EXAMEN EN COMMISSION
Réunie le mercredi 29 juin 2022 sous la présidence de Mme Catherine Deroche, présidente, la commission examine le rapport d'information de Mmes Chantal Deseyne, Michelle Meunier et Brigitte Devésa sur la lutte contre l'obésité.
Mme Catherine Deroche , présidente . - Nous en venons à l'examen du rapport d'information sur la lutte contre l'obésité, qui nous est présenté par Mmes Chantal Deseyne, Brigitte Devésa et Michelle Meunier.
Mme Chantal Deseyne , rapporteur . - À chaque chose malheur est bon : l'épidémie de covid-19 aura au moins eu le mérite de rappeler l'importance du surpoids et de l'obésité, qui figurent parmi les premières comorbidités associées au virus.
Du fait que le phénomène nous touche relativement moins que d'autres et qu'il semble se stabiliser, nous pourrions être tentés de nous en accommoder. Or l'Organisation mondiale de la santé (OMS) n'a pas tort de renouveler ses alertes, car les conséquences sanitaires, sociales et économiques de la surcharge pondérale se payent cher, et pendant longtemps. À ce propos, et s'il faut vraiment les chiffrer, rappelons que le ministère de l'économie, en 2012, avait estimé à 20 milliards d'euros le coût social du surpoids, comparable à celui du tabac ou de l'alcool.
Le dernier rapport spécifiquement consacré à la question par le Sénat datant de 2005, nous avons souhaité faire un nouvel état des lieux du problème. Depuis janvier dernier, nous nous sommes donc attelées à réunir des éléments permettant de dresser un constat de la situation aussi complet que possible, de produire une analyse de ses causes et de dégager des solutions. Notre travail appelle trois observations préalables.
Tout d'abord, nous avons choisi d'aborder ce sujet, très vaste, sous l'angle prioritaire de l'alimentation, donc de la prévention du surpoids et de l'obésité par la politique nutritionnelle. Nous n'avons pas abordé avec le même souci de précision tous les aspects du problème : ainsi, la prise en charge sanitaire, l'activité physique ou la lutte contre les discriminations mériteraient sans doute des développements spécifiques.
Ensuite, le phénomène étant mondial, nous avons voulu examiner de plus près un certain nombre d'expériences étrangères. C'est la raison pour laquelle nous avons souhaité attirer votre attention sur le dernier rapport de l'OMS relatif à l'obésité en Europe. Nous avons en outre examiné les dispositifs britanniques de fiscalité progressive sur les boissons sucrées ou d'encadrement réglementaire des quantités achetées ou du positionnement des produits dans les magasins.
Nous avons enfin regardé avec intérêt l'exemple chilien, en auditionnant M. Guido Girardi, médecin, ancien président du Sénat chilien et auteur de la proposition de loi d'opposition devenue depuis 2016 le dispositif modèle en Amérique du Sud. Parlementaire d'un pays où un tiers des enfants sont en surpoids avant d'entrer à l'école primaire, M. Girardi a dû mener ce qui s'apparente à un véritable bras de fer contre l'industrie agroalimentaire au Chili.
Enfin, nous avons retiré de nos auditions une conviction transversale : l'autonomie des individus dans le changement de leurs comportements alimentaires est limitée ; la lutte contre le surpoids et l'obésité implique par conséquent moins de responsabiliser nos concitoyens que de réunir pour eux les conditions d'un environnement plus sain.
Mme Michelle Meunier , rapporteure . - L'Organisation mondiale de la santé a repéré le danger en mentionnant dès 1997 une « épidémie d'obésité ». L'institution évoquait alors la « première épidémie non infectieuse de l'histoire de l'humanité [...], reflet des problèmes sociaux, économiques et culturels majeurs auxquels sont actuellement confrontés les pays en développement et les pays nouvellement industrialisés ».
Le terme d'« épidémie » pour qualifier la dynamique de l'obésité n'est pas galvaudé. En 2016, près de 2 milliards d'adultes, soit 39 % de la population mondiale, étaient en surpoids et, sur ce total, plus de 650 millions étaient obèses, soit 13 % de la population mondiale. Les prévalences sont néanmoins très diverses en fonction des régions du globe : 40 % de la population des États-Unis sont obèses, mais seulement 4,2 % des Japonais sont touchés.
Si l'on adopte un point de vue comparatif, la position française en Europe et dans le monde est plutôt rassurante en matière de surcharge pondérale. Elle ne saurait néanmoins être un motif de fierté nationale, car le phénomène, bien qu'assez mal mesuré, reste préoccupant : un adulte sur deux est en surpoids, et 17 % des adultes sont obèses, ce qui est à peu près stable sur la brève période, mais en augmentation depuis vingt ans.
Ces chiffres globaux dissimulent une certaine hétérogénéité dans la distribution sociale de la maladie : l'obésité est systématiquement plus fréquente en bas de l'échelle sociale. Et ces inégalités s'accroissent en France depuis les années 1990 : selon l'enquête Obépi-Roche de 2020, en vingt-trois ans, le taux d'obésité s'est en effet accru de quatre points chez les cadres, mais de plus de neuf points chez les ouvriers et de dix points chez les employés. Les enfants d'ouvriers sont quatre fois plus touchés par l'obésité que les enfants de cadres.
