, le Secrétaire général de l'OTAN, Jens Stoltenberg exprimera à plusieurs reprises la nécessité pour l'OTAN de prendre en compte les investissements chinois dans les infrastructures de transport et de télécommunications en Europe et d'évaluer l'impact de ces investissements.

En mars 2018, la Commission européenne a présenté un plan d'action, élaboré en concertation avec l'OTAN, pour créer ce qui a été appelé un « Schengen militaire » visant à faciliter les transports de troupes et de matériel au sein de l'Union européenne, freinés par la complexité des formalités administratives et le manque d'infrastructures adaptées, qu'il s'agisse de ponts routiers ou d'infrastructures ferroviaires. Un travail d'inventaire a été mené dans cette perspective qui a conduit à mettre en évidence la part croissante prise par les investissements chinois en la matière. Le général Jörg Vollmer, en charge du commandement des forces interarmées alliées Brunssum, a estimé que cette situation donnait déjà lieu à des « risques de contrôle du flux de fret à divers degrés » 187 ( * ) . L'Alliance s'emploie donc à établir un inventaire précis et cartographié des investissements chinois, qu'ils soient publics ou privés (ce qui pose la question de l'attribution de l'investissement), dans les infrastructures de transport - ports, aéroports, ponts, etc.- et de télécommunication sur tout le territoire européen. L'objectif est d'évaluer le risque d'entrave de mobilité pour les armées alliées en cas de conflit 188 ( * ) .

Les réflexions menées sur ces sujets conduisent parfois à des recommandations extrêmes : Julian Lindley-French, co-auteur d'un rapport du Center for European Policy Analysis (C EPA ) 189 ( * ) sur la mobilité militaire 190 ( * ) , a ainsi suggéré de mettre en place des mécanismes permettant aux gouvernements européens de prendre le contrôle des infrastructures critiques en cas de crise 191 ( * ) .

b) 2021 : la Chine défi systémique pour l'OTAN

Lors du sommet de Bruxelles du 14 juin 2021, comme on pouvait s'y attendre, la Chine a fait l'objet d'une nouvelle appréciation : ses « ambitions... et... son assertivité présentent des défis systémiques pour l'ordre international fondé sur des règles et dans des domaines revêtant de l'importance pour la sécurité de l'Alliance ». Les extraits du communiqué du 28 e sommet des chefs de l'État et de gouvernement du CAN afférents à cette nouvelle position de l'Alliance face à la Chine sont présentés dans l'encadré suivant.

Extrait du Communiqué du sommet de Bruxelles publié par les chefs d'État et de gouvernement participant à la réunion du CAN tenue à Bruxelles le 14 juin 2021

« Les ambitions déclarées de la Chine et son assertivité présentent des défis systémiques pour l'ordre international fondé sur des règles et dans des domaines revêtant de l'importance pour la sécurité de l'Alliance. Nous sommes préoccupés par celles des politiques coercitives qui ne correspondent pas aux valeurs fondamentales inscrites dans le traité de Washington. La Chine accroît rapidement son arsenal nucléaire, se dotant d'un plus grand nombre d'ogives et de vecteurs sophistiqués pour établir une triade nucléaire. Elle fait preuve d'opacité dans la mise en oeuvre de la modernisation de son appareil militaire et dans celle de sa stratégie de fusion militaro-civile publiquement déclarée. Elle coopère par ailleurs avec la Russie dans le domaine militaire, notamment en participant à des exercices russes dans la zone euro-atlantique. Nous restons préoccupés par le fait que la Chine manque souvent de transparence et a fréquemment recours à la désinformation. Nous appelons la Chine à respecter ses engagements internationaux et à agir de manière responsable au sein du système international, notamment dans les milieux spatial, cyber et maritime, en conformité avec son rôle de grande puissance.

L'OTAN maintient un dialogue constructif avec la Chine lorsque cela est possible. Sur la base des intérêts qui sont les nôtres, nous voyons d'un oeil favorable les possibilités d'interagir avec la Chine sur des questions revêtant de l'importance pour l'Alliance et sur des défis communs, tels que le changement climatique. Il est utile d'échanger des informations sur les politiques et les activités de chacun, afin de mieux se connaître et d'aborder les éventuels points de désaccord. Les Alliés exhortent la Chine à s'investir de manière substantielle dans le dialogue, dans le développement de la confiance, et dans des mesures de transparence concernant ses capacités et sa doctrine nucléaires. La transparence et la compréhension mutuelles seraient avantageuses aussi bien pour l'OTAN que pour la Chine. »

Trois points d'attention ressortent de la position de l'OTAN : la posture de la Chine dans le cyberespace, l'évolution de son arsenal nucléaire et l'opacité de sa stratégie nucléaire et sa coopération avec la Russie.

L'Alliance, par la voix de son secrétaire général, a précisé que la « Chine n'est pas notre adversaire, notre ennemie » mais que « nous devons faire face aux défis qu'elle pose pour notre sécurité » 192 ( * ) . Pour autant, les autorités chinoises, par la voix de leur ambassadeur auprès de l'Union européenne, ont estimé que l'utilisation de l'expression « défi systémique calomnie l'évolution pacifique [de la Chine] » 193 ( * ) .

L'Alliance s'affirme préoccupée par la politique chinoise dans le cyberespace et son recours à la désinformation. Ainsi, le 19 juillet 2021, la déclaration de l'OTAN invitait « tous les États, y compris la Chine, à respecter leurs obligations et engagements internationaux et à agir de manière responsable au sein du système international, y compris dans le domaine cyber ». La Chine était ainsi citée nommément un mois après le sommet de Bruxelles. La cyberattaque ayant compromis les serveurs de la messagerie Microsoft Exchange a été attribuée par les États-Unis au groupe de pirates informatiques « Hafnium », lié à Pékin. Les autorités chinoises ont officiellement démenti tout piratage de Microsoft.

L'évolution de l'arsenal nucléaire chinois a donné lieu à de nombreux commentaires et articles au cours de l'été 2021. Le Washington Post , citant une analyse effectuée par le Centre James Martin pour les études sur la non-prolifération d'images satellites, a écrit que 119 silos étaient en construction dans un désert près de Yumen, une ville du nord-ouest de la Chine 194 ( * ) . Un rapport également basé sur des images satellites, publié par la Fédération des scientifiques américains, fait état de travaux de construction d'un champ de silos à missiles nucléaires dans la province du Xinjiang, située à l'ouest de la Chine. Enfin, le rapport de notre collègue Cédric Perrin, en tant que rapporteur général de la commission de la défense de l'Assemblée parlementaire de l'OTAN, sur les enjeux futurs de la maîtrise internationale des armements, en cours d'élaboration 195 ( * ) , fait état des inquiétudes que soulève la relative opacité de la stratégie nucléaire chinoise dite de « dissuasion minimale » 196 ( * ) et l'utilisation de systèmes d'armement à capacité duale.

Recommandation : Il apparaît donc absolument nécessaire à vos rapporteurs :

-- de prôner la transparence en matière de stratégie nucléaire,

- d'inciter tous les États dotés, Chine comprise -lorsque l'architecture de maîtrise internationale des armements a été posée pendant la guerre froide, la Chine n'avait pas été associée à hauteur du statut qui est le sien-, à participer à des discussions favorisant la non-prolifération et la maîtrise des armements nucléaires,

- et de rappeler que l'OTAN est une institution qui doit être rééquilibrée politiquement et ne doit pas s'organiser autour de la rivalité sino-américaine mais bien pourvoir à la défense euro-atlantique. La révision du concept stratégique de l'OTAN devra aller en ce sens.

c) Quelle forme prendra la coopération militaire sino-russe à l'avenir ?

Enfin, l'Alliance a exprimé, lors du dernier sommet de Bruxelles, sa préoccupation face à la coopération dans le domaine militaire entre la Chine et la Russie qui se traduit en particulier par la participation de la Chine à des exercices militaires russes de façon régulière depuis 2017. Des exercices militaires navals dans la mer Baltique en 2017 et depuis en mer Méditerranée et mer Noire ont été organisés. En 2018, l'exercice Vostok aurait, selon les organisateurs, engagé près de 300 000 militaires, 36 000 blindés, 1 000 aéronefs et 80 navires sur cinq champs de manoeuvres situés de la Sibérie à l'Extrême-Orient russe. La participation chinoise se serait traduite par l'engagement de 3 200 militaires chinois dans la Transbaïkalie, région frontalière entre les deux pays et l'armée populaire de libération (APL) aurait envoyé en Russie 900 unités et 30 aéronefs.

En août 2021, a eu lieu l'exercice Zapad/Interaction, associant la Chine et la Russie dans un exercice militaire situé sur le territoire de la Chine. Cet exercice semble s'inscrire dans le cadre des Jeux internationaux militaires annuels organisés par Moscou 197 ( * ) . Ceux-ci rassemblent cette année, jusqu'au début du mois de septembre, 2 000 soldats de 17 pays dont la Serbie, le Kazakhstan, l'Ouzbékistan, ou la Chine dans des épreuves destinées à renforcer la confiance mutuelle entre les forces militaires. L'APL a engagé ses blindés, et une dizaine d'avions - bombardiers, chasseurs et transporteurs chinois. « Ces échanges restent toutefois limités à un objectif d'interopérabilité militaire dans un conflit restreint, soulignent les spécialistes du sujet. La relation reste éloignée d'une véritable alliance militaire, en raison des intérêts stratégiques différents des deux puissances et de la méfiance réciproque qu'entretiennent leurs services de sécurité » 198 ( * ) .

La deuxième quinzaine de septembre 2021 devrait se tenir l'exercice Zapad, organisé tous les quatre ans par la Russie 199 ( * ) . La question se pose de la participation, pour la première fois, de la Chine à cet exercice qui devrait réunir 10 000 hommes des forces russes et biélorusses, dans la perspective d'un entraînement figurant peu ou prou une confrontation avec les forces de l'OTAN. Les effets d'annonce sont, et c'est le lieu de tels exercices, volontairement importants. L'avion chinois furtif de 5 e génération Chengdu J-20 pourrait être déployé en témoignage de la forte coopération militaire entre la Chine et la Russie.

La façon dont les troupes chinoises s'intègreront éventuellement à ce dispositif suscite la plus vive attention de l'Alliance.

L'Union doit donc affiner sa propre ligne stratégique vis-à-vis de la Chine, indépendamment de l'OTAN et des États-Unis. Elle passe, en matière économique, par l'exigence de réciprocité. Ce faisant, la Chine pourrait bien s'ajouter à l'Amérique de Trump et depuis la conclusion du pacte Aukus de Biden, comme moteur de la « géopolitisation » de l'Union européenne. Ce sera à n'en pas douter l'un des enjeux essentiels de la présidence française de l'Union européenne au premier semestre 2022.

D. LES NOUVEAUX FRONTS ÉCONOMIQUES

1. Les domaines dans lesquels la Chine est leader ou en rattrapage intense

Une étude d'opinion menée en Grande-Bretagne, aux Etats-Unis, en Suède, au Japon, en Inde et en Chine en 2010 plaçait la Chine leader en matière d'innovation à l'horizon 2020. Le président chinois a fait de l'innovation un levier de l'autonomie chinoise et à ce titre une priorité : « Confrontés à des changements majeurs, jamais vus depuis un siècle, nous devons prendre le chemin de l'innovation pour atteindre un plus haut niveau d'autonomie 200 ( * ) ». Ainsi, le 14 e plan quinquennal chinois, approuvé en mars 2021, prévoit 1 400 milliards de yuans, soit 180 milliards d'euros pour la montée en gamme de l'économie chinoise et fait des semi-conducteurs une priorité.

a) Intelligence artificielle, quantique, brevets et autres domaines dans lesquels la primauté chinoise est déjà reconnue

La primauté de la Chine dans le domaine de la 5G a déjà été examinée dans le présent rapport. Outre la construction d'une architecture 5G, la Chine déploie les outils d'utilisation de la 5G. En 2020, Lenovo a ainsi dévoilé le premier PC 5G, lors du Consumer Electronic Show ( CES ), grand salon dédié aux loisirs technologiques et à l'univers du numérique qui se tient chaque année à Las Vegas. La Chine se place parmi les leaders de l'innovation en matière de technologie bluetooth, smartphones, objets connectés, télévisions, etc.

Dans le domaine de l'intelligence artificielle, on l'a vu, la Chine a également pris une avance importante, notamment en matière de reconnaissance faciale. Grâce aux réseaux de reconnaissance faciale installés sur son territoire, la Chine peut accéder librement aux très gros volumes de données nécessaires pour entraîner les réseaux neuronaux de pointe. Le gouvernement chinois a affiché dès 2017 son ambition d'être leader mondial du secteur en 2030. Dès 2019, la Chine abritait 6 des 11 licornes 201 ( * ) d'IA alors recensées dans le monde, notamment SenseTime . Selon une étude de l' Allen Institute for Artificial Intelligence , réalisée en 2019, la Chine devait dépasser les Etats-Unis dans 50 % des articles de recherche les plus cités dans le monde en 2019, dans les 10 % les plus cités en 2020 et dans les 1% les plus cités d'ici 2025 202 ( * ) .

En matière de supercalculateurs 203 ( * ) , la Chine domine largement les Etats-Unis et l'Europe, avec en 2019, 219 machines classées dans le Top 500 mondial des supercalculateurs, contre 116 pour les Etats-Unis et 18 pour la France et le Royaume-Uni. Les Etats-Unis occupaient toutefois toujours les deux premières places du classement 204 ( * ) , avec un écart significatif. Selon le dernier classement de juin 2021 des 500 ordinateurs les plus puissants de la planète, la Chine compterait le plus grand nombre de supercalculateurs au monde, soit 186 supercalculateurs, soit près de 40 % du nombre total. Les supercalculateurs sont déterminants dans le domaine quantique.

Dans ce domaine, en l'occurrence, les choses s'accélèrent en Chine 205 ( * ) . Un centre de recherche de niveau mondial sur les applications et les technologies quantiques et sur l'Intelligence Artificielle est en cours de construction à Hefei, dans la province de l'Anhui. Le budget investi pourrait à terme atteindre 10 milliards de dollars. Ce centre en R&D, situé au coeur d'un parc technologique associant institutions de recherche et entreprises, devrait regrouper 1 800 personnels de recherche, dont 560 chercheurs multidisciplinaires, en recherche fondamentale, en développement technologique et en ingénierie. Le plan national chinois pour le développement des technologies quantiques se déploie également à Pékin, Shanghai, Nankin, Hangzhou ou encore dans la région de la Grande Baie de Guangdong-Hong Kong-Macao ( GD-HK-MO ), associant les acteurs chinois publics et privés. Parmi ces derniers, on retrouve les géants chinois des télécommunications et de l'internet dont Alibaba , Baidu , Huawei , Tencet , ZTE , etc. L'encadré suivant 206 ( * ) présente les principales réalisations chinoises dans le domaine quantique.

Principales avancées récentes de la Chine
dans le domaine des technologies quantiques

Août 2016, la Chine lance le premier satellite de communication quantique, le Quantum Experiments at Space Scale (QUESS), surnommé « Mozi », avec l'objectif de mettre en place un système de communication crypté et inviolable.

Juin 2017, Pékin annonce avoir réalisé avec succès une « téléportation » quantique en envoyant simultanément depuis le satellite « Mozi » des photons à trois stations distantes pour certaines de 1200 km.

Septembre 2017, la Chine réalise la première communication intercontinentale, entre Vienne et Pékin, en utilisant la cryptographie quantique.

Décembre 2020, un prototype de calculateur quantique à base de photons, Jiuzhang, intégrant 76 qubits, résout en 200 secondes un algorithme d'échantillonnage Boson, surpassant les performances, pour ce test, du supercalculateur le plus puissant du monde. La Chine, après les Etats-Unis, accède à la « suprématie quantique ».

Janvier 2021, la Chine met en place un réseau de communication combinant 700 fibres et deux liaisons sol-satellite et la distribution quantique de clés entre plus de 150 utilisateurs localisés à Pékin, Jinan, Hefei et Shanghai, pour une distance combinée de 4600 km.

La Chine a désormais une politique très active de dépôt de brevets. En 2018, le Cnipa, l'office des brevets chinois, a reçu plus de 1,5 million de dossiers de dépôt de brevet. Il en a accordé 432 000, contre 308 000 accordés par l'Office américain des brevets et des marques ( USPTO ). Il a longtemps été dit que les brevets chinois présentaient un intérêt mineur, reflétant des améliorations incrémentales, plutôt que des sauts technologiques. Toutefois en 2021, 40 % des brevets déposés dans le domaine de la 6G proviendraient de Chine. En 2021, la Chine est le premier pays déposeur de marques dans l'UE au cours des 18 derniers mois, dans les domaines des ordinateurs et des appareils électriques pour près d'un quart des dépôts auprès de l'Office de l'Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO). Cette évolution est d'autant plus importante que la croissance chinoise a longtemps été tirée par l'exportation de contrefaçons, notamment en Europe. Selon l'EUIPO, 6 % des importations dans l'UE sont des contrefaçons, ce qui représente 120 milliards d'euros en valeur. La source de 80 % des importations de ces contrefaçons est la Chine (le territoire de Hong Kong compris).

Recommandation : Il apparaît donc nécessaire à vos rapporteurs :

- de renforcer, comme le fait déjà l'EUIPO, le dialogue avec la Chine sur la propriété intellectuelle et les exportations illégales de contrefaçons,

- de faciliter la coopération entre douanes européennes et chinoises pour lutter contre ce fléau que le commerce électronique a largement développé,

- et soutenir les efforts déployés par la Chine tels que la mise en oeuvre de juridictions spécialisées sur son territoire. Ce n'est qu'à ce prix que la Chine passera bien d'une croissance basée sur la copie à une croissance basée sur l'innovation.

Le nombre de diplômés en informatique en Chine a la place dans le peloton de tête en la matière, avec 165 000 diplômés en informatique en 2019 207 ( * ) , derrière l'Inde forte de 215 000 diplômés. Toutefois, ces chiffres ne rendraient pas fidèlement compte du niveau atteint, avec « seulement » 65 000 diplômés, les Etats-Unis gardent une nette avance en termes de performance des jeunes diplômés 208 ( * ) .

S'il est un domaine où la primauté chinoise ne fait aucun doute et lui assure une position déterminante mondiale, c'est la possession des terres rares, regroupant dix-sept métaux indispensables au fonctionnement des ordinateurs et des smartphones, des éoliennes, des batteries électriques, des équipements militaires, etc. Or, 80 % à 95 % de la production mondiale est chinoise. « Depuis 2010, le monde a parfaitement pris conscience de cette division du travail faussée. Faisant fi de ses engagements en matière de commerce international, la Chine a mis en place des mesures de contrôle à l'exportation très restrictives sous forme de permis, de taxes ou de quotas qui ont considérablement limité l'offre de terres rares pour la consommation industrielle étrangère 209 ( * ) ». Dans la guerre commerciale qui l'oppose à Washington, Pékin a déjà laissé entendre qu'il pourrait limiter ses exportations de terres rares en représailles aux hausses de tarifs douaniers américains. « Toutefois, l'intérêt de la Chine pour les terres rares est bien plutôt motivé par des préoccupations nationales, dont l'une est de réagir à la crise écologique de plus en plus aiguë qu'elle traverse. Pour ce faire, Pékin tend à favoriser de plus en plus les technologies les plus économes en énergie et les moins émettrices de carbone, notamment l'éolien et les véhicules électriques, qui reposent souvent sur les terres rares 210 ( * ) ».

Dans ces domaines de l'éolien et des véhicules électriques, la Chine détient également une nette avance technologique. La Chine est devenue leader mondial des batteries lithium-ion (la réserve chinoise de lithium est déterminante) qui équipent aujourd'hui les véhicules électriques. Le pays revendique environ 60 % de la capacité de production mondiale. Le nouvel « Airbus de la batterie électrique » ou « Alliance pour les batteries dans l'UE », cofinancé par l'UE, lancé en 2018 pour rattraper le retard européen en la matière En 2019, la Commission européenne a autorisé les sept États 211 ( * ) impliqués dans ce projet important d'intérêt européen commun (Piiec) à octroyer 3,2 milliards d'euros d'aides publiques à un consortium de grandes entreprises et de PME. Les premières batteries made in Europe devraient sortir des chaînes de production en 2021. Le règlement européen des batteries en préparation sur la base de la proposition de modernisation de la législation de l'UE sur les batteries, publiée par la Commission européenne le 10 décembre 2020 212 ( * ) , est donc un rendez-vous important pour l'UE.

Recommandation : Il apparaît donc nécessaire à vos rapporteurs que le règlement européen des batteries en préparation sur la base de la proposition de modernisation de la législation de l'UE sur les batteries publiée par la Commission européenne le 10 décembre 2020,

- prenne en compte les objectifs de décarbonation de l'économie européenne, - édicte à ce titre les mêmes obligations environnementales élevées à l'égard des batteries importées à l'avenir en Europe,

- prenne en compte la nécessité de rattraper le retard européen dans le domaine de la production de batteries en Europe.

Dans le domaine des énergies renouvelables, la Chine, qui fait face à l'accroissement des demandes environnementales des Chinois, déploie largement ses efforts. Elle est toujours le premier émetteur mondial de gaz à effet de serre à cause de ses polluantes centrales au charbon, et le pic d'émission de CO2 n'est pas attendu avant au plus tôt 2030. La Chine développe sa production d'électricité verte à partir :

- du photovoltaïque, dont elle est devenue leader mondial, notamment grâce à une stratégie de vente des panneaux photovoltaïques à très bas prix, grâce aux subventions publiques 213 ( * ) . La Chine produit désormais plus de 70 % de l'énergie photovoltaïque dans le monde. Elle devrait atteindre une capacité de production d'énergie solaire de 370 GW en 2024, soit 2,5 fois celle des Etats-Unis et 15 fois celle de la France. « Le silicium polycristallin et les terres rares, nécessaires pour la fabrication des panneaux solaires, proviennent en grande partie du Xinjiang. Le Xinjiang, à lui seul, représente près de 50 % de la production mondiale de silicium polycristallin 214 ( * ) » ;

- et de l'éolien. En 2018, la Chine a installé pour 21 GW d'éoliennes pour atteindre une capacité globale de 200 GW, soit un tiers du total mondial Dans l'éolien marin, en termes de puissance installée, l'Europe occupe la première place. Mais près de la moitié des nouvelles capacités éoliennes marines installées dans le monde en 2020 ont été implantées dans les eaux chinoises. Ainsi, sur une puissance cumulée du parc éolien marin mondial de 35,3 GW à la fin 2020, 70 % de ces capacités sont implantées dans les eaux européennes. Le Royaume-Uni dispose toujours du plus important parc éolien offshore (28,9 % des capacités mondiales à la fin 2020), mais la Chine (28,3 %) se place désormais devant l'Allemagne (21,9 %). En 2020, en flux, la Chine est le pays le plus dynamique : l'industrie éolienne offshore a installé près de 6,1 GW de nouvelles capacités dans le monde, et pour la troisième année consécutive, c'est en Chine que se sont situées ces installations, pour plus de 3 GW d'éoliennes marines installées en 2020, devant les Pays-Bas avec près de 1,5 GW, la Belgique, 706 MW, le Royaume-Uni, 483 MW et enfin l'Allemagne avec 237 MW. L'investissement chinois porte également ses fruits sur le plan technologique, avec le projet chinois d'une nouvelle éolienne offshore la plus puissante au monde atteignant 16 MW 215 ( * ) .

b) L'objectif primordial du rattrapage chinois dans le domaine des semi-conducteurs

En 2019, l'administration Trump a placé Huawei et ZTE sur la liste noire du département du commerce américain, les privant d'accès aux technologies, logiciels et composants américains. Puis en mai 2020, elle a interdit à toute société dans le monde utilisant du matériel américain de livrer des semi-conducteurs au groupe Huawei .

Cette politique américaine s'alimente d'une suspicion due notamment à la conception globale de la sécurité nationale chinoise (qui semble rendre illusoire toute distinction au sein des domaines duals) et aux liens très étroits entre les entreprises chinoises, qu'elles soient publiques ou privées, et le PCC. La liste des entreprises placées sur liste noire, en raison de leurs liens supposés avec l'APL, croît. Dans le même temps, le rebond de croissance après le confinement quasi généralisé et l'arrêt des chaînes de production dus à la pandémie en 2020 se heurte à la pénurie de semi-conducteurs.

La dépendance de l'économie chinoise aux semi-conducteurs est documentée. Depuis 2015, ce poste d'importation, soit 290 milliards de d'euros, a dépassé les importations de pétrole. La Chine ne produit que 15,9 % des semi-conducteurs nécessaires à ses constructeurs, la proportion chute encore lorsqu'on considère la question sous l'angle des micro-circuits élaborés (et non assemblés) par la Chine : 6 % des besoins de l'économie chinoise sont couverts par les puces élaborées en Chine. De plus, la Chine accuse un certain retard dans ce domaine. Les entreprises taïwanaises 216 ( * ) , telles TSMC , et les entreprises américaines et sud-coréennes en pointe dans ce domaine, notamment Intel et Samsung , auraient ainsi deux à trois générations technologiques d'avance sur leurs concurrentes, ce qui correspondrait à 5 à 10 ans de recherche et de développement.

Consciente de ce point faible, la Chine a défini dans son 14 e plan quinquennal (2021-2025) des objectifs ambitieux. Alors qu'elle ne produit que 20 % des semi-conducteurs nécessaires à son industrie, elle annonce vouloir en produire 40 % en 2020 et 70 % à l'horizon 2025. L'effort d'investissement consenti atteindrait 1 400 milliards de dollars afin de développer des puces dites de troisième génération. Dans le cadre de ce que les médias chinois qualifient de « Grand Bond en avant des semi-conducteurs », dès la fin de l'année 2020, une enveloppe de 88 milliards d'euros était annoncée par le ministre chinois de l'industrie, des technologies et de l'information 217 ( * ) .

Au début du mois de septembre 2021, le principal fabricant chinois de puces électroniques, Semiconducto Manufacturing International Corporation ( SMIC ), a annoncé un investissement d'un montant de 7,47 milliards d'euros pour produire des semi-conducteurs dans une nouvelle usine à Shanghai. Cet investissement vise à doter la Chine d'une capacité de production aux objectifs élevés : les chaînes de production devraient livrer 100 000 plaquettes (ou wafers) de 12 pouces pour répondre aux besoins du fabricant chinois, dans des domaines allant des robots électroménagers aux véhicules autonomes. Depuis que SMIC a été frappé par l'embargo américain, à la fin de l'année 2020, en raison de ses liens présumés avec l'APL, d'autres projets d'investissements dans le domaine de la production de semi-conducteurs, de moindre ampleur, à Pékin et Shenzhen ont été annoncés.

S'il ne s'agit pas là des semi-conducteurs les plus innovants 218 ( * ) , ces investissements devraient permettre à la Chine de desserrer la contrainte que fait peser la pénurie de semi-conducteurs induite par la pandémie et par l'embargo américain sur ses capacités de production et sur sa croissance.

L'effort à mener dans le domaine de la conception des puces reste, toutefois, déterminant. En effet, la primauté que la Chine espère atteindre dans le domaine de l'intelligence artificielle dépend de sa capacité à s'affranchir :

- des semi-conducteurs sur lesquels pèse l'interdiction américaine d'exportation vers la Chine. Les entreprises chinoises avancées dans la conception des semi-conducteurs, telles que Cambricon ou HiSilicon , filiale de Huawei , utilisent des processeurs Kirin construits avec des microcomposants de TSMC dont l'importation n'est plus possible.

- et des logiciels et composants américains. « Les semi-conducteurs avancés sont essentiels pour les ambitions du pays dans l'intelligence artificielle (...) Le centre de données qui entraînent des algorithmes pour la reconnaissance faciale ou la conduite autonome fonctionne principalement avec des processeurs de Nvidia, Google, Intel et Xilinx. » Tous américains » 219 ( * ) . De même les BATX, géants du Web chinois que sont Baidu 220 ( * ) , Tencent 221 ( * ) , Alibaba 222 ( * ) et Xiaomi 223 ( * ) , auxquels il faut désormais ajouter Huawei 224 ( * ) et ByteDance 225 ( * ) investissent lourdement pour réduire leur dépendance aux logiciels et composants américains.

