N° 27
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 2022-2023
Enregistré à la Présidence du Sénat le 5 octobre 2022
RAPPORT D'INFORMATION
FAIT
au nom de la commission des affaires
européennes (1) sur la proposition de directive du
Parlement européen
et du Conseil relative à
l'amélioration des
conditions de travail dans
le cadre du travail via
une
plateforme COM(2021) 762 final,
Par Mmes Pascale GRUNY et Laurence HARRIBEY,
Sénateur et Sénatrice
(1) Cette commission est composée de : M. Jean-François Rapin, président ; MM. Alain Cadec, Cyril Pellevat, André Reichardt, Didier Marie, Mme Gisèle Jourda, MM. Claude Kern, André Gattolin, Pierre Laurent, Mme Colette Mélot, M. Jacques Fernique, Mme Véronique Guillotin, vice-présidents ; M. François Calvet, Mme Marta de Cidrac, M. Jean-Yves Leconte, Mme Amel Gacquerre, secrétaires ; MM. Pascal Allizard, Jean-Michel Arnaud, Mme Florence Blatrix Contat, MM. Philippe Bonnecarrère, Jean-Pierre Corbisez, Pierre Cuypers, Laurent Duplomb, Christophe-André Frassa, Mme Joëlle Garriaud-Maylam, M. Daniel Gremillet, Mmes Pascale Gruny, Laurence Harribey, MM. Ludovic Haye, Jean-Michel Houllegatte, Patrice Joly, Mme Christine Lavarde, MM. Dominique de Legge, Pierre Louault, Victorin Lurel, Franck Menonville, Mme Catherine Morin-Desailly, MM. Louis-Jean de Nicolaÿ, Pierre Ouzoulias, Mmes Elsa Schalck, Patricia Schillinger.
PARTIE I : LA TRANSFORMATION DU TRAVAIL PAR LA NUMÉRISATION DE L'ÉCONOMIE: UNE PROBLÉMATIQUE NOTAMMENT EUROPÉENNE
Les conditions de travail des travailleurs de plateformes au coeur des travaux du Sénat Au Sénat, depuis 2019, la question du statut des travailleurs de plateformes a fait l'objet de cinq propositions de loi et de deux missions d'information : 1) La proposition de loi n° 717 (2018-2019) relative au statut des travailleurs des plateformes numériques, déposée le 11 septembre 2019 par Pascal Savoldelli et ses collègues du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et Écologiste1(*) : Cette proposition de loi (PPL), rejetée par le Sénat le 4 juin 2020, estimait que dans les conditions actuelles, la loi ne garantissait pas certains droits importants pour les travailleurs, tels le droit à la négociation collective, l'obligation pour les plateformes de motiver la rupture du contrat commercial, ni le droit au chômage ou la couverture contre les accidents du travail. C'est pourquoi elle promouvait l'assimilation des travailleurs des plateformes à des salariés, avec des aménagements permettant de garantir leur indépendance. Cette PPL prévoyait que les travailleurs des plateformes étaient, par exemple, soumis aux règles sur la durée maximale quotidienne et hebdomadaire de travail, mais en dehors de ces exceptions, n'étaient pas soumis aux règles relatives au temps de travail. Dans le même temps, il était prévu que les travailleurs soient affiliés au régime général de la sécurité sociale. Enfin, il était proposé d'approfondir la responsabilité sociale des plateformes, à travers un mécanisme de couverture pour les maladies professionnelles. 2) La proposition de loi n° 155 (2019-2020) visant à rétablir les droits sociaux des travailleurs numériques, déposée le 28 novembre 2019 par Monique Lubin et ses collègues du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain2(*) : Cette PPL, rejetée par le Sénat le 15 janvier 2020, visait à obliger les travailleurs recourant pour l'exercice de leur activité professionnelle à une ou plusieurs plateformes de mise en relation par voie électronique sans en être salariés, à être des entrepreneurs salariés ou associés d'une coopérative d'activité et d'emploi (CAE). Pour les auteurs de la proposition de loi, ce regroupement économique solidaire des travailleurs de plateforme en entrepreneuriat collectif leur permettrait d'inscrire leur activité dans un cadre juridique existant, de bénéficier du statut d'entrepreneur salarié en CDI et d'une vraie protection sociale. Cette organisation collective leur permettrait en outre de peser dans les négociations futures de la contractualisation avec les plateformes numériques et, ainsi, de mieux faire valoir leurs droits. 