En outre, le phénomène n'est pas homogène géographiquement : le taux national d'obésité est de 17 %, mais il atteint 22 % dans les Hauts-de-France, 20 % dans le Grand Est et 14,4 % en Pays de la Loire. Il est surtout très élevé dans certains territoires d'outre-mer : 31 % dans les Antilles, et 47 % à Mayotte.
Enfin, nos travaux interviennent alors que la pandémie de covid-19 a laissé des traces. Une étude réalisée par Santé publique France dans le Val-de-Marne en avril 2021 souligne le rôle délétère des mesures prises pour freiner l'épidémie. La part des enfants obèses a presque doublé entre la période de 2018 à 2019 et celle de 2020 à 2021, pour atteindre 4,6 % des élèves. Ce constat est partagé en Europe, ainsi que nous l'ont dit les représentants du bureau Europe de l'OMS.
Pis encore, selon l'organisation, pas un seul État de la région ne serait en voie d'atteindre l'objectif de diminuer l'augmentation de cette prévalence d'ici à 2025.
Quoi qu'il en soit, la mesure du phénomène en France reste beaucoup trop imprécise. Notre rapport formule donc une première recommandation consistant à financer des suivis de cohortes réguliers.
Les auditions de notre mission d'information nous ont permis d'établir l'extraordinaire complexité de notre objet d'étude, qui tient à son caractère multifactoriel.
Le premier élément d'explication se résume dans l'idée d'un déséquilibre de la balance énergétique, c'est-à-dire un apport excessif de calories au regard d'une dépense calorique insuffisante. D'après les études INCA, nous consommons chaque jour 2 200 kilocalories, soit un tiers de plus qu'en 1970, d'une alimentation probablement trop grasse - de 80 % plus grasse qu'en 1970 - et, surtout, trop sucrée. Par parenthèse, l'histoire de la place croissante du sucre dans nos régimes alimentaires est déjà bien exploitée par les historiens et les anthropologues, qui y voient une conséquence de la révolution industrielle et de la nécessité de recharger la force de travail toujours plus efficacement.
Ce déséquilibre est ainsi, en quelque sorte, déterminé par un environnement que l'on peut qualifier d'obésogène. Le temps destiné à la préparation des repas ayant été réduit de 25 % en un quart de siècle, l'industrie n'a cessé d'enrichir l'offre alimentaire pour répondre à la demande d'une alimentation à moindre coût et à moindre perte de temps. On estime par exemple que 46 % des calories ingérées par les enfants proviennent d'aliments ultra-transformés, c'est-à-dire dont la matrice alimentaire a été affectée par des procédés industriels ou qui contiennent des substances d'origine industrielle.
Or les produits ultra-transformés sont en moyenne plus denses énergétiquement - c'est ce que l'on attend d'eux - et contiennent des additifs nocifs ; ils agissent sur la biodisponibilité des nutriments, la mastication, la satiété, la réaction hormonale, ou encore la vitesse de prise alimentaire. Modifiant notre manière de nous alimenter, ils sont en outre fortement soupçonnés d'entraîner des risques plus élevés de surpoids et d'obésité, ainsi que d'autres pathologies chroniques.
Notre rapport examine encore d'autres causes, tels les pesticides et les perturbateurs endocriniens, et plaide pour un soutien plus franc à la recherche sur ces dimensions.
Sur l'autre plateau de la balance énergétique repose l'insuffisance de la dépense calorique, par le double effet d'un défaut d'activité physique et d'une sédentarité excessive. Mesurée généralement d'après le temps passé quotidiennement devant un écran, cette dernière a considérablement augmenté et, chez les enfants, concerne là encore davantage les enfants d'ouvriers que les enfants de cadres. L'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses) estime que seuls 5 % des adultes ont une activité physique suffisante pour être protectrice.
Nous ne devons enfin pas négliger d'autres facteurs individuels, tels que les déterminants génétiques - certains chercheurs estimant l'héritabilité de l'obésité à 70 % -, le rôle du microbiote, ainsi que les facteurs psychologiques traumatiques, au premier rang desquels les violences sexuelles. Ces dernières pourraient porter les victimes à la prise de poids, selon différentes hypothèses, soit par souci de protection, soit à la suite d'un état dissociatif à l'instar de celui provoquant des conduites addictives, ou bien encore par le jeu de mécanismes neurobiologiques déterminant le métabolisme.
La complexité de l'objet se répercute sur l'action des pouvoirs publics : d'abord, parce que le caractère multifactoriel du phénomène invite plutôt à une action globale sur les déterminants environnementaux du surpoids plutôt que sur la responsabilisation des individus ; ensuite, parce que lire l'état du consensus scientifique à travers le brouillard des conflits d'intérêts entretenus par l'industrie agroalimentaire reste une tâche difficile.