Les effets de ces investissements et de la priorité politique affirmée sont incertains :

- les semi-conducteurs seraient un domaine dans lequel il est particulièrement difficile de rattraper l'avance des entreprises et pays leaders. En témoigne l'inefficacité des efforts chinois entrepris depuis le milieu des années 2010. Le plan « Made in China 2025 » fixait un objectif ambitieux de production nationale de 70 % des semi-conducteurs nécessaires à l'économie chinoise, et en 2014, un fonds spécialisé doté de 140 milliards de yuans (soit 18,26 milliards d'euros) devait permettre une accélération dans ce domaine. La part de la production locale chinoise de semi-conducteurs aurait stagné, passant de 15,1 % en 2014 à 15,9 % en 2020 226 ( * ) ,

- les embargos américains peuvent avoir des effets secondaires à moyen et long termes contraires à leurs objectifs initiaux. La réglementation américaine ITAR interdisant la vente par toutes entreprises, américaines ou non, dans le monde d'un système d'arme contenant au moins un composant américain est souvent présenté comme un des vecteurs d'accélération de l'autonomie soviétique dans les domaines spatiaux et de l'armement au début de la guerre froide. En l'occurrence, les entreprises chinoises réagissent à l'interdiction américaine en investissant et en achetant tous les semi-conducteurs produits sur le marché chinois, malgré leur qualité inférieure aux produits taïwanais, américains ou sud-coréens. C'est en achetant quasiment toutes les puces produites sur le sol américain pendant près de 20 ans, de 1950 à 1970, que la NASA a permis l'essor d'une industrie américaine. Avec les sanctions, les Etats-Unis amènent la Chine à suivre cette route, en témoigne le repli de Huawei sur des semi-conducteurs chinois.

Un conflit ou un embargo dans le détroit de Taïwan mettrait de fait en danger la production et l'approvisionnement en semi-conducteurs de l'économie mondiale. Les États-Unis ont « subventionné l'installation d'une usine TSMC en Arizona. Le Japon et l'Europe réfléchissent à faire de même » 227 ( * )

c) Le domaine spatial : un marqueur de la primauté de puissance mondiale convoité par la Chine

De même que l'espace avait été l'un des fronts de la guerre froide entre les Etats-Unis et l'URSS, il est l'un des enjeux de la course pour la place de première puissance mondiale entre Washington et Pékin. La Chine est assurément une puissance spatiale :

- majeure, au vu du nombre important de programmes spatiaux chinois ambitieux. Pékin mène ainsi de front programmes d'exploration lunaire et martienne, vols habités, lancement de satellites à vocation scientifique, commerciale ou militaire, et encourage le développement de l'industrie spatiale publique, mais aussi et de plus en plus d'une industrie spatiale privée. En 2017, déjà, la Chine faisait décoller plus de fusées que toute autre nation. Elle a fait atterrir en début 2018 un module sur la face cachée de la Lune, une première technologique 228 ( * ) ,

- et autonome comme en témoignent ses accès autonomes à l'espace de l'orbite terrestre et à Mars.

La Chine est toutefois le pays qui accorde le moins d'attention à la retombée des étages de lanceurs 229 ( * ) . Ce faisant, elle ne viole pas le droit international, mais elle rompt avec une norme implicite très largement respectée, ce qui contribue à dégrader sa réputation sur la scène internationale qui peine à se redresser depuis l'essai antisatellite de 2007, non-annoncé et qui a provoqué des milliers de débris. À ce titre, les observateurs avertis du secteur spatial estiment que la Chine doit prouver qu'elle est un acteur responsable dans l'espace, au-delà du discours officiel ressassé sur « l'utilisation pacifique de l'espace ».

Dans ce contexte, la construction de la station spatiale chinoise qui doit être opérationnelle en 2022 pose certaines questions. Le mode de coopération internationale de l'ISS, où chacun des membres (USA, Russie, ESA, Canada, Japon) contribue financièrement, matériellement et scientifiquement à la station, se base sur des accords inter-gouvernementaux préalables. Dans le cas de Tiangong-3, la station chinoise, il s'agirait d'une station entièrement conçue, construite et financée par la Chine, dans laquelle les autorités chinoises accueilleraient des astronautes étrangers selon ses conditions. La station chinoise pourrait alors être utilisée comme un levier diplomatique sur ses partenaires potentiels, sommés de respecter les lignes rouges géostratégiques chinoises au risque de se voir refuser l'accès à l'espace, sans préavis.

Enfin, la politique spatiale chinoise connaît une forte accélération de sa trajectoire grâce aux nouvelles routes de la soie. Les pouvoirs chinois mettent en avant la nécessité d'apporter un appui spatial au développement économique réalisé dans le cadre des nouvelles routes de la soie : le déploiement accéléré d'une couverture satellitaire globale chinoise, semblable au GPS américain étendrait les services chinois de navigation et de communication le long des nouvelles routes de la soie. La Chine incite ainsi les pays adhérant aux nouvelles routes de la soie à recourir à ses services pour lancer leurs satellites, soutenant financièrement ces projets et proposant des services « tout-en-un », comprenant la fourniture du satellite et le lancement par la fusée chinoise Longue Marche-5. La Chine propose déjà une gamme de lanceurs variés et fiables, et de nombreux autres lanceurs sont en développement dans les entreprises d'État 230 ( * ) et dans de nouvelles startups telles que Deep Blue Aerospace , Land Space , One Spac . Les pays émergents ayant besoin de réseaux de communication et satellitaires performants pour soutenir leur croissance, et trouvant, là encore, des sources de financement bancaire chinois, coopèrent avec la Chine dans le domaine spatial.

En matière de constellation, la question est inversée, c'est l'Europe qui semble en retard. Le commissaire européen en charge de ces questions a annoncé en janvier 2021 un nouveau projet européen de constellation pour la « connectivité ». Il s'agit, comme pour les batteries, d'un objectif de rattrapage et le projet européen paraît encore embryonnaire, alors que la Chine a, pour sa part, plusieurs projets en cours, qu'elle envisage de rassembler actuellement sous un seul « méga-programme » nommé « Guowang »» pour Réseau national. Ce programme de méga-constellation pour l'internet regrouperait 13 000 satellites, soit un parc équivalent à celui de Space X , Starlink . La Chine a d'ores et déjà lancé un parc industriel de production de satellites à Wuhan et une base industrielle du spatial à Canton, province du Guangdong. La Chine a aussi pour projet d'ouvrir deux nouveaux centres de lancement commerciaux à Wenchang, sur l'île de Hainan, et à Ningbo, dans la province du Zhejiang. Les perspectives de développement du domaine spatial chinois, ainsi soutenues par les nouvelles routes de la soie, paraissent exponentielles : le développement de centrales solaires orbitales, du tourisme spatial, voire d'une navette spatiale à propulsion nucléaire d'ici 2040, sont les objectifs affichés de l'agence spatiale chinoise.

Au plan européen, marqué historiquement par la logique de coopération internationale, la coopération prend la forme d'entraînements communs entre astronautes européens et chinois. La coopération avec la Chine dans le domaine spatial peut paraître très attrayante car elle est souvent assortie de financements bienvenus dans des contextes budgétaires contraints. Toutefois, le risque de transfert de technologies duales et de savoirs en recherche fondamentale ne doit pas être sous-estimé, particulièrement dans le contexte chinois de rattrapage dans le développement civilo-militaire des nouvelles technologies. Dans ce contexte, l'Europe doit impérativement repenser ses ambitions et sa méthode pour garder une « place de premier plan face au duopole sino-américain ».

Recommandation : Il apparaît donc nécessaire à vos rapporteurs de réitérer les termes de la recommandation de leur précédent rapport dans le domaine spatial, en appelant à la prudence en matière de transfert de technologies et d'utilisation de ces transferts en faveur du secteur militaire chinois :

- la France, leader de l'industrie aéronautique, a un rôle moteur à jouer dans la définition d'une politique nationale et d'une politique communautaire qui prennent en compte les récents développements des ambitions chinoises dans le domaine spatial.

- l'Union européenne doit s'efforcer de soutenir l'augmentation des budgets publics nationaux dédiés au domaine spatial, en particulier pour donner toute sa dimension au nouveau projet de constellation européenne pour la connectivité. L'UE doit également réformer la gouvernance spatiale européenne.

- enfin, fidèle à l'esprit de la stratégie de Lisbonne, l'Union européenne doit favoriser l'innovation et la compétitivité, et encourager le développement d'un secteur privé fort en mettant en place les conditions optimales à la croissance des start-ups innovantes dans le domaine spatial.

d) Le nucléaire : un domaine d'ambition chinois très élevé

En juin 2019, le deuxième EPR franco-chinois a été couplé au réseau électrique, à la centrale de Taïshan, après seulement neuf années de construction à mettre en regard de la durée des travaux de l'EPR en construction à Flamanville. La Chine développe son parc de réacteurs électro-nucléaires, en multipliant les partenariats, avec la France, mais aussi avec la Russie. En témoigne la signature avec la Russie, en 2019 également, de l'accord pour la construction de quatre réacteurs VVER-1200 , la plus puissante et moderne des technologies nucléaires russes, dite de Génération-3, du consortium Rosatom . Deux d'entre eux doivent être mis en service en 2027 et 2028. La Russie ne devrait fournir que l'îlot nucléaire, tout le reste de la centrale devant être chinois 231 ( * ) . Un tel niveau d'ambition a déjà été affiché dans le domaine des semi-conducteurs. S'il peine à être atteint, il permet d'affirmer la priorité du domaine et favorise la concentration des ressources.

Le ralentissement de l'installation de nouvelles centrales nucléaires en Chine 232 ( * ) après l'accident de Fukushima n'aura pas duré : dès avril 2019, de nouveaux objectifs, très élevés, étaient annoncés L'ambition était de produire 137 GW en 2030 et 200 GW 233 ( * ) en 2035 pour tenir notamment les objectifs de décarbonation de l'économie chinoise. Un tel saut suppose toutefois que le rythme des chantiers passe à 8 nouveaux chantiers par an, et que des réacteurs soient construits à l'intérieur du pays sur des cours d'eaux, ce qui pourrait susciter l'inquiétude des populations riveraines ou voisines. Que la Chine tienne ce plan très ambitieux ou ne l'atteigne que partiellement, elle va devenir un acteur très important l'industrie nucléaire.

La Chine déploie ses efforts pour maîtriser l'industrie nucléaire de bout en bout :

- elle dispose d'un gisement d'uranium conséquent en Namibie, la mine à ciel ouvert de Husab, dans le désert du Namib, dont la production a démarré à la fin 2016. La Chine, anticipant à terme une pénurie mondiale d'uranium, a également acheté une mine beaucoup moins rentable en Namibie, la mine de Rössing à Rio Tinto, pour une centaine de millions de dollars. Elle développe aussi, toujours dans la perspective d'une pénurie mondiale, une usine de séparation de l'uranium et du plutonium des déchets ultimes et a débuté la construction d'un réacteur rapide de 600 MW, capable de démarrer grâce à ce plutonium recyclé des déchets,

- elle s'assure de la reconnaissance internationale de la qualité et de l'innocuité de sa technologie nucléaire en visant la certification de son système de contrôle-commande numérique d'un réacteur par l'Autorité de sûreté nucléaire des Etats-Unis. Cette « plate-forme numérique, baptisée NuPAC, repose sur une propriété intellectuelle chinoise, est fabriquée en Chine et peut équiper aussi bien des réacteurs chinois que d'autres fabricants 234 ( * ) »,

- elle vise l'autonomie nucléaire, en maîtrisant le système de contrôle-commande numérique des réacteurs. Selon les spécialistes, cette plate-forme lui permet de s'affranchir « complètement des fournisseurs français, russes ou américano-japonais dont les réacteurs ont été à l'origine du parc nucléaire chinois actuel. Ainsi, le contrôle-commande du Hualong One, le réacteur Génération-3 chinois destiné à être construit en grand nombre, est d'origine Areva-Siemens, mais ses composants sont d'ores et déjà fabriqués pour l'essentiel en Chine 235 ( * ) ».

- elle se donne les moyens de gérer ses déchets radioactifs. Les déchets à durée de vie longue pourraient être gérés selon le modèle français, c'est-à-dire en alliant le recyclage de l'uranium et du plutonium dans des combustibles mixtes et la vitrification des déchets ultimes selon la technologie mise au point par le CEA à Marcoule. Un accord-cadre de coopération a été signé entre le CEA et l'académie des sciences chinoises en marge du déplacement du Président de la République française en Chine, en novembre 2019,

- elle exporte sa technologie nucléaire. Deux réacteurs Hualong One ont été construits au Pakistan. Des coopérations nucléaires avec une trentaine de pays ont été annoncées, notamment avec l'Argentine, la Roumanie, l'Iran, la Turquie, l'Afrique du sud, ou le Kenya,

- elle développe des technologies innovantes dans le domaine nucléaire, avec l'annonce de la maîtrise d'un réacteur nucléaire au thorium et sels fondus. Cette technologie serait plus sûre que celle des réacteurs à uranium ou plutonium car son refroidissement ne nécessiterait pas d'eau pressurisée et son exploitation ne génère que peu de déchets radioactifs. La Chine annonce être en mesure d'aboutir à un réacteur au thorium opérationnel d'ici 2030. Si c'est le cas, l'avenir de l'énergie nucléaire pourrait en être changé 236 ( * ) .

Dans ce domaine, comme dans le domaine spatial, la Chine doit toutefois faire la preuve de son adhésion aux règles communes de sécurité. Le problème d'étanchéité du coeur d'un des réacteurs de l'EPR de Taishan, caractérisé par des rejets de gaz dans l'air, a démontré que la Chine cultivait dans ce domaine une posture de défense du secret inacceptable pour la communauté et la sécurité internationales. Framatome, la filiale d'EDF, qui a participé à la mise en place de l'EPR, envisageait une « possible fuite » et ne disposait visiblement pas d'un niveau d'information complet. L'Agence internationale de l'énergie atomique (AEIA) n'était pas en mesure non plus d'évaluer la situation.

e) L'impensé de la monnaie chinoise : l'avance chinoise en matière de dématérialisation ?

La Monnaie Numérique de Banque Centrale (MNBC) 237 ( * ) chinoise, également nommée « digital yuan », semble plus avancée que les autres MNBC 238 ( * ) . La Chine déploie rapidement sa monnaie digitale, qui pourrait être pleinement opérationnelle à court terme. Elle l'a testée en avril 2021 dans quatre grandes villes du pays et envisagerait une « certaine internationalisation » lors des jeux olympiques de Pékin en 2022. La Chine viserait également à proposer une alternative au système de paiements bancaires internationaux SWIFT .

La Chine est très marquée par la digitalisation des paiements et une forte empreinte des BigTechs privées chinoises en la matière. Il n'est donc pas surprenant qu'elle ait été parmi les premières au plan mondial à travailler à « sa » MNBC. Cette avancée chinoise est loin d'être le seul élément, mais fait tout de même partie des facteurs qui conduisent les autres grandes banques centrales, à travers le monde, à préparer « leur » éventuelle MNBC, car préserver sa monnaie et sa souveraineté monétaire suppose de ne pas se faire distancer par des acteurs privés 240 ( * ) ou par d'autres monnaies dans le concert international des monnaies. L'enjeu ici est de préserver la capacité des banques centrales à exercer correctement leur mandat 241 ( * ) et à garantir le rôle et la place de la monnaie centrale comme ancre du système de paiements dans un cadre de confiance. Enfin, il revient aux banques centrales de soutenir l'innovation au service des usagers et de la croissance économique.

La reprise en main par les pouvoirs publics chinois de l'application de paiement Alipay affiliée à Alibaba marque leur volonté de décider du tempo et des modalités de la dématérialisation des moyens de paiement chinois. En septembre 2021, est annoncée la scission d' Alipay en deux applications distinctes, l'une dédiée au paiement en ligne et l'autre, distincte, aux activités de prêt.

Cette reprise en main étatique montre que les autorités chinoises gardent la main sur l'internationalisation du yuan. La Chine a émergé comme un acteur économique majeur dans les échanges économiques et financiers internationaux, devenant la deuxième économie en taille de PIB après les États-Unis. Cette ascension interroge sur son rôle dans le système monétaire international, car l'utilisation du yuan chinois à l'international est pour l'instant restée très limitée. La faible ouverture du compte de capital chinois et le décalage du cadre réglementaire des marchés financiers chinois vis-à-vis des standards internationaux a freiné l'accumulation d'actifs libellés en yuan et son utilisation dans les flux financiers internationaux. La devise chinoise représente autour de 2% seulement des paiements mondiaux et des réserves totales des banques centrales dans le monde.

Plusieurs programmes ont été mis en place par Pékin pour soutenir l'internationalisation de la devise chinoise. Le principal effort tient au processus graduel de libéralisation du secteur financier mis en place au cours des dernières années. Le FMI a reconnu les efforts entrepris en incluant le yuan dans le panier des Droits de Tirage Spéciaux (DTS) en 2016. Cette décision a renforcé l'attractivité des actifs financiers chinois pour les non-résidents. Les autorités chinoises ont également mis en place des accords bilatéraux d'échanges de devises, ainsi que des contrats sur le baril de pétrole, deux mécanismes permettant de canaliser l'internationalisation d'une devise, mais leur utilisation est pour l'instant très limitée. Au-delà de la réforme des marchés domestiques, Pékin se positionne sur la scène financière internationale de manière active. À travers les Nouvelles Routes de la Soie, la Chine a renforcé ses liens commerciaux et financiers à l'étranger, en particulier vis-à-vis des pays émergents. Elle est aussi devenue le plus large créditeur vis-à-vis du reste du monde. Mais malgré le renforcement de ces liens, les freins structurels à une internationalisation à grande échelle du yuan restent puissants.

La Chine en particulier reste très prudente sur les flux de capitaux sortants de son territoire. Elle fait encore face à l'existence d'un système bancaire fantôme ou Shadow banking 242 ( * ) et doit continuer ses réformes financières et stabiliser sa sphère financière.

Recommandation : Il apparaît donc nécessaire à vos rapporteurs :

- de rester très attentifs au développement de la monnaie digitale chinoise et aux réformes de sa sphère financière et des applications de paiement en ligne chinoises,

- de suivre l'internationalisation du yuan, et les modalités de contrôle des sorties de capitaux du sol chinois,

- et d'encourager l'UE à s'emparer de l'enjeu d'avenir que représente la numérisation de l'euro. Vos rapporteurs observent et regrettent vivement le retard certain pris sur la perception et le développement du rôle international de l'euro. Cette question doit être étudiée de façon approfondie, tant il est évident que l'internationalisation et la digitalisation des monnaies sont un enjeu primordial du développement financier et économique mondial de court terme. L'UE ne doit pas prendre plus de retard dans ce domaine.

2. Vers une souveraineté économique européenne ?
a) La prise de conscience de la dépendance économique mondiale à l'égard de la Chine, perspectives de découplage, américaines et chinoises

La crise du Covid-19 a été un catalyseur de perceptions critiques. Elle a été l'occasion d'une profonde remise en cause de la continuité du rapport de fourniture avec la Chine. L'interruption de la production due à la pandémie, la concurrence pour capter à la sortie de soute des matériels médicaux, le choix des pays de réserver leur production nationale à leur marché national, ont fait prendre conscience de l'interdépendance des chaînes de production, mais aussi et surtout de la profonde dépendance à l'égard de la Chine pour une série de productions qui apparaissent désormais comme stratégiques, tels que le secteur de la santé.

« Cette problématique conjoncturelle de l'approvisionnement en provenance de Chine vient renforcer la suspicion à l'égard non seulement des technologies chinoises mais également des conditions structurelles des échanges avec la Chine, alors que les producteurs chinois sont souvent accusés d'avoir dupliqué les technologies occidentales en ne respectant pas les règles de propriété intellectuelle, une forme de concurrence déloyale 243 ( * ) ».

Après le plan « Made in China 2025 » , la Chine a annoncé son objectif d'une économie à double circulation qui fait la part belle à la demande intérieure chinoise pour réduire la dépendance de la croissance chinoise aux exportations. Cet objectif du PCC fait fi de toute rationalité économique et du besoin qu'à l'économie chinoise à la fois de ses exportations et des investissements étrangers, au point que certains spécialistes envisagent qu'à terme il soit plus difficile pour les entreprises étrangères de rapatrier leurs dividendes 244 ( * ) .

Après la « guerre des tarifs douaniers » entre la Chine et les États-Unis, dont l'UE n'est d'ailleurs pas sortie indemne 245 ( * ) , après l'inscription sur liste noire d'entreprises chinoises privées des produits américains, Washington a annoncé oeuvrer pour le découplage économique entre les Etats-Unis et la Chine. Cette stratégie parait complexe à traduire concrètement tant :

- leur relation commerciale directe est importante,

- et leurs rôles respectifs dans la chaîne d'approvisionnement l'un de l'autre et dans la chaîne d'approvisionnement mondiale sont quasiment inextricables.

Au-delà de l'effet d'annonce toutefois, le plan américain, approuvé par le Sénat 246 ( * ) en juin 2021, apparaît comme un tournant majeur dans les efforts déployés par les États-Unis pour contrer la Chine dans le domaine technologique. En effet, 250 milliards de dollars sont annoncés, pour financer ce que certains qualifient de « guerre froide technologique » contre la Chine. Ce sont 54 milliards de dollars qui seront consacrés selon ce plan à la filière américaine des semi-conducteurs, dans laquelle la Chine cherche à rattraper son retard actuel. L'État américain ne s'était pas autant impliqué dans la définition des secteurs technologiques prioritaires depuis l'époque de la guerre froide, et a produit ainsi un programme qui ressemble à une version américaine du plan « Made in China 2025 » 247 ( * ) .

Selon les experts, ce plan induit un effort financier supplémentaire dont la Chine est capable pour mener à bien ses ambitions de rattrapage technologique. Elle devra également former davantage de personnel pour mener la recherche fondamentale nécessaire, ce qui est actuellement l'un des points plus faibles de Pékin. Si cette nouvelle stratégie américaine risque de pénaliser la Chine dans la course technologique engagée, sous réserve qu'elle parvienne à s'y adapter, cela peut lui être bénéfique en la forçant en fait à accélérer son processus de transformation économique pour devenir technologiquement indépendante 248 ( * ) .

b) La préservation de la souveraineté économique européenne

« La question de la souveraineté technologique européenne a fait irruption dans le débat politique à la suite de la crise de la Covid-19 » 249 ( * ) . Les ruptures de production, les difficultés d'approvisionnement, les menaces sur la capacité européenne de maîtriser les productions et les technologies nécessaires en temps de crise 250 ( * ) ont déclenché un questionnement profond sur la capacité de l'Union européenne à rester solidaire face à ces difficultés 251 ( * ) soulignées par la crise, elle obéit à un réflexe instinctif de volonté de reprise de contrôle et de possibilité de choix. Cette énonciation politique, reprise par la présidence croate de l'Union européenne.

Le Président de la République française, lors d'un discours prononcé en février 2020 à l'École de Guerre, a souligné la nécessité de retrouver, à l'échelon européen, une politique de souveraineté pour les infrastructures critiques et a réclamé une politique de souveraineté économique et numérique commune. L'enjeu n'est pas simple, si l'idée de mettre en place et de privilégier des filières européennes face aux dangers et aux incertitudes que représentent les fournitures en provenance de l'étranger, en particulier de Chine fait son chemin, sa déclinaison concrète se heurte à de nombreuses difficultés :

- comment dégager, avec un mode de fonctionnement des institutions européennes basé sur l'unanimité, un consensus sur les filières concernées,

- comment décider de la répartition stratégique des filières dans les différents États membres, comment fixer les moyens de maintenir ces filières hors temps de crise. La question de la persistance de la production de masques sur le sol européen, une fois le plus dur de la crise passée, s'est posée cruellement pour les entreprises qui avaient consenti de réels efforts de mobilisation, voire d'investissement, pour répondre à l'urgence et se voyaient ensuite préférer des produits importés moins chers,

- une politique de définition de labellisation et de vérification de la chaîne de production des secteurs technologiques jugés stratégiques ne résoudrait pas plus la question. Certes, il semble plus aisé de réunir les principaux groupes européens et de mettre en place ce type de labellisation. « Les `poids lourds' de l'économie et de l'industrie européenne, depuis l'énergie jusqu'aux télécoms en passant par les banques, la pétrochimie, le secteur pharmaceutique, l'automobile, l'électronique ou l'aérospatial, concentrent une part élevée du capital boursier et sont souvent directement ou indirectement contrôlés par les États et donc liés à leur gouvernance. De plus, ils font très souvent fonction à la fois d'incubateurs technologiques mais aussi de points de référence pour une série de PME dont ils structurent la chaîne de production. Ainsi une régulation élargie de ces champions économiques européens allant dans le sens d'une amélioration de la souveraineté technologique et industrielle pourrait avoir un effet d'entraînement important 252 ( * ) . [ Cette solution ] a cependant le défaut de laisser dans l'ombre les PME et PMI (...) [ ce qui est un problème ] lorsque l'on pense aux États membres qui ne possèdent pas de véritable champions européens dans leur économie et qui n'arriveraient pas, ainsi, à faire valoir leurs positions. Le risque pourrait être celui d'une concentration entre des États membres comme l'Allemagne, la France, l'Espagne ou l'Italie alors que d'autres seraient peu ou pas représentés dans ce concert des grands. La politique de souveraineté technologique européenne doit donc jouer (...) la complémentarité avec des mécanismes d'ouverture et de régulation des marchés qui prennent en compte l'ensemble des sociétés et des économies européennes . 253 ( * ) ».

Rappelons enfin que la Chine n'est pas qu'un concurrent économique, mais qu'elle est aussi un marché important, dans le domaine de l'industrie du luxe, de l'automobile, notamment.

c) La dépendance de la France et de l'Union à l'égard de la Chine dans le domaine des terres rares

Lors de son audition par votre commission, le 17 mars 2021, la ministre des Armées, Florence Parly, a également évoqué la dépendance à l'égard de la Chine pour certains composants essentiels pour l'industrie française de l'armement. Elle a estimé qu'il fallait désormais la réduire. L'encadré suivant reproduit le compte rendu de son audition.

Extrait du bulletin de l'audition de Mme Florence Parly, ministre des armées
par la CAED, mercredi 17 mars 2021

« Il y a évidemment de la part de la Chine une volonté très forte de remettre en cause la puissance des États-Unis. Des concurrences se développent dans tous les secteurs, du domaine commercial au domaine militaire. La Chine est ainsi devenue au troisième trimestre 2020 le premier partenaire commercial de l'Union européenne, doublant pour la première fois les États-Unis, ce qui est la conséquence directe de l'épidémie de covid-19. Nos importations en provenance de Chine ont augmenté de 4,5 % par rapport à 2019, notamment dans les domaines médicaux et électroniques. Nous devons absolument réduire notre dépendance à l'égard de la Chine, en particulier dans les domaines critiques. À titre d'exemple, nous sommes dépendants en minerais critiques et en terres rares, indispensables à la fabrication de nos matériels de défense, du Rafale aux drones, en passant par les équipements de télécommunications et les batteries mobiles de nos soldats.

Cet enjeu d'accès aux ressources constitue un sujet très important pour nos armées. C'est la raison pour laquelle j'ai voulu qu'il soit au coeur de notre stratégie énergétique de défense. Malgré ses efforts pour développer le recyclage et l'écoconception, l'Union européenne importe entre 75 % et 100 % des matières premières dont elle a besoin, comme le cobalt, le nickel, le lithium ou le graphite naturel, qui sont utilisés pour la fabrication des batteries électriques. »

La situation française est loin d'être une exception. Pour y remédier, la Direction générale de l'armement s'est attachée à identifier ces dépendances.

De même l'Agence européenne de la Défense a dressé une cartographie à l'échelle communautaire des dépendances des industries européennes d'armements dans le cadre du projet retenu, en 2019, au titre de la Coopération structurée permanente, appelé Matériaux et composants pour la compétitivité technologique de l'UE (MAC-EU).

Conduit par la France et réunissant le Portugal, la Roumanie et l'Espagne, ce projet visait à développer la base technologique et industrielle de défense européenne dans le domaine des technologies des matériaux et des composants, en particulier celles pour lesquelles la sécurité d'approvisionnement et la liberté d'utilisation peuvent être restreintes.

La crise sanitaire a changé la donne. La Commission européenne a présenté, en septembre 2020, des conclusions prenant en compte un double constat :

- l'origine extra-européenne située entre 75 et 100 % de l'approvisionnement en terres rares,

- l'accroissement exponentiel des besoins. La demande en lithium devrait être multipliée par 18 d'ici 2030, et par 60 d'ici 2050, en raison de son utilité dans les stratégies de décarbonation de l'économie européenne.

Dans cette perspective, il apparaît bien que toute production mettant en oeuvre ces terres rares, par ailleurs vivement encouragée par les politiques communautaires en faveur de la défense de l'environnement, renforce la dépendance de l'Union européenne envers les différents fournisseurs de ces ressources. La Chine est le premier fournisseur de terres rares. Sont concernées, outre les industries de défense, les énergies renouvelables, la mobilité, l'électronique, etc.

