II. UN ESPACE DISPUTÉ
1. La lutte d'influence dans les Balkans occidentaux
Depuis le sommet de Thessalonique de juin 2003 , les États membres de l'Union européenne ont consacré la « perspective européenne » de l'ensemble des pays des Balkans occidentaux . Toutefois, malgré l'intégration de la Croatie à l'Union en 2013 et l'ouverture récente des négociations d'adhésion avec l'Albanie et la Macédoine du Nord en juillet 2022, la lenteur du processus d'adhésion à l'Union européenne a généré des frustrations dans cet espace stratégique situé aux confins de l'Europe centrale et qui borde le nord du bassin méditerranéen.
Ce recul de l'influence européenne dans la région est accentué par la présence croissante dans les Balkans de puissances extérieures :
- la Russie , qui s'appuie sur sa proximité diplomatique et culturelle avec la Serbie ;
- la Chine , qui a investi 14,6 Md$ dans les Balkans occidentaux entre 2015 et 2019 dans le cadre du programme des nouvelles routes de la soie (BRI) ;
- et la Turquie , qui finance des actions culturelles pour restaurer le patrimoine ottoman de la région.
2. Les risques d'affrontements directs en Méditerranée orientale
Source : FMES, 2022, Atlas stratégique de la Méditerranée et du Moyen-Orient, (c) P. Orcier
Les règles de territorialisation des espaces maritimes prévues par le droit international s'appliquent plus difficilement en Méditerranée , du fait de son exiguïté. Par conséquent, il existe dans l'espace méditerranéen des « zones grises » revendiquées simultanément par plusieurs États.
Deux éléments sont venus renforcer les tensions liées aux revendications concurrentes en Méditerranée :
- l'adoption par les autorités turques de la doctrine révisionniste de la « Patrie bleue » revendiquant un espace maritime de 462 000 km 2 en contradiction avec les droits souverains revendiqués par la Grèce et Chypre. Cette politique a conduit par exemple à la signature en 2019 d'un accord entre la Turquie et la Libye sur leur frontière internationale communes, dénoncé par l'Union européenne comme contraire au droit international ;
- les découvertes à partir des années 2000 d'importantes réserves d'hydrocarbures au large des côtes israéliennes, chypriotes et égyptiennes représentant un stock estimé à 1,7 Md de barils de pétrole et 3 452 Md de m 3 de gaz naturel au total.
C'est dans ce contexte qu'on assiste à une multiplication des incidents en Méditerranée orientale , illustrée notamment par l'interception en 2018 par des navires militaires turcs d'un navire d'exploitation d'hydrocarbure ( Saipem 12000 ) se rendant dans sa zone de travail au large de Chypre ou par l'illumination à l'été 2020 de la frégate française Courbet par des navires turcs. Ces incidents maritimes, auxquels s'ajoutent des épisodes récents de violation de l'espace aérien grec par la Turquie et des déclarations menaçantes du président turc contre la Grèce pendant l'été 2022 , contribuent à maintenir une situation d'instabilité en Méditerranée orientale et à nourrir le risque d'une escalade militaire .
La présence dans le bassin levantin de l'île de Chypre , dont un tiers du territoire est occupé depuis près de cinquante ans, est un autre motif de renforcement des tensions dans cette région. L'emprise croissante de la Turquie sur la partie nord de l'île où sont stationnés 35 000 militaires auxquels s'ajoutent les drones Bayraktar TB2 récemment déployés sur la base aérienne de Geçitkale, accroît la tension.