Malgré tout, la France a structuré assez rapidement une action contre le surpoids et l'obésité qui repose essentiellement sur le programme national nutrition santé (PNNS), lancé en 2001 pour cinq ans, puis reconduit trois fois. Le quatrième PNNS, lancé pour la période 2019-2024, prévoit 55 mesures pour, notamment, « diminuer de 15 % l'obésité et stabiliser le surpoids chez les adultes » et « diminuer de 20 % le surpoids et l'obésité chez les enfants et les adolescents ».
Les évaluateurs des premiers plans ont déploré le foisonnement des mesures, la mauvaise articulation avec les autres politiques publiques, la difficile déclinaison sur le terrain des actions menées et, surtout, la difficulté à mesurer les résultats obtenus d'actions qui consistent à diminuer d'un facteur précis la consommation de tel ou tel nutriment. Compte tenu de la complexité énoncée, nous pouvons douter que la mise en oeuvre du dernier plan s'écarte franchement de ces constats. Surtout, il nous a semblé que les politiques menées minoraient la dimension sociétale de la maladie et qu'il fallait au contraire engager des mesures systémiques ambitieuses.
Il faudra certainement faire mieux pour améliorer la prise en charge de la maladie. Le covid l'a suffisamment rappelé : l'obésité est une maladie grave, à laquelle sont associées de nombreuses pathologies et qui réduit singulièrement l'espérance de vie. Or les médecins généralistes sont encore insuffisamment formés, la réforme des études de santé n'a guère renforcé la place de la nutrition et les structures de repérage existantes ne sont pas assez soutenues par les pouvoirs publics. Surtout, nous proposons de renforcer la prise en charge par l'assurance maladie des soins des personnes en situation d'obésité, par exemple en en faisant une affection de longue durée.
Enfin, l'intervention des industriels dans l'orientation des politiques publiques est l'une des questions épineuses que nous soulevons dans notre rapport. Sans avoir encore de recommandations à formuler pour prévenir les conflits d'intérêts dans le domaine de la nutrition, il conviendra de garder à l'esprit la grande habileté du secteur agro-alimentaire pour organiser à son profit le débat public par le financement de recherches choisies, la création de fondations ou, plus simplement, un lobbying intense.
Mme Chantal Deseyne , rapporteur . - Notre fil conducteur a donc été celui du rééquilibrage des efforts : nous pensons que ceux qui sont demandés aux individus sont excessifs et que la lutte contre le surpoids et l'obésité passe d'abord par la promotion de préférences favorables à la santé, sans culpabiliser les individus.
Le Nutri-Score est devenu l'emblème des politiques nutritionnelles en France. Sa mise en place n'a été possible qu'au terme d'une bataille de six ans ayant opposé les concepteurs du dispositif à l'industrie agroalimentaire. Sa généralisation obligatoire à l'échelle européenne est l'une des mesures prioritaires du dernier PNNS. Il est donc devenu très difficile d'en faire la moindre critique sans risquer de prêter le flanc à l'accusation de défaitisme, d'hostilité à la science ou de capitulation devant les intérêts industriels.
Il y a pourtant beaucoup à dire. D'abord, il est vrai que le Nutri-Score est un outil simple, qui a prouvé son efficacité en conditions expérimentales par rapport à d'autres dispositifs d'étiquetage, bien connu des utilisateurs et adopté de plus en plus largement par les industriels, sur la base du volontariat, et dans un nombre croissant de pays.
Son objectif est double : encourager les consommateurs à faire des choix plus sains et inciter les industriels de l'agroalimentaire à reformuler leurs produits. Les résultats sur ces deux aspects sont encore imprécisément mesurés. On sait, en revanche, que les fabricants de produits bien notés sont les plus enclins, en régime facultatif, à apposer le Nutri-Score sur leurs emballages...
Cela étant, que faut-il en attendre ? Sans doute pas de miracle : le Nutri-Score agit comme un nudge , c'est-à-dire un dispositif de guidage des comportements, qui ne touche guère aux préférences. Il ne modifiera donc probablement pas le panier des personnes qui achètent, par réconfort, des produits mal notés, ou qui arbitrent sur les prix, c'est-à-dire les plus pauvres et les plus touchés par le surpoids.
Ce dispositif se heurte surtout à une critique de fond : le Nutri-Score étant fondé sur l'analyse des nutriments, il fait peu de cas du caractère naturel, peu transformé, bio ou de la provenance des produits, bref de l'insertion de l'aliment dans un usage. Les scientifiques critiques du « nutritionnisme », c'est-à-dire de la réduction de la science de l'alimentation aux aspects quantitatifs des nutriments contenus dans les aliments, y voient un outil superflu en ce qu'il permet de présenter comme sains des produits qui ne méritent leur score « A » qu'à la faveur de procédés industriels peu appétissants, qui leur ont ajouté ceci ou retiré cela.
Dernière critique qui nous semble recevable : au fond, ne vaut-il pas mieux éduquer les plus jeunes à s'alimenter correctement et à refaire du repas une activité sociale, plutôt qu'à décrypter des étiquettes ?