3) La proposition de loi n° 187 (2020-2021) relative à la protection des travailleurs indépendants par la création d'un devoir de vigilance, à la défense du statut de salarié et à la lutte contre l'indépendance fictive, déposée le 4 décembre 2020 par Olivier Jacquin et plusieurs de ses collègues du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain3(*) : Cette proposition de loi, non soumise à ce jour à l'examen du Sénat, repose sur trois volets : d'abord, un « devoir de vigilance » de l'ensemble des entreprises envers les travailleurs indépendants, qui est l'extension du « devoir de vigilance », issu de la loi Potier de 2017. Il s'agit de responsabiliser les donneurs d'ordre envers les travailleurs indépendants avec lesquels ils contractualisent, afin d'améliorer le statut de ces indépendants. Ensuite, cette PPL définit une « action de groupe » permettant des requalifications collectives en salarié, afin de lutter contre l'«indépendance fictive ». Enfin, elle prévoit des dispositifs pour améliorer la représentation de ces travailleurs et développer un dialogue social équilibré au sein des plateformes et des branches professionnelles. 4) La proposition de loi n° 426 (2020-2021) visant à lutter contre l'indépendance fictive en permettant des requalifications en salarié par action de groupe et en contrôlant la place de l'algorithme dans les relations contractuelles, déposée le 4 mars 2021 par Olivier Jacquin et plusieurs de ses collègues du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain4(*) : Cette PPL, rejetée par le Sénat le 27 mai 2021, comportait trois articles visant à : - créer une procédure de requalification par action de groupe pouvant être exercée par plusieurs travailleurs, dès lors qu'ils sont placés dans une situation similaire et qu'ils subissent des préjudices résultant du recours à un statut fictif de travailleur indépendant ; - supprimer la présomption de non-salariat en la remplaçant par une présomption de contrat de travail, dès lors que la majeure partie du revenu est issue de l'exploitation d'un algorithme ; - donner la possibilité aux conseils de prud'hommes, saisis de demandes de requalification, d'exiger la production de l'algorithme utilisé par une plateforme et de recourir si nécessaire à un expert. 5) La proposition de loi n° 852 (2021-2022) relative aux travailleurs en situation de dépendance économique vis-à-vis des plateformes numériques, déposée le 2 août 2022 par Bruno Retailleau, Frédérique Puissat et plusieurs de leur collègues du groupe les Républicains5(*) Cette PPL souhaite dépasser la question du statut, en améliorant les droits des travailleurs de plateformes, en situation de dépendance économique. La proposition de loi crée un nouveau type de contrat « sur mesure », dénommé « contrat de dépendance numérique », qui doit prendre en compte les risques auxquels peut être exposé le travailleur, tout en ne remettant pas en cause sa liberté. Le texte vise à garantir aux travailleurs de plateformes de bénéficier d'une protection sociale améliorée, de mesures de prévention en matière de santé ainsi que de garanties sur la transparence du fonctionnement des algorithmes gouvernant leurs activités. La PPL instaure également un droit à la participation et à l'intéressement permettant d'associer les travailleurs à la réussite de la plateforme. *** 6) La mission d'information sur le droit social applicable aux travailleurs indépendants économiquement dépendants, dont les rapporteurs étaient Michel Forissier, Catherine Fournier et Frédérique Puissat, dont le rapport n° 452 (2019-2020), intitulé « Travailleurs des plateformes : au-delà de la question du statut, quelles protections ? »6(*), a été déposé par la commission des affaires sociales le 20 mai 2020. 7) Par ailleurs, le travail via les plateformes numériques a également été abordé par Martine Berthet, Michel Canevet et Fabien Gay dans le rapport d'information n°759 (2020-2021) de la délégation aux entreprises relatif aux « nouveaux modes de travail et de management »7(*) 8) La mission d'information créée à l'initiative du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et Écologiste sur le thème « Ubérisation de la société : quel impact des plateformes numériques sur les métiers et l'emploi ? », dont le rapport n° 867 (2020-2021) intitulé « Plateformisation du travail : agir contre la dépendance économique et sociale » a été déposé le 29 septembre 20218(*). |
