LISTE
DES PRINCIPALES
RECOMMANDATIONS
Recommandation n° 1 : Rétablir un document de politique transversale retraçant et détaillant l'emploi des contributions versées par l'ensemble des ministères aux organisations internationales.
Recommandation n° 2 : Définir une doctrine claire quant au comportement devant être suivi par le ministère des affaires étrangères et le ministère du budget en cas de déviation entre le taux de budgétisation et le taux sur le marché des changes avant le dépôt du projet de loi de finances.
Recommandation n° 3 : Rendre systématique la couverture du risque de change par le ministère des affaires étrangères sur les contributions internationales libellées en devises.
Recommandation n° 4 : Confier au comité de pilotage des contributions internationales et des opérations de maintien de la paix (COPIL-CIOMP) la mission de fournir un avis sur la cohérence d'ensemble des propositions formulées au ministre par les responsables des programmes 105 et 209 s'agissant des contributions internationales.
Recommandation n° 5 : Confier au comité de pilotage des contributions internationales et des opérations de maintien de la paix (COPIL-CIOMP) la mission de construire un dispositif d'évaluation et de suivi de la performance des organisations internationales bénéficiaires d'une contribution.
Recommandation n° 6 : Évaluer les besoins en matière d'effectifs requis pour permettre un suivi renforcé de la performance et de la situation budgétaire des organisations internationales et procéder, le cas échéant, à des redéploiements internes permettant de répondre aux besoins.
Recommandation n° 7 : Confier à une structure interministérielle la mission de mettre en commun les données budgétaires relatives aux contributions internationales et d'analyser la cohérence de ces interventions au regard des objectifs poursuivis par la France.
Recommandation n° 8 : Développer au sein de l'État un outil de veille permettant de suivre sur longue période et pour l'ensemble des organisations internationales, l'évolution des contributions versées par l'ensemble des donateurs.
Recommandation n° 9 : Augmenter le niveau de nos contributions volontaires de sorte à réduire l'écart avec nos principaux partenaires au sein des organisations stratégiques par rapport à nos priorités.
Recommandation n° 10 : Favoriser le dialogue avec une diversité d'États membres de l'Union européenne pour permettre des interventions coordonnées en matière d'investissements et de soutien aux candidatures aux fonctions décisionnelles dans les organisations internationales.
*
* *
Les contributions internationales correspondent à des versements opérés par des États au profit des organisations internationales . Dans le cadre du présent contrôle budgétaire, les catégories de contributions suivantes ont fait l'objet d'un examen :
- les contributions sans contrepartie versées au budget des organisations internationales et qui peuvent présenter un caractère obligatoire ou volontaire ;
- les contributions, essentiellement volontaires, à des fonds concessionnels 1 ( * ) ;
- les prises de participations au capital de banques multilatérales de développement.
Les rapporteurs ont exclu du champ de leur contrôle la participation financière de la France au budget de l'Union européenne qui fait l'objet d'un prélèvement sur les recettes de l'État.
Pour autant , certains mécanismes extrabudgétaires de l'Union européenne (comme le Fonds européen de développement) ou certains versements budgétaires spécifiques - notamment dans le domaine de la sécurité - ont bien été pris en compte .
Au terme de leurs travaux, les rapporteurs observent que la France ne dispose pas, pour l'instant, des outils interministériels qui semblent nécessaires pour lui permettre de répondre efficacement au retard qu'elle a pris en matière d'influence au sein des organisations internationales.
Ils estiment, en outre, qu' une action volontariste doit être conduite, notamment au niveau financier , pour permettre à la France de reprendre et de maintenir son rang au sein des organisations internationales, comparativement à ses partenaires les plus proches .