Pour autant, le Nutri-Score n'est pas sans vertu et mérite de figurer dans l'arsenal de lutte contre les mauvaises habitudes. De plus, il peut être remédié à la critique de fond : comme l'a admis le Pr Serge Hercberg, concepteur du dispositif, il suffirait, pour la bonne information des consommateurs, de compléter l'algorithme et d'entourer d'un bandeau noir le Nutri-Score des produits ultra-transformés, ce que nous proposons également, à l'instar du dispositif retenu au Chili, qui a préféré miser sur la stigmatisation des mauvais produits plutôt que sur la distribution de bons et de mauvais points, en imposant un logo noir de bonne taille sur les produits trop riches.
Nous pensons qu'il faut éduquer les enfants à l'alimentation dès le plus jeune âge. Un tel rôle doit être aussi celui de l'école obligatoire, afin de mieux connaître les aliments et de pouvoir reconnaître ceux qui ont été ultra-transformés. Songez, chers collègues, qu'en 2013, quelque 87 % des 910 enfants interrogés en région PACA par un réseau de 2 500 médecins ignoraient ce qu'est une betterave, un tiers ce que sont les poireaux, artichauts et courgettes, et que seuls 28 % d'entre eux avaient une idée de la composition des pâtes. Je rappelle que le repas français et ses rituels ont été classés au patrimoine immatériel de l'Unesco voilà douze ans...
Nous songeons également à un enseignement pratique obligatoire, qui inclurait une initiation à la cuisine. Qu'on l'appelle « atelier culinaire », « enseignement ménager » ou « économie domestique », peu importe, du moment qu'il enseigne sur le plan pratique la fonction alimentaire, presque aussi sociale que biologique. Ceux qui voient d'un mauvais oeil le retour d'une classe ayant autrefois servi à cantonner les filles dans la sphère privée seraient peut-être surpris d'apprendre que certains pays, comme la Finlande, l'ont rétabli avec l'objectif de promouvoir l'égalité des rôles dès le plus jeune âge. C'est en outre un vecteur de créativité et de lutte contre les inégalités de santé.
Éduquer au goût imposera également de protéger les enfants des séductions de l'industrie agroalimentaire. Le modèle en la matière est également chilien : là-bas, le marketing destiné aux enfants est largement interdit, ce qui inclut, par exemple, la publicité à la télévision et l'association à un produit alimentaire d'une vaste gamme de dispositifs de captation de l'attention.
Vous connaissez sans doute, chers collègues, le grand tigre sportif qui sert de mascotte à cette variété répandue de céréales du petit-déjeuner, ou avez déjà peiné, vous aussi, à assembler le jouet qui garnit les oeufs en chocolat d'une célèbre marque italienne... Il n'est pas question d'interdire de manger des céréales ou des oeufs en chocolat, mais de limiter le conditionnement psychologique qui, en dernière instance, nuit à la santé des très jeunes consommateurs. Les petits Chiliens ne s'en portent que mieux : n'attendons pas d'atteindre leur niveau d'obésité infantile pour nous y résoudre. Les propositions d'encadrement ont déjà été faites par le Haut Conseil de la santé publique, en complément de la loi Gattolin sur la publicité à la télévision : il reste à nous en saisir.
Nous nous sommes également penchées sur les dispositifs de soutien aux ménages modestes. Créé en 2012, le « programme Malin » vise à favoriser l'accès des enfants en bas âge, issus de familles en situation de fragilité socio-économique, à une alimentation équilibrée et de qualité, grâce à des conseils, recettes et astuces au quotidien, mais aussi grâce à des bons de réduction pour des produits choisis par des pédiatres. De tels dispositifs doivent être généralisés, notamment par l'expérimentation de la distribution de chèques alimentaires ciblés sur les ménages les plus précaires, afin de les aider à acheter des produits frais et sains. C'est un sujet d'actualité dont les aspects pratiques sont encore en discussion, mais qui mériterait d'être considéré aussi sous le rapport de la lutte contre le surpoids et l'obésité.
Enfin, après les dispositifs destinés aux enfants et aux consommateurs, nous avons examiné les dispositifs de prévention généralistes destinés à tous les citoyens, tels que les recommandations nutritionnelles. Aujourd'hui assez bien connues, ces dernières sont perçues différemment selon les milieux sociaux et les latitudes. Le fait qu'elles soient actualisées et précisées ne contribue pas à améliorer leur appropriation par la population. Elles gagneraient à être mieux adaptées localement, pour être plus efficaces.
Mme Brigitte Devésa , rapporteure . - Nos premières recommandations ont porté sur la demande alimentaire, avec, comme fil conducteur, la volonté de munir les citoyens et les consommateurs d'outils de défense appropriés pour faire des choix éclairés. Toutefois, cette approche ne saurait suffire si nous ne tentons pas d'agir sur l'environnement en transformant l'offre alimentaire de manière plus déterminée.
