B. L'ÉDUCATION NATIONALE : UN OPÉRATEUR-PAYEUR QUI SUBIT AU LIEU D'ASSUMER

Le rapporteur estime que la gestion actuelle, par l'Éducation nationale, du dossier de l'inclusion scolaire est inadaptée au phénomène de massification de l'aide humaine et pas à la hauteur de l'enjeu d'accessibilité de l'école de la République.

Tous les acteurs du secteur, y compris les représentants de l'Éducation nationale, reconnaissent unanimement que celle-ci ne mobilise que très insuffisamment les outils d'adaptation pédagogique de droit commun pour rendre l'école accessible aux ESH. Et, quand elle le fait, c'est le plus souvent en aval des notifications des MDPH, par réaction, et non en amont, par anticipation. Autrement dit, l'Éducation nationale s'est abritée derrière l'essor de la compensation et a « externalisé » la prise en charge des situations de handicap aux accompagnants, à savoir aux AESH.

Face à cette dérive, le rapporteur rappelle que l'accessibilité de l'école est de la responsabilité pleine et entière de l'Éducation nationale et qu'elle est le premier facteur de réussite de l'inclusion scolaire.

Recommandation n° 5 : Appeler l'Éducation nationale à assumer pleinement son rôle en matière d'accessibilité en :

- développant et systématisant l'accessibilité des matériels pédagogiques, notamment via le cahier des charges s'imposant aux éditeurs, et celle des outils numériques ;

- adaptant les fournitures scolaires aux ESH ;

- mettant en oeuvre les adaptations pédagogiques nécessaires, sans attendre les éventuelles mesures de compensation prescrites par les MDPH.

L'une des explications à cette forme de décharge de la part de l'Éducation nationale est le déficit de culture pédagogique sur l'inclusion scolaire, le degré d'acculturation au handicap étant très variable d'un établissement scolaire à l'autre, d'un enseignant à l'autre (selon des études, les enseignants de moins de 35 ans sont plus sensibilisés à la prise en charge du handicap que leurs aînés). Ce constat pose la question centrale de la formation des personnels de l'Éducation nationale à cette problématique, que le rapporteur juge clairement insuffisante tant en amont de la prise de poste qu'au cours de la carrière, ainsi que celle de leur accompagnement au moment où des situations de prise en charge se présentent.

Recommandation n° 6 : Accroître la formation initiale et continue des personnels de l'Éducation nationale à la prise en charge des ESH.

Mettre en place, à leur bénéfice, un accompagnement ponctuel et adapté, via le déploiement en nombre suffisant de référents ou de conseillers handicap à l'échelle de chaque académie.

Le rapporteur constate que l'Éducation nationale pèche aussi par son manque d'outils d'analyse : absence de recensement, par territoire scolaire, des besoins en matière de prise en charge des ESH, insuffisance du « guide d'évaluation des besoins de compensation en matière de scolarisation » (GEVA-sco) sur la prise en compte des besoins de l'enfant dans son environnement scolaire. À cela s'ajoutent des disparités de pratiques selon les directions des services départementaux de l'Éducation nationale (DSDEN), validant le constat dressé par de nombreux acteurs selon lequel il n'existe pas de véritable service public national de l'école inclusive.

L'Éducation nationale se heurte également aux moyens limités dont elle dispose pour mettre en oeuvre les prescriptions d'aide humaine qui arrivent au fil de l'eau, avec un « pic » en été avant la rentrée scolaire, et sa difficulté à anticiper les flux, elle-même liée à une évaluation parcellaire des besoins territoriaux. La récente mise en place des pôles inclusifs d'accompagnement localisés (Pial) a, certes, globalement amélioré la situation en termes de gestion des ressources humaines d'accompagnement, mais ce nouvel outil territorialisé présente aussi plusieurs limites : insuffisance des moyens humains, financiers et techniques, grande hétérogénéité de configuration selon les territoires, manque de prise en compte de la dimension qualitative des besoins d'accompagnement.

Il en résulte que les prescriptions ne sont, dans les faits, souvent pas respectées alors qu'elles ouvrent des droits, expliquant l'augmentation des contentieux portés devant les juridictions et des saisines du Défenseur des droits ou de la Médiatrice de l'Éducation nationale.

Recommandation n° 7 : Renforcer les outils d'analyse et de gestion de l'Éducation nationale en :

- améliorant le GEVA-sco pour permettre une analyse plus qualitative des besoins de l'élève dans son environnement scolaire, préalable à une demande de compensation ;

- faisant des Pial non pas seulement un outil de gestion administrative des ressources humaines, mais aussi un levier de pilotage stratégique au service de la qualité de l'accompagnement des ESH ;

- redimensionnant la taille des Pial, afin de mieux les adapter aux réalités du contexte local.