D. GARANTIR L'APTITUDE À LA CHASSE
Selon la mission, garantir l'aptitude à la chasse des chasseurs passe par un certificat médical annuel, l'interdiction de l'alcool et des stupéfiants et par le développement de la pratique du tir.
1. L'aptitude physique et psychologique à la chasse
La mission a examiné de manière exhaustive le droit en vigueur en France pour la chasse, pour la possession d'armes, pour la conduite automobile, dans les sports impliquant des armes à feu et à l'étranger.
a) Le droit applicable en matière de chasse et d'armes à feu
Depuis 2005 , en application de l'article L. 423-6 du code de l'environnement, le candidat à l'examen du permis de chasser doit présenter « un certificat médical attestant que son état de santé physique et psychique est compatible avec la détention d'une arme ». Ce certificat médical doit en particulier attester que le candidat n'est atteint d'aucune des affections médicales ou infirmités mentionnées à l'article R. 423-25 du code de l'environnement soit :
« 1° Toute infirmité ou mutilation ne laissant pas la possibilité d'une action de tir à tout moment, précise et sûre ;
« 2° Toute affection entraînant ou risquant d'entraîner des troubles moteurs, sensitifs ou psychiques perturbant la vigilance, l'équilibre, la coordination des mouvements ou le comportement ;
« 3° Toute affection entraînant ou risquant d'entraîner un déficit visuel ou auditif susceptible de compromettre ou de limiter les possibilités d'appréciation de l'objectif du tir et de son environnement ;
« 4° Toute intoxication chronique ou aiguë ou tout traitement médicamenteux dont les effets peuvent entraîner les mêmes risques ».
Ensuite, chaque année, pour valider son permis de chasser, il doit attester sur l'honneur ne souffrir d'aucune contre-indication , c'est-à-dire de ne pas être atteint des affections médicales ou infirmités listées ci-dessus.
En cas de doute, le préfet peut exiger un certificat médical par un médecin assermenté (article L. 423-15 du code de l'environnement).
La personne qui souhaite détenir une arme , par exemple une arme héritée, et qui ne peut présenter un permis de chasser ou une licence sportive permettant la pratique du tir, doit présenter un certificat médical de moins d'un mois attestant que son état de santé physique et psychique n'est pas incompatible (article L. 312-6 du code de la sécurité intérieure).
b) Le droit actuel en matière de sports avec armes et pour la conduite automobile
En matière de sport , la règle générale est l'établissement d'un certificat médical tous les trois ans et, dans l'intermédiaire, la réponse à un questionnaire médical (article L. 231-2 du code du sport).
Cependant, en application de l'article L. 231-2-3, pour les disciplines , énumérées par décret, qui présentent des contraintes particulières , la délivrance ou le renouvellement de la licence ainsi que la participation à des compétitions sont soumis à la production d'un certificat médical annuel . La délivrance de ce certificat est subordonnée à la réalisation d'un examen médical spécifique dont les caractéristiques sont fixées par arrêté des ministres chargés de la santé et des sports.
Le décret mentionné ci-dessus est pris après avis des fédérations sportives concernées.
Les contraintes particulières résultent soit de l'environnement spécifique dans lequel les disciplines se déroulent, soit des contraintes liées à la sécurité ou la santé des pratiquants.
Les trois disciplines impliquant des armes à feu que sont le tir sportif, le ball-trap et le ski-biathlon sont concernées .
Cela représentait en France, en 2021, 700 licenciés pour le ski-biathlon, 27 600 pratiquants de ball-trap et 226 000 tireurs sportifs.
Pour le permis de conduire , une visite médicale n'est obligatoire que si le candidat ou le titulaire souffre d'affections médicales incompatibles avec la détention du permis. Cette liste est établie par arrêté dont la dernière version date du 28 mars 2022.
Une visite médicale peut également être exigée dans certains cas de retrait du permis notamment pour usage d'alcool.
La visite est réalisée par un médecin agréé.
c) Le droit à l'étranger en matière de chasse et de détention d'armes
Au Royaume-Uni où il n'y a pas de permis de chasser, la détention d'armes est soumise, depuis 2021, à questionnaire de santé tous les cinq ans avec le renouvellement de l'autorisation. Ce questionnaire est validé par un médecin.
En Italie , la détention d'armes est soumise à la production d'un certificat médical délivré par une agence locale de santé ou par un médecin militaire ou de la police nationale. Il doit être renouvelé tous les cinq ans.
En Espagne , le permis de détention d'armes est limité à cinq ans. Depuis 2020, la détention d'armes n'est autorisée aux personnes de 60 ans que pour deux ans et une seule année à partir de 70 ans sous réserve de la présentation d'un rapport d'aptitude délivré par un centre agréé pour une durée de trois ans.