Un plan d'action de la Commission sur les matières critiques en 10 points 254 ( * ) , intitulé « Résilience des matières premières critiques : la voie à suivre pour un renforcement de la sécurité et de la durabilité », a été présenté visant :

- la création d'une alliance des matières premières. Elle vise à identifier les obstacles, opportunités et possibilités d'investissement à toutes les étapes de la chaîne de valeur des matières premières, de l'exploitation minière à la valorisation des déchets, tout en abordant en même temps la durabilité et les impacts sociaux,

- la définition des critères de financement durable de projets miniers. La Commission recensera aussi les possibilités d'approvisionnement de matières premières secondaires critiques provenant des stocks et des déchets de l'UE et déterminera des projets de récupération viables d'ici à 2022,

- le soutien financier de la R&D en recyclage et réduction de l'impact environnemental. « Horizon Europe » soutiendra la recherche et l'innovation, en particulier en ce qui concerne les nouvelles technologies minières et transformatrices, la substitution et le recyclage,

- la cartographie et la priorisation des ressources situées en Europe, notamment à l'aide de satellites d'observation. La Commission encouragera l'utilisation de son programme d'observation de la terre Copernicus pour améliorer l'exploration des ressources, les activités et la gestion environnementale après fermeture,

- la reconversion des régions riches en charbon. Une attention particulière sera accordée aux régions d'extraction de charbon et aux autres régions en transition, en mettant l'accent en particulier sur l'expertise et les compétences nécessaires à l'exploitation minière, à l'extraction et à la transformation des matières premières,

- l'établissement de partenariats internationaux pour sécuriser un approvisionnement diversifié. Des partenariats pilotes avec le Canada, des pays intéressés en Afrique et le voisinage de l'UE devaient débuter dès 2021,

- et le développement de pratiques responsables dans les processus d'extraction. Dans le cadre de ses partenariats internationaux et d'autres plateformes de coopération internationale, la Commission encouragera les pratiques minières durables et responsables ainsi que la transparence.

La communication de la Commission est complétée par une étude prospective sur les matières premières critiques pour les technologies et les secteurs stratégiques à l`horizon 2030 et 2050.

Enfin, la liste des métaux critiques et rares a été actualisée pour la première fois depuis 2017. Elle inclut désormais le lithium.

3. Inscrire les relations économiques avec la Chine dans ce contexte
a) Les axes d'efforts dans le cadre multilatéral

Dans le contexte ci-dessus décrit, pour tenir compte des objectifs de renforcement de la souveraineté économique européenne mais aussi des interdépendances avec la Chine, en passe de devenir la première puissance économique mondiale, six priorités se dégagent, outre les actions menées pour la résilience communautaire dans le domaine particulier des terres rares.

Afin de garantir le traitement équitable des entreprises européennes sur le marché chinois, il serait souhaitable d'encourager la Chine à adhérer à l'Accord plurilatéral sur les marchés publics de l'OMC (AMP). Il permet à 47 pays membres de l'organisation internationale d'accéder plus facilement aux marchés publics des uns et des autres dont la valeur cumulée est estimée à 1,7 milliard de dollars. La Commission européenne évalue la valeur des marchés publics chinois à environ 20 % de son PIB. L'accession de la Chine à l'AMP constituerait une étape importante vers une ouverture équilibrée des marchés respectifs car cela préviendrait les traitements préférentiels actuellement accordés aux entreprises chinoises sur leur territoire, au détriment des entreprises étrangères. Cette adhésion, souhaitée par la Chine qui a formulé une 6 e demande en ce sens, ne doit cependant rien céder au champ d'application de l'AMP. Les marchés publics des provinces et des universités chinoises doivent être couverts par l'accord. Ceci vaut également pour les projets développés dans le cadre de la politique chinoise des nouvelles routes de la soie, qui doivent donner lieu à des appels d'offre transparents, ouverts et non-discriminatoires. Enfin, il serait souhaitable que les projets chinois, notamment dans le cadre des nouvelles routes de la soie, intègrent les enjeux sociaux, environnementaux et climatiques, notamment s'agissant de la mise en oeuvre de l'Accord de Paris sur le climat ou encore de la neutralité carbone des économies. Dans ce domaine, l'UE pourrait partager son expérience avec la Chine sur le prix du carbone et les modalités d'application du système dit Emissions Trading Schemes-ETS . L'UE et la Chine pourraient également renforcer leur coopération sur les réductions des émissions de gaz à effet de serre liées au transport international, dans le cadre des initiatives de l'OMI (Organisation maritime internationale) et de l'OACI (Organisation de l'aviation civile internationale).

La question des surcapacités industrielles de la Chine avait été étudiée dans le rapport sur les nouvelles routes de la soie, précité. Si elles ont sans doute constitué un moteur au déploiement des voies commerciales chinoises qui leur offraient de nouveaux débouchés, elles sont également source de subventions publiques. Les pouvoirs publics soutiennent l'exportation de ces surcapacités, ce qui fausse la concurrence. Un dialogue doit être mis en place sur cette question dans le cadre des instances internationales telles que l'OCDE mais aussi dans le cadre d'une coopération renforcée entre la Chine et l'UE sur ce sujet.

Plus largement, la question du subventionnement des exportations doit être examinée. L'adoption par la Chine des standards internationaux en matière de financements, tels que l'arrangement de l'OCDE en matière de financements du commerce extérieur, dit OCDE5, serait un progrès considérable en la matière. En effet, selon les données de l'US Export-Import Bank , la Chine fournirait chaque année un financement de ses exportations supérieur à celui de 36 pays membres de l'OCDE réunis.

Recommandation : Il apparaît donc nécessaire à vos rapporteurs :

- de soutenir l'adhésion de la Chine à l'accord plurilatéral sur les marchés publics de l'OMC, sous réserve que ne soient pas exclus de son champ d'application les provinces et les universités chinoises, ni les projets développés dans le cadre de la politique chinoise des nouvelles routes de la soie,

- de poursuivre le dialogue avec la Chine sur ses surcapacités, notamment dans le cadre de l'OCDE,

-  et de sensibiliser la Chine à la nécessité de réduire drastiquement son soutien financier aux exportations chinoises, en adoptant l'arrangement dédié de l'OCDE.

b) Les axes de progression dans la relation commerciale entre l'UE et la Chine

Si la conclusion de l'AGI semble improbable dans le contexte de blocage décrit précédemment, il conviendra de rechercher à obtenir dans le cadre de la relation bilatérale entre la Chine et l'Union européenne :

- un meilleur accès au marché chinois pour les investisseurs européens. Il serait notamment souhaitable que l'Union et la Chine puissent favoriser l'amélioration du commerce électronique 255 ( * ) . Il représente de réelles opportunités commerciales, mais nécessite des efforts de coopération afin, d'une part, de renforcer la régulation et le contrôle des plateformes de e-commerce et ainsi réduire l'exportation vers l'Union de produits contrefaits, et, d'autre part, de garantir une réelle protection contre le « cybersquatting 256 ( * ) » et le détournement de notoriété des marques dans des domaines autres que leur enregistrement initial. Il convient de lutter contre les opérateurs peu scrupuleux qui cherchent à monnayer l'abandon de la marque auprès du titulaire légitime, notamment lorsqu'il s'agit de PME. L'application des décisions de justice dans ce domaine doit être recherchée,

- un traitement équitable entre les entreprises chinoises et européennes. Les entreprises européennes s'inquiètent notamment du cadre légal chinois en matière de contrôle des exportations qui est entré en vigueur au 1 er décembre 2020, précité. L'UE doit ainsi veiller à ce qu'il n'y ait pas de demandes d'accès injustifiées aux données d'opérateurs européens ou encore des restrictions injustifiées de transferts de données hors de Chine sur la base de cette législation, ni de restrictions d'accès, notamment aux matières premières les plus critiques. De même, la loi chinoise en matière de cybersécurité prévoit des coopérations intrusives avec des agences chinoises, la localisation forcée des données en Chine, et des restrictions aux transferts de données hors de Chine. Un dialogue en la matière serait nécessaire,

- l'interdiction des transferts forcés de technologies, particulièrement attendue par les entreprises françaises et européennes. La protection de la propriété intellectuelle et des savoir-faire doit être renforcée, dans le cadre notamment de l'accès des régulateurs ou Autorités compétentes chinoises aux installations et aux processus de fabrication en vue de délivrer des autorisations de mise sur le marché. L'accès injustifié aux processus de production doit être proscrit et les délais de mise sur le marché en cas d'audits de ce type doivent être très encadrés,

- et le renforcement de la transparence des marchés chinois afin d'établir un environnement prévisible pour les entreprises européennes, notamment en termes de procédures de licences et d'autorisations. Le renforcement de la coopération sur les normes et les standards permettrait de fluidifier les échanges tout en garantissant la sécurité des consommateurs sur les marchés européens et chinois. C'est un domaine dans lequel des avancées semblent envisagées par les autorités chinoises, dans la mesure où l'AGI prévoit des dispositions pour faciliter la participation des entreprises européennes aux organes de standardisation chinois.

Recommandation : Il apparaît donc nécessaire à vos rapporteurs :

- de rechercher un meilleur accès au marché chinois pour les investisseurs européens, notamment dans le domaine du e-commerce ,

- de mettre en oeuvre un traitement équitable entre les entreprises chinoises et européennes, et d'examiner dans cette perspective comment s'appliqueront aux entreprises européennes les lois chinoises sur le contrôle des exportations et sur la cybersécurité,

- d'interdire les transferts forcés de technologies et de mieux protéger la propriété intellectuelle, les processus de production et les savoir-faire des entreprises européennes, y compris dans le cadre d'audits chinois,

-  enfin, de renforcer la transparence des marchés chinois afin d'établir un environnement prévisible pour les entreprises européennes en matière de normes et de standards chinois.

CONCLUSION

La naïveté n'est plus de mise face à la puissance chinoise en Europe. Vos rapporteurs ont constaté la mobilisation de leurs interlocuteurs européens, à tous les niveaux.

Cette lucidité nouvelle est souvent simplifiée à l'extrême, répéter comme un mantra que la Chine est un partenaire, un concurrent et un rival systémique ne suffit pas à définir une politique européenne.

Il nous faut faire preuve de détermination et d'un certain courage pour maintenir ce cap, malgré les frictions inévitables, malgré les appels du pied des États-Unis à faire front commun avec eux, sans doute, et l'épisode australien le prouve bien, en adoptant leurs seuls objectifs et en défendant leurs seuls intérêts.

La France a un rôle déterminant à jouer, elle qui plaide pour le renforcement de l'autonomie stratégique de l'Union européenne depuis longtemps, elle qui considère l'OTAN pour ce qu'elle est : une institution qui doit être rééquilibrée politiquement et ne doit pas s'organiser autour de la rivalité sino-américaine, mais bien pourvoir à la défense euro-atlantique.

La France en charge de la présidence de l'Union européenne au premier semestre 2022 devra trouver les moyens :

- de donner à l'Union l'impulsion nécessaire pour prendre en compte dans sa boussole stratégique et sa stratégie indopacifique le bouleversement stratégique (« game changer ») induit par la conclusion du pacte Aukus entre l'Australie, les États-Unis et le Royaume-Uni qui fragilise la stabilité de cette zone,

- peser sur la révision du concept stratégique de l'OTAN pour que celle-ci ne devienne pas le bras armé du pacte Aukus, dans le but de contrer toujours plus agressivement la Chine,

- maintenir les coopérations et le dialogue avec la Chine afin de progresser avec elle dans l'enjeu essentiel qu'est la protection de l'environnement. La fragilité de l'indopacifique face au dérèglement climatique, à la montée des eaux, à la raréfaction de la ressource halieutique notamment ne semble pas être le coeur de préoccupation du pacte Aukus. Là est pourtant l'urgence, et la coopération de la Chine pour réduire les impacts négatifs de sa croissance est indispensable,

- mener un dialogue exigeant en termes de défense des droits de l'homme avec la Chine, et aboutir à la mise en place d'une mission d'évaluation indépendante de la situation au Xinjiang, menée par la Haute-commissaire des Nations unies aux droits de l'homme. De même, la Chine a accepté que soit menée une enquête par l'OMC sur les origines de la pandémie, elle gagnerait à fournir les éléments demandés dans ce cadre. C'est à ce prix que l'image ternie de la Chine auprès des opinions occidentales s'améliorerait,

- enfin , renouer le dialogue commercial avec la Chine en s'appuyant sur des ambitions hautes et en tenant compte des attentes des acteurs économiques en la matière, notamment en termes d'ouverture du marché chinois, de transparence des marchés publics, de protection de la propriété intellectuelle.

La présidence française de l'Union européenne interviendra donc dans un moment de profond bouleversement géostratégique et devra permettre à l'Europe d'en sortir renforcée.

EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le mercredi 22 septembre 2021, sous la présidence de M. Robert del Picchia, vice-président, la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées a procédé à l'examen du rapport d'information de M. Pascal Allizard et Mme Gisèle Jourda.

M. Robert del Picchia, président . - Nous devons aujourd'hui examiner un rapport d'information sur la puissance chinoise en Europe. Le moment est bien choisi. La présence de la Chine est en effet de plus en plus importante, et il faut donc tenir compte de ce pays. Le rapport d'information de Gisèle Jourda et Pascal Allizard est l'aboutissement de travaux approfondis, auxquels ont participé nos collègues Édouard Courtial, Jean-Noël Guérini, aujourd'hui excusés, et André Gattolin.

M. Pascal Allizard, rapporteur . - Monsieur le président, mes chers collègues, dès 2017, avec notre rapport d'information sur les nouvelles routes de la soie, notre commission s'est demandé si cette politique chinoise était un simple label économique ou l'amorce d'un nouvel ordre mondial. Nous avions examiné comment la France pouvait se positionner face à l'expression nouvelle de cette puissance chinoise dans une démarche lucide qui soulignait le rôle du parti communiste chinois (PCC), mais aussi les réelles opportunités économiques pour la France et l'Europe.

Nous avions rappelé que la réciprocité dans les partenariats avec la Chine, le respect de l'environnement, le piège de l'endettement conséquence d'une politique chinoise mêlant avec une certaine opacité les investissements, les dons et les prêts devaient être mieux pris en compte. La réponse européenne nous avait alarmés, les initiatives pour la connectivité, les messages communs au Forum mondial des nouvelles routes de la soie ne nous ayant pas semblé suffisants.

Quelques années plus tard, la situation a largement évolué. La politique des nouvelles routes de la soie connaît des ratés, comme en témoignent notamment les projets d'investissement qui tardent à se concrétiser, et le niveau d'endettement du Monténégro qui est un véritable sujet de préoccupation. Pour autant, les succès chinois sont indéniables. Ainsi, en 2021, il n'est plus question, comme en 2017, de se demander si les nouvelles routes de la soie se mettront ou non en place : elles sont en place ! Pas question non plus de se demander si les ambitions affichées par la Chine sont réalistes : elle est en passe de devenir l'une des deux premières puissances mondiales !

En 2021, comme en 2017, en revanche, il est toujours pertinent de se poser la question de la réaction de l'Union européenne, de ses États membres et des autres pays européens face à l'affirmation de la puissance chinoise sur le continent européen.

En effet, la présence chinoise en Europe est importante, protéiforme, parfois visible, parfois discrète, voire masquée. Elle est mal recensée, sous ou surestimée. La période de la pandémie de coronavirus a mis en exergue l'interdépendance de nos économies ouvertes à l'égard du marché chinois et les modes plus assertifs d'affirmation de la puissance chinoise tels que la diplomatie des masques ou celle des Loups combattants. L'image de la Chine est devenue moins positive dans les opinions publiques, et la présence chinoise pose plus de questions.

Les confrontations sont aussi devenues plus vives entre la Chine et les organisations internationales, les États-Unis, mais aussi l'Union européenne. Ces évolutions ont rendu d'autant plus nécessaire d'interroger la puissance de la Chine en Europe.

Mme Gisèle Jourda, rapportrice . - À l'issue de plus de trente auditions qui nous ont permis d'entendre une cinquantaine de personnes, et après avoir collecté les réponses écrites de ceux que la pandémie nous a empêchés d'entendre et des ambassades françaises dans tous les pays européens, nous avons défini quatorze recommandations pour guider la politique française et européenne vis-à-vis de la Chine, qui s'articulent autour des quatre axes suivants :

- faire face aux moyens mis en oeuvre par la Chine pour déployer sa puissance en Europe ;

- réagir à l'avance technologique prise ou en passe d'être prise par la Chine ;

- définir une stratégie géopolitique répondant aux enjeux que soulève l'accession prochaine de la Chine au statut de première puissance mondiale ;

- et enfin trouver le chemin d'une relation commerciale équitable avec la Chine.

Pour faire face aux moyens mis en oeuvre par la Chine pour déployer sa puissance en Europe, nous vous proposons cinq recommandations que je vais vous présenter.

La puissance chinoise en Europe, que nous avons entendue au sens géographique du terme en ne nous limitant pas au territoire de l'Union européenne, se déploie grâce à ses investissements et ses prêts, sa conception discutable de la propriété intellectuelle, sa nouvelle puissance normative, et son soft power, qui n'a de soft que le nom. Enfin, la Chine utilise le format 16 + 1 pour asseoir son influence en Europe.

Notre première recommandation porte sur les investissements directs chinois (IDE) qui représentent des montants conséquents - 294 milliards de dollars entre 2005 et 2019 dans l'Union européenne - et se concentrent dans des domaines stratégiques : 54 % concernent les secteurs de l'énergie et des transports. Leur répartition sur le territoire européen est très inégale et bénéficie très majoritairement à l'Union européenne.

Le Royaume-Uni avant le Brexit, l'Allemagne, l'Italie, la France et la Finlande bénéficient de 64 % des IDE chinois. Certains pays européens souhaitent être une destination d'investissement. D'autres au contraire mettent en place des dispositifs de filtrage pour protéger leurs intérêts stratégiques.

La Cour des comptes européenne a alerté dans un rapport de septembre 2020 sur la méconnaissance des IDE en Europe et la nécessité pour l'Union de répondre à la stratégie d'investissement étatique de la Chine, recommandation que nous partageons. Dans ce domaine l'Union européenne et la France doivent s'efforcer de renforcer les efforts entrepris pour obtenir le recensement le plus exact possible des investissements et des prêts chinois réalisés en Europe, en distinguant les uns des autres.

Il faudra également actualiser régulièrement l'analyse des risques et perspectives que présentent ces investissements et veiller à l'articulation des investissements chinois avec les politiques européennes de transport et de connexion des réseaux d'énergie.

Enfin, nous devons encourager la Chine à appliquer les règles du Club de Paris afin que les pays qui contractent des prêts auprès des banques chinoises évitent le « piège de la dette » et ne soient pas obligés de céder leur souveraineté sur de grandes infrastructures stratégiques.

Notre deuxième recommandation part du constat que la Chine a su investir les instances internationales pour devenir une puissance normative dans le domaine numérique, mais aussi, ce qui se sait moins, dans le domaine alimentaire. Celui qui édicte les règles d'un secteur met toutes les chances de son côté pour en devenir leader. Nous recommandons donc que l'Union européenne et la France prêtent une attention soutenue aux politiques de normalisation déployées par la Chine. Pour cela, il faut accroître les moyens humains et financiers pour renforcer notre présence dans les instances internationales de normalisation, y compris les plus techniques. Cette présence au bon niveau doit devenir une priorité de la politique nationale et communautaire.

La pénétration du marché européen s'appuie également sur une extraordinaire économie de la contrefaçon favorisée par le développement du commerce électronique. Selon l'Office de l'Union européenne pour la propriété intellectuelle, 6 % des importations dans l'Union européenne sont des contrefaçons, ce qui représente 120 milliards d'euros en valeur. La source de 80 % des importations de ces contrefaçons est la Chine, le territoire de Hong Kong compris. Notre troisième recommandation vise donc la défense de la propriété intellectuelle, des brevets, des processus de production et des savoir-faire.

J'en arrive à notre recommandation sur le format 16 + 1. Ce format était déjà l'objet de notre attention dans notre précédent rapport puisqu'il apparaissait évident qu'il pouvait fragiliser la cohésion de l'Union européenne. Il est en perte de vitesse, on voit la Lituanie quitter le format. Elle est dans le même temps exposée à de fortes menaces commerciales notamment. L'intérêt du format est moins évident, mais le coût pour en sortir se veut clairement dissuasif. Il importe que les pays membres de l'Union européenne participant à ce format restent attentifs au plein respect des normes communautaires, particulièrement dans les domaines de compétences partagées qui sont abordés dans le cadre de leur coopération avec la Chine. Des positions communautaires au sein du Format devraient être définies avec le concours de la Commission européenne et du Service européen pour l'action extérieure (SEAE), afin de défendre au mieux les intérêts des États membres et de leur éviter de se trouver mis en concurrence sur certains sujets. Enfin, il faudrait que les réunions du format fassent l'objet, en amont, d'une concertation entre tous les pays membres de l'Union européenne, afin que la cohérence communautaire ne soit pas prise en défaut et que les membres de l'Union veillent tous ensemble à défendre leurs intérêts communs à l'occasion de chaque rencontre avec la Chine, quel qu'en soit le format.

Ce format est une illustration des instruments de soft power déployés par la Chine. Depuis quelques années toutefois, l'influence se confond avec l'ingérence. Le Front uni, émanation du parti communiste chinois, diffuse son influence en tout endroit : de la plus modeste association culturelle locale, et j'en sais personnellement quelque chose, aux médias, aux réseaux sociaux et jusqu'aux instituts Confucius, objets d'interdictions dans de plus en plus de pays suite à des enquêtes pour espionnage, à des tentatives de recrutement, etc. Face à cette situation inacceptable, il nous apparaît urgent de renforcer les services de l'État et de l'Union européenne, tels que le SEAE, en les dotant des compétences techniques et linguistiques adéquates, afin qu'ils puissent mieux suivre toutes les actions diffuses menées par le Front uni et identifier ses modes d'actions sur le territoire européen, déceler les campagnes d'influence et de désinformation qu'il orchestre. Il convient ensuite que les prescriptions de ces services soient suivies, tant au niveau de l'État que des collectivités territoriales, mais aussi de toutes institutions publiques, notamment les universités, sur lesquelles notre collègue André Gattolin mène d'ailleurs un travail approfondi qui va bientôt aboutir. Dans le cadre de cette cinquième recommandation, nous proposons également de développer une stratégie de dissuasion structurée permettant de répondre aux ingérences constatées, assortie de sanctions sévères. Enfin, nous devons nous pencher sur les médias diffusant depuis l'étranger et leur opposer désormais les obligations qui s'imposent aux médias nationaux. Il est anormal de ne pas pouvoir réagir face aux chaînes diffusées par satellite.

Face à l'avance technologique prise ou en passe d'être prise par la Chine dans certains secteurs, nous vous proposons quatre recommandations.

Je vous présente immédiatement notre recommandation qui porte sur le domaine spatial. L'espace avait été l'un des fronts de la guerre froide entre les États-Unis et l'URSS. Il est l'un des enjeux de la course pour la place de première puissance mondiale entre Washington et Pékin. La Chine est assurément une puissance spatiale majeure, qui mène de front des programmes d'exploration lunaire et martienne, des vols habités, des lancements de satellites à vocation scientifique, commerciale ou militaire, et la construction d'une station spatiale chinoise, Tiangong-3, qui doit être opérationnelle en 2022. Entièrement conçue, construite et financée par la Chine, son accès à des partenaires potentiels pourrait être un levier fort pour inciter les pays concernés à respecter les lignes rouges politiques chinoises. Nous recommandons donc de faire preuve de la plus grande prudence en matière de transfert de technologies et d'utilisation de ces transferts en faveur du secteur militaire chinois. La France et l'Union européenne doivent agir pour préserver notre place dans le domaine spatial.

M. Pascal Allizard, rapporteur . - J'en viens aux trois autres recommandations visant les avancées technologiques de la Chine.

S'agissant de la participation des acteurs économiques chinois à la construction et au fonctionnement du réseau 5G, nous estimons que la législation française mise en place avec le concours de notre commission est adaptée au contexte, mais, qu'il convient de rester attentif à l'évolution des risques sur l'ensemble du territoire européen. Tous les pays n'ont pas le même niveau d'expertise sur ces questions. Dans cette perspective, la boîte à outils de l'Union européenne, susceptible de faciliter la mise en oeuvre de mesures nationales dans le domaine de la 5G et de permettre un suivi attentif de l'évolution des risques, doit être soutenue, de même que le projet Hexa-X et tous autres initiatives et financements communautaires susceptibles de favoriser l'émergence d'acteurs européens de premier plan dans le domaine de la 6G. La capacité de la France et de l'Europe à soutenir l'émergence d'acteurs alternatifs aux grands équipementiers non européens de cet écosystème est certainement l'une des conditions sine qua non pour garantir notre souveraineté.

Notre septième recommandation concerne le rattrapage européen dans le domaine des batteries. Le règlement européen sur les batteries en préparation, doit, selon nous, éviter certains écueils. Il doit bien sûr prendre en compte les objectifs de décarbonation de l'économie européenne, mais il faut qu'il compte au nombre de ses objectifs le rattrapage du retard européen dans le domaine de la production de batteries en Europe et impose, à ce titre, les mêmes obligations environnementales élevées pour les batteries importées.

J'en viens à la digitalisation et l'internationalisation de la monnaie chinoise qui doivent faire l'objet d'une attention particulière. La Chine déploie rapidement sa monnaie digitale, qui pourrait être pleinement opérationnelle à court terme. Elle l'a testée en avril 2021 dans quatre grandes villes du pays et envisagerait une « certaine internationalisation » lors des jeux olympiques de Pékin en 2022. La Chine viserait également de proposer une alternative au système de paiements bancaires internationaux SWIFT. La digitalisation des paiements avec l'application Alypay notamment et l'empreinte des BigTechs privées chinoises en la matière font l'objet d'une reprise en main qui montre l'importance que les pouvoirs chinois accordent à ce thème. La digitalisation et l'internationalisation du yuan et de l'euro sont des enjeux primordiaux et sans doute encore sous-estimés du développement financier et économique mondial de court terme. Il convient donc de rester très attentif au développement de la monnaie digitale chinoise et aux réformes de sa sphère financière et ses applications de paiement en ligne. De même, il faudra suivre les modalités de l'internationalisation du yuan et son éventuel impact sur la détention par la Chine d'une part conséquente de la dette américaine. Enfin, ce sujet est un impensé regrettable étant donné les enjeux, et nous recommandons d'encourager l'Union européenne à s'emparer des sujets de la digitalisation de l'euro et de son rôle dans le système monétaire international. L'Union européenne ne doit pas prendre plus de retard dans ce domaine.

Nous avons souhaité faire également trois recommandations permettant de définir une stratégie géopolitique européenne et de répondre aux enjeux que soulève l'accession prochaine de la Chine au statut de première puissance mondiale.

S'agissant de la boussole stratégique européenne et de la stratégie européenne dans l'indopacifique, et dans le contexte de crise profonde avec l'Australie et les États-Unis, nous recommandons que la France ait un rôle moteur, notamment lorsqu'elle sera en charge de la présidence de l'Union européenne, au premier semestre 2022. Il faudra réévaluer l'analyse des menaces dans le cadre de la préparation de la boussole stratégique. La dénonciation par l'Australie du partenariat stratégique avec la France et son équipement en sous-marins d'attaque, à propulsion nucléaire, dans le cadre du pacte Aukus conclu avec les États-Unis et le Royaume-Uni est un « game changer », c'est-à-dire un profond bouleversement stratégique susceptible d'ébranler la stabilité de l'indopacifique dans son ensemble. La France devra d'ailleurs réévaluer sa relation bilatérale avec l'Australie, dans les domaines stratégiques et commerciaux, d'une part, et avec les États-Unis d'autre part.

Dans ce contexte, l'évolution du positionnement de l'OTAN face à la Chine nous amène à formuler une onzième recommandation. La volonté des États-Unis d'affronter la Chine afin de l'empêcher de devenir la prochaine première puissance mondiale ne doit pas conduire à l'instrumentalisation de l'Alliance atlantique qui, basée sur des valeurs démocratiques, serait fragilisée par un tel dévoiement de sa gouvernance. Il convient donc de rappeler que l'OTAN est une institution qui doit être rééquilibrée politiquement et ne doit pas s'organiser autour de la rivalité sino-américaine, mais bien pourvoir à la défense euro-atlantique. La révision du concept stratégique de l'OTAN devra aller en ce sens.

Enfin, l'Union européenne doit s'affirmer comme la puissance géostratégique qu'elle est. Il faut sortir de l'ambiguïté en la matière. Dans le monde instable et dangereux de ce début de XXIe siècle nous voyons la Chine multiplier les marqueurs de puissance, au point de devenir probablement plus vite qu'escompté la prochaine première puissance mondiale. Dans le même temps, nous assistons à la poursuite de la politique égoïste américaine, plus soucieuse désormais de réaliser le fameux « America first » que de garantir la stabilité mondiale. L'Union européenne doit s'affirmer comme une puissance stratégique stabilisatrice. Pour cela, elle doit étudier les moyens de développer son régime de sanctions politiques comme économiques et envisager cet outil de puissance géoéconomique sous toutes ses facettes : sanctions, droit extraterritorial européen, contrôle des exportations, notamment pour ce qui concerne les technologies de rupture, lutte contre la corruption et contrôle des investissements. L'Union européenne comme la France doivent également continuer de mener un dialogue de haut niveau lucide et exigeant avec la Chine sur les sujets qui constituent désormais les lignes rouges de la politique étrangère chinoise : le Tibet, Hong Kong, Taïwan, le traitement des minorités musulmanes du Xinjiang, la liberté de navigation, y compris en mer de Chine, les droits de l'homme, notamment. Il est indispensable que les États membres de l'Union européenne veillent à leur unité sur ces sujets.