I. LE DÉVELOPPEMENT DES PLATEFORMES EN EUROPE POSE LA QUESTION DU STATUT D'EMPLOI DE LEURS TRAVAILLEURS
A. UN ESSOR DES PLATEFORMES ET DE LEURS TRAVAILLEURS AU PROFIL DIVERSIFIÉ
1. Une diversité des plateformes...
Le Conseil national du numérique définit une plateforme comme « un service occupant une fonction d'intermédiaire dans l'accès aux informations, contenus, services ou biens édités ou fournis par des tiers », qui « organise et hiérarchise les contenus en vue de leur présentation et leur mise en relation aux utilisateurs finaux »9(*).
Plusieurs branches du droit national définissent les opérateurs de plateformes
En France, plusieurs définitions des opérateurs de plateforme coexistent :
-L'article L. 111-7 du code de la consommation définit un opérateur de plateforme en ligne en tant que « toute personne physique ou morale proposant, à titre professionnel, de manière rémunérée ou non, un service de communication au public en ligne reposant sur :
« 1° Le classement ou le référencement, au moyen d'algorithmes informatiques, de contenus, de biens ou de services proposés ou mis en ligne par des tiers ;
« 2° Ou la mise en relation de plusieurs parties en vue de la vente d'un bien, de la fourniture d'un service ou de l'échange ou du partage d'un contenu, d'un bien ou d'un service. »
--L'art. 242 bis du code général des impôts (CGI) définit un « opérateur de plateforme » en tant qu'« entreprise qui met en relation à distance, par voie électronique, des personnes en vue de la vente d'un bien, de la fourniture d'un service ou de l'échange ou du partage d'un bien ou d'un service ».
Les dispositions du code du travail et du code des transports s'appuient sur l'article 242 bis du CGI, en déterminant un sous-ensemble plus réduit astreint à des obligations spécifiques :
- L'art. L. 7342-1 du code du travail détermine la « responsabilité sociale» d'une plateforme : « lorsque la plateforme détermine les caractéristiques de la prestation de service fournie ou du bien vendu et fixe son prix, elle a, à l'égard des travailleurs concernés, une responsabilité sociale qui s'exerce dans les conditions prévues au présent chapitre ». En l'état actuel du marché français, ces dispositions ne trouvent à s'appliquer qu'aux plateformes de la mobilité (voiture de transport avec chauffeur -VTC, livraison de biens à deux et trois roues).
- Les articles L. 1326-1 à L. 1326-4 du code des transports établissent des dispositions spécifiques à la mise en relation de travailleurs ayant recours à des plateformes pour exercer une activité de conduite de VTC ou de livraison de marchandises au moyen d'un véhicule à deux ou trois roues.
Source : réponse au questionnaire des directions générales du travail et des entreprises (DGT/DGE)
Les définitions des plateformes varient, leurs types aussi. L'Inspection générale des Affaires sociales (IGAS) distingue ainsi six catégories principales de plateformes10(*) :
- les plateformes digitales dont l'activité se concentre sur le référencement de résultats, comme les moteurs de recherche ou les réseaux sociaux ;
- les plateformes collaboratives qui privilégient les échanges et relations de pair-à-pair ;
- les plateformes d'emploi permettant l'échange d'un bien ou d'un service produit par des « travailleurs collaboratifs ».