I. AU-DELÀ DU MINISTÈRE DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES, LES CONTRIBUTIONS INTERNATIONALES ÉCHAPPENT À TOUT SUIVI OU PILOTAGE INTERMINISTÉRIEL
A. AU NIVEAU
INTERMINISTÉRIEL, L'ÉTAT N'A AUCUNE VISION CONSOLIDÉE DES
MONTANTS VERSÉS AUX ORGANISATIONS INTERNATIONALES QUE LES RAPPORTEURS
ONT PU ÉVALUER
À 5,6 MILLIARDS D'EUROS
1. Les contributions versées par le ministère des affaires étrangères s'élevaient à 2,2 milliards d'euros en 2021 et constituent une dépense encore largement contrainte
En 2021, le montant des crédits ouverts en loi de finances initiale au profit du ministère de l'Europe et des affaires étrangères pour le financement des organisations internationales s'élevait à 2,2 milliards d'euros . Il se répartissait entre :
- d'une part, le programme 105 - Action de la France en Europe et dans le monde, de la mission Action extérieure de l'État pour 713,2 millions d'euros ;
- d'autre part, le programme 209 - Solidarité
à l'égard des pays en développement, de la mission Aide
publique au développement
pour 1,5 milliard d'euros.
a) Les contributions du programme 105
Pour près de 80 %, les contributions du
programme 105 bénéficient au système onusien
au
travers des opérations de maintien de la
paix (289,2 millions
d'euros), de ses agences (171,1 millions d'euros) ou du financement de son
budget ordinaire (108,9 millions d'euros versés en 2021).
Répartition des contributions internationales
du programme 105 en 2021
(en millions d'euros - en pourcentage)
Source : commission des finances d'après les réponses au questionnaire
Hors opérations de maintien de la paix, le programme 105 contribuait, en 2021, au financement d'une quarantaine d'organisations rattachées au système onusien . Parmi ces dernières, sept percevaient une contribution supérieure à 10 millions d'euros.
Répartition des contributions internationales
du programme 105 aux organisations onusiennes en 2021
(en millions d'euros - en pourcentage)
Source : commission des finances d'après les réponses au questionnaire
En parallèle,
les organisations internationales
non-onusiennes rattachées au champ de la sécurité et de la
défense
constituaient, en 2021,
les principales
bénéficiaires des financements retracés au titre du
programme 105.
L'OTAN et l'OSCE ont ainsi perçu plus de la
moitié de ces financements, devant l'OCDE (21,4 millions d'euros
versés).
Répartition des contributions internationales
du programme 105 aux organisations non-onusiennes en 2021
(en millions d'euros - en pourcentage)
Note : l'Institut du monde arabe est financé par une fondation créée aux termes d'un engagement international liant la France et les membres de la Ligue Arabe en 1980. Les financements versés par la France à la Fondation sont donc regardés par l'administration comme des contributions internationales.
Source : commission des finances d'après les réponses au questionnaire
b) Les contributions du programme 209
Les contributions relevant du programme 209
de la mission Aide publique au développement - et qui sont
les plus importantes au plan financier pour le ministère des
affaires étrangères
- ont été
pour près
de 45 % versées au profit du Fonds
européen de développement
(FED)
en 2021.
À l'exclusion des crédits du FED, environ 46 organisations bénéficient de financements au titre du programme 209 dont, plus particulièrement, l'Alliance du vaccin - GAVI.
Répartition des contributions internationales
du programme 209 en 2021
(en millions d'euros - en pourcentage)
Source : commission des finances d'après les réponses au questionnaire
c) Une dépense encore largement contrainte
Depuis 2017, la part des contributions obligatoires dans l'ensemble de celles supportées par le ministère des affaires étrangères diminue . Ce mouvement s'explique notamment par :
- la baisse des crédits dédiés au Fonds européen de développement sur la période 2017-2021 (- 82,9 millions d'euros) ainsi qu'aux opérations de maintien de la paix (- 22 millions d'euros), d'une part ;
- la montée en charge de l'aide publique au développement sous forme de contributions volontaires aux organisations internationales (+ 624,2 millions d'euros), d'autre part.