Mme Gisèle Jourda, rapportrice . - Enfin pour trouver le chemin d'une relation commerciale équitable avec la Chine nous recommandons de privilégier deux axes d'effort pour l'arrimer aux bonnes pratiques du commerce mondial d'une part et pour améliorer la relation bilatérale avec l'Union européenne d'autre part.

Des efforts doivent être déployés pour mieux l'arrimer aux bonnes pratiques de l'OMC et de l'OCDE. Il nous apparaît donc nécessaire de soutenir l'adhésion de la Chine à l'accord plurilatéral sur les marchés publics de l'OMC, sous réserve que ne soient pas exclus de son champ d'application les provinces et les universités chinoises, ni les projets développés dans le cadre de la politique chinoise des nouvelles routes de la soie. Il convient également de poursuivre le dialogue avec la Chine sur ses surcapacités et de la sensibiliser à la nécessité de réduire drastiquement son soutien financier aux exportations chinoises, en adoptant l'arrangement dédié de l'OCDE.

S'agissant de la relation bilatérale commerciale entre la Chine et l'Union européenne, l'accord global d'investissement (AGI) entre l'Union européenne et la Chine est gelé, comme cela nous l'a été dit à de multiples reprises. Après une signature en décembre 2020 de l'AGI, l'application du mécanisme de sanction européen contre les atteintes aux droits de l'Homme a conduit à prononcer des sanctions en réaction aux traitements infligés aux minorités musulmanes du Xinjiang, dont les Ouïghours. Cela a déclenché des contre-sanctions chinoises inacceptables qui ont conduit le Parlement européen à geler cet accord en mai 2021. Sans céder en rien sur la défense des droits de l'homme, nous devons parvenir à mettre en oeuvre des relations commerciales équitables, équilibrées et transparentes avec la Chine. Il convient, en la matière, avoir un niveau d'exigence élevé afin de rechercher un meilleur accès au marché chinois pour les investisseurs européens, notamment dans le domaine du e-commerce. Il faut également aboutir à la mise en oeuvre d'un traitement équitable entre les entreprises chinoises et européennes. Nous recommandons notamment d'examiner dans cette perspective comment s'appliqueront aux entreprises européennes les lois chinoises sur le contrôle des exportations et sur la cybersécurité et, le cas échéant, de porter ces questions devant les instances multilatérales de commerce. Il faut parvenir à interdire les transferts forcés de technologies et à mieux protéger la propriété intellectuelle, les processus de production et les savoir-faire des entreprises européennes, y compris dans le cadre d'audits chinois. Enfin, il est nécessaire de renforcer la transparence des marchés chinois afin d'établir un environnement prévisible pour les entreprises européennes en matière de normes et de standards chinois.

La naïveté n'est plus de mise face à la puissance chinoise en Europe. Nous avons constaté la mobilisation de nos interlocuteurs européens, à tous les niveaux. Cette lucidité nouvelle est souvent simplifiée à l'extrême, et répéter comme un mantra que la Chine est un partenaire, un concurrent et un rival systémique ne suffit pas à définir une politique européenne efficace et cohérente, d'où le sens de nos propositions.

M. Pascal Allizard, rapporteur . - Vous l'aurez compris, il nous faut faire preuve de détermination et d'un certain courage pour maintenir le cap, malgré les frictions inévitables et les appels du pied des États-Unis à faire front commun avec eux, sans doute, et l'épisode australien le prouve bien, en adoptant leurs seuls objectifs et en défendant leurs seuls intérêts. La France a un rôle déterminant à jouer, elle qui plaide pour le renforcement de l'autonomie stratégique de l'Union européenne depuis longtemps, et qui considère l'OTAN pour ce qu'elle est : une institution qui doit être rééquilibrée politiquement et ne doit pas s'organiser autour de la rivalité sino-américaine, mais bien pourvoir à la défense euro-atlantique.

En charge de la présidence de l'Union européenne au premier semestre 2022, la France devra donner à l'Union l'impulsion nécessaire pour prendre en compte dans sa boussole stratégique et sa stratégie indopacifique le bouleversement stratégique actuel. Le pacte Aukus entre l'Australie, les États-Unis et le Royaume-Uni fragilise la stabilité de cette zone. Il conviendra également de peser sur la révision du concept stratégique de l'OTAN pour que celle-ci ne devienne pas le bras armé du pacte Aukus, dans le but de contrer toujours plus agressivement la Chine.

Nous devons maintenir les coopérations et le dialogue avec la Chine afin de progresser avec elle dans l'enjeu essentiel qu'est la protection de l'environnement. La fragilité de l'indopacifique face au dérèglement climatique, à la montée des eaux, à la raréfaction de la ressource halieutique notamment ne semble pas être le coeur de préoccupation du pacte Aukus. Là est pourtant l'urgence, et la coopération de la Chine pour réduire les impacts négatifs de sa croissance est indispensable.

Il nous faudra mener un dialogue exigeant en termes de défense des droits de l'Homme avec la Chine, et aboutir à la mise en place d'une mission d'évaluation indépendante de la situation au Xinjiang, menée par la Haute-commissaire des Nations unies aux droits de l'Homme. De même, la Chine a accepté que soit menée une enquête par l'OMS sur les origines de la pandémie, mais elle gagnerait à fournir les éléments demandés dans ce cadre. C'est à ce prix que l'image ternie de la Chine auprès des opinions occidentales pourrait s'améliorer.

Enfin, nous devons renouer un dialogue commercial ambitieux avec la Chine en tenant compte des attentes des acteurs économiques en la matière, notamment en termes d'ouverture du marché chinois, de transparence des marchés publics et de protection de la propriété intellectuelle.

La présidence française de l'Union européenne interviendra donc dans un moment de profond bouleversement géostratégique, et devra permettre à l'Europe d'en sortir renforcée.

M. Robert del Picchia, président . - J'ai été pour ma part frappé de voir comment les choses se passent dans les pays limitrophes de la Chine. Lors d'une mission au Vietnam, à l'époque où l'on parlait beaucoup, en France, de la réforme de l'enseignement, j'avais posé au ministre de l'enseignement vietnamien la question de savoir comment les choses se passaient dans son pays. Il m'avait répondu que tout allait très bien. Selon lui, chaque enseignant était libre de mettre en oeuvre son propre programme. Puis, il m'avait expliqué que, dans chaque ville, chaque village, le chef du parti communiste local faisait remonter son rapport au ministère par le biais du chef de la région, le ministère n'améliorant les choses qu'en cas de nécessité. Le parti communiste chinois semble encore plus strict.

M. Joël Guerriau . - J'ai trouvé ce rapport excellent et d'une grande actualité, en particulier s'agissant de la question des sous-marins australiens.

Votre première recommandation concerne la notion de territoire. On parle de territoire européen, mais je pense important de parler « des » territoires européens. Il me semble extrêmement important dans le contexte actuel de ne pas donner le sentiment qu'on se replie sur notre continent, mais rappeler que l'Europe représente un certain nombre de territoires, en particulier avec ce qui se passe actuellement dans la zone indopacifique. Se retrancher derrière la notion de continent serait une erreur face à l'opposition américaine face à la Chine, avec les conséquences que l'on a vues récemment.

Alain Peyrefitte, dans son livre Quand la Chine s'éveillera... Le monde tremblera, il y a 48 ans, parlait de la concentration du pouvoir qui sévit dans ce pays. Face à cela, on se divise sur la question australienne, les Américains considérant que nous sommes trop frileux. Vous l'avez dit, le rendez-vous le plus important est celui que nous devons avoir avec la boussole stratégique. Il nous faut donc définir notre politique étrangère au niveau européen, en matière de sécurité, de défense, etc. Il est très important de tirer de ce rapport extrêmement dense et riche des arguments à proposer pour cette boussole stratégique.

M. André Gattolin . - Je tiens à féliciter les rapporteurs pour leur travail. J'ai eu la chance d'assister à une grande partie des auditions. Elles étaient foisonnantes, et j'ai hâte de lire l'intégralité du rapport, car le niveau de ces auditions était particulièrement élevé. La montée en puissance de la Chine et son assertivité sont réellement marquées. Quelque chose m'a cependant gêné. Le rapporteur a parlé, à propos de la question de l'OTAN, de la volonté des États-Unis d'affronter la Chine. Je ne suis pas sûr que les États-Unis aient envie d'entrer dans une telle confrontation.

M. Robert del Picchia, président . - Économiquement, si !

M. André Gattolin . - Ce ne sont pas eux qui en ont fait le choix ! Nos collègues américains considèrent que la plus grosse erreur remonte à 1999, après qu'ils aient voté par 82 voix sur 100 au Sénat l'entrée de la Chine à l'OMC. Ils étaient persuadés que les normes occidentales allaitent les transformer : c'est le contraire qui s'est produit. Les Chinois ont pénétré le système et sont en train de changer les normes !

Je participe actuellement à une mission d'information présidée par Étienne Blanc sur les influences extra-étatiques dans le monde universitaire et académique français. Nous avons une vision très segmentée des choses, alors que les Chinois ont quant à eux une vision globale. Leur objectif est que la Chine devienne la première puissance dans tous les domaines d'ici 2049.

Si la mobilisation des États-Unis, du Japon et de l'Australie est si forte, c'est par rapport à Taïwan, seul débouché militaire en eaux profondes pour la Chine, dont elle ne dispose pas aujourd'hui.

Enfin, je ne voudrais pas qu'on soit trop naïf sur la capacité de réaction de l'Union européenne. Une politique de filtrage des investissements étrangers a débuté il y a trois ans. La directive est passée : il s'agit d'une simple recommandation de la Commission aux États membres, qui sont libres de l'appliquer ou non.

Les autorités chinoises ont compris que la question n'était pas de réaliser des investissements, mais de peser sur eux. Ils ont donc développé des aides d'État souvent indirectes grâce à leurs grandes entreprises. Le projet de directive est sorti le 5 mai dernier. Il a été présenté par Ursula von der Leyen et les principaux commissaires, sans que la Chine y soit citée une seule fois.

L'Union Européenne, beaucoup plus que la France ou d'autres pays, a du mal à nommer les choses lorsqu'il s'agit de la Chine. On dit que cela s'applique à tout le monde, alors que l'enquête de la Cour des comptes européenne a fort bien mis en lumière la façon dont se déroulent les choses. Les assauts contre le marché de l'Union Européenne portent sur la distorsion de concurrence et non sur l'ingérence. Les divisions au sein de l'Union européenne et le rapport ambigu qu'entretient l'industrie allemande vis-à-vis de la puissance économique chinoise ne vont pas nous faciliter la tâche, et des coopérations se mettent en place.

C'est ainsi que l'Australian Strategic Policy Institute (ASPI), un think tank que j'ai beaucoup étudié, est financé par les autorités australiennes et américaines et par beaucoup d'universités ou de think tanks du monde entier, mais aussi par des entreprises comme Naval Group Australie ou Thales Australie. Il semble que même ces grands groupes sont inquiets et manquent singulièrement d'informations et de connaissances au sujet de tous ces investissements !

M. Olivier Cigolotti . - Ce rapport arrive à point nommé, et ses conclusions vont dans le même sens que celles du rapport de l'Institut de recherche stratégique de l'École militaire (Irsem), publié il y a deux jours. C'est un rapport de plus de 600 pages, dont le résumé est des plus intéressants. On y retrouve un certain nombre d'éléments évoqués par nos rapporteurs.

Le parti communiste chinois ne cache plus sa volonté d'être à la tête d'un nouvel ordre à l'horizon 2049, affichant sa volonté de « vaincre sans combattre », comme le dit ce rapport.

Gisèle Jourda a évoqué la différence très ténue qui existe entre influence et ingérence. L'influence relève de la séduction et l'ingérence de la contrainte. Les conclusions de nos rapporteurs peuvent s'étendre au-delà des limites de l'Union européenne et s'appliquer à bien des territoires, notamment l'Afrique.

Vous n'avez cependant pas évoqué le rôle des diasporas dans les différents pays européens. Je pense qu'elles jouent un rôle important en matière d'influence, voire d'ingérence.

En outre, depuis deux ans, la pandémie a bouleversé l'ordre mondial. L'arrivée de Xi Jinping au pouvoir et la pandémie n'ont-elles pas quelque peu écorné l'image de la Chine ? N'avez-vous pas ressenti une certaine forme d'impopularité, voire de rejet vis-à-vis de la Chine, face à sa volonté d'investissement en Europe ?

M. Pascal Allizard, rapporteur . - Nous nous sommes interrogés et nous avons fait un choix : les territoires européens représentent une notion d'archipels qui donne lieu à certaines divisions. Or nous voulions plutôt appeler à l'unité. Nous avons donc fait le choix du territoire européen au sens large, car une certaine unité européenne à ce sujet était importante, dans une logique offensive et collective. Nous l'assumons.

Concernant le rôle des États-Unis, on se situe dans une situation quelque peu charnière. Les visions politiques ne sont pas les mêmes entre les États-Unis et l'Europe quant à la politique indopacifique et aux réactions vis-à-vis de la Chine.

Les États-Unis sont en effet en passe de perdre leur place de première puissance mondiale, avec toutes les conséquences que cela peut impliquer pour un pays qui, depuis des décennies, est le gendarme du monde, tant du point de vue militaire, avec les succès et les échecs que l'on connaît, que du point de vue économique ou du point de vue de la monnaie.

On peut donc concevoir que les États-Unis n'aient pas la même vision que nous à ce sujet. Néanmoins, on a encore le droit de s'interroger de manière indépendante sur la réaction des États-Unis, qui défendent leurs intérêts. Cela peut-il protéger les nôtres ? On peut avoir à ce sujet des réponses tout à fait différentes les uns et les autres.

Je rappelle qu'en mai dernier, les États-Unis ont déclaré une guerre douanière aux entreprises chinoises, en inscrivant certaines sur leur liste noire. Les sommes en jeu sont vertigineuses. Le plan d'investissement américain représente 250 milliards de dollars, dont 54 milliards pour les semi-conducteurs. Ce sont des volumes extrêmement importants.

Quant au filtrage des investissements, on peut constater que la prise de conscience des États européens et de l'Europe a été extrêmement tardive. La réaction s'est heureusement organisée, mais il y a encore bien des choses à mettre en place.

M. Robert del Picchia, président . - Les Norvégiens ont mis au point un système de contrôle d'achat d'actions à travers un fonds, avec des filtrages des demandes chinoises d'investissement.

M. André Gattolin . - Je suis président du groupe interparlementaire France-Europe du Nord. Leur grand fonds souverain porte sur des investissements durables qui, au début, étaient décarbonés. Un certain nombre de conditions sont maintenant mises dans la balance, mais cela ne concerne que ce fonds.

Par ailleurs, la Norvège a reconnu à la Chine le statut d'économie de marché à l'OMC et a signé un traité de libre-échange, qu'ils payent aujourd'hui très cher puisque, suite au Prix Nobel accordé à un dissident chinois, leurs exportations de saumon ont été boycottées par la Chine. Leurs relations avec ce pays sont très compliquées et ils demeurent très méfiants.

Mme Gisèle Jourda, rapportrice . - Le rapport n'aborde pas directement la question des diasporas. Ce n'est pas ainsi que cela fonctionne. Les associations sont infiltrées par le Front uni, de façon très diffuse. Il n'avance pas à visage découvert. Lorsqu'un club de football de province a besoin de maillots, le club Confucius ou l'Amicale franco-chinoise les lui offre.

Par ailleurs, la pandémie a peut-être eu un effet dissuasif vis-à-vis de certains pays européens, mais pas sur tous. On a en effet assisté à la mise en place d'un axe de coopération très important avec la Serbie. Face à la pénurie, la Chine a fourni à la Serbie des vaccins, créant ainsi une relation de confiance. Il en a été de même en Hongrie également.

Dans certains domaines, les Chinois sont prêts à faire un pas en arrière et à attendre.

On ne peut tout développer dans notre présentation, mais il existe des leviers, particulièrement à l'ONU, où les Chinois sont entrés en force dans la nouvelle organisation administrative. Ils jouent à présent le rôle de tête de pont, gênant ainsi certains pays. C'est pour cela que la Grèce n'a pas souscrit à une déclaration sur la situation des droits de l'homme en Chine en 2017.

M. Robert del Picchia, président. - Les Chinois investissent dans les organisations internationales. Lorsque j'ai cherché à rassemblé, à New York, les sommes nécessaires pour le système d'information de l'UIP, certains pays, comme la France, ont donné 50 000 euros. Le représentant de la Chine, lui, a octroyé un million d'euros ! Et le jour même, il est allé voir le secrétaire général de l'UIP pour concrétiser ce don.

Mme Gisèle Jourda, rapportrice . - La notion de diplomatie comptable de la Chine est apparue dans les auditions que nous avons menées. Elle compte les soutiens qui lui sont apportés à l'ONU, et certains pays qui ne soutiennent pas la politique chinoise et n'adhèrent pas aux directives et aux positions prises par l'ONU sont traités différemment par la Chine.

M. Pascal Allizard, rapporteur . - Le dernier déplacement de notre commission à l'ONU a eu lieu fin 2019. On était alors sous le mandat de Donald Trump, qui s'en désintéressait totalement. On verra si l'administration Biden le confirme ou non. Nos interlocuteurs ont à chaque fois souligné l'appétence de la Chine pour investir les ressources humaines des institutions internationales. Je n'ai plus en tête le nombre d'institutions où ils ont placé des directeurs, des directeurs généraux ou des directeurs généraux adjoints, avec les moyens financiers correspondants.

M. Olivier Cadic . - Je voudrais féliciter nos deux rapporteurs pour leur travail et leurs recommandations. Cela donne une bonne idée de la problématique à laquelle nous sommes confrontés.

J'ai cependant une analyse différente concernant leurs propos au sujet d'Aukus et de l'OTAN. Je pense qu'on sera amené à en reparler. Dans toutes choses, il faut observer le positif et le négatif. Charles de Gaulle disait que les États n'ont pas d'amis, mais que des intérêts.

Gisèle Jourda a estimé que l'influence se confondait avec l'ingérence. Elle a évoqué un soft power, qui n'en est plus vraiment un. Il existe une différence entre soft power et sharp power. Je conseille à tout le monde, en plus de ce rapport, de lire celui de l'Irsem sorti cette semaine à propos des opérations d'influence chinoise. L'Irsem définit le sharp power comme le recours à la subversion, l'intimidation, et les pressions qui se combinent afin de promouvoir l'autocensure. L'un des enjeux est précisément de tracer des lignes rouges pour les États face à ce sharp power.

Certains pensent que la ligne rouge est tracée pour les activités d'influence étrangère, lorsqu'elles sont secrètes, coercitives ou corrompues. Afin de situer la frontière entre l'influence acceptable et l'ingérence inacceptable, on peut se poser la question de la réciprocité. Le parti communiste chinois tolérerait-il que nous fassions en Chine ce qu'il fait chez nous ?

Que pensez-vous d'établir une recommandation qui vise à définir des lignes rouges ? C'est précisément parce que nous ne définissons pas de limite que la Chine se croit tout permis. Par contre, de son côté, elle sait très bien nous fixer des barrières.

M. Pascal Allizard, rapporteur . - Nous partageons ce diagnostic. Nous nous sommes bien entendu procuré le rapport de 600 pages de l'Irsem.

Il ne nous a pas échappé que la Chine ne fonctionne pas comme les démocraties occidentales. Je me souviens par exemple de la visite du président chinois, il y a deux ans, à Paris : elle avait été préparée par le ministre des affaires étrangères du parti communiste chinois. Ce n'était pas le ministre des affaires étrangères du gouvernement chinois ! Ce n'est pas un point de détail.

Nous proposons donc de mettre en place un certain nombre de prérequis - on peut même parler de contraintes : soit il existe des accords bilatéraux qui permettent d'avancer, soit il n'en existe pas, et on abandonne toute naïveté.

Le rapport comporte des annexes sur l'Amérique latine, l'Afrique et l'Arctique. On ne peut pas tout développer dans une présentation mais, à chaque fois, la Chine joue sur le bilatéralisme de masse. Ils traitent avec tous les États indépendamment, mais en recourant à une diplomatie comptable. Il existe, à l'intérieur même des pays, des traitements différenciés des entreprises. C'est la politique du cheval de Troie. Nous demandons que l'ensemble des États européens de l'Union européenne adoptent une réaction concertée, avec des règles et des contraintes communes et un partage de l'information au sens large incluant le renseignement. Collectivement, les Européens sont plutôt faibles sur ce point. À la différence des rapports précédents, on enregistre une prise de conscience, mais elle doit se transformer en actions extrêmement concrètes. Nous attirons l'attention de la commission sur cet aspect des choses. Nous espérons que vous aurez la même vision que nous. Il faudra ensuite faire partager le rapport aux instances décisionnaires.

Mme Gisèle Jourda, rapportrice . - C'est pourquoi on a parlé de la notion de réveil de l'Europe. Il faut continuer, et ne pas relâcher la pression.

M. Richard Yung . - S'agissant de la défense de la propriété intellectuelle ou industrielle, il faut avoir conscience que la Chine est devenue un acteur essentiel dans le domaine. 600 000 brevets sont déposés par an en Chine contre 250 000 au niveau européen et 300 000 environ aux États-Unis. Ils ne sont pas tous de même qualité, mais on voit là le niveau qu'ils ont atteint. Ils en sont par ailleurs à environ un million de dépôts de marques. La Chine est donc devenue le premier acteur en matière de propriété industrielle.

Nous avons beaucoup travaillé pour les aider à monter des systèmes de lutte contre la contrefaçon. Je dois dire qu'ils ont fait de grands progrès depuis 25 ans, à la fois parce qu'ils se sont dotés d'offices de brevet et d'offices de marques de très bonne qualité et de tribunaux devant lesquels une entreprise européenne ou américaine a une chance de gagner, ce qui n'était pas le cas avant. Nous devons continuer à les aider. Le pays étant énorme, le travail est considérable.

S'agissant des transferts de technologie, ce n'est pas si facile, car c'est une des conditions qui sont posées pour investir en Chine. On peut ne pas accepter, mais on perd alors le contrat. Je me rappelle des centrales EPR françaises : on en a construit une, et les cinq autres ont été construites par les seuls Chinois.

Ma deuxième observation porte sur la régulation financière. C'est un des points inquiétants : le système bancaire chinois est opaque. On ne sait pas comment fonctionnent les différentes autorités des marchés financiers, les banques, etc. Il existe des participations importantes de l'État et de l'armée dans les banques chinoises, voire d'entreprises d'État. Tout cela crée une sorte de flou. On en a vu le résultat avec la grande banque immobilière qui est en train de se replier et menace le système bancaire mondial. Je pense donc qu'on devrait chercher à obtenir des autorités chinoises davantage de transparence et de clarté dans l'application des différentes réglementations, comme Bâle, etc.

Mme Vivette Lopez . - Vous parlez du rôle des États-Unis et de leur appel du pied à constituer un front occidental face à la Chine, mais qu'en est-il de la Russie et de son rôle ?

Par ailleurs, à combien est évaluée la part des prises de marché chinoises dans les ports français ?

M. Pascal Allizard, rapporteur . - Les relations bilatérales entre la Chine et la Russie sont extrêmement compliquées. Pour résumer la situation, le petit frère est devenu le grand frère. Des coopérations existent sur différents sujets, comme en matière logistique ou en matière d'espace, même si la Russie dispose encore des savoir-faire et reste une puissance à ne pas négliger.

Dans le précédent rapport, on avait observé la porosité entre la frontière chinoise et la frontière russe. C'est un sujet extrêmement important, qui rejoint un des soucis français. Nous disposons de la deuxième zone exclusivité économique mondiale (ZEE). Nous avons déjà eu l'occasion d'en parler : la France éprouve de grandes difficultés pour assurer sa souveraineté et la surveillance de ces millions de kilomètres carrés.

La Russie, d'un point de vue terrestre, connaît exactement le même problème avec la Chine. C'est un sujet sur lequel il faut être vigilant, car cela pourrait devenir un vrai point de friction à l'extrême Est de la frontière russe. Je ne suis pas certain que, la Russie soit en situation d'empêcher de plus grandes avancées de la Chine.

C'est une situation extrêmement complexe où les coopérations existent, mais la vigilance entre eux est largement de mise, avec des moyens asymétriques entre les deux puissances.

Mme Gisèle Jourda, rapportrice. - Pour ce qui est des ports, les investissements remontent à 2013. On en trouve à Dunkerque, avec le terminal des Flandres, à Fos-sur-Mer avec Eurofos, au Havre et à Montoir. Le plus bel exemple de réussite dans ce domaine est incontestablement Le Pirée, où le développement et la croissance sont au rendez-vous.

Dans le domaine des ports, on arrive difficilement à apercevoir la frontière entre l'investissement direct chinois, les prises de participation et le système des prêts. Les opérations étant présentées de manière globale, on a du mal à quantifier les choses.

En matière spatiale, on ne peut pas non plus quantifier précisément la nature des investissements chinois.

Pour ce qui est de la France, vous trouverez dans le rapport les pourcentages de participation chinoise. Il n'y a qu'à Dunkerque qu'ils sont à 45 %. Dans les trois autres ports les participations chinoises s'établissent à 25 %.

M. Philippe Folliot. - La Chine est un sujet éminemment complexe et difficile. Je remercie donc nos collègues pour leur éclairage et la continuité avec le rapport qu'ils avaient rédigé il y a quelques années. Ils n'ont toutefois pas abordé le sujet de la coopération et des échanges culturels entre la Chine et la France, ainsi qu'avec les autres pays européens.

Selon vous, est-il important de développer ce facteur afin de favoriser une meilleure connaissance culturelle ? Quelle forme doit-elle revêtir ? Doit-elle être réalisée au plus haut niveau, ou peut-il s'agir d'une coopération décentralisée entre collectivités françaises et chinoises ? Cela peut-il constituer un élément d'influence de part et d'autre ?

Mme Joëlle Garriaud-Maylam . - Je souhaiterais vous interroger sur la présence audiovisuelle chinoise à l'étranger, point que j'ai déjà évoqué dans le cadre de notre mission sur les influences étatiques extra-européennes auprès des chercheurs de l'Irsem.

Je ne sais si vous avez abordé ce point dans votre rapport. J'imagine que c'est le cas, puisque vous avez mentionné le fait que les chaînes de télévision chinoises devraient avoir les mêmes obligations que les chaînes nationales, ce qui semble en effet indispensable.

Cette influence audiovisuelle chinoise se développe considérablement en Afrique, dans notre propre langue, et partout dans le monde. Cela constitue un handicap considérable, car nous n'avons pas les mêmes moyens que les Chinois. Nous nous battons en permanence pour essayer de maintenir au minimum le budget de nos propres chaînes audiovisuelles, comme France Médias Monde et autres. Faute de moyens, la situation est tendue et devient de plus en plus difficile. Pouvez-vous nous en dire plus ?

M. Pascal Allizard, rapporteur . - La fragilité du système bancaire chinois est abordée dans notre rapport. La crainte d'une bulle chinoise est bien réelle.

Notre collègue prenait l'exemple d'un grand groupe immobilier défaillant. Dans un tel cas, le parti reprend immédiatement les choses en main et procède au refinancement. C'est toutefois un point sur lequel il faut demeurer vigilant.

S'agissant des émissions en langue française en Afrique, nous avons un souvenir extrêmement marquant. Nous avons effectué une visite dans un certain nombre d'établissements chinois, dans le cadre de la préparation de notre précédent rapport, dont une université située à 350 kilomètres de la frontière coréenne et de la frontière russe. Ce n'est pas une université au sens où nous l'entendons. On y trouve des enfants de sept à huit ans, jusqu'à de jeunes adultes en fin d'études universitaires. Ces jeunes Chinois recevaient tout leur enseignement en langue française. Les plus petits nous ont récité des poèmes en français, chanté des chansons en français, et les plus âgés nous ont présenté des exposés en français sur les matières qu'ils étaient en train d'étudier. Les meilleurs viendront en France. Les moins bons - qui sont toutefois excellents - auront pour vocation de devenir des cadres en Afrique francophone. C'est un effort de formation colossal.

Mme Gisèle Jourda, rapportrice . - Avant d'en venir à la question culturelle, la visite à laquelle vient de faire référence Pascal Allizard m'avait frappée. La première question qui nous a été posée par l'un de ces jeunes étudiants m'avait un peu déstabilisée. Elle portait sur la liberté d'expression. Ils avaient étudié un article dans lequel le Président de la République française était pris à partie. Il nous demandait comment il était possible de le remettre en cause, s'interrogeant sur la liberté d'expression. Ces jeunes viennent ensuite dans nos universités et on lit qu'ils vont chercher leur feuille route à l'ambassade de Chine à Paris.