Parmi ces plateformes d'emploi, sont distingués six types de plateforme :
· les opérateurs de services organisés, au travers desquels des prestations obéissant aux mêmes règles sont produites par des professionnels (Uber, Deliveroo) ;
· les plateformes de micro-travail, qui mettent en relation à l'échelle internationale une offre et une demande de micro-tâches dématérialisées (Amazon Mechanical Turk) ;
· les plateformes dites de « jobbing », qui permettent aux particuliers de bénéficier de services à domicile (Wecasa) ;
· les plateformes de « freelances », qui apparient une offre et une demande de prestations de services à haute valeur ajoutée (Malt, Creads) ;
· les coopératives électroniques, qui utilisent les modes de production, de distribution et de consommation empruntés à l'économie sociale et solidaire (La Ruche Qui Dit Oui !) ;
· les plateformes de partage, qui permettent aux utilisateurs de mutualiser l'usage d'un bien (Blablacar).
Ces diverses plateformes ne sont donc pas soumises aux mêmes problématiques et soulèvent différents types d'interrogations.
Ainsi, les plateformes de services organisés (livraison de repas et voitures de transport avec chauffeur -VTC), qui déterminent à la fois les caractéristiques de la prestation fournie et son prix, semblent les plus exposées à la problématique de requalification en contrat de travail salarié, d'autant qu'elles utilisent des algorithmes pouvant constituer des outils de contrôle du travailleur. Par ailleurs, même au sein de ces plateformes, la nature de l'activité induit des problématiques différentes, par exemple s'agissant de la question de la précarité qui se pose avec plus d'acuité dans le cas des livreurs à vélo, une activité à faible valeur ajoutée et concernée par de forts risques professionnels.
2. ...qui s'accompagne d'une diversité des profils des travailleurs de plateforme....
A la diversité des plateformes s'ajoute celle des profils des travailleurs des plateformes.
Les sénateurs Martine Berthet, Michel Canevet et Fabien Gay, dans le rapport d'information n°759 (2020-2021) de la délégation aux entreprises relatif aux « nouveaux modes de travail et de management », indiquent que « se côtoient des travailleurs aux revenus extrêmement faibles, souvent dépendants des plateformes qui leur permettent de trouver une activité, des étudiants qui recherchent uniquement des revenus d'appoint, ou encore des indépendants en freelance qui y trouvent des revenus élevés allant jusqu'à 150 000 euros annuels dans le domaine du numérique».
Il est ainsi difficile d'établir un « profil-type » des travailleurs des plateformes, puisqu'il varie en fonction du modèle et de l'activité de la plateforme. Il est néanmoins possible, à la lueur de données de l'étude d'impact de la directive de la Commission européenne et des auditions réalisées par les rapporteurs, d'indiquer quelques caractéristiques communes à ces travailleurs.
a) Le profil de ces travailleurs dans l'Union européenne
Au niveau européen11(*), il semblerait que ces travailleurs des plateformes soient le plus souvent des hommes, jeunes, en tout cas plus jeunes que dans les métiers traditionnels. En 2018, l'âge moyen des travailleurs de plateforme était de 33,9 ans, contre 42,6 ans dans les métiers traditionnels. Il est par ailleurs intéressant de noter que la proportion de tels travailleurs nés à l'étranger est de 13,3% dans l'Union européenne. Il semblerait également que la plupart exercent ce travail comme une activité secondaire à une activité principale. D'après l'étude d'impact de la Commission, il apparaît également que les travailleurs sont, en moyenne, plus éduqués que le reste de la population.
Cette dernière caractéristique - comme les précédentes d'ailleurs - est à relativiser tant il y a de différences entre États membres et surtout entre types de plateformes. Ce sont là les limites méthodologiques de l'exercice.