Aux Pays-Bas , les détenteurs d'armes à feu sont soumis à un test psychologique dénommé « e-screener » et ils doivent donner les noms de trois personnes référentes attestant leur capacité. Un résultat négatif provoque un entretien avec la police.
En Suisse , c'est la réussite à l'épreuve périodique de tir (tous les trois ans dans le canton de Vaud) qui vient attester de l'aptitude physique.
En Allemagne , l'aptitude est appréciée à travers un critère de fiabilité plus large (faits de violence, respect de la loi, consommation d'alcool, utilisation de certains médicaments) ainsi que par l'épreuve de tir du permis.
En Belgique , un certificat médical annuel sera exigé à partir de 2023 pour la possession d'armes.
d) Instaurer un certificat médical annuel pour pouvoir chasser
En France, la chasse se situe donc à mi-chemin entre le régime des sports et celui du permis de conduire. À l'étranger, les pratiques sont diverses, mais s'orientent vers un contrôle d'aptitude périodique parfois à partir d'un certain âge ou à travers la capacité à réussir une épreuve de tir.
Compte tenu du vieillissement de la population des chasseurs, la mission estime pertinent de renforcer le contrôle médical. Comme on l'a vu, l'âge n'est pas un facteur anodin dans un certain nombre d'accidents mortels .
Il serait possible de retenir une périodicité quinquennale ou triennale comme en Espagne ou en Italie.
Mais en France, cela correspondrait au régime des licences sportives sans risque particulier alors que tous les sports avec arme, dans des cadres sécurisés de stands de tir, exigent un certificat médical annuel.
La mission a estimé qu'il aurait été incompréhensible de retenir une telle solution au regard du droit en vigueur dans notre pays et propose de retenir un certificat annuel, alignant la chasse sur le régime des sports avec arme .
Cette solution a le bénéfice d'une certaine simplicité d'autant que nombre de chasseurs sont également licenciés de fédérations de tir et soumis à ce régime.
Proposition n° 11 : Rendre le certificat médical annuel obligatoire.
Aligner la chasse sur les sports avec arme et demander un certificat médical chaque année pour la validation du permis de chasser. Modifier en conséquence l'article L. 423 15 du code de l'environnement.
2. Interdire l'alcool et la drogue à la chasse
Le sujet de l'alcool à la chasse est l'occasion soit de caricatures, le sketch des Inconnus ayant laissé des traces durables, soit d'accusations de stigmatisation.
En réalité, qui peut justifier qu'il soit possible de manipuler une arme à feu en état d'ébriété ? La mission a constaté que les chasseurs eux-mêmes demandaient soit ouvertement, soit officieusement cette évolution pour ne plus supporter des accusations infondées et pouvoir écarter ceux qui ne respectent pas les règles élémentaires de prudence.
Comme l'a montré l'analyse des accidents, l'alcool cause beaucoup moins d'accidents de chasse (9 %) que d'accidents de la route, mais cette proportion suffit à justifier cette évolution législative attendue dont l'inscription dans le code de l'environnement permettra en outre aux agents de l'OFB de la contrôler et de la sanctionner.
a) Une interdiction partielle résultant de plusieurs dispositions
Actuellement, chasser en état d'ébriété n'est pas formellement interdit.
Les gendarmes disposent de deux possibilités :
- soit le sanctionner à l'occasion d'un contrôle routier dès lors qu'il y a un déplacement en véhicule pendant, avant ou après la chasse (article L. 234-1 du code de la route) ;
- soit de constater un état d'ivresse publique manifeste dans des lieux publics , sur une voie de circulation ou un chemin (article L. 3341-1 du code de la santé publique). Mais ce n'est pas possible sur une propriété privée.
Dans ce dernier cas, les agents chargés de la police de la chasse et de l'environnement mentionnés à l'article L. 428-20 du code de l'environnement (agents de l'OFB, de l'ONF, du domaine de Chambord, des réserves naturelles, les gardes du littoral, les Lieutenants de louveterie...) peuvent le constater, mais pas ceux mentionnés à l'article L. 3341-1 du code de la santé publique.
En revanche, l'article L. 3354-1 du code de la santé publique permet à l'ensemble des officiers et agents de police judiciaire, lorsqu'ils constatent un crime ou un délit, de faire procéder à une détection de présence d'alcool telle que prévue à l'article L. 234-1 du code de la route .
C'est dans ce cadre que l'imprégnation alcoolique ou à la drogue est recherchée en cas d'accident mortel et à chaque fois qu'un accident emportant des blessures est signalé suffisamment rapidement.
Les agents visés par l'article L. 428-20 du code de l'environnement, lorsqu'ils constatent qu'une personne en action de chasse est en état d'ébriété manifeste et que son comportement présente un risque grave et avéré pour la sécurité publique, peuvent faire appel à un officier de police judiciaire qui procèdera au constat du délit de mise en danger de la vie d'autrui (article L. 172-10 du code de l'environnement).