Concernant l'aspect culturel, le bras armé demeure le Front uni, comme pour les diasporas. Il innerve toutes les associations. On n'a pas parlé de la dimension régionale et des marchés qui existent entre les régions et la Chine. On a voulu établir des ponts amicaux et économiques pour développer nos produits. Il faut être vigilant sur cette question. Il existe un exemple frappant à Nantes, où était prévue une grande exposition sur Gengis Khan. La Chine a eu de telles exigences en matière de muséographie que Nantes a renoncé à l'organiser. Les Chinois ne négligent donc pas les leviers culturels. Ils sont présents partout, au travers d'événements dont ils dressent l'architecture. Nous en parlons dans le rapport et conseillons d'être vigilant par rapport au Front uni, qui intervient tous azimuts et inonde la toile culturelle.

S'agissant des médias, nous souhaitons faire preuve d'une plus grande vigilance afin d'avoir une meilleure approche de ces chaînes qui ne font l'objet d'aucun contrôle.

M. André Gattolin . - Il est vrai que la China Global Television Network (CGTV) s'adresse d'abord à la diaspora internationale mais, depuis un an et demi à deux ans, on enregistre de plus en plus de demandes d'étudiants chinois qui souhaitent intégrer les écoles de journalisme.

Pour en revenir à la question africaine, il est clair qu'une des raisons de l'attractivité de la France pour la Chine vient du fait qu'elle constitue un point de repère pour identifier les élites africaines.

La France est une zone essentielle pour permettre à la Chine de développer son influence en Afrique.

M. Pascal Allizard, rapporteur . - Nous faisons malheureusement le même constat.

M. Yannick Vaugrenard. -Je me souviens de la présentation de votre premier rapport, en 2017, que j'avais trouvé remarquable en termes d'information générale. C'est la même chose aujourd'hui.

Je pense que l'Occident, après la chute du mur de Berlin, a fait preuve d'une grande naïveté, pensant que c'était la fin d'un monde et que tout était désormais permis dans l'organisation capitalistique d'alors. C'est une erreur profonde, dont la Chine a en partie profité. Je faisais partie du voyage à l'ONU en 2019, et je me souviens des informations qui nous ont été données à ce moment-là sur le poids de la Chine dans l'ensemble des institutions dépendant de l'ONU. Nous l'avons vu au moment du Covid-19 : la direction de l'OMS disait que la transmission humaine était impossible, influencée très fortement par la Chine.

Ce fut la même chose lorsque l'Occident a accepté que la Chine entre dans l'OMC sans aucune restriction ni aucun contrôle, sans même le minimum d'exigences par rapport à l'organisation internationale du travail. On en arrive aux différentes conséquences que vous avez développées.

Nous avons eu l'occasion d'évoquer l'influence de la Chine en Afrique. Celle-ci devient considérable commercialement, économiquement, sur le plan des prêts, mais également lorsque la Chine prête en yuan et qu'elle indexe sa monnaie sur l'or. Cela donne confiance à ceux avec qui elle commerce, mais remet en cause ce qui s'est passé en 1976, lorsque les États-Unis, unilatéralement, ont décidé de supprimer l'indexation du dollar sur l'or. C'est un grand danger pour le commerce et les finances internationales. Il ne faut pas le minorer.

Par ailleurs, vous avez tous deux insisté sur le fait que la présidence française de l'Union européenne ne va durer que six mois. Très objectivement, le problème, vu son ampleur, ne se réglera pas en six mois, même si on peut espérer qu'un certain nombre d'initiatives seront prises. Il faudra bien plus de temps.

On a évoqué le livre d'Alain Peyrefitte. Quand l'Europe s'éveillera-t-elle par rapport au phénomène chinois ? Si l'Europe continue à considérer qu'elle ne sera efficace qu'à vingt-sept, cela ne fonctionnera jamais. Il faut donc un noyau dur capable de prendre des décisions rapides et efficaces.

D'autre part, je n'ai pas entendu suffisamment évoquer l'Inde, qui va dépasser la Chine sur le plan démographique. La comparaison ne vaut bien entendu pas sur le plan financier, mais on ne sait comment les choses vont évoluer. Étant donné le poids de l'Inde sur le plan diplomatique, n'y aurait-il pas un intérêt particulier à privilégier les rapports avec l'Inde, du fait de sa proximité avec la Chine ?

On parle de la Chine, de sa puissance internationale, de son poids. Parfois, c'est par l'intérieur que les choses évoluent de manière importante. Ce qui se passe sur le plan immobilier et, peut-être demain, sur le plan financier, avec Evergrande et la classe moyenne qui s'est mise en place en Chine, peut faire que le pouvoir chinois évolue vers une transition plus démocratique. On ne peut dire que cela n'arrivera jamais.

Mme Gisèle Jourda, rapportrice . - Nous avons bien entendu pensé à la présidence française, eu égard aux échéances auxquelles nous allons être confrontés. Nous avons voulu profiter du moment pour que ces sujets soient une des priorités françaises, contribuant ainsi au réveil de l'Europe face à la Chine. On a une lueur d'espoir quand on considère les points de crispation par rapport à la Lituanie, etc. Il n'en demeure pas moins qu'il faut rester vigilant. Les pays en lien avec la Chine peuvent en effet modifier leur comportement. Cela s'est passé à l'ONU, mais cela peut aussi se produire au sein de la gouvernance européenne. Cela ne nous a pas échappé, et nous avons tenu à ce que ce sujet soit prédominant.

En ce qui concerne l'Inde, notre sujet portait sur la puissance chinoise en Europe, ses contours, son périmètre et son réel impact dans les différents domaines. Il n'était pas possible de traiter la question de l'Inde. Un rapport de Rachid Temal et de Ladislas Poniatowski de l'année dernière portait d'ailleurs sur ce sujet. Il ne nous a pas échappé sur le plan géostratégique et spatial, mais ce n'était pas notre coeur d'études.

L'évolution des classes moyennes chinoises est une question qui me préoccupe énormément. On n'a pas non plus parlé - on ne peut tout développer - du changement d'orientation du parti communiste chinois, qui n'a cessé de prendre de l'ampleur depuis les deux derniers congrès du PCC. La Constitution a été changée pour permettre à Xi Jinping de rester président quasiment à vie.

Lorsque la Chine a tenté d'ouvrir le secteur économique en assouplissant et en modernisant le système des brevets, cela s'est accompagné d'une présence omnipotente et encore plus grande du PCC au sein des entreprises chinoises, mais aussi des entreprises françaises implantées en Chine. Le PCC, lors de marchés souscrits en Europe ou avec la France, a demandé à certaines entreprises d'intégrer leur gouvernance.

Quand j'ai débuté les auditions, j'avais dans l'idée que la contestation pouvait amener à un renversement de situation. Le PCC est en effet fortement ancré dans l'économie de marché. C'est un capitalisme d'État. Je voudrais pouvoir dire qu'il existe une lueur d'espoir, mais je n'en crois rien. Rappelons-nous qu'ils ont abandonné la politique de l'enfant unique. C'est un pays en récession démographique - même s'ils sont encore très nombreux.

Lors des auditions, nous n'avons pas eu l'impression d'un sursaut démocratique. Bien au contraire, avec la pandémie, le système de surveillance a été durci, avec l'installation de caméras par exemple.

M. Pascal Allizard, rapporteur . - Nous avions déjà parlé de l'aspect financier et de l'indexation sur l'or dans le précédent rapport, il y a quatre ans. On était alors en pleine actualité, la Chine venant de signer son premier contrat d'approvisionnement en pétrole avec le Venezuela. Ce contrat était indexé sur l'or et convertible dans les trois principales places boursières chinoises. Du point de vue de la gouvernance financière internationale, c'était une avancée considérable, de nature à susciter la plus grande attention des États-Unis.

La convertibilité du yuan et sa transformation en monnaie de référence internationale constituent de vrais sujets. Le jour où le basculement aura lieu - dans cinq ou dix ans -, les États-Unis ne seront plus la première puissance mondiale ! Le problème de leur dette se posera avec la même acuité qu'aujourd'hui pour un certain nombre d'États européens. C'est un vrai point de vigilance.

Les Chinois ont une stratégie dans la durée, et l'Union européenne ne se pose même pas la question par rapport à l'euro. C'est une erreur fondamentale ! Le sujet est extrêmement grave, mais il n'est pour le moment pratiquement sur aucun radar.

Quant aux classes moyennes, il faut bien avoir en tête que la politique chinoise qui est impulsée par la Belt and Road Initiative, que nous considérons comme une politique internationale, est aussi une politique intérieure de développement de la richesse et de la croissance afin que les régions les plus extrêmes qui pourraient prétendre à une certaine autonomie ralentissent leurs revendications. Elles le feront d'autant plus que l'État contribuera à ce que nous appellerions chez nous l'aménagement du territoire.

Le rapport est adopté à l'unanimité et sa publication autorisée.

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES

Mme AUFAUVRE Nathalie (Directeur général de la stabilité financière et des opérations)

Banque de France

Mme AUS DEM SIEPEN Katrin (Directrice du service politique et des affaires stratégiques)

Ambassade d'Allemagne en France

Mme BENSAID-COHEN Véronique (Conseillère parlementaire auprès du Gouverneur)

Banque de France

M. BILI Laurent (Ambassadeur de France en Chine)

Ministère de l'Europe et des affaires étrangères

Mme BIRD Gillian (Ambassadrice)

Ambassade d'Australie en France

M. CÉLESTIN-URBAIN Joffrey (Chef du service)

Ministère des finances - service de l'information stratégique et de la sécurité économique (SISSE)

Mme COLLET-RETKES Dorottya (Troisième secrétaire, en charge de la politique extérieure)

Ambassade de Hongrie en France

Mme DEWAVRIN Adélaïde ( Adjointe au chef du bureau Asie et Océanie).

Ministère de l'économie, des finances et de la relance - Direction générale du trésor

Mme EKMAN Alice (Analyste responsable de l'Asie).

Institut d'études de sécurité de l'Union européenne

M. EMIÉ Bernard (Directeur général)

Direction générale de la sécurité extérieure (DGSE)

M. FENET Jean-Marc (Chef du poste économique à Pékin)

Ministère de l'économie, des finances et de la relance - Direction générale du trésor

M. GALICZA György (Premier conseiller, en charge des affaires politiques)

Ambassade de Hongrie en France

M. GLUCKSMANN Raphaël (Député, président de la commission spéciale sur l'ingérence étrangère dans l'ensemble des processus démocratiques de l'UE, y compris la désinformation)

Parlement européen

M.  GODEMENT François (Directeur de programme Asie et Chine).

European Council on Foreign Relations , Institut Montaigne

M. HABSBOURG-LORRAINE Georges (Ambassadeur)

Ambassade de Hongrie en France

M. HAMELIN Hervé (Adjoint au chef du service des affaires de sécurité internationale)

Ministère des Armées - Direction générale des relations internationales et de la stratégie (DGRIS)

Mme Ana HRUSTANOVIC (Ambassadrice)

Ambassade de Serbie auprès de l'Union européenne

Mme JORNA Kerstin (Directrice générale).

Commission européenne - DG marché intérieur, industrie, entrepreneuriat et PME

M. JULIENNE Marc (Responsable des activités Chine au Centre Asie)

Institut français des relations internationales (IFRI)

M.  LERNER Nicolas (Directeur général)

Ministère de l'intérieur - Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI)

M. LORTHOLARY Bertrand (Directeur d'Asie et d'Océanie)

Ministère de l'Europe et des affaires étrangères (MEAE)

Mme OBRECHT Janyce (Chargée de mission Chine)

Ministère des Armées - Direction générale des relations internationales et de la stratégie (DGRIS)

Mme MACAIRE Camille (Économiste international)

Banque de France

M. MAIER Paul (Directeur)

Observatoire européen des atteintes à la propriété intellectuelle (EUIPO)

Mme MARTIN-PRAT Maria (Directrice Asie, services et numérique, investissements, propriété intellectuelle)

Commission européenne/DG Trade

M. MESHKOV Alexey (Ambassadeur)

Ambassade de Russie en France

Mme NICOLAS Françoise (Chercheur, directeur du Centre Asie).

Institut français des relations internationales (IFRI)

M. PAPINUTTI Marc (Directeur général)

Ministère de la transition écologique - Direction générale des infrastructures, des transports et de la mer (DGITM)

M.  PAVY Julien (Conseiller du directeur général)

Ministère de la transition écologique - Direction générale des infrastructures des transports et de la mer (DGITM)

M.  POUPARD Guillaume (Directeur général)

Agence nationale de la sécurité des systèmes d'information (ANSSI)

M. PRAZUCK Christophe (Directeur de l'Institut de l'océan de l'Alliance Sorbonne Université)

Ministère des Armées

M. RAFENBERG Christophe (Adjoint au chef de la mission d'intelligence économique au Secrétariat général du MTE)

Ministère de la transition écologique - Direction générale des infrastructures des transports et de la mer (DGITM)

Mme RAULIN Claire (Ambassadrice)

Représentation permanente de la France - Comité politique et de sécurité (COPS)

M. RIQUET Louis (sous-directeur d'Extrême-Orient)

Ministère de l'Europe et des affaires étrangères (MEAE)

SEM Shaye LU (Ambassadeur)

Ambassade de Chine en France

Mme SOURBES-VERGER Isabelle ( Chercheur).

Centre national de la recherche scientifique (CNRS)

Mme TIWARI Vrinda (Deuxième secrétaire)

Ambassade d'Australie en France

Mme TURTELBOOM Annemie (Membre)

Cour des Comptes européenne

M. VERON Emmanuel (Spécialiste de la Chine)

INALCO Paris

M. WIEGAND Gunnar ( Directeur exécutif Asie et Pacifique)

Union européenne - Service européen pour l'action extérieure

ANNEXE 1 - LES IDE CHINOIS EN AFRIQUE

On constate en Afrique une chute des investissements chinois en 2019 après un pic en 2018. Stables entre 2010 et 2016, les flux d'investissements chinois en Afrique ont augmenté de manière dynamique ces dernières années (+124,7% entre 2016 et 2018 à 5,4Md$ d'après les données du MOFCOM) avant de chuter en 2019 (-49,8% à 2,7Md$).

Source : MOFCOM : ministère de l'économie chinois

La part des investissements chinois en Afrique a atteint 3,8% en 2018. La Chine détenait, d'après l'UNCTAD, 46Md$ de stocks en Afrique en 2018 (contre 32Md$ en 2014) la classant 5 ème détentrice de stocks après les Pays-Bas (79Md$), la France (53Md$), le Royaume-Uni (49Md$) et les États-Unis (48Md$).

Au niveau sectoriel, les investissements (dont la plupart sont des financements de projets) restent concentrés sur des secteurs stratégiques, visant l'accès aux ressources et en utilisant les capacités excédentaires de la Chine en matière de construction et de transport.

ANNEXE 2 -
APERÇU DE LA POLITIQUE CHINOISE EN ARCTIQUE

La stratégie officielle chinoise en Arctique présente les intérêts chinois dans la région comme purement scientifiques, et insiste sur le respect des règles internationales et des pays arctiques 257 ( * ) .

Ainsi, en 2013, la Chine, qui se qualifie d'« État proche-arctique », a reconnu la souveraineté, les droits souverains et la juridiction des pays arctiques dans la région arctique et a adhéré au Conseil de l'Arctique 258 ( * ) , et obtenu le statut d'observateur permanent. La Chine ne peut pas participer à la prise de décision du conseil mais peut engager des discussions et prendre position. Cette adhésion de la Chine a une importance symbolique et diplomatique. La Chine ne cherche plus seulement à prendre part, et une part prédominante, dans le développement économique et infrastructurel de l'Arctique, elle cherche à peser sur les politiques de l'Arctique.

La Chine étant en mesure d'offrir un capital conséquent pour le développement technologique des pays arctiques, elle est parvenue en quelques années développer une forte influence. La question de ces partenariats économiques renvoie au problème de la dépendance des plus petites puissances Arctiques aux investissements chinois, notamment de l'Islande et du Groenland. Là encore, la Chine a pu profiter de la crise économique de 2008-2009. Suite à cette crise, les investissements chinois en Islande auraient atteint 500 millions de dollars. Certains observateurs y ont vu un lien avec un soutien islandais à la candidature chinoise au Conseil de l'Arctique. En 2012 la Banque chinoise a investi dans la construction du port de Dysnes, et un accord de libre-échange a été signé entre les deux pays. Dans le cas du Groenland posent questions la proposition chinoise de constituer un cartel des pays producteurs de terres rares en 2012 et l'instauration d'une loi autorisant l'exploitation de l'uranium en 2013, levant les obstacles aux investissements étrangers. La dépendance économique du Groenland à la Chine a ainsi crû, les investissements chinois représentant désormais 12% du PIB du Groenland. Le gouvernement danois a publiquement fait part de sa préoccupation concernant l'intérêt de la Chine pour le Groenland, qui comprenait des propositions visant à établir une station de recherche, une station satellite au sol, à rénover des aéroports et à développer l'exploitation minière.

En 2018, la Chine a publié un livre blanc présentant ses aspirations en Arctique. Elle y revendique un rôle actif dans la zone, notamment dans le développement de voies maritimes dégagées par la fonte des glaces, tout en garantissant qu'elle ne remettra pas en question la gouvernance actuelle de la région. Le réchauffement climatique et la fonte des glaces ouvrent l'accès à d'importantes ressources minérales et énergétiques, essentiellement situées dans les zones économiques exclusives des États membres du Conseil de l'Arctique. Là encore le Livre blanc chinois de 2018 se veut prudent, affirmant que la Chine poursuivra ses intérêts « [ en tenant] compte des intérêts des autres États ».

La concrétisation de sa volonté politique s'est traduite par la mise en place du Shanghai Arctic Forum. Le 10 mai 2019, deux jours après la traditionnelle rencontre ministérielle bisannuelle du Conseil de l'Arctique, au cours de laquelle la politique chinoise en Arctique a été vivement mise en cause par les Etats-Unis, Shanghai a ainsi accueilli le forum Arctic Circle 2019. Il a porté sur la route polaire de la soie et le rôle de l'Asie dans le développement économique et écologique de la région.

Cet événement symbolique a marqué une nouvelle étape pour la Chine dans le déploiement de son influence politique au coeur de l'Arctique. En quelques décennies, la Chine a réussi à s'imposer comme puissance nécessaire au développement des infrastructures arctiques, en nouant des liens avec les pays avoisinants et en renforçant son partenariat stratégique avec la Russie.

Selon le Center for Naval Analyses (CNA), institut de recherche de Virginie, entre 2005 à 2017, « la Chine a investi 89,2 milliards de dollars en infrastructures, capitaux, accords de coopération ou de financement et d'autres projets dans les économies des pays de l'Arctique », principalement dans le secteur de l'énergie et des minéraux. Depuis 2017, la Chine a encore intensifié ses efforts, en construisant premier brise-glace, appelé Xuelong, signifiant dragon des neiges. Il a franchi le passage Nord-Ouest en août 2017, inaugurant ainsi la voie maritime du grand Nord pour la Chine. En 2019, la Chine a renforcé son action en se dotant d'un deuxième Xuelong, avec l'aide de l'entreprise finlandaise Aker Arctic .

Ces voies navigables du grand Nord présentent de nombreux avantages en termes de temps de navigation et de sûreté :

- l'itinéraire entre Shanghai et New York via le passage du Nord-Ouest est plus court de 3.700 km que ne l'est le chemin reliant ces deux villes via le canal de Panama. De même, la voie maritime entre Shanghai et Rotterdam est plus courte de 5,5 jours par le Nord par rapport à la voie du Sud. Un navire de la compagnie Cosco shipping a emprunté la route du Nord depuis la Chine pour exporter des produits lourds vers l'Europe, et est arrivé à Rouen en septembre 2018. Cette route permettrait de gagner une dizaine de jours de navigation, correspondant à une économie comprise entre 600 et 800 tonnes de carburant.

- le passage Nord est moins dangereux. En effet, les passages de Malacca et Bab-el-Mandeb sont très vulnérables aux actes de piraterie.

Certains analystes soulignent toutefois que les passages arctiques présentent également de réels inconvénients :

- les trajets sont certes plus courts mais sont loin d'être plus faciles comme en témoigne l'incident subi par le brise-glace Xuelong en janvier. La rentabilité de ces passages Nord est limitée par des considérations techniques, la nécessité d'utiliser des navires de moindres charges, et les importants coûts relatifs à l'exploitation des ressources,

- ces routes de navigation ne sont praticables qu'à certaines saisons. Le passage Nord Est ne peut être exploité actuellement que durant les trois mois d'été.

Dans ce contexte, se noue un partenariat entre la Chine qui a besoin de renforcer son expertise des passages du Nord et la Russie qui bénéficie des investissements chinois pour ses projets gaziers et autres projets d'infrastructure 259 ( * ) . Suite aux sanctions prononcées contre la Russie en 2014 après l'annexion illégale de la Crimée, la Chine a ainsi accru sa participation au projet d'extraction de Sabetta. Les deux pays mènent d'ailleurs conjointement des programmes de recherches scientifiques pour perfectionner leurs technologies de transport d'énergie déployées en Arctique (gazoducs et oléoducs). Trois compagnies chinoises fournissent les capitaux nécessaires : la China National Offshore Oil Corporation , la China Petroleum & Chemical Corporation Limited et la China National Petroleum Corporation .

Enfin, le risque de militarisation de l'Arctique inquiète à mesure que l'on assiste à la réintroduction 260 ( * ) de dispositifs terrestres, navals et aériens, principalement russes, et plus récemment, chinois dans la zone. La Russie y concentrerait aujourd'hui deux tiers de son armement nucléaire et ses navires de lancement de missiles balistiques 261 ( * ) .

La Chine a annoncé en 2019 la construction d'un navire brise-glace à propulsion nucléaire de 30 000 tonnes, 152 mètres de long et 30 mètres de large. Les États-Unis s'inquiètent pour leur part du développement des forces sous-marines nucléaires chinoises qui pourraient opérer en Arctique.

Comme à Djibouti, la Chine développe ses appuis militaires en Arctique et y accroit sa position de contrôle des voies stratégiques et commerciales dont l'importance devrait s'accroître dans les prochaines années.

ANNEXE 3 -
APERÇU DE LA POLITIQUE CHINOISE
EN AMÉRIQUE LATINE

De plus en plus incontournable, la Chine est devenue un partenaire économique et commercial important pour l'ensemble des pays d'Amérique latine. D'importantes coopérations économiques ont été mises en place par le biais de traités commerciaux avec le Chili, le Pérou et le Costa Rica 262 ( * ) notamment à partir des années 2000. Avec le temps, la Chine s'est imposée comme le deuxième partenaire commercial des pays du continent sud-américain, devant l'Union Européenne, et est en passe de concurrencer son premier partenaire économique, les États-Unis 263 ( * ) . Après avoir longtemps sous-estimé et négligé l'implication chinoise en Amérique latine, les États-Unis semblent désormais considérer que cette présence fragilise leurs intérêts dans la région.

Cette politique chinoise d'implantation en l'Amérique latine s'inscrit dans le plan « 1+3+6 » présenté par le Président chinois en juillet 2014 lors d'un sommet au Brésil. Le 1 se réfère au plan de coopération Chine-CELAC pour les années 2015-2019 visant la mise en oeuvre de 250 milliards de dollars d'investissements directs chinois sur la période. Le 3 définit les modalités de la coopération qui doit se réaliser par le commerce, les investissements et la finance, et le 6 les secteurs concernés : énergie et ressources, construction d'infrastructures, agriculture, production industrielle, innovation scientifique et technologique et technologies de l'information.

En janvier 2018 s'est tenue, à Santiago du Chili, la deuxième édition du forum Chine-CELAC (Communauté des États Latino-Américains et de la Caraïbe 264 ( * ) ). Le ministre chinois des affaires étrangères Wang Yi est venu en personne encourager le CELAC à développer son commerce avec la Chine et à participer aux nouvelles routes de la soie. Lors de ce forum, plusieurs États, dont le Chili et la Bolivie, ont ainsi annoncé leur intention d'adhérer à l'initiative chinoise des nouvelles routes de la soie.

Les projets financés sous ce label, programmes d'investissements conjoints ou prêts chinois de la Chine à certains états d'Amérique Latine, sont annoncés dans les secteurs de l'agriculture et des énergies renouvelables mais aussi de la construction d'infrastructures à travers le continent convergeant vers sa côte pacifique. En 2017, les banques et institutions chinoises auraient injecté (sans qu'il soit possible de préciser s'il s'agit de prêts ou d'investissements directs ou conjoints) 23 milliards de dollars en Amérique latine. Le Brésil, sur les 10 dernières années, aurait bénéficié de 46,1 milliards de dollars d'investissements chinois et 10 milliards supplémentaires d'acquisitions 265 ( * ) .

Ces coopérations entre la Chine et l'Amérique latine ont suscité une réaction négative de l'administration américaine, encore largement imprégnée de la doctrine Monroe 266 ( * ) . Le secrétaire d'État américain alors en poste, a estimé lors d'une tournée au Mexique, en Argentine, au Pérou, en Colombie et en Jamaïque, en février 2018, que le modèle de développement étatique proposé par la Chine appartenait au passé et pouvait avoir des conséquences néfastes pour les pays de la région. 267 ( * )

Les investissements et prêts chinois en Amérique latine semblent fondés sur la volonté chinoise de sécuriser l'approvisionnement de son économie en croissance gourmande en ressources naturelles 268 ( * ) . En effet, les pays de la région disposent en abondance de produits agricoles ainsi que des ressources naturelles. Les bénéfices réalisés par les pays sud-américains dans le cadre de leur partenariat commercial avec la Chine leur permettraient de se libérer d'une trop forte dépendance économique vis-à-vis des États-Unis et d'accélérer leur développement.

Certaines critiques ont toutefois été émises sur cette coopération renforcée avec la Chine qui nuirait en fait à l'indépendance et au développement des pays sud-américains 269 ( * ) . Les pays de la région deviendraient prisonniers d'un schéma économique limité basé que l'asymétrie des relations commerciales mises en place avec la Chine. Elle maintiendrait les pays du CELAC dans une position de fournisseur de matières premières, dépendant des fluctuations de leurs cours, des conditions climatiques de plus en plus bouleversées par le réchauffement climatique, et de la demande chinoise. 270 ( * ) . En outre, cette spécialisation freinerait l'industrialisation des pays du CELAC, leurs secteurs industriels nationaux ne pouvant résister à la concurrence des importations de produits chinois moins chers que les produits locaux 271 ( * ) .

Le rapport de la Commission économique pour l'Amérique latine et les Caraïbes de 2012 montrait que dans la majorité des pays sud-américains, 80% des exportations vers la Chine étaient composées de cinq produits, tous étant des matières premières 272 ( * ) (soja, pétrole, minerais, etc.). Aucune évolution notable ne paraît rendre caduques les conclusions de ce rapport.

La collaboration économique entre le CELAC et la Chine aurait également pour corollaire indirect :

- de freiner l'intégration économique et commerciale régionale, facteur d'une croissance plus forte et créatrice d'emplois 273 ( * ) .

- de ralentir la constitution d'institutions supranationales favorisant ainsi à la « désintégration régionale » 274 ( * ) .

Les investissements chinois ne se limitent toutefois pas au secteur des matières premières, mais se déploient également dans des projets d'infrastructures et des voies de communication, rattachés à la politique chinoise des nouvelles routes de la soie. Mais ces projets ont essentiellement pour finalité de permettre l'exploitation et le transfert vers le marché chinois des matières premières. Dans un premier temps, la Chine s'est intéressée aux produits agroalimentaires du Brésil et de l'Argentine, ensuite elle a diversifié ses collaborations par des partenariats avec d'autres pays de la région comme l'Équateur 275 ( * ) ou plusieurs projets dans le domaine énergétique ont été lancés.

Les pays du CELAC pensait desserrer l'emprise des États-Unis en développant des partenariats économiques et commerciaux avec la Chine, mais c'est une emprise chinoise, voire une tutelle chinoise 276 ( * ) qui s'esquisse selon certains commentateurs Si la région est moins dépendante des États-Unis, elle l'est toujours du modèle économique asymétrique en place.

En 2020, pendant la pandémie mondiale, les rapports entre l'Amérique latine et la Chine ont continué à se développer. Alors que la situation sanitaire empirait dans certains pays notamment au Pérou, au Brésil et en Équateur, la Chine est venue apporter son aide 277 ( * ) , largement médiatisée, au continent sud-américain en manque de moyens de vaccination (c'est-à-dire manquant de moyens financiers pour acheter des vaccins dans un marché de grande pénurie de vaccins). Ainsi, dans la grande majorité des pays du continent sud-américain, les vaccins utilisés pour lutter contre la pandémie sont chinois, sans qu'il soit possible de distinguer les dons des ventes.