Les premières politiques nutrition-santé négligeaient l'offre alimentaire. Il faut attendre le second volet du PNNS pour que des mesures visent à rendre les produits alimentaires moins riches en sucres ajoutés, en matières grasses et en sel. La voie retenue a été celle d'une incitation des industriels à s'engager. Deux instruments ont été utilisés à cette fin : les chartes d'engagement volontaire formalisent les efforts d'une entreprise, tandis que les accords collectifs doivent entraîner tout un secteur vers une reformulation des produits.
Douze ans après son amorce, notre rapport dresse un bilan très mitigé de la méthode choisie. Après une vague de contractualisation entre les entreprises et les pouvoirs publics, le mouvement s'est essoufflé. Les résultats obtenus en termes de reformulation des produits alimentaires ont été limités par le manque d'ambition des objectifs originels et par un nombre trop faible d'entreprises concernées pour représenter des parts de marché significatives. En outre, l'évaluation des accords collectifs, pourtant confiée à l'Observatoire de la qualité de l'alimentation, a été quasiment inexistante.
Les nouveaux PNNS et le programme national de l'alimentation (PNA) ambitionnent de mettre en place une nouvelle génération d'accords collectifs avec une approche plus volontariste. Un premier accord a été signé sur la réduction du sel dans le secteur de la boulangerie après trois ans de négociations. Nous nous en réjouissons, mais que de temps perdu !
Nous demeurons sceptiques quant à la capacité des industriels à jouer le jeu de la recomposition nutritionnelle de leurs produits. L'autorégulation de l'offre alimentaire nous paraît être une chimère. Il convient de mener des politiques publiques plus contraignantes pour les industriels.
Plutôt que des encouragements à l'autorégulation, nous recommandons de fixer par voie législative et réglementaire des teneurs maximales en acides gras saturés et en sucres ajoutés pour obliger aux reformulations. Cette définition pourra se fonder sur l'expertise de l'Anses, qui a produit des recommandations de consommations maximales et des scénarios intégrant les différentes options de seuils nutritionnels.
Ensuite, notre rapport formule des recommandations sur l'environnement marketing qui biaise la rationalité des consommateurs, même sensibilisés, par des stratégies commerciales agressives. Nous estimons que la France pourrait s'inspirer de l'exemple anglais en la matière. Le plan du gouvernement de Boris Johnson prévoit de restreindre fortement les promotions alimentaires et les stratégies marketing mises en oeuvre par la grande distribution pour inciter les consommateurs à acheter des produits trop gras ou trop sucrés.
Sur leur exemple, nous proposons d'interdire la vente de produits malsains aux abords des caisses de paiement, qui incitent aux achats impulsifs, et d'interdire les promotions commerciales comme « un paquet acheté, un paquet gratuit » sur les produits trop gras et trop sucrés - je pense aux confiseries industrielles, aux chips ou aux sodas. Un rapport montre que ces offres de réduction sont à l'origine en Angleterre d'une hausse de 6 % de la consommation de sucres par des produits trop sucrés. Ces offres commerciales devraient au contraire être réorientées vers les produits de bonne qualité nutritionnelle.
Nous avons également évalué le recours à l'outil fiscal pour transformer l'offre alimentaire, dans le sillage des travaux menés par la mission d'évaluation et de contrôle de la sécurité sociale (Mecss) de notre commission en 2014. Dans leur rapport sur la fiscalité comportementale, la présidente Catherine Deroche et notre ancien collègue Yves Daudigny dressaient des constats et formulaient des propositions qui conservent toute leur pertinence. Nous déplorons que certaines des recommandations, pourtant prioritaires, soient toujours inappliquées aujourd'hui. Je pense notamment au régime de la TVA, qui offre des avantages fiscaux à des produits malsains : les boissons trop sucrées bénéficient d'un taux réduit à 5,5 %, alors même qu'elles sont frappées d'une taxe nutritionnelle depuis 2012. Cette incohérence perdure depuis trop longtemps.
D'autres innovations fiscales pourraient voir le jour. Si la responsabilité de l'ultra-transformation, pointée lors de nos auditions, se confirme par les travaux de recherche que nous appelons de nos voeux, il conviendra d'envisager une taxe sur les aliments ultra-transformés qui soit progressive selon les marqueurs présents de l'ultra-transformation.
Cette taxe aurait deux bénéfices et serait soumise à une condition. Les économistes que nous avons entendus nous ont expliqué que les aliments ultra-transformés bénéficient d'un avantage prix, acquis grâce à l'innovation, en comparaison des aliments peu transformés. Cette taxe permettrait de rééquilibrer les prix en faveur des aliments bruts. Par ailleurs, son caractère progressif inciterait les industriels à une reformulation des produits en réduisant les marqueurs de l'ultra-transformation. Dans un contexte inflationniste, cette taxe ne pourrait être mise en place que comme corollaire à un chèque en faveur des aliments bruts, comme nous proposons de l'expérimenter.