Par ailleurs, sur un plan administratif, l'agent confronté à un individu en état d'ébriété au cours d'une action de chasse peut en avertir le préfet, lequel est habilité au titre des articles L. 312-7 à L. 312-10 du code de la sécurité intérieure et 62 à 68 du décret n° 2013-700 du 30 juillet 2013 à procéder à la saisie d'armes et de munitions . Si le comportement ou l'état de santé de la personne détentrice d'arme et de munitions présente un danger grave pour elle-même ou pour autrui, le préfet peut lui ordonner de les remettre à l'autorité administrative . Cette mesure est prise sans formalité préalable ni procédure contradictoire, à titre préventif et dans l'intérêt de la sécurité publique à l'encontre de ladite personne.
Selon l'article L. 3354-3 du code de la santé publique, « lorsque le fait qui a motivé des poursuites en matière pénale peut être attribué à un état alcoolique , la juridiction répressive saisie de la poursuite peut interdire, à titre temporaire, à l'individu condamné, [...] l'obtention ou la détention du permis de chasser ». Une telle interdiction peut être prononcée à titre définitif en cas de récidive .
b) L'interdiction de l'alcool à la chasse à l'étranger
En Allemagne , l'alcool n'est pas interdit explicitement, mais il est formellement déconseillé par les instances fédérales pour prévenir les accidents. L'interdiction relève du responsable de la chasse qui peut l'imposer. Selon la jurisprudence, la consommation d'alcool avant ou pendant la chasse même à un niveau faible justifie la suspension ou le retrait du permis de chasser puisque cela indique que le chasseur n'est pas suffisamment fiable pour détenir une arme à feu.
Au Royaume-Uni , la manipulation d'une arme en état d'ébriété est interdite depuis 1876.
Il en est de même en Espagne où l'alcoolémie routière est retenue comme seuil par décret royal depuis 1993.
En Suisse , le canton de Neuchâtel a interdit l'alcool à la chasse en janvier 2022. Dans le canton de Vaud, la question a été posée en 2020, mais écartée au motif qu'au cours des vingt dernières années, il n'y avait eu que deux accidents entraînant des blessures et aucun mortel depuis trente ans. Les règles d'alcoolémie routière ont paru suffisantes. Enfin, les inspecteurs de l'environnement ont déjà le pouvoir d'interdire de chasser à une personne qui en raison de sa consommation d'alcool menacerait la sécurité, ce qui s'est produit une fois à l'automne 2019.
c) Pour une interdiction calquée sur l'alcoolémie routière
Ainsi, en France, au regard de l'état du droit et des pratiques étrangères, la mission estime devoir aller plus loin pour mettre fin aux pratiques dangereuses.
Le ministère de la justice a rappelé qu'une proposition de loi avait été déposée le 9 mars 1999 visant à réprimer le fait de chasser en état d'ébriété. Elle prévoyait des seuils identiques à ceux des délits et contraventions de conduite en état d'ivresse. Mais elle n'avait pas été votée.
La mission propose que soit défini, à l'instar des règles en vigueur pour la conduite automobile, un taux d'alcoolémie au-delà duquel l'état de la personne devient incompatible avec la manipulation d'une arme à feu dans le cadre d'une action de chasse .
Il s'agirait de permettre aux agents visés par l'article L. 428-20 du code de l'environnement de procéder au contrôle de l'imprégnation alcoolique soit en lien avec la commission d'une infraction (cf. article L. 234-3 du code de la route), soit de manière « préventive » en l'absence d'infraction préalable (cf. article L. 234-9 du code de la route).
Pour mémoire, le taux d'alcoolémie caractérisant la contravention de 4 ème classe est de 0,2 g/l pour les permis probatoires, et de 0,5 g/l ensuite. Sa transposition en matière de chasse pourrait entraîner une amende forfaitaire de 135 euros, la saisie des armes et la suspension du permis de chasser pendant trois ans.
L'infraction délictuelle est caractérisée à 0,8 g/l (article L. 234-1 du code de la route). Elle pourrait entraîner 4 500 euros d'amende, 2 ans d'emprisonnement, la confiscation des armes et le retrait définitif du permis de chasser.
Proposition n° 12 : Interdire l'alcool et les stupéfiants lors de la chasse.
Aligner le taux d'alcoolémie retenu et l'interdiction des stupéfiants ainsi que leurs sanctions respectives sur les règles en vigueur en matière de code de la route.
3. Développer une culture du tir
Dans plusieurs pays d'Europe du Nord ou de l'Est, où la culture de la chasse au grand gibier est ancienne et souvent élitiste, existe une culture du tir et des armes à feu qui conduit à exiger une parfaite maîtrise et des performances au tir. « Il n'est pas concevable d'être chasseur et mauvais tireur » a-t-on plusieurs fois affirmé à la mission.