Certes, la pandémie a eu un effet négatif sur l'image de la Chine sur la région durement touchée par le coronavirus : selon un sondage réalisé par Francisco Urdinez, spécialiste de la Chine à l'Université catholique du Chili la Chine était vue comme responsable de la pandémie. Mais la diplomatie des vaccins serait parvenue à reconquérir l'opinion sud-américaine selon un nouveau sondage effectuée quelques mois plus tard. Cette diplomatie des vaccins pourrait ainsi valoir à la Chine de nouvelles opportunités politiques et économiques en Amérique latine.

ANNEXE 4 -
APERÇU DE LA POLITIQUE CHINOISE
SUR LE CONTINENT AFRICAIN

En 1955, lors du premier sommet afro-asiatique de Bandung 278 ( * ) l'ancien premier ministre chinois, alors en poste, Zhou Enlai, rencontra les dirigeants africains de la Libye, de l'Égypte, du Ghana, du Libéria et du Soudan. Au fil du temps, la présence chinoise sur le continent africain s'est renforcée, au point d'être parfois qualifiée d'étouffante 279 ( * ) . L'Afrique est de fait une zone où l'influence chinoise est en pleine ascension 280 ( * ) , comme en témoigne l'inauguration du Forum Chine-Afrique 281 ( * ) en 2000 qui en est depuis à sa huitième édition.

Ce Forum a permis, en septembre 2018, à la Chine, de regrouper 53 leaders africains et de leur annoncer sa volonté de continuer à soutenir l'Afrique par des investissements considérables 282 ( * ) . Ce sont 60 milliards de dollars que la Chine a annoncé vouloir débloquer et investir pour le développement économique africain dont 15 milliards seront consacrés à des programmes d'« aide gratuite et de prêts sans intérêts » 283 ( * ) . Ces investissements conséquents de la Chine sur le continent africain en ont fait le premier partenaire commercial de l'Afrique.

La politique chinoise mise en place s'est concrétisée par des projets très importants dans plusieurs secteurs et dans plusieurs pays africains. Le tableau 284 ( * ) suivant précise les montants des IDE chinois investis en Afrique entre 2003 et 2018, selon le ministère du commerce de la République populaire de Chine.

Source : ministère du commerce de la République populaire de Chine

Les forums de coopération sino-africaine sont l'occasion de signatures d'accord avec les pays africains. En 2015, à l'occasion de la 6ème Conférence ministérielle du Forum, sont annoncés « dix programmes majeurs de coopération » 285 ( * ) dans différents domaines tels que l'agriculture, l'industrie, le développement vert, les infrastructures, le service financier, la réduction de la pauvreté, l'amélioration du bien-être et de la population, les échanges entre les peuples, la santé publique, la facilitation du commerce et des investissements, la paix et la sécurité. Ces « dix programmes de coopération » ont été enrichis lors de la 7 ème conférence ministérielle du forum sur la coopération sino-africaine en 2018 avec la mise en oeuvre de « huit initiatives majeures » 286 ( * ) : l'initiative pour l'interconnexion des infrastructures, l'initiative pour la promotion industrielle, l'initiative pour le développement vert, l'initiative pour la facilitation du commerce, l'initiative pour la santé, l'initiative pour le renforcement des capacités, l'initiative pour les échanges humains et culturels, et l'initiative pour la paix et la sécurité.

Ces initiatives ont trouvé des développements concrets, favorisant la croissance des pays africains en reliant, notamment, les différentes capitales africaines : voies ferrées, autoroutes, liaisons aériennes, etc. Ce sont ainsi plus de 6 000 km de voies ferrées qui ont été aménagées dans plusieurs pays d'Afrique centrale et orientale, notamment l'Angola, le Nigéria, l'Éthiopie, le Soudan et le Kenya. Parmi les réalisations chinoises en Afrique, on retrouve :

- la ligne ferroviaire entre Nairobi et le port de Mombasa au Kenya pour 4 milliards de dollars 287 ( * ) ,

- un boulevard périphérique autour d'Addis-Abeba pour 320 millions de dollars, 288 ( * )

- une ligne ferroviaire entre Addis-Abeba et le port balnéaire de Doraleh à Djibouti d'un coût estimé à 3 milliards de dollars 289 ( * ) ,

- ou une route entre Port-Gentil et Libreville, au Gabon pour 600 millions de dollars 290 ( * ) .

La Chine développe également son implantation dans le domaine de la 5G en Afrique. Les opérateurs mobiles africains, par exemple en Afrique du Sud, ont développé des partenariats avec Huawei 291 ( * ) . Certaines applications chinoises, notamment « Tik Tok » 292 ( * ) , connaissent un franc succès en Afrique.

Le développement de ces infrastructures s'accompagne d'une coopération, largement médiatisée par la Chine, visant à l'autosuffisance alimentaire africaine 293 ( * ) et d'un plan de relance « vert », dont l'objectif est de promouvoir un développement économique plus soucieux des questions environnementales 294 ( * ) en Afrique. En 2018, lors du Forum sur la Coopération sino-africaine, plusieurs projets de protection de l'environnement ont été proposés et prévoient notamment la production d'électricité dans 24 pays d'Afrique subsaharienne. Dans le domaine de l'autosuffisance alimentaire africaine, la Chine communique largement sur les moyens qu'elle déploie en faveur de cet objectif, à travers :

- le Programme Alimentaire Mondial (PAM) en partenariat avec les Nations Unies, qui a pour but de venir en aide à des pays tels que le Zimbabwe, le Mozambique et la Namibie 295 ( * ) .

- la mise en place d'un fond de 50 millions de dollars afin de favoriser l'accès de certains pays africains à l'alimentation et à l'agriculture 296 ( * ) .

- ou encore la construction de 24 centres de démonstration 297 ( * ) de technologies agricoles sur le continent africain dans le but de former des agriculteurs locaux. Ainsi, au Mozambique 3 000 agriculteurs ont été formés aux modèles chinois de cultures utiles telles que le coton, le riz et le maïs.

Ce dynamisme des relations sino-africaines pose toutefois la question, soulevée par le Fonds monétaire international (FMI), la Banque mondiale et certaines ONG, du retour du surendettement des pays africains. L'endettement des pays africains les plus pauvres est passé d'un ratio de 30 % du PIB en 2013 à un ratio de 50 % en 2017 298 ( * ) . Un rapport du FMI indique que 40 % des pays concernés par le surendettement sont africains 299 ( * ) .

Les pratiques chinoises de prêt ne se conforment ni aux canons du Comité d'aide au développement de l'OCDE, ni à ceux du Club de Paris. Selon l'OCDE 300 ( * ) , 43% des financements chinois sont définis comme étant des aides à l'Afrique, le reste des « investissements chinois » constituent en fait des prêts commerciaux en général accordés sur 16 ans. Les pays africains concernés doivent donc rembourser la dette contractée auprès de la Chine plus rapidement que qu'ils ne rembourseraient un prêt accordé par la Banque Mondiale, dont la durée est rarement inférieure à 38 ans. Certains des prêts chinois sont, de plus, adossés au transfert de propriété d'infrastructures ou de ressources à la Chine en cas de non remboursement. Dans le cas du projet de chemin de fer financé par Pékin au Kenya pour relier la capitale au port, la Chine prendrait ainsi le contrôle du port de Mombasa 301 ( * ) si le gouvernement kenyan n'arrivait pas à rembourser les emprunts contractés.

La mise en place, en 2018, en Côte d'Ivoire, d'un comité de suivi des financements chinois, dont le rôle consiste à ausculter la conduite d'une quinzaine de projets financés par la Chine. 302 ( * ) , au sein d'un comité composé d'experts chinois et ivoiriens, témoigne soit d'une certaine prudence qui commence à se faire jour, soit d'un habillage rassurant. La prudence n'éteint toutefois pas l'enthousiasme, notamment des forces économiques africaines, qui trouvent avec les investissements chinois des raisons d'espérer enfin un développement économique du continent. Les conditions léonines chinoises, ramenées à l'histoire du continent, ne suffisent pas, à leurs yeux, à disqualifier la politique chinoise menée en Afrique.

Si les médias relayant la communication chinoise font état de la poursuite de la coopération économique entre l'Afrique et la Chine durant la pandémie, 303 ( * ) on constate tout de même une baisse du volume des échanges commerciaux entre les deux parties : soit un total de 180 milliards de dollars en 2020 pour 208 milliards de dollars en 2019. .La Chine demeure toutefois la première partenaire économique de l'Afrique sur les 12 dernières années 304 ( * ) .

Dans le cadre de sa diplomatie des masques et des vaccins, la Chine a largement médiatisé son soutien à l'Afrique durant la pandémie. Elle a envoyé des experts médicaux dans plusieurs pays africains puis mis en place une politique de distribution (et/ou de ventes) de masques puis de vaccins chinois 305 ( * ) . La Chine aurait envoyé gratuitement ou à bas coût, des milliers de doses de vaccins 306 ( * ) au Maroc, au Sénégal, en Guinée Équatoriale, etc., se posant en sauveur face à un occident oublieux du continent africain.


* 1 Deuxième Lettre.

* 2 Rapport d'information n° 520 (2017-2018) du 30 mai 2018 de Pascal Allizard et Gisèle Jourda. MM. Edouard Courtial et Jean-Noël Guérini étaient également membres du groupe de travail.

* 3 Les rapporteurs se sont déplacés à Pékin, Changchun, Hong-Kong, puis Islamabad et Karachi en décembre 2017, et ont mené plusieurs dizaines d'auditions de décembre 2017 à mai 2018.

* 4 Qui se souvient du projet de « made in china » ou « chinatown » à Châteauroux en 2010 ? De l'achat de l'aéroport de Toulouse par la société chinoise Casil en 2015 ? Les investissements chinois réalisés en Lorraine en 2011 semblent en net recul. Ainsi, Smart, Baccarat ou Saint-Gobain, fleurons industriels passés sous contrôle chinois, subissent pour le premier la délocalisation de sa production, pour les autres, un manque patent d'investissements.

* 5 Au sens géographique du terme.

* 6 La « Go Out policy », ou politique de la porte ouverte, est une stratégie adoptée en 1999 par les autorités chinoises encourageant les entreprises locales à investir à l'international. La hausse des investissements à l'étranger a été poussée par, d'une part, l'accumulation importante des réserves de devises étrangères faisant pression sur le Renminbi (les autorités chinoises ont alors cherché à utiliser ses réserves de change en acquérant des actifs à l'étranger), d'autre part, une volonté de doter les entreprises chinoises d'une expérience internationale afin de pouvoir concurrencer les entreprises étrangères entrant sur le territoire chinois et, enfin, par les engagements pris lors de l'accession à l'OMC. La State-Owned Asset Supervision Administration Commission (SASAC) a notamment été créée dans ce cadre, en 2003, afin de superviser les SOEs les plus importantes et de soutenir leurs prises de participation à l'étranger . Extrait de la note publiée sur le site du Trésor public « Investissements chinois dans le monde : perte de vitesse depuis deux ans, recentrage vers l'ASEAN et les pays des routes de la soie » publié le 30 octobre 2020, à l'adresse suivante : https://www.tresor.economie.gouv.fr/PagesInternationales/Pages/08475541-476e-4b85-b1de-7cf49ddd0be3/files/d96d0435-ae69-45c6-b3b1-8caa5889df1d

* 7 Ibidem.

* 8 Il s'agit là des investissements recensés en tenant compte du pays d'origine de la maison-mère et non l'origine directe des investissements, souvent réalisés depuis des filiales installées dans des pays tiers.

* 9 Selon la note publiée sur le site du Trésor public « Investissements chinois dans le monde : perte de vitesse depuis deux ans, recentrage vers l'ASEAN et les pays des routes de la soie » publié le 30 octobre 2020, à l'adresse suivante : https://www.tresor.economie.gouv.fr/PagesInternationales/

Pages/08475541-476e-4b85-b1de-7cf49ddd0be3/files/d96d0435-ae69-45c6-b3b1-8caa5889df1d

* 10 Ibidem : « Les réserves de changes ont diminué de 23,6% (à 3 052 Mds USD) entre juin 2014 et novembre 2016. La valeur des payements internationaux en Yuan a chuté de 29,5% en 2016 d'après SWIFT. ».

* 11 Ibid. : Les investissements dans les secteurs du divertissement et du tourisme ont chuté, passant de 64,4 Md$ entre 2015 et 2017 à 30,7 Md$ entre 2017 et 2019.

* 12 Ibid.

* 13 Soit 36 % des IDE chinois.

* 14 Soit 18 % des IDE chinois.

* 15 La plate-forme numérique Upply, filiale du groupe Geodis, compte depuis octobre 2019 une place de marché dédié au transport routier de marchandises.

* 16 China Merchants détient des parts dans 4 ports en France, 1 en Belgique, 1 en Grèce et 1 à Malte, et Cosco dans 2 ports en Espagne, 2 en Belgique, 1 en Grèce, 1 en Italie et 1 aux Pays-Bas.

* 17 Article « Quelles leçons tirer des investissements chinois dans les ports européens ? » de Ganyi Zhang publiée le 7 mai 2019 sur le site Upply Analyses & Tendances à l'adresse suivante : https://market-insights.upply.com/fr/quelles-lecons-tirer-des-investissements-chinois-dans-les-ports-europeens

* 18 Seul en lice après le retrait de la procédure des candidats danois et philippin en 2015.

* 19 « Vent de fronde antichinois au port du Pirée » de Marina Rafenberg, publié le 11 mars 2021 sur le site du Monde à l'adresse suivante : https://www.lemonde.fr/economie/article/2021/03/11/vent-de-fronde-antichinois-au-port-du-piree_6072729_3234.html et « Grèce : cinq ans après sa privatisation, où en est le port du Pirée ? » publié le 26 avril 2021 sur le site de France info à l'adresse suivante : https://www.francetvinfo.fr/monde/chine/grece-cinq-ans-apres-sa-privatisation-ou-en-est-le-port-du-piree_4387459.html

* 20 « European seaports and Chinese strategic influence the relevance of the Maritime Silk Road for the Netherlands » par Frans-Paul van der Putten, https://www.clingendael.org/sites/default/files/2019-12/Report_European_ports_and_Chinese_influence_December_2019.pdf.

* 21 Cité dans l'article « L'inquiétante influence chinoise dans les ports du nord de l'Europe » par Claude Fouquet, publié le 26 décembre 2019 sur le site des Échos à l'adresse suivante : https://www.lesechos.fr/monde/enjeux-internationaux/linquietante-influence-chinoise-dans-les-ports-du-nord-de-leurope-1159009

* 22 La politique communautaire du RTE-T qui vise à compléter d'ici 2030 le réseau central (Core Network) structuré autour des 9 corridors multimodaux, de manière efficace, durable et performante, en vue de permettre la décarbonation de tous les modes de transport. D'ici à 2050 c'est le réseau global (Comprehensive Network) qui doit être finalisé afin de faciliter l'accessibilité à toutes les régions européennes.

* 23 La compagnie CNOOC a acquis Nexen UK en 2013 devenue désormais CNOOC Petroleum Limited. Elle est également principal actionnaire à hauteur de 43 % de Buzzard, l'un des principaux gisements de pétrole en mer du Nord. L'éolien offshore britannique a également fait l'objet d'investissements chinois.

* 24 « Les investissements chinois en Europe dans le secteur des énergies renouvelables : quelle stratégie ? Doit-on s'en inquiéter ? » par Sylvie Matelly publié dans Diplomatie n° 97, Aerion Group, mars-avril 2019 et à l'adresse suivante : https://www.areion24.news/2020/04/27/les-investissements-chinois-en-europe-dans-le-secteur-des-energies-renouvelables-quelle-strategie-doit-on-sen-inquieter/

* 25 Ibid.

* 26 Elles correspondent à des tensions de 600 kV pour des lignes en courant continu (DC) et plus de 1000 kV pour les lignes en courant alternatif (AC).

* 27 Mastère OSE (Optimisation des Systèmes Energétiques) « Les projets chinois de lignes électriques à ultra haute tension », de Côme Gendron et Abdelhamid Ahajjam, du 7 janvier 2020.

* 28 Source : « Les investissements chinois, russes et américains dans le secteur énergétique européen » de Catherine Locatelli, Manfred Hafner, Sylvie Matelly, Jean-Jacques Nieuvaert et Samuel Carcanague, Rapport de janvier 2020 de l'observatoire de la sécurité des flux et des matières énergétiques.

* 29 Ibid.

* 30 Ardelean, M. and Minnebo, P., A China-EU electricity transmission link: Assessment of potential connecting countries and routes, EUR 29098 EN, Publications Office of the European Union, Luxembourg, 2017, ISBN 978-92-79-79358-5, doi:10.2760/67516, JRC110333.

* 31 D'un montant estimé à 930 millions d'euros, ce projet, lancé en 2011, est reconnu comme Projet d'Intérêt Commun (PIC) par l'Union Européenne.

* 32 Propriétaire notamment des skis Salomon, Atomic et de la marque Wilson.

* 33 Citée dans « Les investissements chinois en Europe au plus bas depuis dix ans » de Frédéric Schaeffer, publié le 21 juin 2021 sur le site des Échos à l'adresse suivante : https://www.lesechos.fr/monde/chine/les-investissements-chinois-en-europe-au-plus-bas-depuis-dix-ans-1325383

* 34 Sandro, De Fursac, etc.

* 35 CGIT calcule le stock d'IDE chinois en milliards de dollars et entre 2006 et 2019 soit 24,8 milliards, alors que le groupe Rhodium l'évalue entre 2000 et 2019 en milliards d'euros soit 14,4, équivalant à 16,8 milliards de dollars. Un écart de 8 milliards de dollars sur une période de référence plus courte de six ans montre bien la difficulté qui existe à tenter de recenser les investissements étrangers en France.

* 36 À l'occasion du Forum des affaires Chine-Europe centrale et orientale qui se tenait à Varsovie.

* 37 Lors du Sommet du format tenu à Riga en 2016, il était prévu que la Slovaquie accueille le Centre de Transfert de Technologie Chine-Europe centrale et orientale, la Roumanie le Centre Chine-Europe centrale et orientale pour le dialogue et la coopération en matière de projets énergétiques, la Pologne le Centre européen de transbordement de la Nouvelle Route de la soie, la République de Macédoine du Nord le Centre Chine-Europe centrale et orientale de coordination de la coopération culturelle, la Slovénie le Centre Chine-Europe centrale et orientale pour la coopération forestière.

* 38 « La Grèce est-elle en train de devenir une colonie chinoise ? » d'Alexandros Kottis, publié le 2 janvier 2020 sur le site Slate à l'adresse suivante : http://www.slate.fr/story/185789/la-grece-est-elle-en-train-de-devenir-une-colonie-chinoise

* 39 Voir l'article « Xi Jinping à Athènes : pourquoi la Chine continue à cajoler la Grèce » de Sébastian Seibt, publié le 12 novembre 2019 sur le site de France 24 à l'adresse suivante : https://www.france24.com/fr/20191112-xi-jinping-grece-chine-investissement-europe-piree-histoire.

* 40 Aussi connu comme l'Initiative des mers Baltique, Adriatique et de la mer Noire (IMBAMN).

* 41 « Un fait nouveau est toutefois à souligner : lors de ce forum économique, la participation éventuelle de la Russie à la coopération entre la Chine et les 16 pays d'Europe Centrale a été évoquée. En effet, étant donné que la nouvelle route de la soie passerait par la Russie, une formule de coopération à « 17+1 » ou à « 16+1+1 » a donc été débattue. », « Le sommet du Format « 16+1 » à Riga : vers une institutionnalisation renforcée et une plus grande diversification de la coopération entre la Chine et les seize pays d'Europe centrale et orientale » par Richard Dorota, publié le 24 février 2017 sur le site de l'IRIS à l'adresse suivante : https://www.iris-france.org/89551-le-sommet-du-format-161-a-riga-vers-une-institutionnalisation-renforcee-et-une-plus-grande-diversification-de-la-cooperation-entre-la-chine-et-les-seize-pays-deurope-centrale/

* 42 Richard Dorota, « Europe centrale : l'Initiative des Trois mers » , Politique étrangère , 2018/2 (Été), p. 103-115. DOI : 10.3917/pe.182.0103. URL : https://www.cairn.info/revue-politique-etrangere-2018-2-page-103.html

* 43 Lors du sommet de l'ITM de 2017, cet équipement « aurait pour fin l'indépendance énergétique de la région (...) les entreprises polonaises et croates ont signé des accords pour sa réalisation ; les travaux devraient être achevés en 2020-2022 » .

* 44 « La tension entre la Chine et la Lituanie s'intensifie », publié le 26 août 2021 sur le site Chine Magazine à l'adresse suivante : https://www.chine-magazine.com/la-tension-entre-la-chine-et-la-lituanie-sintensifie/

* 45 « La Chine et les Balkans occidentaux : un ancrage à la périphérie de l'UE » , par Xavier Richet publié le 29 avril 2020, sur le site The conversation à l'adresse suivante : https://theconversation.com/la-chine-et-les-balkans-occidentaux-un-ancrage-a-la-peripherie-de-lue-137039

* 46 Voir notamment le rapport intitulé « China at the gates : a new power audit of EU-China Relations », de François Godement et Abigaël Vasselier, ECFR, 2017.

* 47 Ces chiffres sont extraits de l'article intitulé « Les nouvelles routes de la soie passent aussi par l'Europe de l'est » par Jean-Christian Cady, publié le 29 novembre 2017 sur le site institut-du-pacifique.org.

* 48 « La Hongrie, tête de pont de la Chine en Europe » par Jean-Baptiste Chastand, publié le 22 janvier 2001 sur le site du Monde à l'adresse suivante : https://www.lemonde.fr/

international/article/2021/01/22/la-hongrie-tete-de-pont-de-la-chine-en-europe_6067195_3210.html

* 49 Cainiao Logistics .

* 50 « La Hongrie, cheval de Troie de la Chine en Europe » par Pierre Haski, publié le 30 avril 2021 sur le site du Point à l'adresse suivante : https://www.nouvelobs.com/monde/20210430.OBS43464/la-hongrie-cheval-de-troie-de-la-chine-en-europe.html

* 51 « Hongrie : la tentation chinoise de Viktor Orban » par Jean-Baptiste Chastand, publié le 14 juin 2021 sur le site du Monde à l'adresse suivante : https://www.lemonde.fr/idees/article/2021/06/14/hongrie-la-tentation-chinoise-de-viktor-orban_6084026_3232.html

* 52 Ibid ; « Nous devons éviter la réémergence de politiques de guerre froide. Nous avons besoin de coopération, pas de boycotts, de sanctions, de sermons et de leçons », a justifié M. Orban dans un de ces communiqués où il défend mordicus son droit de veto.

* 53 « Le positionnement stratégique des états des Balkans occidentaux face aux puissances extérieures » du Dr Ardijan Sainovic, postdoctorant à l'Irsem, paru en juillet 2020 sur le site de l'Irsem à l'adresse suivante : https://www.irsem.fr/

data/files/irsem/documents/document/file/3269/NR_IRSEM_n103_2020.pdf

* 54 « La Serbie, sas d'entrée vers l'Europe pour Pékin » par Jean-Baptiste Chastand, publié le 19 mars 2021 sur le site du Monde à l'adresse suivante : https://www.lemonde.fr/international/

article/2021/03/19/la-serbie-sas-d-entree-vers-l-europe-pour-pekin_6073757_3210.html

* 55 Ibid.

* 56 Ou politique des nouvelles routes de la soie.

* 57 Document d'analyse n° 03/2020 « La réponse de l'UE à la stratégie d'investissement étatique de la Chine » , Cour des comptes européenne, 10 septembre 2020, Mme Annemie Turtelboom, Membre de la Cour des comptes européenne, responsable du document d'analyse, à l'adresse suivante :

https://www.eca.europa.eu/Lists/ECADocuments/RW20_03/RW_EU_response_to_China_FR.pdf

* 58 Étude de Paul Charon et Jean-Baptiste Jeangène Vilmer, citée dans l'article « La Chine durcit sa guerre d'influence à l'échelle planétaire » de Nathalie Guibert et Brice Pedroletti, parue le 3 septembre 2021 sur le site du Monde, à l'adresse suivante https://www.lemonde.fr/international/article/2021/09/03/la-chine-durcit-sa-guerre-d-influence-a-l-echelle-planetaire_6093206_3210.html.

* 59 Document d'analyse n° 03/2020 « La réponse de l'UE à la stratégie d'investissement étatique de la Chine » , précité.

* 60 « Endettement. Monténégro, le pays qui s'est hypothéqué à la Chine » par Milos Vukovic, publié le 31 mai 2021 sur le site de courrier international à l'adresse suivante : https://www.courrierinternational.com/article/endettement-montenegro-le-pays-qui-sest-hypotheque-la-chine

* 61 « Pourquoi la Chine achète-t-elle compulsivement les ports d'Europe? » par Keith Johnson publié le 8 février 2018 sur le site Slate à l'adresse suivante : http://www.slate.fr/story/157396/chine-ports-europe

* 62 « La Chine, bulldozer de la croissance mondiale » , par Frédéric Lemaître, publié le 12 janvier 2021 sur le site du Monde à l'adresse suivante : https://www.lemonde.fr/economie/article/2021/01/12/la-chine-bulldozer-de-la-croissance-mondiale_6065927_3234.html « Autoroutes, voies ferrées et tours d'habitations sont au coeur du désenclavement de l'ouest du pays et jouent un rôle majeur dans les programmes de lutte contre la grande pauvreté rurale. Avec succès. Depuis une dizaine d'années, les disparités entre les régions diminuent, constate la Banque mondiale dans son rapport sur la Chine, intitulé « From Recovery to Rebalancing » (« De la reprise au rééquilibrage ») et paru en décembre 2020 ».

* 63 En mai 2020, le premier ministre avait annoncé que 600 millions de Chinois vivaient avec moins de 1 000 yuans (126 euros) par mois. Le magazine américain Forbes a indiqué que les 400 Chinois les plus riches ont vu, en 2020, leur fortune croître de 64 %, pour atteindre 2 100 milliards de dollars.

* 64 « La Chine, bulldozer de la croissance mondiale » , précité, « Deux organismes indépendants, le Centre pour la recherche sur l'économie et les affaires (CEBR), sis à Londres, et le Centre japonais pour la recherche économique (JCER), sont parvenus à la même conclusion : le PIB de la Chine rattrapera celui des Etats-Unis dès 2028 ou éventuellement 2029 (...) ».

* 65 Signés par la Chine entre 1839 et 1864.

* 66 Ainsi, dès 2015, lors de la célébration du 70 e anniversaire de la victoire de la Chine sur le Japon, Xi Jinping estimait que cette victoire avait permis de « refaire de la Chine un grand pays dans le monde ».

* 67 « Quand on parle de la République populaire de Chine, on a en tête un État, un gouvernement... C'est en fait le parti qui décide de tout en dernier ressort : il faut parler d'un parti-État. L'État c'est le parti. Parmi les piliers sur lesquels repose l'État chinois, vous avez le Parti communiste, le gouvernement et l'armée. Mais le gouvernement et l'armée sont soumis à l'autorité du parti. La personne qui décide en dernier ressort sera toujours le représentant du parti. » Citation de Thierry Kellner, docteur en relations internationales (IHEID), maître de conférences au Département de science politique de l'Université libre de Bruxelles, extraite de « Le parti communiste chinois a 100 ans : est-il devenu ivre de sa réussite économique ? » par Daniel Fontaine, publié le jeudi 01 juillet 2021 sur le site de la RTBF à l'adresse suivante : https://www.rtbf.be/info/monde/detail_le-parti-communiste-chinois-a-100-ans-est-il-devenu-ivre-de-sa-reussite-economique?id=10796300

* 68 Ramsès 2019, Rapport annuel mondial sur le système économique et les stratégies, sous la direction de Thierry de Montbrial et Dominique David, publié par Dunod pour l'Institut français des relations internationales, « Chine : une puissance pour le XXIe siècle » d'Alice Ekman.

* 69 « Débloquer des fonds pour financer le programme de développement durable à l'horizon 2030 » par David Lipton, directeur général par intérim du FMI, intervention prononcée aux Nations Unies, à New York, le 26 septembre 2019 et à l'adresse suivante : https://www.imf.org/fr/News/Articles/2019/09/26/sp092619-moving-the-money-to-finance-the-2030-agenda-for-sustainable-development

* 70 « La Chine relève ses ambitions économiques » par Stéphane Monier publié le 8 décembre 2020 sur le site d'Economie matin à l'adresse suivante : http://www.economiematin.fr/news-chine-ambition-economie-pib-croissance-ecologie-monier

* 71 En 2019, le taux de natalité s'est établi à 10,48 naissances pour 1 000 habitants, selon le Bureau national des statistiques (BNS) (contre 12,50 pour la France). Le nombre de naissances chute en Chine depuis déjà trois années consécutives. Si la population totale chinoise a dépassé, pour la première fois, en 2019, 1,4 milliard de personnes (soit une augmentation annuelle de 4,67 millions), la population active a quant à elle poursuivi son déclin.