En outre, cette tendance au renforcement du poids des contributions volontaires devrait s'accentuer à l'avenir. Ceci résulte notamment de la contraction de la part relative de la France dans l'économie mondiale - qui constitue une variable usuelle dans les barèmes de financement des organisations internationales -, d'un côté, et de la réforme du Fonds européen de développement - dont les contributions sont obligatoires - de l'autre.
En effet, et comme les rapporteurs spéciaux de la mission Aide publique au développement, M. Jean-Claude Requier et M. Michel Canévet l'ont relevé dans leur rapport sur les crédits de la mission pour 2022 2 ( * ) , le FED est désormais remplacé par un nouveau mécanisme de coopération financé par le prélèvement sur les recettes de l'État au profit de l'Union européenne.
À titre d'illustration, en excluant le montant des contributions versées au FED, la part des contributions volontaires dans l'ensemble des contributions versées par le ministère des affaires étrangères se serait élevée à 55,3 % en 2021, contre 38,6 % en l'incluant.
Évolution et répartition des
contributions internationales
du ministère des affaires
étrangères entre 2017 et 2021
(en milliards d'euros - en pourcentage)
Source : commission des finances d'après les réponses au questionnaire
Ces évolutions devraient permettre à faciliter le pilotage budgétaire du ministère des affaires étrangères. En effet, les contributions obligatoires forment un bloc de dépenses dont l'évolution lui échappe assez largement, tout en représentant une part importante (31,6 % en 2021) de l'ensemble de ses moyens, hors crédits de personnel .
2. Toutefois, au niveau de l'ensemble de l'État, le montant des contributions internationales s'élevait, en 2021, à 5,6 milliards d'euros
Le ministère des affaires étrangères ne supporte qu'une partie des contributions versées par la France aux organisations internationales.
En effet, d'autres ministères sont
également sollicités
de sorte que
le montant
total des contributions versées par l'État s'élevait, en
2021,
à 5,6 milliards d'euros.
Évolution et répartition des
contributions internationales
par ministère entre 2017 et
2021
(en millions d'euros)
Source : commission des finances d'après les réponses au questionnaire
Les ministères de l'Enseignement supérieur , de la Recherche et de l'Innovation (MESRI), d'un côté, et de l'Économie, des Finances et de la Relance (MINEFI), de l'autre, sont de ce point de vue, les deux principaux contributeurs aux organisations internationales après le ministère des affaires étrangères avec, pour chacun, un peu plus de 1,5 milliard d'euros engagés en 2021.
Sur le montant total des 11 contributions versées par le MESRI , plus de 60 % (1,1 milliard d'euros) correspondaient, en 2021, aux financements versés par la France, à titre obligatoire, à l'Agence spatiale européenne .
En outre, deux organisations bénéficiaient, chacune, d'une subvention d'environ 150 millions d'euros : l'organisation européenne pour la recherche nucléaire et le projet de réacteur ITER.
Les contributions acquittées par les
ministères financiers
présentent, quant à elles,
une certaine spécificité
dans la mesure
où elles recouvrent à la fois
des
subventions
ainsi que
des prises de
participation
au capital d'organismes financiers, comme des banques de
développement, qui sont retracées sur le compte d'affection
spéciale « Participations financières
de
l'État » (CAS PFE).
L'essentiel de ces crédits - environ 1,3 milliard d'euros - correspond à des actions du programme 110 - Aide économique et financière au développement - de la mission Aide publique au développement, d'une part, et du fonds de solidarité pour le développement (FSD), d'autre part.
Répartition des contributions internationales
des ministères financiers en 2021
(en millions d'euros - en pourcentage)
Source : commission des finances d'après les réponses au questionnaire
Au final, d'après les éléments compilés par les rapporteurs spéciaux, un peu plus de 210 entités distinctes (organisations internationales, fonds ou programmes...) avaient bénéficié du versement d'une contribution par la France en 2021. Toutefois, au sein de ce groupe, 14 entités représentent à elles seules près de 75 % de l'ensemble des contributions.
