Olivier Serva
Président de la Délégation aux outre-mer de l'Assemblée nationale

Monsieur le président du Sénat, monsieur Gérard Larcher,

Monsieur le président de la Délégation aux outre-mer du Sénat, cher Stéphane Artano,

Monsieur le président Georges Patient, président de la Société des amis de Gaston Monnerville,

Mesdames et messieurs les sénateurs et députés,

Chers amis, collègues des outre-mer, élus, maires, conseillers municipaux et intercommunautaires des outre-mer ;

Mesdames, Messieurs,

Tout d'abord, à propos de rhum puisqu'il en a été question, j'aimerais moi aussi raconter une anecdote. Voilà vingt ans, mon beau-frère martiniquais et moi, guadeloupéen, fêtions Noël. Bien évidemment le Guadeloupéen que je suis pense que le meilleur rhum vieux vient de Guadeloupe, mon beau-frère pensant quant à lui que le meilleur rhum vieux du monde vient de Martinique. Au bout de quelques verres, nos amis, embarrassés par nos échanges, nous proposèrent un test à l'aveugle. Figurez-vous qu'à l'issue de ce test à l'aveugle, j'ai préféré le rhum vieux martiniquais et lui le rhum vieux guadeloupéen. Je peux vous dire qu'après cela nous avons bu sans jamais trop évoquer ce sujet !

Chers amis, nous sommes réunis aujourd'hui pour honorer la mémoire d'un des personnages les plus importants de la vie politique française du XX e siècle, une figure politique majeure qui aura traversé trois Républiques. Élu député en 1932 sous la III e République, il fut Président du Conseil de la République sous la IV e République, puis Président du Sénat sous la V e République.

Mais nous ne sommes pas réunis aujourd'hui seulement pour honorer sa mémoire. Nous avons aussi l'objectif commun d'obtenir l'entrée de Gaston Monnerville dans ce temple laïc de la République qu'est le Panthéon. Il s'agit tout simplement de réparer une injustice. Oui, s'il a été fasciné par le Général de Gaulle au point d'entrer dans la Résistance, Gaston Monnerville a aussi osé s'opposer au fondateur de la V e République lors du référendum de 1969 qui avait menacé de remettre en cause le rôle et l'existence même du Sénat. C'est cet acte que les Gaullistes ne lui pardonnèrent pas, oeuvrant à rejeter dans l'oubli cet homme qui avait aussi le défaut d'avoir la peau noire et d'être originaire de Cayenne en Guyane, c'est-à-dire des outre-mer comme nous disons aujourd'hui, des colonies comme nous disions naguère.

C'est au nom de ces préjugés raciaux, bien que ce fut non dit, que les parlementaires allèrent jusqu'au 13 ème tour de scrutin pour élire un Président de la République, René Coty qui, au départ, n'avait pas fait acte de candidature, dans le but d'empêcher ce petit-fils d'esclaves d'accéder à la magistrature suprême. Mais 30 ans après sa mort, nous sommes nombreux à plaider pour que Gaston Monnerville soit accueilli au Panthéon.

Comme vous l'avez si bien dit, Monsieur le Président Gérard Larcher, celui qui présida à l'entrée au Panthéon de Victor Schoelcher et de Félix Éboué mérite de les rejoindre aujourd'hui. Comme vous, cher sénateur Georges Patient, je considère qu'il est temps d'ouvrir à Gaston Monnerville les portes du Panthéon et qu'il est nécessaire que la République soit moins timide pour intégrer à sa légende des siècles sa diversité native, sa France équinoxiale comme dirait Gaston Monnerville.

La France doit rendre à Gaston Monnerville ce qu'il a donné à la République, ce qui relève d'une obligation morale. Gaston Monnerville aurait pu devenir le premier président noir de la République française. Sa couleur de peau, puis son opposition au Général de Gaulle lui valurent un long et injuste ostracisme. Bien qu'il ait occupé les plus hautes fonctions de l'État et qu'il se fut illustré par un engagement sans faille au nom de l'idéal républicain pour la justice et l'égalité, un autre trait de son caractère tenait à son « allégeance quasi religieuse au droit et à la loi », écrivait le sociologue André Passeron à l'occasion de sa disparition en 1991.

Il est temps désormais de rendre justice à ce grand homme en lui reconnaissant la digne place qu'il doit occuper parmi nos compatriotes les plus illustres, sa place au Panthéon. C'est la raison pour laquelle je serai fier et honoré de cosigner avec vous, Monsieur le président de la Délégation aux outre-mer du Sénat, la lettre au Président de la République pour demander la panthéonisation de Gaston Monnerville.

Je vous remercie pour votre attention.

Stéphane Artano, président . - Bien évidemment, cher Olivier, à la suite du président Gérard Larcher, la Délégation sénatoriale aux outre-mer soutient cette action pour faire en sorte que Gaston Monnerville fasse son entrée au Panthéon. Il s'agit là d'un exemple supplémentaire des collaborations possibles entre nos délégations. Celle-ci est éminemment symbolique au sens des valeurs de la République.

Madame Derridj, je vous donne la parole pour la lecture d'un extrait de « L'appel à la jeunesse ».

Sylvie Derridj . - J'avoue que je suis un peu émue de relire ce discours difficile, qui a été prononcé comme un appel à la jeunesse à l'occasion d'une réunion à la LICA, la Ligue internationale contre le racisme et l'antisémitisme, en 1960. C'est un appel important et émouvant. J'espère que vous serez imprégnés de ce message d'action.

« Ne désespérez pas ! Ne désespérez jamais !

L'homme d'action est celui qui sait faire face à toutes les difficultés. L'homme d'action est celui qui sait que le service de la vérité, le service de la justice est le plus dur service. C'est celui qui sait qu'il trouvera souvent dressés devant lui les obstacles et incompréhensions, mais dont l'énergie, la volonté sont sans cesse revigorés par ces obstacles eux-mêmes. L'homme d'action, c'est celui qui n'accepte jamais d'être vaincu.

J'ajoute encore : la France n'a jamais désespéré aux heures les plus lourdes de son histoire. Sa jeunesse n'a jamais permis qu'on altérât son visage auréolé de sereine humanité.

Nous comptons sur vous pour être, avons-nous le droit de vous le dire, puisqu'en des jours difficiles nous avons combattu et nous continuons à combattre pour la sauvegarde de son renom et de son patrimoine humain, les peuples libres en charge d'âme.

Notre mission est simple, elle est de maintenir et de sauvegarder liberté, égalité dans le monde. Notre mission est claire, c'est de faire en sorte que les frères restent unis pour la sauvegarde de leur commun foyer de civilisation. Si nous hésitons, si nous renonçons, craignons que les pierres du foyer ne puissent plus s'assembler que pour un mausolée.

Mais notre réunion d'aujourd'hui témoigne de notre volonté de maintenir. Volonté, confiance doivent constituer le moteur essentiel de notre action constamment constructive, vertus qui permettent aux peuples libres de faire face aux plus dures épreuves, de ressurgir plus résolus que jamais à l'instant même où on les croyait disparus, de s'élever jusqu'aux plus hauts sommets et de réanimer les volontés défaillantes à cette puissance flamme qui est l'espérance ».

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