* 72 Liant les gens à leur ville natale, ce système est un frein pour les travailleurs migrants d'accéder à l'éducation, aux soins de santé et à d'autres services sociaux. Le nouveau plan quinquennal vise à abolir ou à assouplir ces restrictions dans les villes petites et moyennes et à introduire un système à points dans les grandes villes.

* 73 Cette augmentation était de 8,1 % en 2018. Son rythme avait ralenti jusqu'à atteindre une croissance de 6,6 % en 2020, avant de repartir à la hausse, soit 6,8 % en 2021.

* 74 Selon l'Institut international de recherche sur la paix de Stockholm (Sipri), les États-Unis étaient loin devant (732 milliards de dollars) en termes de dépenses militaires en 2019, devant la Chine (261), l'Inde (71), la Russie (65), l'Arabie saoudite (62) et la France (50).

* 75 « Les prises de position de la Chine face aux institutions internationales de gouvernance économique sont éclairantes à cet égard. Alors que la Chine se montre favorable à l'Organisation Mondiale du Commerce et au soutien de l'ordre multilatéral (dont elle a été, à vrai dire, la principale bénéficiaire), elle est en revanche plus encline à soutenir une remise en question des institutions de Bretton-Woods, que ce soit à travers une réforme de leur gouvernance interne ou, de manière plus radicale, en tentant de doubler leur action grâce à la création de structures alternatives comme le Fonds des BRICS, la Banque de Développement des BRICS ou encore la Banque Asiatique d'Investissement dans les Infrastructures. », extrait de « La Chine: une puissance qui peine à s'assumer », Ifri-OCP Policy Center Roundtables-SESSION I, par Françoise Nicolas, publié en décembre 2014 à l'adresse suivante : https://www.ifri.org/sites/default/files/atoms/files

/fiche_pays_chine_pol_2.pdf

* 76 Résolution sur l'Afghanistan et ses conséquences pour la paix et la sécurité internationales et prorogeant le mandat de la mission d'assistance des Nations unies en Afghanistan (MANUA) (S/2017/189). Texte du projet de résolution (S/2017/222).

* 77 Cité par le site de l'ambassade de Chine en France.

* 78 Conférence de presse du 20 mars 2017 tenue par la porte-parole du Ministère des Affaires étrangères Hua Chunying, publiée sur le site de l'ambassade de Chine en France, le 20 mars 2017.

* 79 Lors d'un débat auquel ont notamment pris part le Secrétaire général de l'ONU, Antonio Guterres, et sept ministres des affaires étrangères.

* 80 Sous la présidence du Kazakhstan pour le mois de janvier.

* 81 Citation extraite du site des Nations unies https://www.un.org/press/fr/2018/cs13170.doc.htm

* 82 « China's influence on the global human rights system » de Sophie Richardson publié en septembre 2020 à l'adresse suivante : https://www.brookings.edu/wp-content/uploads/2020/09/

FP_20200914_china_human_rights_richardson.pdf

* 83 Qui a connu un certain nombre de difficultés en matière de sécurité sanitaire des aliments. Le scandale du lait infantile contaminé ayant entraîné la mort de nourrissons en 2008 a marqué le début d'une période de défiance envers les produits alimentaires chinois.

* 84 Alipay compte plus de 300 millions de portefeuilles électroniques hors de Chine.

* 85 Depuis 2019, il est obligatoire, pour obtenir une ligne de téléphone portable, de se soumettre à une reconnaissance faciale.

* 86 « Chine, puissance normative » , tribune par Sébastien Abis, publiée le 10 juin 2020 sur le site de l'IRIS à l'adresse suivante : https://www.iris-france.org/147704-chine-puissance-normative/

* 87 Dagong s'était distingué en 2010 en attribuant une note inférieure au fameux «AAA» à la France, à l'Allemagne et aux Etats-Unis.

* 88 Elle reprend et conforte un ensemble de dispositifs juridiques qui étaient jusqu'ici qualifiés de peu lisibles et difficilement opposables.

* 89 L'usage de l'expression « loup combattant » (Zhang Lang en chinois) est tiré d'un film d'action produit en Chine en 2015, relatant la lutte d'une unité mythique des forces spéciales de l'Armée populaire de libération, appelée « loup combattant », contre un baron de la drogue protégé par des mercenaires étrangers dirigés par un ancien militaire américain.

* 90 La Corée du Sud et Taïwan notamment ont été salués pour leur gestion efficace de la pandémie.

* 91 « Diplomatie chinoise : de l' 'esprit combattant' au `loup guerrier' », écrit par Marc Julienne et Sophie Hanck, issu du numéro de printemps 2021 de Politique étrangère (n° 1/2021), publié à l'adresse suivante : http://politique-etrangere.com/2021/03/05/diplomatie-chinoise-de-lesprit-combattant-au-loup-guerrier/

* 92 Voir le rapport « L'Inde, un partenaire stratégique », Rapport d'information n° 584 (2019-2020) de MM. Ladislas PONIATOWSKI, co-président, Rachid TEMAL, co-président, Hugues SAURY, Olivier CIGOLOTTI et Joël GUERRIAU, fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, déposé le 1 er juillet 2020.

* 93 Corrélée à un montant des retraits de fonds anticipés en raison d'un départ permanent qui a atteint un niveau record de 6,6 milliards de dollars hongkongais (720 millions d'euros) en 2020, soit une hausse de 27 % par rapport à l'année précédente.

* 94 « Hong Kong experiences `alarming' population drop, but government says not all 90,000 leaving city because of national security law » par Chan Ho-him, publié le 12 août 2021 sur le site du South China Morning Post à l'adresse suivante : https://www.scmp.com/news/hong-kong/society

/article/3144845/hong-kongs-experiences-alarming-population-drop-government

* 95 Selon les termes employés par le ministre de l'Europe et des affaires étrangères en réponse à une question écrite, Assemblée nationale, publiée le 29 juin 2021.

* 96 L'ambassadeur a été de nouveau convoqué au Quai d'Orsay, le ministère français des affaires étrangères a dénoncé les « propos inacceptables » de l'ambassade de Chine, indiquant que « En France, le respect des principes et libertés fondamentales est une exigence qui s'applique à tous : liberté académique et de la recherche, libertés individuelles, respect de la séparation des pouvoirs et des principes constitutionnels de la France. Les insultes contre des chercheurs indépendants et la polémique avec des élus de la République sont inadmissibles et n'ont aucune place dans les relations que l'ambassade de Chine est chargée de contribuer à développer entre la France et la Chine ». Le Quai d'Orsay a encore précisé que « l'insulte, l'invective, la menace contre des parlementaires, des chercheurs, des journalistes, cela pose des problèmes de fond qui ressortent de méthodes d'intimidation ». « En s'en prenant à des élus de la République, l'ambassadeur a personnellement méconnu le principe de séparation fondamentale des pouvoirs et est invité à l'observer désormais de la façon la plus stricte ». En procédant de la sorte, l'ambassadeur « constitue un obstacle à la volonté politique exprimée par les chefs de l'État des deux pays `de développer la relation bilatérale, ce qui pose un `problème extrêmement sérieux ».

* 97 « Diplomatie chinoise : de l' 'esprit combattant' au `loup guerrier' », précité.

* 98 Ibidem.

* 99 Selon l'expression utilisée par Alice Ekman, responsable de l'Asie à l'Institut d'études de sécurité de l'Union européenne (EUISS), à Paris et auteure de « Rouge vif, l'idéal communiste chinois » publié aux éditions de l'Observatoire. Voir notamment « Chine : l'émergence d'un pôle, Vers une puissance fédératrice ? », Ramsès 2020, sur le site de l'IFRI à l'adresse suivante : https://www.ifri.org/sites/default/files/atoms/files/ramses2020_bat_ekman.pdf

* 100 À la manière de l'American way of life qui s'est diffusé largement après la seconde guerre mondiale, au point de finir par incarner l'idéal de consommation teinté de liberté, galvaudé, mais partout recherché.

* 101 « Asia Focus #152 : Plaidoyer pour la formation des élites européennes ou comment l'Europe peut-elle se prémunir de l'ingérence chinoise ? » par Emmanuel Lincot et Emmanuel Véron, publié en décembre 2020, sur le site de l'IRIS, à l'adresse suivante : https://www.iris-france.org/wp-content/uploads/2020/12/Asia-Focus-152.pdf

* 102 Ibidem.

* 103 Ibid.

* 104 Le système du Front uni opère sous la supervision du « Petit Groupe de premier plan du front uni central », établi en 2015, et il est présidé par le quatrième membre du Comité permanent du Politburo. Sa plateforme la plus importante est la Conférence consultative politique du peuple chinois, alors que ses activités quotidiennes sont gérées par le Département du travail du Front uni, voir « Le Front uni : un aspect méconnu de la présence chinoise en Suisse » par Ralph Weber, professeur à l'Institute of European Global Studies de l'Université de Bâle, publié le 13 décembre 2020 dans la rubrique Opinions du site du Temps à l'adresse suivante : https://www.letemps.ch/opinions/front-uni-un-aspect-meconnu-presence-chinoise-suisse

* 105 Ibidem.

* 106 Ibid.

* 107 Cité dans l'article « Le soft power à la française » par Jean-Michel Frodon, publié le 9 février 2012 sur le site slate à l'adresse suivante : http://www.slate.fr/story/49553/FRANCE-cartes-soft-power-france

* 108 « Et je souhaite que nous puissions mutuellement davantage développer la présence et le rôle des Instituts Confucius et des écoles françaises et alliances françaises pour justement développer la place de nos langues, ainsi que toutes les initiatives que nous avons à prendre en matière d'échanges universitaires, de formations professionnelles et doctorales. » Transcription de la conférence de presse du Président de la République au Grand Palais en Chine (seul le prononcé fait foi) - 12 janvier 2018 sur le site de l'Élysée à l'adresse suivante : https://www.elysee.fr/emmanuel-macron/2018/01/12/transcription-de-la-conference-de-presse-du-president-de-la-republique-au-grand-palais-en-chine

* 109 Ces contrats comportaient par exemple l'interdiction d'appartenir au Falun Gong, courant spirituel d'inspiration bouddhiste, basé sur la pratique de la méditation, considéré comme une secte par les autorités chinoises et à ce titre durement réprimé en Chine.

* 110 « L'enquête a indiqué que le directeur de l'Institut Confucius était en contact avec deux membres de l'ambassade de Chine, à Bruxelles, à qui il rendait compte de son travail de recrutement d'agents d'influence prochinois. Ces relais de la parole de Pékin en Europe appartenaient, pour beaucoup, à la communauté chinoise vivant en Belgique. Mais on relevait aussi la présence d'Européens, étudiants ou enseignants, invités en Chine pour des voyages culturels. De retour en Belgique, ils recevaient des trop-perçus sur les remboursements de leurs frais de voyage avant d'être destinataires de cadeaux dispendieux et de devenir peu à peu tributaires. Des contrats de consulting étaient également signés avec des universitaires et des experts à des conditions très généreuses, faisant d'eux des obligés . ». Voir l'article « La Belgique se rebiffe face aux espions chinois » par Jacques Follorou, publié le 15 mai 2020 sur le site du Monde à l'adresse suivante : https://www.lemonde.fr/international/article/2020/05/15/la-belgique-se-rebiffe-face-aux-espions-chinois_6039744_3210.html

* 111 « Chine : vers la fin des Instituts Confucius en Europe ? » par Pierre-Antoine Donnet, publié le 29 juillet 2021, sur le site Asyalist à l'adresse suivante : https://asialyst.com/fr/2021/07/29/chine-vers-fin-instituts-confucius-europe/

* 112 « Les Européens cibles de la guerre des mots » par Cyrille Bret publié en septembre 2019 à l'adresse suivante : https://lelephant-larevue.fr/thematiques/politique-et-societe/les-europeens-cibles-de-la-guerre-des-mots/

* 113 « La réunification de la Chine et Taïwan "inévitable", selon Xi Jinping », publié le 2 janvier 2019 sur le site de France 24, à l'adresse suivante : https://www.france24.com/fr/20190102-reunification-chine-taiwan-xi-jinping-independance : « Xi Jinping a prévenu que Pékin "ne promet pas de renoncer à l'usage de la force et se réserve la possibilité d'utiliser tous les moyens nécessaires" pour empêcher l'indépendance de Taïwan. Il a précisé que cette déclaration visait les puissances étrangères qui cherchent à nuire à la souveraineté chinoise et la petite majorité de Taïwanais favorables à l'indépendance . »

* 114 L'énumération suivante est issue des informations recensées dans « Taïwan, cible numéro 1 et laboratoire de la désinformation chinoise », par Brice Pedroletti et Nathalie Guibert, publié le 3 septembre 2021 sur le site du Monde à l'adresse suivante : https://www.lemonde.fr/international/article/2021/09/03/taiwan-cible-numero-1-et-laboratoire-de-la-desinformation-chinoise_6093242_3210.html qui se fait l'écho de l'étude de l'Irsem précitée.

* 115 « L'expérience australienne des sanctions commerciales chinoises : une leçon pour l'Europe ? » par Antoine Bondaz, sur le site de la FRS, en avril 2021, n° 15 de la revue Défense et industrie, à l'adresse suivante : https://frstrategie.org/publications/defense-et-industries/experience-australienne-sanctions-commerciales-chinoises-une-lecon-pour-europe-2021

* 116 En novembre 2020, le Premier ministre australien Scott Morrison a demandé des excuses à la Chine pour une «image falsifiée» partagée par un compte Twitter officiel du gouvernement chinois (le porte-parole du ministère chinois des Affaires étrangères Zhao Lijian ayant contribué directement à la propagation de ce mensonge) montrant un soldat australien tenant le couteau à la gorge d'un enfant afghan. Voir « L'Australie demande à la Chine de s'excuser pour l'image trafiquée « répugnante et scandaleuse » d'un soldat assassinant un enfant » publié le 30 novembre 2020 sur le site FR24news, à l'adresse suivante : https://www.fr24news.com/fr/a/2020/11/laustralie-demande-a-la-chine-de-sexcuser-pour-limage-trafiquee-repugnante-et-scandaleuse-dun-soldat-assassinant-un-enfant.html

* 117 Les droits de douane chinois ont été relevés de 80 % sur les importations d'orge australiennes. Les exportations de vin australien, de boeuf en provenance de quatre entreprises australiennes, de langoustes, de bois vers la Chine ont été bloquées par la Chine. D'autres mesures de blocage des importations et de relèvement des droits de douane sont envisagées contre le cuivre et le sucre d'Australie.

* 118 Le minerai de fer est la principale exportation de l'Australie vers la Chine, avec un montant de plus de 80 millions de dollars, soit 49,8 milliards d'euros.

* 119 « L'expérience australienne des sanctions commerciales chinoises : une leçon pour l'Europe ? », précité.

* 120 Ibidem.

* 121 Ibid.

* 122 En mai 2014, l'agence de presse Xinhua She a rendu publique une première carte officielle de « la nouvelle route de la soie » dont les grandes étapes européennes étaient Athènes, Venise, Duisbourg et Rotterdam. En novembre 2014, le fonds de la route de la soie - Silk Road Fund, doté de 40 milliards de dollars (36 milliards d'euros) en capital, est créé.

* 123 Ils soulignaient la volonté de l'UE de soutenir les initiatives visant à améliorer les infrastructures qui contribuent à une croissance durable dans la région euro-asiatique, dans une approche ouverte et participative. Ils rappelaient l'attachement de l'Union à une coopération fondée sur une transparence à propos des programmes et des activités de toutes les parties prenantes, sur des marchés publics ouverts et fondés sur des règles ainsi que sur un accès réciproque au marché. Ils soulignaient que tous les pays concernés devaient s'intéresser aux liaisons d'infrastructure transfrontalières et aux corridors dans et entre les continents et qu'ils devraient tous pouvoir exprimer leurs priorités en matière de réseaux d'infrastructure primaires et secondaires/sous-régionaux.

* 124 Ont participé à ce groupe de travail la Commission, le SEAE, la BEI côté UE et le Fonds des Routes de la Soie et la commission nationale pour le développement et la réforme (NDRC) côté chinois.

* 125 Le texte intégral de la communication conjointe est annexée au rapport « Pour la France, les nouvelles routes de la soie : simple label économique ou nouvel ordre mondial ? » , précité.

* 126 Les mécanismes de défense commerciale établis par l'UE étaient liés au fait que la Chine n'avait pas le statut d'économie de marché.

* 127 « L'Union européenne, entre États-Unis et Chine » par Hans Dietmar Schweisgut, publié à l'automne 2021 dans le numéro de la revue Politique étrangère 3:2021.

* 128 Voir le texte complet des conclusions de la réunion du Conseil à l'adresse suivante : https://www.consilium.europa.eu/media/36706/st13097-en18.pdf. Cette ressource n'est disponible qu'en langue anglaise.

* 129 En septembre 2018.

* 130 Voir le texte complet des conclusions de la réunion du Conseil à l'adresse suivante : https://www.consilium.europa.eu/media/36706/st13097-en18.pdf. Cette ressource n'est disponible qu'en langue anglaise.

* 131 Voir la communication conjointe au Parlement européen, au Conseil européenne et au Conseil à l'adresse suivante : https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/PDF/?uri=CELEX:52019JC0005

* 132 2G en 1991, 3G en 1998 et 4G en 2008.

* 133 Extrait de l'article « Bataille géopolitique autour de la 5G » par Evgeny Morozov, publié en octobre sur le site du Monde diplomatique à l'adresse suivante : https://www.monde-diplomatique.fr/2020/10/MOROZOV/62292

* 134 « Bataille géopolitique autour de la 5G » par Evgeny Morozov, précité.

* 135 À l'issue de sa réunion du 22 mars 2019.

* 136 Voir la communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions sur la Sécurité du déploiement de la 5G dans l'UE - Mise en oeuvre de la boîte à outils de l'UE du 29 janvier 2020 à l'adresse suivante : https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/HTML/?uri=CELEX:52020DC0050&from=FR

* 137 Voir l'évaluation des risques par l'Agence européenne pour la cybersécurité à l'adresse suivante : https://www.enisa.europa.eu/publications/enisa-threat-landscape-for-5g-networks

* 138 Ibidem.

* 139 La 6G devrait, selon les promoteurs du projet Hexa-X, mettre en oeuvre de nouvelles technologies fondamentales d'accès radio à haute fréquence et de localisation et de détection à haute résolution, une gouvernance unifiée des réseaux pilotée par l'intelligence artificielle, ou encore une architecture réseau entièrement repensée dans une optique de durabilité renforcée. Les infrastructures de 5G sont qualifiées de gouffre énergétique. Selon un livre blanc publié par Huawei , les stations de base 5G consomment jusqu'à trois fois et demi plus d'énergie que leurs équivalentes 4G. Même constat dans un rapport d' Ericsson qui estime que si la 5G était déployée de la même façon que la 3G ou la 4G, ce ne serait pas soutenable à long terme. Pour réduire l'impact de la 5G sur le réseau électrique chinois, l'opérateur Unicom met ses stations en veille automatique entre 21 heures et 9 heures dans certaines villes.

* 140 En vertu de l'article 226-3 du code pénal, qui s'applique tant aux équipementiers (R. 226-3 du même code) qu'aux opérateurs (R. 226-7 du même code).)

* 141 Loi n° 2019-810 du 1er août 2019. Voir sur ce texte l'avis n° 569 (2018-2019) de M. Pascal ALLIZARD, fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, déposé le 12 juin 2019.

* 142 « Huawei perd la bataille de la 5G en Europe au profit d'Ericsson et de Nokia » par Ridha Loukil, publié le 19 avril 2021 sur le site Usine nouvelle à l'adresse suivante : https://www.usinenouvelle.com/article/huawei-perd-la-bataille-de-la-5g-en-europe-au-profit-d-ericsson-et-de-nokia.N1083424

* 143 Les investissements des entreprises privées chinoises ont peu augmenté sur la période 2017-2019, passant de 21,1 à 21,7 milliards de dollars.

* 144 Règlement (UE) 2019/452 du Parlement européen et du Conseil, du 19 mars 2019, établissant un cadre pour le filtrage des investissements directs étrangers dans l'Union, consultable à l'adresse suivante : https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/PDF/?uri=CELEX:32019R0452

* 145 Programme européen développant un système de positionnement par satellites (radionavigation) incluant un segment spatial dont le déploiement doit s'achever vers 2024.

* 146 Horizon Europe est le "programme-cadre" de recherche et d'innovation de l'Union européenne qui a succédé au programme Horizon 2020 et devrait être intégré au champ d'application du règlement.

* 147 Loi n° 2019-486 du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises, dite PACTE.

* 148 Décret n° 2019-1590 du 31 décembre 2019.

* 149 Le dispositif français prévoit, conformément à la réglementation européenne, l'encadrement des procédures et des délais intégrant la procédure de coopération européenne.

* 150 Exception faite des IDE

* 151 Article R. 151-2 du code monétaire et financier.

* 152 Rappelons que ce mécanisme s'applique à tout IDE, quelle que soit son origine. Le projet de rachat de Photonis, leader mondial de la vision nocturne, par l'américain Teledyne, s'est heurté à un avis négatif oral, puis à un refus d'autorisation d'un IDE en décembre 2020. De même, en janvier 2021, le ministre en charge de l'économie a manifesté son opposition au projet de rapprochement entre le groupe canadien Couche-Tard et Carrefour.

* 153 Par un arrêté du 27 avril 2020.

* 154 Par le décret n° 2020-892 du 22 juillet 2020. Il prévoit également une procédure allégée lorsque l'investisseur franchit le seuil de 10 % afin de limiter les freins à la liquidité des marchés. L'IDE dans une société de droit français cotée est dispensé de demande d'autorisation à deux conditions cumulatives : que le projet d'investissement ait fait l'objet d'une notification préalable au ministre chargé de l'économie et que l'opération soit réalisée dans un délai de six mois suivant la notification. Sauf opposition du ministre, l'autorisation est acquise à l'issue d'un délai de 10 jours ouvrés à compter de la notification.

* 155 Il s'est tenu par visioconférence.

* 156 Comme le rappelle le chercheur slovaque Matej Simalcik, directeur de l'institut d'Europe centrale d'études asiatiques, « Berlin s'est souvent posé en donneur de leçons à l'égard des petits pays de l'UE, notamment ces 17 États regroupés depuis près de dix ans dans un cercle intitulé 17+1 avec la Chine ». Extrait de la tribune « Chine-Europe : un pas en avant, deux pas en arrière » par Philippe Le Corre, publié le 13 janvier 2021 sur le site du Point à l'adresse suivante : https://www.lepoint.fr/debats/chine-europe-un-pas-en-avant-deux-pas-en-arriere-13-01-2021-2409405_2.php

* 157 Voir le communiqué de presse et les « Éléments clés de l'accord global UE-Chine sur les investissements » sur le site de l'Union européenne à l'adresse suivante : https://ec.europa.eu/commission/presscorner/detail/fr/IP_20_2542

* 158 « Éléments clés de l'accord global UE-Chine sur les investissements » Ibidem.

* 159 « Éléments clés de l'accord global UE-Chine sur les investissements » Ibid.

* 160 Voir « Accord d'investissement UE-Chine : avancées et impasses - Trois questions à François Godement » , interview du 21 janvier 2021, Copyright : Johanna Geron / POOL / AFP à l'adresse suivante : https://www.institutmontaigne.org/blog/accord-dinvestissement-ue-chine-avancees-et-impasses

* 161 « Éléments clés de l'accord global UE-Chine sur les investissements » I bid.

* 162 « Éléments clés de l'accord global UE-Chine sur les investissements » Ibid.

* 163 Ibid.

* 164 François Godement est conseiller pour l'Asie à l'Institut Montaigne, Nonresident Senior Fellow du Carnegie Endowment for International Peace , et consultant externe au MEAE français. Il était précédemment directeur du programme Asie de l'European Council on Foreign Relations. Il a fondé le Centre Asie de l'IFRI, le think tank Asia Centre, et co-fondé le comité européen du Council for Security Cooperation in the Asia Pacific ( CSCAP ).

* 165 « Accord d'investissement UE-Chine : avancées et impasses  », précité.

* 166 En référence à la loi américaine dite « Magnitsky act » pour « Russia and Moldava Jackson-Vanik Repeal and Sergeï Magnitsky Rule of Law Accountability Act » adoptée par les Etats-Unis en décembre 2012 pour permettre de sanctionner les responsables de la mort de Sergueï Magnitsky, avocat russe, mort après avoir été torturé en 2009 alors qu'il était placé en détention provisoire pour avoir révélé une corruption massive impliquant des officiers du ministère russe de l'Intérieur. Le régime européen dit loi « Magnitsky » européenne se concentre pour sa part sur les violations graves des droits de l'homme et ne concerne pas la corruption.

* 167 La République de Macédoine du Nord, le Monténégro, la Serbie et l'Albanie, pays candidats à l'adhésion à l'UE, la Bosnie-Herzégovine, pays du processus de stabilisation et d'association et candidat potentiel, et la Norvège, pays de l'AELE membre de l'Espace économique européen, ainsi que l'Ukraine, se sont rallier à la déclaration du Conseil de l'UE sur le régime mondial de sanctions de l'UE en matière de droits de l'homme.

* 168 Le même jour, le Royaume-Uni et le Canada ont adopté les mêmes mesures que l'UE. Les sanctions de l'UE et du Royaume-Uni contre des violations des droits de l'homme par Pékin sont les premières depuis 1989. Les États-Unis ont sanctionné deux des quatre responsables chinois identifiés par les Européens.

* 169 Les Européens frappés par les sanctions chinoises et leurs familles sont interdits de séjour en Chine, à Hong Kong et Macao et de faire des affaires en Chine ou avec des entreprises chinoises.

* 170 « Ouïgours : l'Union européenne prend des sanctions contre la Chine, qui réplique » publié sur le site du Monde en partenariat avec l'AFP, le 22 mars 2021 à l'adresse suivante : https://www.lemonde.fr/international/article/2021/03/22/ouigours-l-union-europeenne-prend-des-sanctions-contre-la-chine-qui-replique_6074063_3210.html

* 171 Par 599 voix pour, 30 contre et 58 abstentions.

* 172 Voir le communiqué de presse « Les députés refusent tout accord avec la Chine tant que les sanctions restent en place » , Session plénière du 20 mai 2021 à l'adresse suivante : https://www.europarl.europa.eu/news/fr/press-room/20210517IPR04123/le-pe-refuse-tout-accord-avec-la-chine-tant-que-les-sanctions-demeurent

* 173 Voir la page consacrée à ce rapport sur le site du Parlement européen à l'adresse suivante : https://www.europarl.europa.eu/doceo/document/A-9-2021-0252_FR.html

* 174 « Multilatéralisme : vers la fin de l'ordre occidental » par Virginie Robert, publié le 25 septembre 2018 et mis à jour le 6 août 2019, sur le site des Échos à l'adresse suivante : https://www.lesechos.fr/2018/09/multilateralisme-vers-la-fin-de-lordre-occidental-1120948

* 175 Soient les pays suivants : l'Albanie, l'Australie, l'Autriche, la Belgique, le Belize, le Canada, le Danemark, l'Estonie, la Finlande, la France, l'Islande, l'Irlande, l'Allemagne, le Japon, la Lettonie, le Liechtenstein, la Lituanie, le Luxembourg, la République des Îles Marshall, le Royaume des Pays-Bas, la Nouvelle-Zélande, la Norvège, les Palaos, la Slovaquie, la Slovénie, la Suède, la Suisse et le Royaume-Uni.

* 176 Soient les pays suivants : Bahreïn, la Biélorussie, le Burundi, le Cambodge, le Cameroun, la République centrafricaine, la Chine, les Comores, le Congo, Cuba, Djibouti, l'Égypte, la Guinée équatoriale, l'Érythrée, la Guinée, la Guinée-Bissau, la République islamique d'Iran, l'Iraq, la République démocratique populaire du Laos, le Lesotho, le Mozambique, la Birmanie, le Népal, le Nicaragua, le Niger, Oman, le Pakistan, l'État de Palestine, la Papouasie-Nouvelle-Guinée, Philippines, la Fédération de Russie, l'Arabie saoudite, la Serbie, Îles Salomon, le Soudan du Sud, le Sri Lanka, le Soudan, le Suriname, la République arabe syrienne, le Togo, les Émirats arabes unis, le Venezuela, le Yémen, la Zambie et le Zimbabwe. 17 des signataires ont l'islam comme religion majoritaire, ce qui a pu surprendre les observateurs qui s'attendaient à une solidarité basé sur le partage de la même religion.

* 177 En référence à sa diplomatie « comptable » précitée.

* 178 Voir les réseaux sociaux des parlementaires concernés par les contre-sanctions chinoises.