Cela dit, il est intéressant de noter que, selon l'étude d'impact de la directive, environ 55 % des personnes travaillant par l'intermédiaire des plateformes gagnent moins que le salaire horaire net du pays dans lequel ils travaillent.
b) Le profil de ces travailleurs en France
D'après le rapport de la commission des affaires sociales12(*), les travailleurs des plateformes sont généralement des travailleurs indépendants, plus rarement des salariés (par exemple, lorsque des sociétés de transport utilisent les plateformes).
En France, l'émergence des plateformes de travail a été largement favorisée par la création du statut d'auto-entrepreneur
Le statut d'auto-entrepreneur - crée par la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l'économie, dite « loi Novelli » - puis fusionné au sein du régime de la micro-entreprise en 2016 - a permis à un grand nombre d'individus éloignés de l'emploi de créer leur entreprise en minimisant les contraintes et les risques liés à la création d'entreprise. Ce régime constitue aujourd'hui le cadre juridique principal de l'activité des travailleurs de plateformes. D'après une enquête, menée en mai 2021, par la Direction générale des entreprises (DGE), les travailleurs de plateformes de la mobilité étaient répartis comme suit: VTC : 48% de micro-entrepreneurs ; 30% de SASU13(*) et 22% d'EURL14(*) et autres/Livreurs : 96% de micro-entrepreneurs et 4% d'autres.
Source : réponse au questionnaire de la DGE
Les éléments communiqués aux rapporteurs par les plateformes auditionnées confirment une différence de profils selon le travail effectué.
Une différence de profils selon l'activité de la plateforme Ainsi, les livreurs chez Deliveroo seraient relativement jeunes (66% ont moins de 35 ans), la moitié environ n'a pas le baccalauréat et 56% ont une autre activité en parallèle (études, emploi salarié). Plus de la moitié travaille avec la plateforme moins de 30 heures par semaine. En 2021, une prestation rapportait en moyenne à un livreur partenaire 5,6 euros et durait en moyenne 11 minutes et 12 secondes. Côté Uber, doivent être distingués, d'un côté, des chauffeurs (Uber) qui sont désireux de conserver leur indépendance, dont l'activité s'est professionnalisée (pour les véhicules, examen « VTC », etc.) et qui se positionnent comme des entrepreneurs à temps plein avec une moyenne d'âge de 42,3 ans, et de l'autre, des livreurs (Uber eats), dont l'activité est marquée par une absence de barrière à l'entrée et est opérée de manière complémentaire et temporaire du fait de la saisonnalité et pendularité des commandes. De fait, le profil des livreurs est plus jeune avec une moyenne d'âge de 25 ans (étudiants, employés) et un « turn over » de 10 mois en moyenne. Concernant Just eat, la majorité des contrats sont de 10/15 heures en majorité avec des étudiants. Concernant les autres contrats (24h à 35 h), il n'y a pas de profil-type, mais ils concernent en général des personnels peu diplômés. Chez Brigad, plateforme de mise en relation dans l'hôtellerie/restauration et le médico-social, 90% des professionnels à leur compte, ont le statut micro-entrepreneur. Tous les profils enregistrés sur la plateforme disposent d'une qualification (quand leur activité relève d'une profession réglementée) ou d'expériences avérées. La moyenne d'âge est de 32 ans, avec un fort écart-type de 18 à 62 ans (55% de femmes et 45% d'hommes). Le taux horaire minimal à 20 euros/h est imposé par Brigad, et le taux horaire moyen est de 24 euros/h. Brigad constitue le revenu primaire pour 35% des professionnels. Source : réponses aux questionnaires |
3. ....de plus en plus nombreux
On assiste à un phénomène de « plateformisation » de l'économie -expression utilisée par la dernière mission d'information du Sénat sur le sujet15(*) - qui se traduit également par une multiplication des secteurs touchés.