Notre rapport appelle enfin à une transformation locale de l'environnement obésogène. Les collectivités territoriales ont un rôle majeur dans la prévention nutritionnelle de l'obésité. Je pense tout d'abord aux projets alimentaires territoriaux, à travers lesquels les collectivités peuvent organiser un approvisionnement local de produits bruts dans la restauration scolaire. Toutefois, il ressort de nos travaux que ne sont plus exceptionnels les cas de lycéens, voire de collégiens, déjeunant régulièrement à l'extérieur dans des fast-foods, au lieu du restaurant scolaire. Les efforts menés à l'intérieur des établissements risquent de se trouver neutralisés par la baisse de la fréquentation scolaire si une réflexion n'est pas menée pour réguler l'offre de fast-foods à proximité des écoles.
De même, l'aménagement urbain doit prendre toute sa part pour inciter les populations à l'activité physique et sportive. L'aménagement de pistes cyclables, mais également d'espaces réservés et sécurisés pour les piétons - trottoirs larges, éclairage public... - est primordial.
Nous nous penchons spécifiquement sur la situation en outre mer, où l'offre alimentaire est particulièrement dégradée. La loi Lurel de 2013 a mis sur le devant de la scène l'enjeu des teneurs en sucre des produits transformés sur les marchés ultra-marins. Elle garantit que les produits vendus en outre-mer ne soient pas plus sucrés que les produits similaires vendus dans l'Hexagone.
Aux produits disponibles s'ajoutent des préférences locales plus marquées pour certains produits sucrés. Ainsi, les consommations journalières moyennes de boissons sucrées en Martinique et en Guadeloupe sont près de trois fois supérieures à celles de la France hexagonale.
À elle seule, la loi Lurel ne garantit pas aux territoires ultra-marins une offre de produits sucrés n'accroissant pas les inégalités de santé entre les populations ultra-marines et hexagonales. La DGCCRF, qui a évalué la législation sur les boissons sucrées sans constater d'inapplication de la loi, a souligné plusieurs difficultés. D'une part, la loi se fonde sur une comparaison entre les produits commercialisés en outre-mer et ceux mis en vente dans l'Hexagone. Or un bon nombre de produits spécifiques aux outre-mer ne trouvent pas d'équivalent dans l'Hexagone. D'autre part, la notion de sucres ajoutés n'est pas nécessairement la plus pertinente pour limiter le taux de sucre global des boissons sucrées, qui contiennent souvent des jus de fruits naturellement fort sucrés.
Comme nous l'avons déjà indiqué, la fixation par voie législative et réglementaire de seuils maximaux de teneur en sucre et en matières grasses, sans possibilité de les substituer par des additifs, serait beaucoup plus efficace et appropriée.
Mes chers collègues, notre rapport n'est pas des plus optimistes, ni sur les constats de la maladie ni sur le bilan des politiques menées jusqu'à présent - qui ont tout de même le mérite d'exister. Il sera, nous l'espérons, une alerte prise au sérieux par les citoyens, les pouvoirs publics, les professionnels de santé et les industriels de l'agroalimentaire. Les cris d'alarme se multiplient sur l'obésité : nous devons changer radicalement notre méthode.
Mme Corinne Imbert . - Alain Milon, qui a dû quitter notre réunion, m'a demandé de rappeler qu'il avait travaillé, en 2005, avec Sylvie Desmarescaux, ancienne sénatrice du Nord, à la mise en place d'un plan nutrition-santé qui avait permis à des collectivités locales de financer des postes de nutritionnistes dans les cantines centrales. Ce dispositif avait permis d'obtenir de très bons résultats. Ces postes ont aujourd'hui disparu. Vous avez évoqué le rôle des collectivités dans le choix et l'achat des produits, mais l'élaboration des menus est tout aussi essentielle.
L'obésité est une maladie chronique face à laquelle il ne faut pas baisser les bras. Comme vous le rappelez, d'autres maladies en découlent : hypertension artérielle, diabète, apnée du sommeil, maladie du foie gras... Nous avons rencontré hier, avec Catherine Deroche, des chercheurs du centre de recherche des cordeliers travaillant sur la stéatose hépatique ou maladie du fois gras. Ils ont souligné que la « malbouffe » était l'une des premières causes de l'apparition de cette pathologie gravissime. Il faut éduquer nos concitoyens au bien manger et au bien bouger.
L'allaitement maternel est parfois présenté comme un facteur de prévention du surpoids et de l'obésité. Vos travaux confirment-ils cette affirmation ?
M. Martin Lévrier . - Que pensez-vous d'une taxe dont le taux varierait en fonction du Nutri-Score ?
Par ailleurs, vous avez évoqué le marketing et la publicité de certaines marques de produits, mais pas de certaines chaînes de restauration, qui ont également recours aux jouets pour attirer les enfants. Est-il envisageable de réguler ces publicités ?
M. Philippe Mouiller . - Vos préconisations sont percutantes et constituent assurément des pistes intéressantes pour améliorer le système. Toutefois, je m'interroge, et ce de manière générale, sur l'efficacité des taxes et des contraintes : d'une part, je ne pense pas que le produit de la taxe permettrait de changer grand-chose au problème ; d'autre part, en termes de marketing, les entreprises sont de grands spécialistes pour contourner les sujets.
Par contre, les enjeux d'éducation sont fondamentaux : c'est là que tout se joue et qu'il faut engager des moyens. Peut-être faut-il mener un dialogue avec le Gouvernement pour traduire concrètement vos préconisations et aller encore plus loin.