* 179 Voir par exemple « Le Parlement européen gèle l'AGI avec la Chine, mettant en jeu les vrais intérêts de l'UE » , non signé, mis en ligne sur le site French.china.org.cn le 21 mai 2021 à l'adresse suivante : http://french.china.org.cn/business/txt/2021-05/21/content_77517387.htm

* 180 Voir le discours de la Présidente de la Commission à l'adresse suivante : https://ec.europa.eu/commission/presscorner/detail/fr/speech_20_1655

* 181 «La politique de sanctions de l'Union européenne. Ambition multilatérale contre logique de puissance » , par Éric-André Martin, Études de l'Ifri, publiée en octobre 2019 à l'adresse suivante : https://www.ifri.org/sites/default/files/atoms/files/martin_sanctions_ue_2019.pdf

* 182 « Quelle boussole stratégique pour l'Union européenne ? » . Rapport d'information n° 753 (2020-2021) du 7 juillet 2021 - par M. Ronan Le Gleut et Mme Hélène Conway-Mouret.

* 183 Dont la CAED avait préconisé la rédaction dans son rapport « Défense européenne, le défi de l'autonomie stratégique » , Rapport du Sénat n° 626 (2018-2019), juillet 2019.

* 184 « Crise des sous-marins: la France rappelle ses ambassadeurs en Australie et aux États-Unis » , par H.G. avec AFP, publié le 17 septembre 2021 sur le site de BFMTV à l'adresse suivante : https://www.bfmtv.com/international/crise-des-sous-marins-la-france-rappelle-ses-ambassadeurs-en-australie-et-aux-etats-unis_AD-202109170437.html « On a des négociations commerciales avec l'Australie, je ne vois pas comment on peut faire confiance au partenaire australien », a lancé le secrétaire d'État aux Affaires européennes Clément Beaune ».

* 185 Voir le rapport « Australie : quelle place pour la France dans le Nouveau monde ? » , Rapport d'information n° 222 (2016-2017) du 14 décembre 2016 - par M. Christian Cambon co-président, Mme Marie-Françoise Perol-Dumont, co-présidente, et MM. Robert Laufoaulou, André Trillard et Christian Namy. La mission de la CAED s'était d'ailleurs rendue à Adelaïde pour visiter les chantiers navals.

* 186 « Avec le pacte Aukus, Washington et Canberra se jettent à l'eau pour contrer Pékin » par Sasha Mitchell, publié le 16 septembre 2021 sur le site de Courrier international, à l'adresse suivante : https://www.courrierinternational.com/article/analyse-avec-le-pacte-aukus-washington-et-canberra-se-jettent-leau-pour-contrer-pekin

* 187 Cité dans l'article « L'OTAN se penche sur les investissements de la Chine dans les infrastructures de transport en Europe » de Laurent Lagneau, publié le 9 mars 2021 sur le site Zone militaire opex.360 à l'adresse suivante http://www.opex360.com/2021/03/09/lotan-se-penche-sur-les-investissements-de-la-chine-dans-les-infrastructures-de-transport-en-europe/.

* 188 Sur ce sujet, voir https://www.defensenews.com/global/europe/2021/03/04/nato-grapples-with-grasping-chinas-transportation-clout-in-europe/.

* 189 Le CEPA est un think tank basé à Washington dédié au renforcement de la relation transatlantique.

* 190 Voir The CEPA Military Mobility Project à l'adresse suivante https://cepa.org/wp-content/uploads/2021/05/CEPA-Military-Mobility-Report-web-5.21.21.pdf.

* 191 Cité dans l'article « L'OTAN se penche sur les investissements de la Chine dans les infrastructures de transport en Europe » de Laurent Lagneau, publié le 9 mars 2021 sur le site Zone militaire opex.360 à l'adresse suivante http://www.opex360.com/2021/03/09/lotan-se-penche-sur-les-investissements-de-la-chine-dans-les-infrastructures-de-transport-en-europe/.

* 192 Cité dans l'article « Pour l'Otan, la Chine présente des `défis systémiques'; Pékin dénonce une `exagération' » par Laurent Lagneau publié le 15 juin 2021 sur le site zone militaire opex360.com à l'adresse suivante : http://www.opex360.com/2021/06/15/pour-lotan-la-chine-presente-des-defis-systemiques-pekin-denonce-une-exageration/.

* 193 Ibid.

* 194 Cité dans l'article « Le renforcement de l'arsenal nucléaire chinois inquiète les Etats-Unis » par le Figaro avec l'AFP publié le 8 juillet 2021 sur le site du Figaro à l'adresse suivante : https://www.lefigaro.fr/flash-actu/le-renforcement-de-l-arsenal-nucleaire-chinois-inquiete-les-etats-unis-20210708.

* 195 Il sera soumis à l'adoption de la commission puis de l'AP-OTAN, lors de la prochaine session plénière de l'AP qui se tiendra en octobre 2021.

* 196 Qui s'appuyait sur un non-emploi en premier, mais aussi sur un arsenal nucléaire encore relativement réduit.

* 197 Pour la septième fois.

* 198 Extrait de l'article « L'été fructueux de la coopération militaire russo-chinoise » par Nathalie Guibert, publié le 25 août 2021 sur le site du Monde à l'adresse suivante : https://www.lemonde.fr/international/article/2021/08/25/l-ete-fructueux-de-la-cooperation-militaire-russo-chinoise_6092289_3210.html.

* 199 En 2009 et 2013, lors de l'exercice Zapad aurait été simulée une attaque nucléaire contre la Pologne selon certains commentateurs, en 2017, l'accent aurait été mis sur le domaine cyber. Il ne s'agit toutefois que de suppositions non confirmées par les autorités russes.

* 200 « Semi-conducteurs : la faille chinoise » de Simon Leplâtre, publié sur le site du Monde du 25 avril 2021 à l'adresse suivante https://www.lemonde.fr/economie/article/2021/04/25/semi-conducteurs-la-faille-chinoise_6078012_3234.html

* 201 Entreprises récentes dont le développement est basé sur une technologie, ou une méthode de production de biens ou de service, de rupture, et valorisées à plus de 1 milliard de dollars.

* 202 « 8 domaines technologiques où la Chine domine » , par Karl De Meyer, publié le 4 octobre 2019, sur le site des Échos, à l'adresse suivante : https://www.lesechos.fr/weekend/business-story/8-domaines-technologiques-ou-la-chine-domine-1212917

* 203 Soient des ordinateurs qui affichent une capacité de calcul supérieure à 1 pétaflop, soit 1 million de milliards d'opérations par seconde.

* 204 Le supercalculateur appelé Summit affichant une puissance de 200 pétaflops. Les Américains travaillent à la fabrication d'un nouveau supercalculateur, baptisé Frontier, fort de 1,5 exaflop, soit 1,5 milliard de milliards d'opérations par seconde. « 8 domaines technologiques où la Chine domine » , par Karl De Meyer, précité.

* 205 « Note du bureau du CNRS en Chine » , août 2021.

* 206 Ibidem.

* 207 « 8 domaines technologiques où la Chine domine », par Karl De Meyer, précité.

* 208 Selon une étude publiée en début d'année dans la revue Proceedings of the National Academy of Sciences .

* 209 « La Chine et les terres rares. Son rôle critique dans la nouvelle économie » de John SEAMAN, publié le 23 janvier 2019, Notes de l'Ifri, sur le site de l'Ifri à l'adresse suivante : https://www.ifri.org/fr/publications/notes-de-lifri/chine-terres-rares-role-critique-nouvelle-economie

* 210 Ibidem.

* 211 L'Allemagne est ainsi autorisée par Bruxelles à investir jusqu'à 1,25 milliard d'euros. Viennent ensuite la France (960 millions), l'Italie (570 millions), la Pologne (240 millions), la Belgique (80 millions), la Suède (50 millions) et la Finlande (30 millions).

* 212 Voir la communication de la Commission sur ce thème à l'adresse suivante : https://ec.europa.eu/environment/topics/waste-and-recycling/batteries-and-accumulators_fr. La page n'est disponible qu'en anglais.

* 213 Qui a été fatale à l'industrie photovoltaïque allemande notamment.

* 214 « Chine : `Il n'est pas sain que la production mondiale de panneaux solaires ne dépende à ce point d'un seul pays' » , tribune par Pierre-Yves Le Borgn', publiée le 15 juin 2021, sur le site du Monde à l'adresse suivante : https://www.lemonde.fr/idees/article/2021/06/15/chine-il-n-est-pas-sain-que-la-production-mondiale-de-panneaux-solaires-ne-depende-a-ce-point-d-un-seul-pays_6084165_3232.html

* 215 « La Chine entend aussi dominer l'éolien marin » , publié le 14 septembre 2021, sur le site de Transitions et énergies à l'adresse suivante : https://www.transitionsenergies.com/chine-dominer-eolien-marin/

* 216 Taïwan est le principal producteur de semi-conducteurs : 76 % des microcomposants du marché mondial sont produits par les entreprises taïwanaises.

* 217 Voir « Les semi-conducteurs, talon d'Achille de la puissance de la Chine » de Frédéric Lemaître, publié sur le site du Monde le 14 septembre 2020 à l'adresse suivante https://www.lemonde.fr/economie/article/2020/09/14/les-semi-conducteurs-talon-d-achille-de-la-puissance-de-la-chine_6052120_3234.html

* 218 On estime que Samsung ou TSMC sont capables de graver des circuits d'une finesse de 5 nanomètres, contre 14 pour SMIC. TSMC a annoncé la construction d'une nouvelle usine capable de graver des circuits de 3 nanomètres, pour une puissance de calcul 70 % plus importante et une consommation d'énergie inférieure. Voir l'article « Semi-conducteurs : la faille chinoise » précité.

* 219 Ibidem.

* 220 Moteur de recherche chinois.

* 221 Propriétaire du service de messagerie WeChat, et des services de paiements dématérialisés associés.

* 222 Plate-forme d'achat, de vente au détail et de paiement en ligne.

* 223 Fabricant de téléphones mobiles et d'appareils électroniques grand public.

* 224 Ibidem.

* 225 Propriétaire de TikTok.

* 226 « Semi-conducteurs : la faille chinoise » précité.

* 227 « Semi-conducteurs : la faille chinoise » de Simon Leplâtre, publié sur le site du Monde du 25 avril 2021 à l'adresse suivante https://www.lemonde.fr/economie/article/2021/04/25/semi-conducteurs-la-faille-chinoise_6078012_3234.html

* 228 Il s'agissait d'explorer notre satellite pour y « préparer une colonisation humaine qui tirerait parti de l'énergie du soleil et des glaces lunaires ».

* 229 La Chine est le pays qui accorde le moins d'attention à la retombée des étages de lanceurs. Elle est ainsi le seul pays à lancer des fusées dont les étages sont susceptibles de retomber sur des zones habitées. La réentrée non-contrôlée dans l'atmosphère de sa station spatiale Tiangong-1 en 2018. Les prochains lancements des deux modules complémentaires de la station Tiangong-3 seront donc observés de près par la communauté internationale.

* 230 CASC et CASIC.

* 231 « Nucléaire : les ambitions chinoises », tribune par Sylvestre Huet, publiée le 28 juin 2019 sur le site du Monde à l'adresse suivante : https://www.lemonde.fr/blog/huet/2019/06/28/nucleaire-les-ambitions-chinoises/

* 232 Un programme de travaux visant à améliorer la sûreté des réacteurs déjà en opération a été doté de 13 milliards de dollars, il était également envisagé de ralentir la construction de réacteurs jusqu'en 2020 et de ne plus lancer la construction que de réacteurs au niveau de sûreté de la Génération-3.

* 233 Soit le double du parc des USA au moment de cette annonce chinoise.

* 234 « Nucléaire : les ambitions chinoises » , tribune par Sylvestre Huet, précité.

* 235 Ibidem.

* 236 « La Chine annonce un réacteur nucléaire au thorium opérationnel d'ici 2030 » , publié le 21 juillet 2021 sur le site Transitions et énergies à l'adresse suivante : https://www.transitionsenergies.com/la-chine-reacteur-nucleaire-thorium-2030-operationnel/

* 237 Une MNBC est une monnaie émise sous forme numérique par la Banque centrale, inscrite au passif de son bilan.

* 238 Pour mémoire, la mise en oeuvre de MNBC est à l'étude dans la quasi-totalité des zones monétaires 239 , sont ainsi concernés 86 % des pays à travers le monde, selon une enquête publiée par la Banque des règlements internationaux en janvier 2021. La dynamique mondiale sur les MNBC est indéniable. Des travaux internationaux sont d'ailleurs en cours pour évaluer comment les MNBC pourraient aider à résoudre le problème des paiements transfrontières, qui demeurent trop lents, coûteux, compliqués. Ils figurent d'ailleurs sur une feuille de route du G20 pour améliorer les paiements transfrontières en cours de déploiement, c'est donc un sujet important et un enjeu du multilatéralisme économique et financier. Pour les paiements de détail, la monnaie de la Banque centrale existe aujourd'hui sous la forme fiduciaire, les billets et les pièces, mais pas sous une forme numérique. Dans le contexte de forte digitalisation des paiements renforcée par l'apparition de nouveaux acteurs ( FinTechs , BigTechs ), l'érosion de l'usage des billets à des fins transactionnelles est synonyme de diminution de l'usage de la monnaie publique. Beaucoup y voient une perte de lien entre la population et la monnaie émise par la Banque centrale : une MNBC viserait à apporter à tous les citoyens une monnaie publique, gratuite, sûre, accessible, inclusive, garante de la vie privée, et préserver une relation directe de nature à garantir la confiance citoyenne dans la monnaie centrale.

* 240 On se souvient de l'émoi soulevé par l'annonce du lancement d'une monnaie privée propre à Facebook, le Libra, en 2019.

* 241 C`est-à-dire garantir la stabilité financière, mettre en oeuvre la politique monétaire, et garantir des systèmes et moyens de paiement sûrs et accessibles.

* 242 Le shadow banking recouvre des entités qui collectent et gèrent des fonds auprès du public sans être des établissements de crédit : organismes de placement collectifs (OPC) monétaires, fonds d'investissement, véhicules de titrisation par exemple. Les acteurs du shadow banking se financent sur les marchés financiers (par émission, vente, prêts de titres), pour prêter à l'économie (en achetant ou en empruntant des titres). Ils interviennent par exemple dans la chaîne de titrisation et développent de nouvelles façons de collecter des capitaux ou de transférer le risque. Souvent filiales de banques ou de sociétés d'assurance, ils peuvent aussi être des structures indépendantes, mais liées aux banques traditionnelles par des opérations de financement, des lignes de crédit ou de liquidité, ou encore des investissements croisés qui les rendent interdépendants. Définition reprise du site de la Banque de France à l'adresse suivante : https://abc-economie.banque-france.fr/mot-de-lactu/shadow-banking

* 243 « La souveraineté technologique européenne, une réponse à la crise de la Covid-19 ? » par Jean-Pierre Danis, note de la Fondation pour la recherche stratégique n° 41/2020, publiée le 19 mai 2020 sur son site à l'adresse suivante : https://www.frstrategie.org/publications/notes/souverainete-technologique-europeenne-une-reponse-crise-covid-19-2020

* 244 « Chine: les entreprises étrangères pourraient avoir un jour `des problèmes pour rapatrier leurs dividendes' » par Jérémy Bruno, oublié le 10 septembre 2021 sur le site de BFMTV à l'adresse suivante : https://www.bfmtv.com/economie/entreprises/chine-les-entreprises-etrangeres-pourraient-avoir-un-jour-des-problemes-pour-rapatrier-leurs-dividendes_AV-202109100109.html#xtor=CS9-144-%5Bfacebook%5D-%5BBFMBusiness%5D

* 245 L'Union a subi la hausse des tarifs douaniers américains sur l'acier et l'aluminium. Les droits de douanes sur les aéronefs et sur les véhicules automobiles ont également été au centre d'âpres discussions.

* 246 À une très large majorité le Sénat a adopté un vaste projet de loi visant à s'assurer que le pays reste “compétitif” au XXIe siècle, en investissant massivement dans les technologies de pointe. « Nous sommes engagés dans une compétition pour remporter le XXIe siècle et le top départ a été donné », a ajouté Joe Biden, le président américain. « La Chine sous pression technologique de Washington », par Sébastian Seibt, publié le 09 juin 2021 sur le site de France24 à l'adresse suivante : https://www.france24.com/fr/%C3%A9co-tech/20210609-la-chine-sous-pression-technologique-de-washington

* 247 « La Chine sous pression technologique de Washington », par Sébastian Seibt, précité.

* 248 Ibidem.

* 249 « La souveraineté technologique européenne, une réponse à la crise de la Covid-19 ? » par Jean-Pierre Danis, précité.

* 250 La France a dû mettre en place une solution ad hoc pour produire des respirateurs, dont l'efficacité n'a pas été avérée.

* 251 L'Italie a dans un premier temps reçu une aide ultramédiatisée de la Chine, avant que l'aide européenne ne prenne le relais. Les pays européens se sont concurrencées, rachetant les livraisons de matériel médical au prix fort en sortie des soutes d'avion, sans se soucier que le pays acquéreur initial soit lui-même membre de l'Union européenne. Cette discrète guerre du masque a heureusement pris fin et l'UE a mis en place une politique d'acquisition unique des vaccins.

* 252 « La souveraineté technologique européenne, une réponse à la crise de la Covid-19 ? » par Jean-Pierre Danis, précité : « Fait remarquable, ce concept de souveraineté technologique élargie rend caduque la vieille catégorie des industries dites de défense, ce d'autant plus que le secteur civil est moteur du développement technologique. Si une protection spécifique des technologies souveraines est mise en oeuvre, cela entraînera la dilution de l'ancienne catégorie aérospatial et défense dans un ensemble plus grand, ce qui apparaît souhaitable à bien des égards et se justifie également par le caractère central des données numériques et de leur traitement. Ceci correspond également à une hybridation dans laquelle les grands groupes acquièrent une conscience de souveraineté et de sécurité, une opération que l'on a déjà constatée avec la croissance du thème de la sécurité cybernétique ».

* 253 Ibidem.

* 254 « Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions - Résilience des matières premières critiques: la voie à suivre pour un renforcement de la sécurité et de la durabilité² » à l'adresse suivante : https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/HTML/?uri=CELEX:52020DC0474&from=FR

* 255 La Chine compte 830 millions d'internautes et est le plus grand marché du commerce en ligne (906 milliards d'euros en 2018) avec une croissance très rapide (+ 20 % par rapport à 2017).

* 256 Pratique consistant à s'accaparer, en le déposant, un nom de domaine, reprenant ou évoquant une marque, un nom commercial, un patronyme ou toute autre dénomination sur laquelle le déposant n'a aucun droit et ce afin de tirer un profit matériel ou moral de sa notoriété présente ou à venir.

* 257 À la différence de ses positions en mer de Chine méridionale. Ainsi, en 2013, la Chine a demandé la permission de transit par le passage Nord-Ouest pour son brise-glace de recherche, respectant la souveraineté revendiquée du Canada dans la zone.

* 258 Ce Conseil de l'Arctique est un forum intergouvernemental de coopération. Il vise à traiter des problèmes rencontrés par les gouvernements des États ayant une partie de leur territoire dans l'espace arctique et par les peuples autochtones de la région. En sont membres: le Canada, le Danemark (représentant le Groenland et les îles Féroé), les États-Unis, la Finlande, l'Islande, la Norvège, la Suède et la Russie. Six associations autochtones de la région arctique ont le statut de participants permanents au Conseil. Enfin, les observateurs sont nombreux : l'Allemagne, la Chine, la Corée du Sud, l'Espagne, la France, l'Inde, l'Italie, le Japon, les Pays-Bas, la Pologne, le Royaume-Uni, Singapour, la Suisse, l'Union européenne (observateur pour la réunion SAO de novembre 2009), notamment.

* 259 Voir notamment l'article « Quelle « reconquête » de l'Arctique russe ? Une stratégie de puissance dans une périphérie en déclin », par Arnaud MULLER, publié le 25 avril 2021 sur le site diploweb à l'adresse suivante : https://www.diploweb.com/Quelle-reconquete-de-l-Arctique-russe-Une-strategie-de-puissance-dans-une-peripherie-en-declin.html

* 260 L'Arctique était une zone de forte tension pendant la guerre froide et était pour cette raison militarisé.

* 261 La présence militaire russe s'est renforcée dans le cadre de l'exercice Vostok 2018, avec des opérations menées dans la Sibérie et l'Extrême-Orient russe.

* 262 « Le partenariat stratégique Chine-Amérique latine: Entre développement économique et dépendance structurelle », Benjamin Musampa, le 1 Janvier 2015, à l'adresse suivante : https://www.ieim.uqam.ca/IMG/pdf/cda_vol_15_n_1_janvier_2015.pdf

* 263 « Chine-Amérique latine : la nouvelle grande alliance ? », Frédéric Thomas, https://www.cairn.info/revue-internationale-et-strategique-2018-3-page-107.htm?contenu=resume

* 264 Héritier du groupe de Rio, cet organisme intergouvernemental régional, créé le 23 février 2010, regroupe les 600 millions d'habitants des 33 États d'Amérique latine et de la communauté caribéenne (Antigua-et-Barbuda, Argentine, Bahamas, Barbade, Belize, Bolivie, Brésil, Chili, Colombie, Costa Rica, Cuba, Dominique, Équateur, Grenade, Guatemala, Guyana, Haïti, Honduras, Jamaïque, Mexique, Nicaragua, Panama, Paraguay, Pérou, République dominicaine, Salvador, Saint-Christophe-et-Niévès, Sainte-Lucie, Saint-Vincent-et-les Grenadines, Suriname, Uruguay, Venezuela, Trinité-et-Tobago).Sont absents de ce groupe le Canada et les États-Unis, ainsi que les territoires outremers de la France, des Pays-Bas, du Danemark et de l'Angleterre dans les Amériques.

* 265 Les chiffres cités dans ces paragraphes sont issus de l'article « La nouvelle Route de la soie chinoise arrive en Amérique latine », publié par P. Escobar sur le site Afrique Asie.fr.

* 266 Doctrine qui amène à considérer l'intervention de puissances étrangères sur le continent américain (Amérique du Sud comprise) comme contraires aux intérêts américains.

* 267 « Ce commerce (avec la Chine) a apporté des bénéfices mais les pratiques commerciales déséquilibrées utilisées par de nombreux Chinois ont aussi dans ces pays nui aux secteurs manufacturiers, généré du chômage et fait baisser les salaires des travailleurs. (...) L'Amérique latine n'a pas besoin de nouvelles puissances impériales dont le seul but est de faire profiter leur propre peuple ». Propos de Rex Tillerson, Secrétaire d'État américain, cité par Reuters le 01.02.2018.

* 268 « La Chine et l'Amérique latine : le grand chambardement ? », Mathieu Arès, Christian Deblock, Ting-Sheng Lin, 2011, https://www.cairn.info/revue-tiers-monde-2011-4-page-65.htm#no35

* 269 Idem

* 270 Idem

* 271 Idem

* 272 « Matières premières : le Brésil souffre des effets du coronavirus », Thierry Ogier, le 4/02/2020, https://www.lesechos.fr/finance-marches/marches-financiers/matieres-premieres-le-bresil-souffre-des-effets-du-coronavirus-1169027

* 273 « La Chine et l'Amérique latine : le grand chambardement ? », Mathieu Arès, Christian Deblock, Ting-Sheng Lin, 2011, https://www.cairn.info/revue-tiers-monde-2011-4-page-65.htm#no35

* 274 Idem

* 275 « Chine-Équateur : Projet hydroélectrique Coca Codo Sinclair » https://observatoirenrs.com/2019/02/25/chine-equateur-projet-hydroelectrique-coca-codo-sinclair/

* 276 « La Chine et l'Amérique latine : le grand chambardement ? », Mathieu Arès, Christian Deblock, Ting-Sheng Lin, 2011, https://www.cairn.info/revue-tiers-monde-2011-4-page-65.htm#no35

* 277 « La Chine rebondit en Amérique latine avec sa « diplomatie des vaccins », le 2/05/2021, https://www.courrierinternational.com/article/pandemie-la-chine-rebondit-en-amerique-latine-avec-sa-diplomatie-des-vaccins

* 278 « Chine et Afrique, une longue histoire, une nouvelle donne géographique », François Bart, 2011, https://journals.openedition.org/com/6243

* 279 « Les Africains embarrassés par une présence chinoise devenue étouffante », Martin Mateso, le 27/06/2019, https://www.francetvinfo.fr/monde/afrique/politique-africaine/les-africains-embarrasses-par-une-presence-chinoise-devenue-etouffante_3510143.html

* 280 Ibidem

* 281 « Le Président Hu Jintao participe à la cérémonie d'ouverture du Sommet de Beijing du Forum sur la Coopération sino-africaine et y prononce une allocution importante », le 4/11/2006, https://www.mfa.gov.cn/fra/wjdt/zyjh/t279622.htm

* 282 « Comment les Chinois mènent la conquête de l'Afrique », Richard Hiault, le 19 févr. 2019, https://www.lesechos.fr/idees-debats/editos-analyses/comment-les-chinois-menent-la-conquete-de-lafrique-991598

* 283 Ibidem

* 284 Flux d'investissement direct chinois en Afrique (2019)- Annexe 1 https://www.pairault.fr/sinaf/index.php/statistiques/statistiques-d-investissements-chinois/2054-flux-d-investissement-direct-chinois-en-afrique-2019

* 285 « Forum sur la coopération sino-africaine plan d'action de Beijing (2019-2021) », le 5 septembre 2018, https://www.fmprc.gov.cn/fra/wjdt/gb/t1593687.shtml

* 286 « Interprétation sur les « Huit Initiatives majeures » du Sommet de Beijing du Forum sur la Coopération sino-africaine » à l'adresse suivante : http://images.mofcom.gov.cn/www/201809/20180919101923613.pdf

* 287 « Comment les Chinois mènent la conquête de l'Afrique », par Richard Hiault, publié le 19 février 2019, sur le site des Échos à l'adresse suivante : https://www.lesechos.fr/idees-debats/editos-analyses/comment-les-chinois-menent-la-conquete-de-lafrique-991598

* 288 Ibidem

* 289 Ibid.

* 290 Ibid.

* 291 « Afrique du Sud - Collaboration de Rain et Huawei dans le lancement d'un réseau 5G », le 05 mars 2019 sur le site de Business France à l'adresse suivante : https://www.businessfrance.fr/afrique-du-sud-collaboration-de-rain-et-huawei-dans-le-lancement-d-un-reseau-5g

* 292 « En plein doute, Tik Tok se tourne vers l'Afrique », le 22 septembre 2020, sur le site Économie africaine à l'adresse suivante https://economie-afrique.com/entreprises/en-plein-doute-tiktok-se-tourne-vers-lafrique/

* 293 « Sénégal : deux centres de formation agricole, présentés comme exemple de la coopération chinoise lors d'un colloque à Dakar », le 14 avril 2015, à l'adresse suivante https://www.fmprc.gov.cn/zflt/fra/zfgx/whjl/t1254352.htm

* 294 « Les relations Chine-Afrique en 2021 : des perspectives prometteuses » sur le site jeune Afrique à l'adresse suivante : https://www.jeuneafrique.com/brandcontent/1119233/les-relations-chine-afrique-en-2021-des-perspectives-prometteuses/

* 295 « La Chine fait un don de riz au Zimbabwe », publié le 12 septembre 2017, à l'adresse suivante : https://www.mfa.gov.cn/zflt/fra/zxxx/t1492226.htm

* 296 « Les relations Chine-Afrique en 202 : des perspectives prometteuses », précité.

* 297 Ibidem

* 298 https://www.worldbank.org/en/publication/global-economic-prospects

* 299 Ibidem

* 300 Ibid.

* 301 « Le SGR kenyan : le chemin de fer de la discorde », par Moutiou Adjibi Nourou, publié le 5 juin 2019, à l'adresse suivante : https://www.agenceecofin.com/hebdop1/0506-66729-le-sgr-kenyan-le-chemin-de-fer-de-la-discorde

* 302 « Côte d'Ivoire: mise en place d'un comité de suivi des financements chinois », publié le 30 novembre 2018, à l'adresse suivante : https://www.rfi.fr/fr/afrique/20181130-cote-ivoire-mise-place-comite-suivi-financements-chinois

* 303 « Relation Chine Afrique, 100 ans d'Histoire de Développement commun », publié sur le site Jeune Afrique à l'adresse suivante : https://www.jeuneafrique.com/brandcontent/1205194/relation-chine-afrique-100-ans-dhistoire-developpement-commun/

* 304 « Afrique-Chine - Adama Gaye : "Un moment de vérité ! » par Viviane Forson, publié le 5 décembre 2015, sur le site du Point à l'adresse suivante : https://www.lepoint.fr/economie/afrique-chine-adama-gaye-un-moment-de-verite-05-12-2015-1987455_28.php

* 305 « Covid-19 : la Chine fournit l'Afrique en vaccins », publié le 20 février 2021, à l'adresse suivante : https://www.francetvinfo.fr/sante/maladie/coronavirus/vaccin/covid-19-la-chine-fournit-lafrique-en-vaccins_4304807.html

* 306 Ibidem.

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