Il ne s'agit pas ici de dire que les Français seraient malhabiles d'autant que les conditions de chasse sont très différentes, mais il est certain que le tir sportif, le nombre de stands et le soin porté au réglage de l'arme et à la précision du tir n'atteignent pas les niveaux constatés en Suisse, en Allemagne ou en Scandinavie.
S'il n'est pas absolument nécessaire d'être grand tireur pour tirer en sécurité, cela n'est vrai que jusqu'à un certain point. Plus on tire de balles en dehors de la cible plus on multiplie les risques. Lors d'une battue au grand gibier une moyenne de 6-7 balles par gibier tué n'a rien d'anormal.
Or, de l'avis même des chasseurs, cela résulte en grande partie d'un manque d'entraînement, de maîtrise du maniement de l'arme, de technique de tir et souvent de réglage de la carabine et des instruments de visée.
Des dispositifs comme le cinétir que nous avons visité sont pionniers en France. Il s'agit de stands de tir à balles réelles qui mettent les chasseurs, ou les forces de police, dans des conditions très proches de la réalité, car le tir se fait sur des scènes filmées ou reconstituées projetées sur une toile. Ils permettent également la visualisation de l'impact et l'analyse du tir. Ils résultent d'initiatives privées, mais aussi de fédérations de chasseurs. Gérard Lang, président de la fédération des chasseurs du Bas-Rhin, indiquait lors de son audition avoir été le premier à ouvrir un cinétir en France, en 2009, alors qu'il en existait déjà une vingtaine en Allemagne et qu'ils sont courants dans d'autres pays où les chasseurs s'entraînent très régulièrement. La FDC du Cantal a investi en 2021 dans la création d'un stand de tir. Il existe également des « cinématir » fonctionnant sur le même principe, mais où le tir est simulé. Ils sont moins onéreux à installer et peuvent l'être en zone urbaine.
En France, l'ANCGG développe depuis 2015 des stages de perfectionnement au tir qui sont assurés par plus de 200 moniteurs bénévoles formés à cet effet. Environ 1 000 chasseurs sont formés chaque année. L'objectif de l'ANCGG est d'accroître le nombre de moniteurs pour pouvoir former 2 000 chasseurs par an. Les résultats de ces formations montrent combien ce travail est nécessaire. Relatant l'une de ces séances dans sa revue Grande Faune 31 ( * ) , l'ANCGG constate que sur un stand de tir au sanglier courant, à 25 mètres, 49 % des tirs « tuent » l'animal, 17 % le blessent et 34 % le manquent. Ce pourcentage d'animaux « tués » baisse rapidement au fur et à mesure que la distance s'accroît : 42 % à 35 mètres, 27 % à 55 mètres, moins de 10 % à plus de 75 mètres... Le redoublement du tir sur une même cible, qui est un exercice technique assez difficile, n'est réussi que dans 17 % des cas, réussi partiellement (1 coup tue, un coup blesse) dans 45 %. Dans 37 % des cas, le tireur ne fait que blesser ou manquer.
Sans généraliser ces résultats, ils montrent la nécessité de développer une formation et des entraînements .
Comme cela a déjà été évoqué, dans plusieurs pays, des épreuves de tir figurent à l'examen du permis de chasser et la réussite d'épreuves périodiques est nécessaire pour le conserver .
La mission considère qu'un effort très important doit être accompli en France dans ce domaine .
Dans l'idéal, il serait souhaitable que chaque chasseur effectue annuellement le contrôle de son arme dans un stand et s'entraîne en tirant un nombre suffisant de balles alors que beaucoup de chasseurs ne tirent pas plus de dix cartouches dans une saison.
Dans le futur, il serait logique de l'exiger pour la validation d'un permis grand gibier comme ce peut être le cas dans le nord de l'Europe ou de manière plus espacée en Suisse.
À court terme, le nombre insuffisant de stands de tir et de moniteurs rend impossible une telle exigence .
Enfin, des associations ont signalé à la mission la nécessité de s'assurer de la couverture d'assurance des participants.
Proposition n° 13 : Développer une culture du tir.
Amplifier fortement les propositions de formation au tir et de réglage des armes par les fédérations de chasseurs et les associations cynégétiques.
Encourager les élus à favoriser l'installation de stands de tir sur leurs territoires.
Intégrer la couverture des entraînements au tir à l'assurance chasse et dans les contrats responsabilité civile standards pour ceux, en formation, qui n'ont pas encore validé le permis.
Inviter les compagnies d'assurance à soutenir ces initiatives soit en réduisant les cotisations sous réserve de formation soit en contribuant au financement de cinétirs.
* 31 N° 174, juin 2022. Résultats obtenus avec 2 693 balles tirées lors d'une formation organisée par une ADCGG.