M. Bernard Jomier . - La question de l'épidémie de surpoids et d'obésité, qui ne concerne pas que la France, est d'une grande complexité.
Quelle est votre analyse des causes des perturbations endocriniennes ? Le sujet est aujourd'hui bien documenté, même s'il est toujours compliqué de pondérer précisément la place de chaque facteur dans l'obésité.
En ce qui concerne le Nutri-Score, on attribue souvent trop d'honneur ou trop d'indignité à un dispositif qui n'est qu'un outil parmi d'autres. La polémique entourant le Nutri-Score est entretenue par des industriels qui n'en veulent pas. Plus fondamentalement, il s'agit de déterminer la place de l'information dans la nutrition. Il ne faut pas prendre les consommateurs pour des idiots : ce n'est pas parce que le roquefort est moins bien classé qu'un autre fromage que nos concitoyens ne vont plus en manger.
Certes, le Nutri-Score ne dit rien du caractère bio des produits ou de leur transformation, mais telle n'est pas sa vocation. On peut trouver des aliments issus de l'agriculture biologique mais très gras ou produits à l'autre bout de la planète : aucun outil ne reflète la diversité et la complexité de la problématique que nous évoquons. Je souhaitais donc savoir si vous partagiez cette analyse et si finalement vous pensiez que le Nutri-Score est un bon outil.
Vous avez eu raison de souligner à plusieurs reprises l'importance de responsabiliser les industriels de l'alimentation transformée. L'approche comportementale individuelle ne peut, à elle seule, constituer une réponse à l'épidémie d'obésité. Nous vivons dans une société du trop-plein où l'on trouve partout de quoi manger. Il suffit d'ailleurs que les pots de moutarde viennent à manquer pour traumatiser tout le monde ! Comment peut-on réguler une telle société sans s'appuyer sur les industriels ? Pensez-vous profiter de la prochaine séquence budgétaire pour faire des propositions concrètes ?
Mme Frédérique Puissat . - Une question brève pour ma part sur un dossier que nous avons suivi ces dernières années. Vous êtes-vous penchées sur la question du transport bariatrique ?
M. Alain Duffourg . - Merci aux rapporteures pour ce travail très intéressant et très dense. Comme vous l'avez indiqué, un tiers des enfants sont obèses dans certains pays en développement mais les pays industrialisés souffrent aussi désormais de ce phénomène. Quelle réponse faut-il apporter ? Alors que la France est plutôt exemplaire s'agissant des campagnes de promotion d'une alimentation saine, je ne pensais pas qu'autant de nos enfants puissent ne pas connaître les fruits et légumes que vous avez cités.
Je suis tout à fait d'accord pour dire qu'il y a un manque d'encadrement législatif des industriels. Il faudrait mener un travail pour les contraindre à respecter certaines normes à commencer par le Nutri-Score.
Enfin, je partage votre avis ; les collectivités locales peuvent mener une action tout à fait intéressante. Dans les cantines du Gers, nous nous efforçons de faire consommer aux enfants des produits locaux et bio.
Mme Catherine Deroche , présidente . - Les chercheurs du centre de recherche des cordeliers nous ont montré hier une carte des parties du monde les plus touchées par l'obésité : on y retrouvait bien évidemment le continent américain, mais aussi toute l'Europe et toute l'Asie. En Chine ou au Vietnam, on constate aujourd'hui énormément d'obésité infantile en raison d'habitudes de vie comparables à celles des Américains.
Mme Brigitte Devésa , rapporteure . - Notre rapport met en exergue un vrai danger en termes de santé publique. Nous sommes tous conscients de l'importance de cet enjeu.
Aujourd'hui, rien ne semble en mesure d'inverser la dynamique du surpoids et de l'obésité. Il va falloir redoubler d'efforts et infléchir la logique à l'oeuvre davantage par l'éducation qu'en culpabilisant les individus, même si les parents sont toujours les premiers éducateurs. Il faudra aussi rendre l'environnement urbain moins propice au développement de l'obésité.
Pour répondre à Madame Imbert, l'allaitement maternel est bien soutenu par l'OMS, qui cite de nombreuses études soulignant la corrélation entre durée de l'allaitement et surpoids ultérieur. L'encouragement à l'allaitement est l'une des mesures du PNNS dont la mise en oeuvre pourrait être accélérée, même s'il s'agit d'un choix éminemment personnel.
Nous partageons les interrogations de Monsieur Mouiller sur le recours à l'outil fiscal. C'est la raison pour laquelle nous ne formulons pas de proposition sur la taxe touchant les boissons sucrées, qui fait actuellement l'objet d'une évaluation. Il convient d'attendre ces éléments pour ne pas faire de recommandations à la légère. En ce qui concerne la fiscalité sur les produits ultra-transformés, notre proposition est conditionnée à des recherches supplémentaires sur la responsabilité de ces aliments dans l'épidémie d'obésité. Enfin, pour ce qui est de notre préconisation sur la TVA, il s'agit simplement de mettre fin à un régime incohérent que la commission avait déjà eu l'occasion de souligner.