Il est vrai que le manque de statistiques sur le sujet - mis en évidence par les derniers travaux du Sénat précités - empêche d'appréhender correctement ce phénomène de « plateformisation », en raison de la difficile comptabilisation de ces catégories diverses de travailleurs. Toutefois, il n'en demeure pas moins que le nombre de tels travailleurs est en progression et qu'il augmentera encore dans le futur.
Dans son étude d'impact, la Commission européenne recense 28 millions de travailleurs de plateforme dans l'Union européenne, et estime qu'ils seront 43 millions en 2025. Près de 800 plateformes sont aujourd'hui actives dans l'Union européenne, principalement dans le secteur de la livraison (50%).
Entre 2016 et 2020, les recettes de l'économie de plateformes ont presque été multipliées par cinq, dans l'Union européenne, passant de 3 milliards d'euros estimés à environ 14 milliards d'euros.
En France, le nombre de livreurs/chauffeurs VTC est estimé à 120 000 personnes, par le Gouvernement. En 2017, l'Enquête Emploi menée par l'INSEE faisait ressortir que 7 % des indépendants utilisaient une « plateforme numérique ou un autre intermédiaire » afin de rencontrer leur clientèle. Cela représente également 200 000 travailleurs, soit finalement environ 0,8 % de la population active en emploi. Ce faible pourcentage a conduit les rapporteurs de la commission des affaires sociales à nuancer l'analyse, affirmant que « l'essor des plateformes numériques est une réalité dont l'écho médiatique dépasse largement l'ampleur réelle »16(*).
Toutefois, le nombre de travailleurs des plateformes augmente rapidement en France, comme le montrent les données sectorielles. Ainsi, le nombre de micro-entrepreneurs inscrits dans le secteur des transports (VTC et livraison) s'est accru en une seule année de 80,6 %, entre 2017 et 2018. Deliveroo a également indiqué aux rapporteurs, que la plateforme travaille aujourd'hui en France avec 22 000 livreurs partenaires, contre 14 000 il y a un an.
* 1 http://www.senat.fr/dossier-legislatif/ppl18-717.html
* 2 https://www.senat.fr/dossier-legislatif/ppl19-155.html
* 3 https://www.senat.fr/dossier-legislatif/ppl20-187.html
* 4 http://www.senat.fr/dossier-legislatif/ppl20-426.html
* 5 http://www.senat.fr/leg/ppl21-852.html
* 6 https://www.senat.fr/notice-rapport/2019/r19-452-notice.html
* 7 http://www.senat.fr/rap/r20-759/r20-7592.html#toc150
* 8 https://www.senat.fr/rap/r20-867/r20-867.html
* 9 Conseil national du numérique, « Ambition numérique : pour une politique française et européenne de la transition numérique », juin 2015, p 395
* 10 Nicolas AMAR et Louis-Charles VIOSSAT. Les plateformes collaboratives, l'emploi et la protection sociale. Rapport de l'IGAS, 2016, n° 2015-121
* 11 D'après l'étude étayant l'analyse d'impact d'une initiative de l'UE sur l'amélioration des conditions de travail des travailleurs des plateformes (Study to support the impact assessment of an EU Initiative on improving the working conditions of platform workers), PPMI, 2021, p 58
* 12Rapport d'information n° 452 (2019-2020) de Michel FORISSIER, Catherine FOURNIER et Frédérique PUISSAT, fait au nom de la commission des affaires sociales, p 25
* 13 Société par actions simplifiée unipersonnelle.
* 14 Entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée
* 15 Rapport d'information n° 867 (2020-2021) de Pascal SAVOLDELLI, fait au nom de la mission d'information « Ubérisation », 29 septembre 2021.
* 16 Rapport d'information n° 452 (2019-2020) de Michel FORISSIER, Catherine FOURNIER et Frédérique PUISSAT, fait au nom de la commission des affaires sociales, p 17.