Synthèse des contributions internationales
versées par la France en 2021
(en millions d'euros)
* les versements envers l'Union européenne correspondent pour l'essentiel à des engagements portés par le ministère des Armées dans le champ de la défense.
Source : commission des finances d'après les réponses au questionnaire
À l'instar du phénomène
déjà relevé concernant le ministère des affaires
étrangères,
la part des contributions volontaires dans
l'ensemble
des versements progresse fortement depuis 2017.
Là-encore, cette tendance s'explique par la hausse du montant des contributions versées au titre de l'aide publique au développement.
Évolution et répartition des
contributions internationales
de l'ensemble des ministères entre
2017 et 2021
(en milliards d'euros - en pourcentage)
Source : commission des finances d'après les réponses au questionnaire
3. Au niveau interministériel, l'État ne sait pas véritablement combien il verse aux organisations internationales
Les travaux des rapporteurs ont permis d'établir
que
l'administration ne dispose pas d'une vision synthétique des
contributions versées par l'État à des organisations
internationales.
Ainsi, si chaque ministère possède une connaissance précise des contributions qu'il verse et dont l'usage est retracé dans les documents budgétaires, aucun exercice d'agrégation n'est plus organisé depuis 2019.
Jusqu'à cette date, en effet, le Gouvernement remettait un document de politique transversale (DPT) annexé au projet de loi de finances et consacré à « l'action extérieure de l'État » dont l'un des chapitres consistait en une présentation des contributions versées.
Ce document a été
remplacé
, aux termes des dispositions de
l'article 218 de
la loi de finances initiale pour 2019,
par une autre annexe
visant à présenter :
- les choix stratégiques déterminant la présence géographique et fonctionnelle de l'État et de ses opérateurs à l'étranger ;
- les réformes visant à diminuer la masse salariale des agents à l'étranger, en détaillant en crédits et en effectifs, la contribution de chaque ministère et opérateur à cette diminution ;
- l'état du parc immobilier à l'étranger et des mesures de rationalisation afférentes.
La perte d'information que constituait l'ancien DPT apparait finalement aussi regrettable pour le Parlement que pour l'administration elle-même.
En effet, les auditions conduites par les rapporteurs ont été l'occasion pour certains responsables ministériels d'indiquer que la connaissance qu'ils avaient du montant total des contributions versées par la France à chaque organisation repose aujourd'hui sur les données que les bénéficiaires eux-mêmes partagent.
À titre d'exemple, le secrétariat des Nations-Unies pour la coordination (CCS) met à disposition annuellement des jeux de données recensant le montant détaillé des contributions versées par chaque gouvernement 3 ( * ) à l'ONU et aux organismes rattachés au système onusien.
La présentation, par les rapporteurs spéciaux, d'une synthèse agrégée a impliqué qu'ils saisissent la direction du budget afin qu'elle organise la collecte des informations nécessaires au niveau interministériel .
En tout état de cause, le manque de suivi au niveau interministériel de la destination et du montant des contributions versées par l'État est préjudiciable pour le pilotage tant budgétaire que stratégique de cette dépense.
Dans ce contexte, les rapporteurs spéciaux recommandent de rétablir un document de politique transversale permettant de suivre et d'évaluer l'emploi de l'ensemble des contributions internationales versées par l'État.
Recommandation n° 1 : Rétablir un document de politique transversale retraçant et détaillant l'emploi des contributions versées par l'ensemble des ministères aux organisations internationales |
* 1 C'est-à-dire des fonds octroyant des prêts dont les conditions en matière de taux ou de durée sont plus favorables que celles pouvant être trouvées sur le marché.
* 2 Rapport fait par MM. J-C Requier et M. Canévet, sénateurs, au nom de la commission des finances sur les crédits de la mission Aide publique au développement au projet de loi de finances pour 2022.
* 3 https://unsceb.org/fs-revenue-government-donor.