Monsieur Duffourg, tout le sens de notre rapport est de compléter l'approche incitative par des mesures obligatoires. Le Nutri-Score a le mérite d'exister en dépit des critiques que nous avons soulignées. Rendre cet étiquetage obligatoire relève du droit de l'Union européenne et la France soutient cette mesure. Il faudra en tout cas monter d'un cran pour obliger les industriels à jouer le jeu sur beaucoup d'autres aspects.
Mme Michelle Meunier , rapporteure . - Sur la question de Monsieur Jomier de savoir si, en définitive, le Nutri-Score est un bon outil, notre conviction est que, face à l'aspect multifactoriel et multidimensionnel de la maladie, il ne peut y avoir une seule réponse. Nous n'avons pas écarté le Nutri-Score car il commence à entrer dans les habitudes d'achat d'une certaine catégorie de consommateurs bien avertis. Les enfants s'y intéressent aussi, grâce aux enseignements qu'ils peuvent suivre à l'école. Ce dispositif peut sans doute être amélioré, notamment pour ce qui est du dosage et des fréquences de consommation. Le Nutri-Score d'un paquet de gâteaux peut être satisfaisant, mais rien n'indique qu'il faut éviter d'en manger cinq à la suite... Encore une fois, il n'est qu'un outil parmi d'autres, et ne pourra pas accomplir de miracle à lui-seul.
En ce qui concerne les perturbateurs endocriniens, certains spécialistes ont souligné qu'ils agissaient parfois sur l'effet de satiété, ce qui pouvait pousser au grignotage.
Vous avez raison Madame Imbert d'insister sur les nombreuses pathologies associées à l'obésité. On en dénombre près d'une vingtaine.
Il me semble également essentiel de déstigmatiser la personne obèse en cessant de la culpabiliser. Elle doit bien évidemment repenser ses habitudes alimentaires, mais il faut surtout agir sur l'environnement au sens large - politiques commerciales, publicité...
Il faut également améliorer la prise en charge de cette maladie, dont on ne reconnaît toujours pas le caractère de longue durée, ce qui pose problème pour le remboursement de certains soins ou de certains conseils en nutrition et évince, de facto , une grande partie de la population.
Monsieur Duffourg, tout concourt à l'amélioration de la situation, y compris l'aménagement du territoire. Les collectivités peuvent agir non seulement sur les équipements - pistes cyclables... -, mais aussi sur la conception des bâtiments : ne faudrait-il pas placer l'escalier avant l'ascenseur dans les halls, par exemple ?
Mme Chantal Deseyne , rapporteur . - Nous reconnaissons tous que l'obésité est une maladie. Il ne s'agit pas de stigmatiser les personnes qui en sont atteintes. Il me semble toutefois qu'il est possible de considérer le surpoids et l'obésité comme une forme d'addiction et en particulier au sucre. L'histoire nous enseigne que la consommation de sucre est concomitante de l'essor industriel anglais, les ouvriers y trouvant une manière efficace de se rassasier, voire de se doper. Sans prise de conscience ni réelle détermination pour changer les comportements alimentaires, aucun dispositif ne pourra fonctionner.
Je rejoins les propos de Monsieur Mouiller sur les doutes légitimes que l'on peut avoir sur l'efficacité des taxes. Nous rappelons dans le rapport qu'elles touchent les plus précaires, sans pour autant modifier forcément leurs habitudes de consommation. Les fabricants ou distributeurs de sodas, par exemple, peuvent aussi choisir d'imputer le surcoût à leurs marges pour conserver leur part de marché.
Par ailleurs, dans les milieux précaires, qui ne sont pas autant sensibilisés aux questions de nutrition, pouvoir offrir à ses enfants un soda ou une viennoiserie constitue aussi une forme de satisfaction.
Notre rapport retient donc une approche équilibrée sur les questions de fiscalité. Taxer les industries agroalimentaires pour les inciter à reformuler les recettes de leurs produits ultra-transformés me semblerait par exemple très pertinent. Le produit de cette fiscalité pourrait servir à financer d'autres dispositifs, comme les chèques alimentation, et diriger ainsi les consommateurs vers des produits sains.
Madame Puissat, le transport bariatrique ne fait pas du tout l'objet de notre rapport. Mme la présidente me dit que les choses n'ont en revanche pas bougé sur ce sujet...
Au-delà de la vingtaine de maladies chroniques induites par le surpoids et l'obésité, cette pathologie entraîne aussi des retards de dépistage de cancer, notamment chez la femme, qui souffre de l'image dévalorisante de son corps... Il faut aussi tenir compte de nombreux aspects psychologiques.
Mme Catherine Deroche , présidente . - Bravo pour le travail très complet que vous avez mené. Je vais maintenant demander à la commission de se prononcer sur l'ensemble des recommandations et d'autoriser la publication de ce rapport d'information, dont je précise le titre : « Surpoids et obésité, l'autre pandémie ».
La commission approuve les recommandations et autorise la publication du rapport.